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Appel d’une décision du TAQ devant la Cour du Québec à l’aune de l’arrêt Vavilov : un nouveau départ?

Fasken
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Immobilier

Les règles de l'appel à la Cour du Québec d'une décision du Tribunal administratif du Québec (« TAQ ») peuvent sembler, au premier abord, simples et faciles d'application. En effet, les règles exposées aux articles 159 à 164 de la Loi sur la justice administrative[1] (« LJA ») n'ont rien d'incompréhensible, bien au contraire, comme il sera plus amplement démontré dans la première partie de notre analyse.

Malgré cette simplicité du vocabulaire utilisé par le législateur, le lecteur pourra constater que la mise en œuvre de cet appel a vu deux positions divergentes s'imposer au cours des années, tel que nous le montrerons au cours de la première partie de notre propos. C'est plus particulièrement dans l'élaboration des critères d'octroi de la permission d'appeler que les divergences des positions se sont manifestées.

Ainsi, dans l'affaire Lamarche McGuinty inc. c. Bristol (municipalité de)[2] (« Lamarche »), Monsieur le juge Jean-François Gosselin s'est déclaré d'avis que l'article 159 de la LJA devrait s'appliquer de manière restrictive. Aux fins d'une meilleure compréhension, voici le texte de cette disposition :

159. Les décisions rendues par le Tribunal dans les matières traitées par la section des affaires immobilières, de même que celles rendues en matière de protection du territoire agricole, peuvent, quel que soit le montant en cause, faire l'objet d'un appel à la Cour du Québec, sur permission d'un juge, lorsque la question en jeu en est une qui devrait être soumise à la Cour.

Par ailleurs, le juge Denis Lavergne, dans l'affaire Québec (Procureur général) c. Forages Garant et Frères inc.[3] (« Forages Garant »), se montre en désaccord avec les motifs de Monsieur le juge Gosselin. À ce jour, ces deux courants continuent à coexister. Toutefois, nous verrons que le très récent arrêt Vavilov[4] (« Vavilov ») est venu changer la donne. À cette fin, dans un premier temps, nous procéderons à un bref survol de ces deux affaires pour ensuite procéder à un examen des principes fondamentaux énoncés dans Vavilov. Nous examinerons également la nature et la portée du droit d'appel conféré par le législateur à la Cour du Québec et les travaux législatifs ayant pavé la route à ce mécanisme si essentiel. Enfin, nous analyserons la jurisprudence récente afin de voir comment et surtout dans quelle mesure la Cour du Québec et la Cour supérieure ont interprété les principes exposés dans Vavilov aux fins de la mise en œuvre du droit d'appel et du contrôle judiciaire de cet appel.

C'est donc à la lumière de ce nouvel arrêt phare que nous tenterons de dégager les principes qui en résultent pour la Cour du Québec dans ses fonctions d'appel d'une décision rendue par le TAQ, notamment en matière d'expropriation et de droit foncier ainsi que de protection du territoire agricole. Il est à noter que le présent texte préconise davantage une approche analytique critique qu'un survol synthétique de la jurisprudence afin de mettre en lumière les principaux rouages du mécanisme d'appel, et ce, dans le but avoué d'en montrer certains dysfonctionnements.

La jurisprudence en matière d'appel d'une décision du TAQ à la Cour du Québec : deux courants de pensée

Comme le faisaient judicieusement remarquer nos confrères et auteurs André Lemay et Lahbib Chetaibi[5], un examen de la jurisprudence en matière d'une décision du TAQ à la Cour du Québec met en évidence l'émergence de deux courants de pensée en ce qui a trait au rôle de la Cour du Québec siégeant en appel d'une décision du TAQ. Compte tenu du fait que ces deux jugements constituent encore aujourd'hui l'assise des principales interprétations de l'article 159 LJA, il convient d'en revoir les tenants et aboutissants. Sans entrer dans une analyse exhaustive, car celle-ci a déjà été très bien faite par les auteurs Lemay et Lahbib, nous ne ferons qu'exposer les grandes lignes de ces deux jugements.

L'affaire Lamarche

Encore de nos jours, cette décision constitue l'assise de la jurisprudence la plus appliquée, à savoir une conception formelle et stricte de l'appel et de la demande pour permission d'appeler. Le 29 octobre 1998, le TAQ refusait de reconnaître qu'il y avait eu transaction en vertu de l'article 2631 C.c.Q. Bien que n'ayant pas été contestée par les intimées, la municipalité de Bristol et la MRC de Pontiac, la Cour du Québec siégeant en appel affirma que cela ne la dispensait pas de procéder à l'examen des règles applicables aux permissions d'appel.

La Cour commence son analyse par une lecture comparée des articles 159 LJA et 147 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels[6] et de l'article 91 al. 1 de la Loi sur la Régie du logement[7]. À partir de cette lecture comparée, la Cour conclut que :

6  On aura déjà remarqué ici que, bien que tous trois assujettis à la nécessité d'obtenir préalablement l'autorisation d'un juge de notre Cour, le droit d'appel des décisions de la Commission d'accès à l'information est limité aux questions de droit et de compétence alors que celui des décisions de la Régie du logement et du Tribunal administratif du Québec ne comporte pas de restrictions de cette nature.

7  On prendra par ailleurs acte du fait que la cristallisation législative de la discrétion judiciaire reconnue par le législateur québécois s'exprime, en matière d'appel sur permission des décisions des tribunaux administratifs, dans des termes identiques à ceux inclus au Code de procédure civile en matière d'appel sur permission des décisions des tribunaux judiciaires. L'article 26 al. 2 C.p.c. est en effet libellé de la façon suivante :

"Peuvent aussi faire l'objet d'un appel, sur permission d'un juge de la Cour d'appel, lorsque la question en jeu en est une qui devrait être soumise à la Cour d'appel : (….)[8].

Partant, la Cour en déduit qu'il faut privilégier une approche uniformisée du droit d'appel à la Cour du Québec et conclut par cette expression qui fera florès « l'appel sera donc autorisé lorsque la question soumise est sérieuse, controversée, nouvelle ou d'intérêt général[9]».

Par la suite, la Cour envisage brièvement d'adopter la grille d'analyse proposée par Mes Réjean Rioux et Mario St-Pierre[10], qui était celle autrefois applicable aux décisions de l'ancien Bureau de révision de l'évaluation foncière. Toutefois, la Cour y renonce en raison du fait que ce précédent appel était de plein droit, alors que celui prévu à l'article 159 LJA est sur permission :

16  (…)  les auteurs suggèrent que l'autorisation devrait être facilement accordée lorsque la question en litige est une question de droit pure et significative. Ce qui reviendrait, en pratique, à métamorphoser l'appel sur permission en appel quasi de plano sur une question de droit pure et significative[11].

Enfin, la Cour critique et rejette l'interprétation large des dispositions de la LJA :

24  Car, malgré le libellé apparemment très peu contraignant de l'article 151 de la Loi sur la justice administrative et la grande latitude qu'il semble de prime abord accorder au juge de la Cour du Québec appelé à statuer sur une requête pour permission d'en appeler, la jurisprudence développée par la Cour d'appel et la Cour du Québec dans les matières qui peuvent faire l'objet d'un appel "lorsque la question en jeu en est une qui mérite d'être soumise" à l'instance d'appel invite à la retenue. Or, cette retenue doit être d'autant plus grande quand l'on se trouve, comme c'est le cas ici, en présence d'un tribunal de première instance multidisciplinaire, collégial, spécialisé et pouvant revendiquer un très haut niveau d'expertise sur des questions techniquement complexes; contrairement à la Régie du logement, qui s'apparente davantage à un tribunal judiciaire qu'à un tribunal administratif[12]. (Nous soulignons)

Ainsi, en raison du caractère « multidisciplinaire, collégial, spécialisé et pouvant revendiquer un très haut niveau d'expertise sur des questions techniquement complexes », la permission d'en appeler ne sera accordée que « parcimonieusement en fonction du caractère sérieux, controversé, nouveau ou d'intérêt général de la question soulevée[13]». La Cour refuse donc la permission d'en appeler jugeant que la question « ne soulève donc pas une question sérieuse, controversée, nouvelle ou d'intérêt général, la question du statut de l'évaluateur municipal et de ses représentants ainsi que de leur capacité à lier juridiquement les intimées faisant par ailleurs l'objet d'une jurisprudence aussi nombreuse que cohérente[14]».

