La quasi-totalité des conventions de franchise sont conclues pour une durée déterminée (exprimée en nombre d'années ou de mois, ou avec une date de fin) à laquelle s'ajoutent souvent une ou quelques périodes de renouvellement dont la durée est aussi déterminée.
Quels sont les droits et obligations des parties à un tel contrat lorsqu'arrive la fin de la ou, lorsque le contrat stipule une période de renouvellement, la fin de la durée de la, ou de la dernière, période de renouvellement?
Plusieurs franchisés sont sous l'impression qu'ils pourront continuer à exploiter leurs entreprises franchisées jusqu'à leur décès ou jusqu'à ce qu'ils décident de la vendre ou de la fermer, et ne réalisent pas pleinement que leurs conventions de franchise ont une durée limitée et une date de fin.
Dans un tel contexte, réalisant les conséquences très lourdes de la fin de la franchise pour un franchisé et sur son entreprise, un franchiseur peut-il être légalement tenu d'offrir à un franchisé qui n'a pas commis de défaut et qui veut poursuivre l'exploitation de son entreprise franchisée un nouveau contrat de franchise au terme de la durée de la convention en cours?
La réponse à cette question est, en principe, négative.
En effet, en droit québécois, un tribunal ne peut, même pour des raisons d'équité, réécrire un contrat, notamment pour y ajouter une clause (telle une période de renouvellement ou d'extension) qui ne s'y trouve pas.
Il y a par contre quelques « mais »…
Le premier « mais » concerne la clarté du contrat.
Il faut que le contrat soit clair quant à sa durée, quant au moment de la fin de cette durée et quant à l'absence de quelque autre option ou période de renouvellement.
Surtout lorsque la convention de franchise est un contrat d'adhésion (c'est-à-dire lorsque le franchisé n'a pas eu l'opportunité d'en discuter les stipulations essentielles), tout doute quant au moment de la fin de la durée du contrat ou quant à l'existence, ou non, d'une option ou d'une période de renouvellement sera interprété à l'encontre du franchiseur.
Le deuxième « mais » concerne le comportement des parties à l'approche de la fin de la durée de la convention.
Par exemple, si le franchiseur pose des gestes laissant entendre sa volonté d'offrir à son franchisé un nouveau contrat ou, encore, un renouvellement ou une prolongation de sa convention de franchise, un tribunal pourra conclure (i) qu'un tel contrat additionnel, un tel renouvellement ou une telle extension a effectivement été accordé par le franchiseur (puisqu'un contrat peut être verbal), ou, plus souvent, (ii) que le franchiseur n'a pas agi de bonne foi en laissant faussement entendre sa volonté de poursuivre sa relation contractuelle avec le franchisé, ce qui peut rendre le franchiseur responsable de dommages envers son franchisé.
Un franchiseur a d'ailleurs déjà été condamné à verser des dommages à un ex-franchisé après s'être engagé activement, en conjonction étroite avec celui-ci, dans des démarches et des négociations auprès du bailleur aux fins du renouvellement du bail de l'entreprise franchisée pour une période subséquente à la fin de la durée de la convention de franchise, laissant ainsi clairement entendre à son franchisé qu'il avait l'intention de consentir au renouvellement du terme de sa convention de franchise.
Le troisième « mais » touche les motifs pour lesquels le franchiseur décide, le cas échéant, de ne pas offrir un nouveau contrat, un renouvellement ou une prolongation de contrat à son franchisé.
Fondamentalement, comme il s'agit de la fin de la durée d'un contrat, le franchiseur est, comme toute autre personne, entièrement libre de contracter, ou de ne pas contracter de nouveau, avec toute personne de son choix, et n'a pas à justifier ses décisions à ce chapitre.