L'affaire Forages Garant

C'est en avril 2002, soit environ trois ans après l'affaire Lamarche, que l'affaire Forages Garant[15] fut rendue. Le Procureur général du Québec demandait l'autorisation d'en appeler d'une décision rendue par le TAQ qui avait accordé en faveur à l'intimée, aux fins d'une expropriation, une indemnité définitive de 254 119 $.

La Cour commence son examen par une analyse méthodique de l'affaire Lamarche et fait état des critères de la question « sérieuse, controversée, nouvelle et d'intérêt général » ainsi que de l'approche « parcimonieuse » dans l'octroi de la permission d'en appeler. Toutefois, elle entreprend un examen détaillé de l'analogie établie entre l'article 159 LJA et l'article 26 C.p.c qui gouverne l'appel devant la Cour d'appel. En outre, la Cour passe en revue les arrêts de la Cour d'appel ayant trait à la distinction résultant d'un droit d'appel conféré par une loi spécifique, comme c'est le cas de l'article 159 LJA, et celui d'un appel prévu au C.p.c. La Cour expose son raisonnement en ces termes :

[14]     Le texte de l'article 51 inspire davantage de souplesse à monsieur le juge Vallerand qui écrit :

«… L'article 51 de la Loi sur les transports et l'article 26 paragraphe 4 C.P. se ressemblent au point qu'on peut fort bien être tenté d'appliquer au premier les principes dégagés en application du second. Mais c'est là, soit dit avec égards, oublier que le principe de l'article 51 est la création d'un droit d'appel, alors que le principe de l'article 26 paragraphe 4 est la concession d'une exception au caractère non appelable des jugements dont il s'agit. Bref, le justiciable de l'article 51 reçoit un droit d'appel, restreint, certes mais non moins pour autant réel, tandis que le justiciable de l'article 26 se voit exceptionnellement autorisé à se pourvoir dans une matière où il n'a pas de droit d'appel. Il m'apparaît dès lors parfaitement admissible que la permission d'appeler en application de l'article 26 paragraphe 4 soit destinée à servir l'élaboration du droit et non pas le justiciable dont l'appel met en cause les intérêts, par définition, relativement minimes, ce pourquoi du reste le jugement qui en dispose est en principe un jugement définitif.

L'article 51 confère au juge de notre cour une discrétion très large lorsqu'il pose, « suivant l'opinion de ce juge », une proposition tout à fait inutile et sans signification aucune, sauf celle précisément d'accorder une très grande discrétion. L'exercice de cette discrétion, une fois acquis que le pourvoi proposé porte bien sur une question de droit tel que l'exige l'article 51, doit ensuite s'intéresser au caractère sérieux du reproche adressé à la décision et, le cas échéant, à la gravité de l'incidence de la décision entreprise sur le sort du justiciable. …[16] ». (Nous soulignons)

Contrairement à l'affaire Lamarche qui accordait une grande importance à l'expertise, on constate plutôt la place accordée à l'intention du législateur qui a choisi de conférer un droit d'appel, restreint mais réel, aux justiciables. La Cour procède ensuite à la distinction entre la déférence qui doit être exercée sur la question au mérite de celle portant sur la permission, l'expertise ne s'appliquant qu'à la première et non à la seconde, car cela « pervertirait le droit d'appel lui-même » :

[39]     D'abord, la retenue judiciaire s'exerce au moment où les instances d'appel se penchent sur le mérite de la décision, et des conclusions qui y mènent.

[40]     Il ne convient pas que cet exercice ait lieu au stade où il s'agit simplement de décider s'il y aura ou non une permission d'en appeler, car, en ce faisant, c'est non seulement usurper la tâche de la Cour siégeant en appel mais encore risquer de pervertir le droit d'appel lui-même.

[41]     Ensuite, faut-il le répéter, l'article 159 de la Loi n'impose aucune limite, en terme d'étendue ou de contenu, au droit d'appel.

[42]     Priver un plaideur déçu de son droit d'appel au motif que la décision contestée émane d'une instance spécialisée et prise dans le cadre de l'expertise qu'elle détient n'apparaît pas conciliable précisément avec le droit d'appel que confère l'article 159. Sans exclure que le caractère sérieux, nouveau, controversé ou d'intérêt général de la question en jeu puisse être pris en compte, il est loin d'être certain qu'il s'agit d'une condition sine qua non au droit d'en appeler d'une décision du Tribunal.

[43]     Certes, le filtre que pose l'article 159 commande un certain examen qui, d'une part, permettra d'écarter rapidement les abus que sont les appels dilatoires ou futiles, et d'autre part, de rechercher si des arguments juridiques cohérents, défendables bien que contestables, sous-tendent la requête pour autorisation d'en appeler, auxquels cas, l'appel devrait être autorisé[17]. (Nous soulignons)

Ainsi, l'article 159 est avant tout un filtre permettant d'éliminer les appels dilatoires ou futiles, ce que l'on pourrait appeler les abus d'ester en justice, car ce qui est défendable et contestable serait en principe autorisé. C'est donc un véritable devoir de réforme que perçoit la Cour dans le libellé de l'article 159 LJA. En définitive, comme on peut s'y attendre, la Cour accueille l'autorisation pour permission d'appeler.

Bien que la conception de l'appel exposée dans ce dernier jugement soit fort cohérente et défendable, ce fut la conception exposée dans Lamarche qui emporta les faveurs de la jurisprudence. La Cour d'appel, dans Saint-Pie (Municipalité)[18], donna finalement son imprimatur à la conception du jugement Lamarche en affirmant : « Si le juge de la Cour du Québec avait appliqué les critères de la décision Lamarche - dont tous reconnaissent la justesse - n'aurait-il pas identifié une question sérieuse et controversée[19]»

L'affaire Windsor : syncrétisme ou amalgame?

Enfin, mentionnons l'affaire Windsor[20] qui opère une forme de «syncrétisme» ou amalgame entre les affaires Lamarche et Forages Garant. Dans le cadre d'une demande pour permission d'appeler en vertu de l'article 159 LJA, la Cour du Québec était appelée à déterminer si le TAQ avait erré en accueillant en partie les demandes de révision de Domtar en décidant de diminuer les valeurs inscrites en matière d'évaluation foncière et locative en fondant notamment sa décision sur l'interprétation de la notion de désuétude économique.

Après avoir examiné la jurisprudence pertinente sur les critères applicables afin d'obtenir une permission d'appel, la Cour fait la synthèse de ces critères qu'elle décline comme suit :

Ainsi, la question sera d'intérêt si elle soulève une question sérieuse, controversée, nouvelle ou d'intérêt général. L'utilisation de la conjonction de coordination "ou" marque bien le caractère alternatif et non supplétif de ces critères.

10  Parmi les exemples retenus par la jurisprudence, on retrouve les cas suivants :

Une question sérieuse :

  • Une faiblesse apparente de la décision attaquée;
  • Une erreur de fait déterminante;
  • L'omission d'analyser des éléments fondamentaux de preuve;
  • Une sérieuse lacune au niveau des motifs de la décision attaquée qui empêche d'en comprendre le fondement factuel et juridique;
  • L'incidence de la décision sur le sort du justiciable;
  • L'importance du montant en jeu.

Une question controversée : 

  • Une jurisprudence incohérente ou contradictoire même sur des questions techniques;
  • Une décision isolée allant à l'encontre d'un courant jurisprudentiel solidement établi.

Une question nouvelle : 

  • Une question n'ayant jamais été soumise à la Cour du Québec.

Une question d'intérêt général : 

  • La violation d'une règle de justice naturelle;
  • Une question visant les intérêts supérieurs de la justice;
  • Une question de principe à caractère normatif, dont les enjeux dépassent les intérêts des parties;
  • Une violation patente d'une règle de droit.

Il est intéressant de souligner que tout en souscrivant aux critères formels de Lamarche, à savoir qu'elle limite la permission d'appeler aux questions « sérieuses, controversées, nouvelles ou d'intérêt général », la Cour fait également sienne l'analyse préconisée dans Forages Garant :

14  Bref, comme le soulignait le juge Lavergne dans l'affaire Forage Garant :

"[...] 43 Certes, le filtre que pose l'article 159 commande un certain examen qui, d'une part, permettra d'écarter rapidement les abus que sont les appels dilatoires ou futiles, et d'autre part, de rechercher si des arguments juridiques cohérents, défendables bien que contestables, sous-tendent la requête pour autorisation d'en appeler, auxquels cas, l'appel devrait être autorisé.

[...] 47 Au fond, l'article 159 requiert simplement que les autorisations d'en appeler d'une décision du Tribunal soient accordées, non pas parcimonieusement, mais judicieusement. Rien de plus, rien de moins"[21].

Enfin, soulignons que sur la norme de contrôle applicable, la Cour conclut avec raison que « l'affaire Dunsmuir n'a pas eu l'effet de changer le rôle du Tribunal chargé de décider d'une demande de permission d'appeler »[22]. La Cour accueille la permission d'appeler, notamment au motif que « la question de savoir si le T.A.Q. a erré en concluant à la présence d'une désuétude économique est d'intérêt et devrait être soumise à la Cour du Québec »[23].

Cependant, et cet élément n'est pas anodin, la Cour termine son jugement en établissant un parallèle entre, d'une part, la notion d'appel en vertu de 159 LJA et d'autre part, les principes généraux de l'appel devant la Cour d'appel du Québec et devant la Cour d'appel fédérale[24]. En somme, semble se dire la Cour, la notion d'appel en vertu de 159 LJA peut s'inspirer de celle des autres juridictions. Or, comme nous le verrons, la nature et la portée d'un appel sont en principe fondées sur le texte adopté par le législateur.

Retenons que l'affaire Windsor est en quelque sorte devenue un jugement caméléon que la quasi-totalité des jugements portant sur la permission d'appeler en vertu de l'article 159 LJA ont cité, tantôt en faveur d'un plus grand interventionnisme ou, au contraire, en faveur d'une conception limitée et rigoriste.

L'arrêt Vavilov : un changement de vocation pour la Cour du Québec?

Le récent arrêt Vavilov[25] (« Vavilov ») est venu profondément changer la donne en matière de contrôle judiciaire et d'appel administratif. En effet, comme nous le verrons, cet arrêt pose à la fois de nouveaux jalons tout en renouant avec une certaine tradition qui reposait sur une distinction conceptuelle catégorique entre l'appel et le contrôle judiciaire. En outre, nous verrons que, sans verser dans l'interprétation littérale rigoriste, cet arrêt accorde néanmoins une grande importance à l'analyse textuelle des dispositions législatives dans lesquelles le législateur exprime clairement sa volonté d'octroyer un droit d'appel aux justiciables.

Cette partie sera d'abord consacrée à l'examen de la nature et de la portée résultant de la nouvelle grille d'analyse conçue par la Cour afin de bien identifier et comprendre les principes généraux qui la sous-tendent. Par la suite, nous procéderons à la mise en œuvre de ces principes dans le cadre des pouvoirs accordés à la Cour du Québec dans l'exercice de sa compétence d'appel des décisions rendues par le TAQ.

Nous verrons enfin comment ces principes devraient conduire à une pleine et entière reconnaissance de la volonté du législateur de conférer à la Cour du Québec un véritable rôle d'appel et une plus grande participation de celle-ci en matière de justice administrative.

Il est à noter que, compte tenu du caractère volumineux de cet arrêt, notre analyse ne sera pas exhaustive et se concentrera essentiellement sur la norme de contrôle ainsi que sur le caractère raisonnable des motifs du décideur administratif. D'autre part, l'examen que nous ferons privilégiera une approche prospective de la question examinée, de telle sorte que l'analyse ne portera pas tant sur les récentes et rares décisions qui effleurent l'arrêt Vavilov que sur les lignes de force qui ressortent de cet arrêt et permettent d'en esquisser les conclusions générales.

L'arrêt Vavilov : un retour vers l'intention du législateur

C'est une trame factuelle fort simple, mais digne d'un roman d'espionnage, qui a donné naissance à ce gargantuesque arrêt de plus de 250 pages. En effet, Alexander Vavilov est le fils d'un couple d'agents russes qui étaient en mission d'espionnage au Canada. Monsieur Vavilov est né au Canada, y vit et détient également un passeport canadien et n'a jamais rien su des activités de ses parents. À la suite de l'arrestation de ces derniers par les autorités américaines, ceux-ci sont renvoyés en Russie. Lorsque, plus tard, monsieur Vavilov tente de faire renouveler son passeport canadien, sa demande est refusée et son certificat de citoyenneté, d'abord émis par les autorités canadiennes, est ensuite révoqué en raison de l'alinéa 3 (2) a) de la Loi sur la citoyenneté[26] en vertu duquel les enfants de diplomates ne peuvent acquérir la citoyenneté canadienne par le droit du sol.

Monsieur Vavilov conteste alors cette décision en Cour fédérale, laquelle rejette sa demande en contrôle judiciaire de la décision rendue par la greffière de la citoyenneté canadienne. Toutefois, la Cour d'appel fédérale renverse ce jugement au motif qu'il est déraisonnable. La Cour suprême confirme l'arrêt de la Cour d'appel ainsi que le caractère déraisonnable de la décision rendue par la greffière.

Vers une simplification de la détermination de la norme

D'entrée de jeu, les juges majoritaires affirment leur volonté de simplifier et de rendre plus cohérents les principes propres au contrôle judiciaire qui, de leur propre aveu, est devenu labyrinthique[27]. Cette volonté de réforme s'exprime notamment par la refonte de deux grands pans du contrôle judiciaire, à savoir la norme de contrôle applicable aux décisions administratives[28] et les motifs du raisonnement qui sous-tendent la décision ainsi que la conclusion elle-même[29]. Examinons cette refonte.