Par contre, si le franchisé réussit à prouver que cette décision a été prise dans un but malicieux et de mauvaise foi (par exemple, dans le seul but de s'accaparer, sans contrepartie raisonnable, de l'entreprise du franchisé pour l'offrir à une personne proche du franchiseur ou tout simplement pour la garder pour lui) ou, encore plus, pour un motif allant à l'encontre d'une règle d'ordre public (dont, par exemple, pour l'un motifs prohibés par la Charte des droits et libertés de la personne (Québec), lesquels comprennent « la race, la couleur, le sexe, l'identité ou l'expression de genre, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap »), le franchiseur pourra aussi être tenu responsable de dommages, ainsi que, si le motif de refus va à l'encontre de la Charte des droits et libertés de la personne (Québec), de dommages punitifs.
Il convient de noter que, même dans ces cas, le tribunal ne peut ajouter une durée additionnelle au contrat, mais seulement condamner le franchiseur à des dommages en raison de ses gestes.
Voici donc quelques conseils pratiques à l'approche de la fin de la durée de la convention de franchise ou de sa période de renouvellement (ou de la dernière de ses périodes de renouvellement si la convention en a plus d'une) :
• Assurez-vous d'avoir des contrats clairs quant à leur durée (y compris quant au nombre et à la durée de toute période de renouvellement) et quant aux obligations du franchisé au moment et après le moment de la fin de cette durée;
• Si vous souhaitez offrir à votre franchisé un nouveau contrat, un renouvellement ou une prolongation de contrat, avec ou sans conditions :
• Informez en votre franchisé suffisamment à l'avance (nous vous suggérons une période d'au moins six mois et, pour les franchises plus importantes, d'au moins un an) afin de connaître ses intentions et de vous laisser le temps de bien négocier cette nouvelle entente;
• Signez votre nouvelle entente plusieurs mois avant la fin de la durée du contrat de franchise afin de vous laisser un délai suffisant pour mettre en place le processus applicable à compter du moment de la fin de la durée du contrat dans le cas où il s'avérait impossible de vous entendre avec votre franchisé sur les conditions et modalités de cette nouvelle entente;
• Par contre, si vous ne souhaitez pas offrir à votre franchisé un nouveau contrat, un renouvellement ou une prolongation de contrat :
- Bien que, sauf si votre convention de franchise le prévoit, vous ne soyez pas légalement tenu de ce faire, il est recommandé d'en informer votre franchisé suffisamment à l'avance afin de lui permettre de minimiser ses dommages ou, parfois, de vendre son entreprise franchisée;
- Eacute;vitez toute ambiguïté concernant votre décision de ne pas offrir à votre franchisé un nouveau contrat, un renouvellement ou une prolongation de contrat, notamment lors de vos communications avec ce dernier ou par votre comportement vis-à-vis d'autres personnes (dont les autres franchisés, les bailleurs, les fournisseurs, etc.);
- Assurez-vous de bien respecter à la lettre toutes les clauses (y compris les clauses qui vous semblent de nature plus technique, telles, par exemple, les clauses de délai et d'avis) de votre convention de franchise applicables à l'approche, au moment et à compter du moment de la fin de sa durée;
- À l'approche de la fin de la durée du contrat et, encore une fois, même lorsque votre convention de franchise ne l'exige pas de vous, avisez votre franchisé, dans un délai raisonnable pour lui permettre de s'y conformer en temps opportun, de ses obligations au moment et à la suite du moment de la fin de la durée de son contrat;
- Dès le moment de la fin de la durée du contrat, prenez sans délai toutes les mesures requises pour faire en sorte que votre franchisé cesse immédiatement d'exploiter sa franchise sous votre bannière sans entente écrite à ce propos, notamment pour protéger vos marques de commerce et pour éviter que le franchisé ne puisse ultérieurement prétendre que sa convention de franchise s'est poursuivie pour une durée indéterminée, ou tacite, après la fin de la durée stipulée au contrat.
Fasken possède toute l'expertise et toutes les ressources nécessaires pour bien vous conseiller et vous seconder dans tous les aspects du démarrage, de la gestion et de l'expansion de votre réseau, y compris en matière de relations avec vos franchisés et avec toute association, ou groupement, de franchisés, et ce, partout au monde.