Préservant une certaine continuité avec l'arrêt Dunsmuir[30], les juges majoritaires de la Cour énoncent sans détour que la norme de la décision raisonnable constituera la norme de principe qui fondera toute analyse en matière de contrôle judiciaire :

[16]   Dans les sections qui suivent, nous exposons un cadre d'analyse révisé permettant à une cour de justice de déterminer la norme de contrôle applicable en cas de contestation qui porte sur le fond d'une décision administrative. Ce cadre d'analyse repose sur la présomption voulant que la norme de la décision raisonnable soit la norme applicable chaque fois qu'une cour contrôle une décision administrative.[31]

Du même souffle, la Cour ajoute que ce principe connaît cependant deux exceptions qu'elle expose en ces termes :

[17]      La présomption d'application de la norme de la décision raisonnable peut être réfutée dans deux types de situations. La première est celle où le législateur a indiqué qu'il souhaite l'application d'une norme différente ou d'un ensemble de normes différentes. C'est le cas lorsque le législateur a prescrit expressément la norme de contrôle applicable. C'est aussi le cas lorsque le législateur a prévu un mécanisme d'appel d'une décision administrative devant une cour, indiquant ainsi son intention que les cours de justice recourent, en matière de contrôle, aux normes applicables en appel. La deuxième situation où la présomption d'application de la norme de la décision raisonnable est réfutée est celle où la primauté du droit commande l'application de la norme de la décision correcte. C'est le cas pour certaines catégories de questions, soit les questions constitutionnelles, les questions de droit générales d'importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et les questions liées aux délimitations des compétences respectives d'organismes administratifs. Conjuguée à ces exceptions limitées, la règle générale qui prévoit l'application de la norme de la décision raisonnable met en place une méthode complète pour déterminer la norme de contrôle applicable. En conséquence, les cours de justice ne sont plus tenues de recourir à une « analyse contextuelle » (CCDP, par. 45‑47; voir aussi Dunsmuir, par. 62‑64; McLean, par. 22) pour établir la bonne norme de contrôle.[32] (Nous soulignons)

À la lumière de ces propos, on peut déjà voir poindre à l'horizon les trois éléments qui, depuis plusieurs années, sont au cœur de la tension qui anime le contrôle judiciaire entre, d'une part, la nécessaire autonomie des organismes administratifs qui assure à ces derniers leur célérité, leur souplesse et leur efficacité, et d'autre part, le respect des exigences constitutionnelles que représente la primauté du droit. Enfin, vient s'ajouter à ces éléments celui de la volonté du législateur démocratiquement élu qui intègre dans ses lois des mécanismes d'appel administratif ou, au contraire, des clauses privatives.

Simplifié à grands traits, nous pouvons résumer le principe et les exceptions comme suit :

Principe général

Norme de la décision raisonnable, sauf si :

  1. Exception 1 : le législateur a prévu explicitement une norme particulière, soit :
    • en précisant nommément la norme de contrôle (ex : décision correcte);
    • en prévoyant un mécanisme d'appel;
  2. Exception 2 : en vertu de la primauté du droit, la décision correcte s'appliquera dans les cas suivants :
    • les questions constitutionnelles;
    • les questions de droit générales d'importance capitale pour le système juridique dans son ensemble;
    • les questions liées aux délimitations des compétences respectives d'organismes administratifs;

La Cour explique ensuite les raisons qui fondent la présomption de la norme raisonnable. La Cour part du postulat que la création d'organismes administratifs ayant comme mandat d'administrer un régime administratif particulier fait naître la présomption d'une volonté législative faisant « le moins possible l'objet d'une intervention judiciaire »[33]. Bien sûr, cette autonomie ne peut soustraire ces organismes au pouvoir de contrôle et de surveillance de la Cour supérieure qui agit à titre de gardienne de la légalité au nom de la primauté du droit[34].

En outre, la Cour opère une rupture radicale par rapport à la jurisprudence traditionnelle en évinçant l'expertise du processus de détermination de la norme de contrôle. L'émergence de la notion d'expertise, précise la Cour, est apparue dans le sillage de l'arrêt Bibeault[35] dans le cadre duquel le juge Beetz a élaboré l'analyse pragmatique et fonctionnelle, laquelle analyse tenait essentiellement compte de l'objet et des dispositions de la loi, de la nature des questions examinées, de l'existence d'une clause privative et de l'expertise du décideur administratif.

Pour mémoire, précisons que par cette méthode, la Cour rompait définitivement avec la notion de la question préalable selon laquelle la compétence d'un tribunal administratif est tributaire de l'interprétation de certaines notions attributives de compétence qui appelaient une interprétation qui devait être juste, sous peine de s'octroyer un pouvoir non délégué par le législateur[36]. Ce silence, ou cette omission, de la part de la Cour à propos de la doctrine de la compétence préalable a de quoi surprendre, car c'est pour se substituer à cette doctrine que fut conçue l'analyse pragmatique et fonctionnelle.

Ainsi, constatant le flou et l'incertitude entourant la notion d'expertise, ou du moins la façon dont une certaine jurisprudence qualifia l'expertise, la Cour suprême se résout à abandonner cette notion, mais seulement aux fins de la détermination de la norme de contrôle :

[28]    Malheureusement, l'analyse contextuelle s'est révélée complexe et d'utilité limitée pour donner une orientation pratique aux cours de justice qui tentent d'évaluer l'expertise relative du décideur administratif. Plus récemment, la méthode prédominante adoptée par notre Cour a consisté à reconnaître que l'expertise est simplement inhérente à un organisme administratif en raison des fonctions spécialisées que lui a confiées le législateur : Edmonton East, par. 33. Or, s'il est dorénavant tenu pour acquis que le décideur administratif possède une expertise spécialisée en ce qui concerne l'ensemble des questions dont il est saisi, la notion d'expertise n'aide plus la cour de révision à distinguer les questions qui commandent l'application de la norme de la décision raisonnable de celles qui ne la commandent pas.[37]

L'expertise se voit donc intégrée à l'organisme lui-même, et ce, en raison de la spécialisation des tribunaux administratifs dont l'expertise est dorénavant considérée comme étant inhérente à ceux-ci. Ce raisonnement implique que l'expertise repose sur le caractère spécialisé des fonctions exercées par l'organisme administratif. Or, peut-on encore parler de spécialisation des fonctions lorsqu'un tribunal d'appel général, tel que le TAQ, « entend des recours sous quelques 135 lois (…) provenant d'un grand nombre d'organismes chargés d'appliquer les politiques gouvernementales, qu'il s'agisse de la Régie des rentes, de la Société d'assurance automobile, de tous les ministères ainsi que des autorités municipales »[38]? Nous laissons la réponse aux lecteurs.

La Cour précise également qu'outre l'expertise, « la proximité des décideurs », « la réceptivité » ainsi que la souplesse, l'efficacité et la rapidité fondent également le choix du législateur de créer un régime particulier et de déléguer des pouvoirs à de tels décideurs administratifs[39].

En outre, la présomption de la norme du caractère raisonnable prend non seulement ancrage dans la volonté de respecter le choix du législateur, mais aussi dans un impératif institutionnel exigeant une sphère d'autonomie nécessaire à l'exercice des pouvoirs administratifs :

[30] (…) Autrement dit, la présomption d'application de la norme de la décision raisonnable se justifie à la fois par le respect de ce choix en matière d'organisation institutionnelle et du principe démocratique, ainsi que par la nécessité que les cours de justice évitent « toute immixtion injustifiée » dans l'exercice par le décideur administratif de ses fonctions : Dunsmuir, par. 27.[40]

Par ailleurs, bien qu'évincée du processus de détermination de la norme de contrôle, l'expertise a toujours droit de cité « lors de l'exercice du contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable »[41]. La Cour réintroduit donc l'expertise, mais seulement aux fins de l'appréciation du caractère raisonnable de la décision.

En tout respect, nous pensons qu'en évinçant l'expertise de la détermination de la norme, pour ensuite la réintroduire au stade de l'examen de la décision administrative, cela revient à donner d'une main ce que l'on reprend de l'autre, à la différence qu'au lieu de s'exercer en amont, la déférence s'exercera en aval.

En effet, d'un point de vue pratique, le résultat est quasi-similaire. S'il faut voir un changement dans cette façon de procéder, nous sommes d'avis que c'est surtout sur le plan symbolique qu'il faut en voir un. Les symboles ont toutefois leur importance et, en cela, l'abandon de l'expertise dans la détermination de la norme marque un point tournant qui pave peut-être la voie à des changements ultérieurs encore plus importants.

Les exceptions à la norme du raisonnable

Toute règle ayant son exception, après avoir exposé le principe général de la norme raisonnable, la Cour expose les deux exceptions à cette dernière qui, comme nous l'avons vu se résument à : 1) les normes de contrôle établies par voie législative; 2) l'exception relative à la primauté du droit[42]. En raison du fait que notre sujet ne concerne que l'exception relative aux normes établies par voie législative, nous n'examinerons pas celle qui a trait à la primauté du droit.

Conformément à la volonté exprimée par la Cour suprême d'accorder à l'intention du législateur sa pleine valeur, celle-ci procède à un virage majeur en réhabilitant les mécanismes d'appel prévus par les lois. Nous utilisons le terme « réhabiliter », car il faut se rappeler qu'avant l'arrêt Pezim[43], l'existence d'un droit d'appel impliquait la mise en œuvre des règles usuelles en matière d'appel. La Cour suprême amorce ce virage en le faisant reposer sur la lettre de la loi, c'est-à-dire sur l'existence de « dispositions législatives claires qui prescrivent la norme de contrôle applicable »[44]. Dans un tel cas, les tribunaux sont alors tenus d'appliquer la norme de contrôle qui est explicitement inscrite dans la loi. Cela implique qu'il est en principe loisible au législateur de prévoir explicitement la norme de la décision raisonnable ou correcte, voire de ressusciter la norme de la décision déraisonnable simpliciter. En ce domaine, la seule limite est la constitution.

D'autre part, précise la Cour, la volonté du législateur peut également se manifester par l'intégration d'un mécanisme d'appel dans la loi. Dans un tel cas, l'existence d'un mécanisme d'appel n'est plus seulement vu comme un élément parmi d'autres, comme cela était le cas depuis l'arrêt Bibeault, mais il doit être vu pour ce qu'il est, à savoir l'intention de confier à la juridiction d'appel le pouvoir de vérifier « attentivement » la décision de l'autorité administrative contestée en appel. Compte tenu de l'importance de ce passage, il convient de le reproduire in extenso :

[36]      Nous avons réaffirmé que, dans l'analyse relative à la norme de contrôle, les cours de justice devaient autant que possible respecter les choix d'organisation institutionnelle du législateur consistant à déléguer certaines questions par voie législative. À notre avis, compte tenu de cette position de principe, les cours de justice doivent aussi donner effet à l'intention du législateur qui se manifeste par la présence d'un mécanisme d'appel à l'encontre d'une décision administrative et qui prévoit l'exercice d'une fonction d'appel au regard d'une telle décision. De la même manière que le législateur peut, dans le respect des limites fixées par la Constitution, mettre des décisions administratives à l'abri d'une intervention judiciaire, il peut également choisir d'établir un régime qui « loin d'exclure les cours, les intègre dans le mécanisme d'application prévu » : Seneca College of Applied Arts and Technology c. Bhadauria, [1981] 2 R.C.S. 181, p. 195. Lorsqu'il accorde aux parties la possibilité de porter en appel, de plein droit ou sur autorisation, une décision administrative devant une cour de justice, le législateur assujettit le régime administratif à une compétence d'appel et indique qu'il s'attend à ce que la cour vérifie attentivement cette décision lors d'un processus d'appel. Cette volonté expresse réfute forcément la présomption générale d'application de la norme de la décision raisonnable fondée sur l'intention de respecter le choix du législateur de renvoyer certaines questions à un organisme autre qu'une cour de justice. Il y a lieu de donner effet à cette volonté. Comme le fait observer l'intervenante la procureure générale du Québec dans son mémoire, « l'obligation de déférence ne doit pas stériliser un tel mécanisme d'appel, jusqu'à dénaturer le processus décisionnel que le législateur voulait mettre en place » : par. 2.

[37]     Il convient donc de reconnaître que, lorsque le législateur prévoit un appel à l'encontre d'une décision administrative devant une cour de justice, la cour saisie de l'appel doit recourir aux normes applicables en appel pour réviser la décision. Ainsi, la norme de contrôle applicable doit être déterminée eu égard à la nature de la question et à la jurisprudence de notre Cour en la matière. Par exemple, lorsqu'une cour de justice entend l'appel d'une décision administrative, elle se prononcera sur des questions de droit, touchant notamment à l'interprétation législative et à la portée de la compétence du décideur, selon la norme de la décision correcte conformément à l'arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, par. 8. Si l'appel prévu par la loi porte notamment sur des questions de fait, la norme de contrôle sera celle de l'erreur manifeste et déterminante (applicable également à l'égard des questions mixtes de fait et de droit en l'absence d'un principe juridique facilement isolable) : voir Housen, par. 10, 19 et 26‑37. Évidemment, si le législateur entend prévoir l'application en appel d'une autre norme de contrôle, il lui est toujours loisible d'exprimer son intention en énonçant dans la loi la norme de contrôle applicable.[45] (Nous soulignons)

Ces passages témoignent du virage opéré par la Cour suprême qui remet au centre de son analyse la volonté du législateur. En outre, la Cour affirme sans ambages qu'en soi, la présence du mécanisme d'appel incarne la volonté expresse de réfuter forcément la présomption générale de l'application de la norme de la décision raisonnable en exerçant une vérification attentive de la décision portée en appel. Ce principe est réitéré de façon catégorique lorsque la Cour écrit qu'« il devient nécessaire que les droits d'appel prévus par la loi jouent le rôle qui est le leur. L'élimination de l'approche contextuelle fait en sorte que les droits d'appel accordés par la loi doivent maintenant soit ne jouer aucun rôle en droit administratif, soit être reconnus comme indiquant une dérogation à l'application par défaut de la norme de la décision raisonnable. La seconde thèse doit prévaloir »[46].

Enfin, la Cour apporte trois précisions sur le rôle du mécanisme d'appel relativement à la norme de contrôle applicable, à savoir que :

  1. Même en présence d'une obligation d'obtenir une demande de permission d'appel, cette demande de permission « n'a aucun impact sur la norme qui prévaut en appel une fois l'autorisation accordée »[47].
  2. Il est important de bien tenir compte du texte des dispositions créant un droit d'appel, car « ce ne sont pas toutes les dispositions législatives envisageant la possibilité qu'une cour de justice puisse contrôler une décision administrative qui confèrent dans les faits un droit d'appel »[48].
  3. Il est important de tenir compte de l'étendue du droit d'appel conféré par la loi, car « la présence d'un droit d'appel circonscrit dans le cadre d'un régime législatif ne fait pas obstacle en soi aux demandes de contrôle judiciaire visant des décisions ou des questions qui ne sont pas visées par le mécanisme d'appel, ni aux recours intentés par des personnes qui n'ont aucun droit d'appel »[49]. Dans un tel cas où le contrôle judiciaire n'a pas été exclu par le mécanisme d'appel, la norme de la décision raisonnable ne sera pas réfutée à l'égard des questions et matières visées[50].
Le caractère raisonnable des motifs

Avant toute chose, il est important de souligner que l'examen de la Cour sur le caractère raisonnable des motifs a pour cadre d'analyse le contrôle judiciaire. Dès lors, compte tenu du fait qu'en matière d'appel les normes de contrôle sont celles énoncées dans l'arrêt Houson, à savoir que les questions de droit, d'interprétation de la loi et de compétence seront examinées selon la décision correcte, alors que les questions de fait feront l'objet de la norme de l'erreur manifeste et dominante[51], la place faite dans notre étude à la décision raisonnable sera donc limitée.

Par conséquent, cela implique notamment que le principe selon lequel « il ne convient habituellement pas que la Cour de révision élabore ses propres motifs pour appuyer la décision administrative »[52] ne trouvera pas application dans le cadre de l'appel, puisque ce dernier autorise la Cour à se substituer au premier décideur. Néanmoins, l'examen de cette notion pourra nous être utile en ce que la compréhension de ce que constitue une décision raisonnable peut servir à identifier les exigences en termes de motivation rationnelle d'une décision, laquelle compréhension s'avère toujours utile afin de bien comprendre toute norme de contrôle.

D'emblée, la Cour met en lumière le rôle essentiel joué par le processus de justification en soulignant que celle-ci a une fonction de légitimation de l'autorité publique favorisant l'assise démocratique qui la fonde sur le plan de la raison publique[53]. D'une part, la Cour examine les préceptes qui fondent la décision raisonnable et en constituent également ses caractéristiques principales. D'autre part, nous dit la Cour, il faut s'attarder aux critères et éléments intrinsèques qui minent le caractère raisonnable d'une décision.

Les préceptes et caractéristiques de la décision raisonnable

Dans ses grandes lignes, le processus de justification repose sur les préceptes suivants :

  1. Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable porte sur le processus décisionnel et ses résultats[54];
  2. La norme de la décision raisonnable est une norme unique qui tient compte du contexte[55];
  3. Les motifs écrits d'une décision devraient être interprétés à la lumière du dossier et en tenant dûment compte du contexte administratif dans lequel ils sont fournis[56];
  4. Une décision raisonnable est à la fois fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent et justifiée à la lumière des contraintes juridiques et factuelles qui ont une incidence sur la décision[57];

Cette dernière caractéristique est constituée de deux exigences internes et externes, c'est-à-dire, d'une part, quant à sa cohérence en terme logique et, d'autre part, quant à sa justification en droit et en faits. Examinons brièvement ces deux catégories.

Les deux catégories de lacunes fondamentales

L'exigence d'un raisonnement intrinsèquement cohérent

À notre avis, l'élément essentiel qui ressort de cette exigence est la présence d'inférences claires, à savoir des relations et des liens déductifs ou inductifs, entre les propositions et les conclusions constituant le raisonnement et les motifs de la décision. La Cour s'exprime en ces termes :

[102]     Pour être raisonnable, une décision doit être fondée sur un raisonnement à la fois rationnel et logique. Il s'ensuit qu'un manquement à cet égard peut amener la cour de révision à conclure qu'il y a lieu d'infirmer la décision. Certes, le contrôle selon la norme de la décision raisonnable n'est pas une « une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d'une erreur » : Pâtes & Papier Irving, par. 54, citant Newfoundland Nurses, par. 14. Cependant, la cour de révision doit être en mesure de suivre le raisonnement du décideur sans buter sur une faille décisive dans la logique globale; elle doit être convaincue qu'« [un] mode d'analyse, dans les motifs avancés, [. . .] pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l'a fait » : Ryan, par. 55; Southam, par. 56. Les motifs qui « ne font que reprendre le libellé de la loi, résumer les arguments avancés et formuler ensuite une conclusion péremptoire » permettent rarement à la cour de révision de comprendre le raisonnement qui justifie une décision, et [traduction] « ne sauraient tenir lieu d'exposé de faits, d'analyse, d'inférences ou de jugement » : R. A. Macdonald et D. Lametti, « Reasons for Decision in Administrative Law » (1990), 3 R.C.D.A.P. 123, p. 139; voir également Gonzalez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2014 CF 750, par. 57-59.[58]

Ainsi, la simple juxtaposition de faits ou de dispositions législatives ne saurait être suffisante. Pour le décideur, motiver signifie reproduire les étapes de sa pensée de façon à ce que le tribunal de révision ou d'appel puisse évaluer la compréhension que le décideur avait des règles de droit et la façon dont il les a appliquées aux faits.

L'exigence relative aux contraintes juridiques et factuelles

En second lieu, une décision doit être étayée par le droit et les faits propres à l'affaire. Sans procéder à un catalogage des éléments à examiner, la Cour retient la prise en considération des éléments suivants[59] :

  • Le régime législatif applicable;
  • Les autres règles législatives ou de common law;
  • Les principes d'interprétation législative;
  • La preuve dont disposait le décideur;
  • Les observations des parties;
  • Les pratiques et décisions antérieures;
  • L'incidence de la décision sur l'individu visé.

Enfin, nous tenons à souligner un élément déterminant qui distingue profondément l'arrêt Vavilov de Dunsmuir. En effet, dans ce dernier arrêt, la Cour reconnaissait que « certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n'appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d'opter pour l'une ou l'autre des différentes solutions rationnelles acceptables »[60]. Or, sans constituer un virage à 180 degrés, l'arrêt Vavilov vient, à notre avis, grandement atténuer la portée de cette précédente affirmation, notamment au regard du paragraphe 121 :

[121]     La tâche du décideur administratif est d'interpréter la disposition contestée d'une manière qui cadre avec le texte, le contexte et l'objet, compte tenu de sa compréhension particulière du régime législatif en cause. Toutefois, le décideur administratif ne peut adopter une interprétation qu'il sait de moindre qualité — mais plausible — simplement parce que cette interprétation paraît possible et opportune. Il incombe au décideur de véritablement s'efforcer de discerner le sens de la disposition et l'intention du législateur, et non d'échafauder une interprétation à partir du résultat souhaité.[61]

Ainsi, le décideur administratif est tenu de se livrer à un exercice d'interprétation qui va au-delà de ce qui est plausible, et ce, même si celle-ci paraît possible et opportune. En somme, sans nécessairement exiger une interprétation unique, Vavilov vient restreindre le champ d'interprétation du décideur administratif. Toutefois et là aussi, il s'agit d'un élément déterminant, la Cour reconnaît clairement qu'il existe des cas où « l'interaction du texte, du contexte et de l'objet ouvrent la porte à une seule interprétation raisonnable de la disposition législative en cause ou de l'aspect contesté de celle‑ci »[62].

Examinons comment, à la lumière de ces principes, l'interprétation et la mise en œuvre du mécanisme d'appel prévu par l'article 159 LJA s'en trouvent modifiées.

La réception de Vavilov dans la mise en œuvre de l'appel en vertu de l'article 159 LJA

Afin de bien comprendre les conséquences et impacts de l'arrêt Vavilov sur le mécanisme d'appel prévu par l'article 159 LJA, il convient de revoir la distinction essentielle entre la nature de l'appel et celle du contrôle judiciaire. En effet, même si la Cour du Québec n'a jamais exercé à proprement parlé le rôle d'un véritable contrôle judiciaire, elle se trouvait concrètement à exercer de telles fonctions en appliquant le cadre d'analyse de Dunsmuir. Or, l'arrêt Vavilov vient justement remettre les pendules à l'heure en redonnant à la Cour du Québec son rôle de véritable Cour d'appel en cette matière.

La nature de l'article 159 LJA et le rôle de la Cour du Québec

Pour mémoire, rappelons que c'est en 1996 que le législateur québécois adoptait la Loi sur la justice administrative[63], laquelle fut complétée par la Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative[64], dès l'année suivante.

Il aura donc fallu plus de vingt-cinq ans, depuis l'article de Jean Beetz[65], regretté professeur et juge à la Cour suprême, pour enfin voir naître le Tribunal administratif, dans sa forme actuelle.

Sans faire état des grandes étapes et interventions qui ont conduit à l'adoption de la LJA, on ne peut passer sous silence le rapport Ouellette, publié en 1987, lequel peut être qualifié de « fer de lance » de la réforme des tribunaux administratifs.

Il convient de signaler que lors du dépôt du projet de Loi 130, par le ministre Paul Bégin, les décisions du nouveau tribunal étaient finales et sans appel. Par ailleurs, en automne 1996, le ministre Bégin introduisait un droit d'appel des décisions du Tribunal administratif, à la Cour du Québec.

Comme nous l'avons vu, cet appel n'était pas « de plano ». Une demande d'appel était et est encore à ce jour exigée auprès de la Cour du Québec. De plus, ce droit d'appel est limité aux seules affaires relevant de la section des « affaires immobilières » ainsi qu'aux décisions rendues « en matière de protection du territoire agricole ».

À notre avis, deux principales conclusions peuvent être inférées de Vavilov à propos de la LJA. La première est une volonté affirmée de la part de la Cour suprême de revenir à l'ancienne distinction entre l'appel et le contrôle judiciaire. En effet, traditionnellement le contrôle judiciaire tire son origine du pouvoir inhérent des cours supérieures qui, d'un point de vue historique, exerçaient leur contrôle par l'entremise des brefs de certiorari et de prohibition, et étaient l'émanation et la concrétisation du pouvoir royal en ce qui avait trait au contrôle des officiers royaux et du maintien de la paix au sein du royaume[66].

Ce principe a été réitéré dans le cadre de l'arrêt Highwood Congregation of Jehovah's Witnesses[67] où une Cour suprême unanime insiste bien sur le principe cardinal qui fonde le contrôle judiciaire :

13   Le contrôle judiciaire a pour objet d'assurer la légalité des décisions prises par l'État : voir Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., 2010 CSC 62, [2010] 3 R.C.S. 585, par. 24 et 26; Crevier c. Procureur général du Québec, [1981] 2 R.C.S. 220, p. 237‑238; Knox c. Conservative Party of Canada, 2007 ABCA 295, 422 A.R. 29, par. 14‑15. Le contrôle judiciaire est un concept de droit public qui permet aux cours visées à l'art. 96 [traduction] « d'exercer un pouvoir de surveillance sur les juridictions inférieures », afin de veiller à ce que celles‑ci respectent la primauté du droit : Knox, par. 14; Loi constitutionnelle de 1867, art. 96.[68] (Nous soulignons)

Contrairement au contrôle judiciaire, l'appel judiciaire ou administratif est la créature de la loi et c'est elle, et elle seule, qui lui confère son existence et sa portée. Le professeur David Mullan écrit d'ailleurs à ce propos que « Just as the right of appeal is a creature of statute, so too is the scope of appeal subject to statutory definition »[69]. Ainsi, selon la volonté du législateur, l'appel peut parfois conférer le pouvoir d'évaluer l'opportunité de la décision rendue et, le cas échéant, de se substituer au décideur initial.

À la lumière du cadre d'analyse énoncé dans Vavilov, l'intention du législateur devient le véritable point d'ancrage de toute analyse afin de déterminer la nature du mécanisme prévu par l'article 159 LJA. L'un des meilleurs indicateurs de cette intention demeure évidemment le texte lui-même, mais aussi les travaux préparatoires en commission parlementaire.

Or, un tel examen des débats révèle d'abord que la question concernant l'octroi d'un appel du TAQ devant la Cour du Québec est l'une de celles ayant fait couler le plus d'encre et ayant suscité les plus vigoureux débats et échanges entre les parlementaires, comme en fait foi l'extrait suivant :

Pour le ministre de la Justice, je pense que ça doit être certainement quelque chose de fondamental dans ses responsabilités d'assurer un système de justice qui est équitable et puis qui permet au citoyen, qui, suite à une décision administrative, ne serait pas satisfait ou aurait l'impression d'avoir été lésé dans ses droits, d'aller en appel. C'est fondamental, cette question-là.[70] (Nous soulignons)

Pour sa part, le ministre Bégin exposait la nature du droit d'appel accordé à la Cour du Québec en vertu de l'article 159 LJA en ces termes :

Alors, M. le Président, dans les matières traitées dans la section des affaires immobilières, il y a d'abord le Bureau de révision de l'évaluation foncière et il y a aussi le TAPTA. Ce sont deux organismes qui existent actuellement, mais qui seront transférés au Tribunal administratif du Québec lorsque la loi entrera en vigueur. Et on voit qu'il y a des appels qui étaient prévus antérieurement qui s'y retrouvent. Donc, d'affirmer qu'il y une perte de droit d'appel, je m'excuse, mais c'est aller à l'encontre des dispositions mêmes de la loi qui est en vigueur actuellement, qui prévoit justement des appels là où il y en avait antérieurement. Il y avait également le Tribunal de l'expropriation, et c'est également possible et ça sera également possible qu'il y ait appel devant ce Tribunal. Donc, dans les trois cas où il y avait un appel possible, il sera également possible d'en faire un à l'avenir. La nuance, c'est que, au lieu que cet appel soit automatique, il devra être sur permission d'appel, permission d'en appeler de la Cour du Québec. À moins que l'on veuille dire que la Cour du Québec n'exercera pas de façon adéquate son jugement et son bon jugement en vertu des appels, bien, je pense que nous devons croire qu'il s'agit là d'une façon correcte d'assurer que, dans l'avenir, il y aura des appels là où il y avait déjà des appels antérieurement. Cependant, pour filtrer ce qui pouvait être des appels que l'on juge dilatoires ou vexatoires, il y a cette autorisation d'obtenir d'un juge de la Cour du Québec l'autorisation d'en appeler, et, moi, j'ai confiance que la Cour du Québec va rendre des jugements appropriés.[71] (Nous soulignons)

À la lecture de ces extraits, force est de constater que la compétence d'appel conférée à la Cour du Québec se voulait large. Il est à noter que le ministre parle de filtrage relativement à des appels qui seraient dilatoires ou vexatoires. Cela semble nous éloigner d'une conception quelque peu différente de la Cour d'appel du Québec où le législateur est intervenu spécifiquement afin de limiter les appels aux questions de principe, aux questions nouvelles ou aux questions de droit faisant l'objet d'une jurisprudence contradictoire, comme le précise l'article 30 C.p.c. :

La permission d'appeler est accordée par un juge de la Cour d'appel lorsque celui-ci considère que la question en jeu en est une qui doit être soumise à la cour, notamment parce qu'il s'agit d'une question de principe, d'une question nouvelle ou d'une question de droit faisant l'objet d'une jurisprudence contradictoire.

Interprété dans son contexte, le terme « notamment », que l'on retrouve au début de l'énumération de l'article 30, ne vient pas ouvrir la porte à toute autre question, mais, conformément à la règle d'interprétation « ejusdem generis », vient limiter les conditions et les éléments inclus dans l'énumération aux matières du même ordre ou d'un même genre[72]. Or, une telle limitation ne se retrouve pas dans le texte de l'article 159 LJA. Cette absence de limitation formelle témoigne bien de l'intention du législateur de donner à la Cour un large pouvoir d'intervention concernant les questions de droit. Bien que minoritaire, la conception exposée dans le jugement Forages Garant nous semble bien fondée en droit.

À cet égard, le projet de loi Projet de loi n° 32, « Projet de loi n 32, Loi visant principalement à favoriser l'efficacité de la justice pénale et à établir les modalités d'intervention de la Cour du Québec dans un pourvoi en appel »[73] vient étoffer et offrir un ancrage législatif encore plus ferme. L'article 84 de ce projet de loi prévoit un ajout qui s'inscrit à la suite de l'article 83 de la Loi sur les tribunaux judiciaires[74] et qui s'énonce en ces termes :

« 83.1. Dans les cas où la loi lui attribue une compétence en appel d'une décision rendue dans l'exercice d'une fonction juridictionnelle, ou en contestation d'une décision prise dans l'exercice d'une fonction administrative, la Cour rend sa décision sans qu'il y ait lieu à déférence à l'égard des conclusions portant sur les questions de droit tranchées par la décision qui fait l'objet de l'appel ou sur toutes questions concernant la décision qui fait l'objet de la contestation.

Cette compétence est exercée par les seuls juges de la Cour que désigne le juge en chef en raison de leur expérience, leur expertise, leur sensibilité et leur intérêt marqués dans la matière sur laquelle porte l'appel ou la contestation.

À moins de disposition contraire et compte tenu des adaptations nécessaires, l'appel est régi par les articles 351 à 390 du Code de procédure civile (chapitre C-25.01) et le recours en contestation l'est par les règles de ce code applicables en première instance. ».

Soulignons, d'une part, que cette disposition établit clairement une distinction entre une fonction juridictionnelle et une fonction administrative. En effet, conformément aux principes énoncés dans Housen[75], l'absence de déférence ne s'applique qu'aux questions de droit tranchées par un organisme exerçant une fonction juridictionnelle, alors que la décision administrative pourra faire l'objet d'un examen sur « toutes questions », y compris les questions factuelles. Rappelons que la fonction juridictionnelle, également appelée quasi-judiciaire est traditionnellement caractérisée par une autorité administrative répondant aux critères suivants :

J'estime qu'il est possible de formuler plusieurs critères pour déterminer si une décision ou ordonnance est légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire. Il ne s'agit pas d'une liste exhaustive.

  • Les termes utilisés pour conférer la fonction ou le contexte général dans lequel cette fonction est exercée donnent-ils à entendre que l'on envisage la tenue d'une audience avant qu'une décision soit prise?
  • La décision ou l'ordonnance porte-t-elle directement ou indirectement atteinte aux droits et obligations de quelqu'un?
  • S'agit-il d'une procédure contradictoire?
  • S'agit-il d'une obligation d'appliquer les règles de fond à plusieurs cas individuels plutôt que, par exemple, de l'obligation d'appliquer une politique sociale et économique au sens large?[76]

En plus de préciser qu'il ne s'agit pas d'une liste exhaustive, la Cour suprême précise qu'aucun de ces éléments n'est en soi déterminant[77]. Nous pouvons bien sûr affirmer de façon certaine que le TAQ exerce de telles fonctions juridictionnelles[78].

D'autre part, le fait que le juge en chef soit appelé à désigner certains juges qui, en raison de « leur expérience, leur expertise, leur sensibilité et leur intérêt marqués dans la matière sur laquelle porte l'appel », indique l'intention de faire bénéficier les justiciables des spécificités et qualités particulières que possèdent certains magistrats.

Néanmoins, sans rien enlever à la rigueur et à l'expertise de ces derniers, nous pensons qu'il ne faut pas y voir une spécialisation des fonctions similaires à celles que l'on retrouve dans les tribunaux administratifs. En effet, la plupart du temps, ces attributs servent plus à qualifier l'expertise institutionnelle que les décideurs administratifs eux-mêmes, bien qu'il y ait également des décideurs experts sur le plan individuel.

Enfin, la décision de prévoir que les règles de l'appel devant la Cour du Québec seront dorénavant régies par une grande partie des procédures encadrant l'appel devant la Cour d'appel manifeste la volonté de conférer un rôle accru à la Cour du Québec dans ses fonctions de tribunal siégeant en appel des décisions du TAQ. Toutefois, l'expression « À moins de disposition contraire et compte tenu des adaptations nécessaires » indique également que, règle générale et conformément au principe generalia specialibus non derogant, des dispositions législatives plus précises l'emporteront sur ces règles. Par conséquent, les dispositions particulière de la LJA devraient, en principe, avoir préséance en cas de conflit. Cependant, n'oublions jamais que l'interprétation harmonieuse doit le plus souvent être privilégiée.

La jurisprudence antérieure et postérieure à Vavilov

Comme nous l'avons vu, les deux conceptions qui, jusqu'à ce jour, ont continué de coexister sur l'interprétation à donner à l'article 159 LJA sont celles exposées dans le jugement Lamarche, qui représente le courant majoritaire rigoriste, et le jugement Forages Garant qui représente le courant minoritaire plus interventionniste[79].

Le jour même où était rendu l'arrêt Vavilov, à savoir le 19 décembre 2019, la Cour du Québec rendait jugement dans l'affaire Lubecki[80] dans laquelle était appliquée l'interprétation préconisée dans Lamarche. L'affaire Lubecki représente d'ailleurs le parfait exemple de la conception rigoriste qui prévaut encore dans l'interprétation de l'article 159 LJA, la Cour n'ayant pu bénéficier du cadre d'analyse développée dans Vavilov.

Dans cette affaire, la Cour du Québec devait déterminer si elle accueillait la permission d'appeler d'une décision à propos d'une indemnité d'expropriation qui avait d'abord fait l'objet d'une demande de révision présentée par l'appelant Lubecki. Il s'agit donc d'une demande de permission d'appeler d'une révision rendue par le TAQ qui, en vertu de l'article 154 LJA, soit en raison d'un fait nouveau inconnu en temps utile, ou d'un manquement à la règle audi altera partem ou à un vice de fond, se révise lui-même. La Cour du Québec affirme alors que les critères applicables à la permission d'appeler sont connus et cite notamment, en bas de page, le jugement Lamarche avec ses 4 critères que sont les questions sérieuses, controversées, nouvelles ou d'intérêt général :

20  Les critères permettant l'octroi de la permission d'appeler sont bien connus et peuvent se résumer, avec sans doute une simplicité exagérée, en indiquant qu'il doit s'agir de questions sérieuses, controversées, nouvelles ou d'intérêt général.

21  Encore une fois, il est utile de le répéter : l'examen approprié à faire ne consiste pas à décider si TAQ1 a commis des erreurs ou aurait pu rendre une décision différente à la vue de la preuve faite devant lui. La véritable question à trancher est de savoir si TAQ2 a correctement révisé TAQ1.

22  Même si TAQ2 avait mal révisé TAQ1, le Tribunal doit tout de même faire preuve de déférence envers celui-ci, un tribunal spécialisé en la matière et évaluer si, encore une fois, l'erreur alléguée constitue une question de celles qui justifient la permission d'appeler, soit être une question sérieuse, controversée, nouvelle ou d'intérêt général.

23  Avec beaucoup de respect pour les habiles représentations de la partie appelante, il m'apparaît impossible de voir dans aucune de ces questions qu'il s'agisse de matières d'intérêt général. Seul l'appelant est concerné et les erreurs, s'il en est, dans l'appréciation de la preuve, ne concernent que lui.

24  Il n'est pas allégué non plus qu'il s'agisse de questions nouvelles ou controversées. Les concepts de frontage, simple ou double, arrière ou latéral n'ont rien de nouveau, tout comme l'application de déductions pour diverses considérations, telles que l'achalandage, le passage d'une ligne électrique, la forme d'un lot le rendant en partie de peu de valeur, pour ne prendre que ces exemples, lesquels ne soulèvent aucune telle question.[81] (Nous soulignons)

Il est intéressant de mentionner que n'est nullement examinée la question de savoir si les « concepts de frontage, simple ou double, arrière ou latéral » eux-mêmes ont été bien compris ou bien définis, mais que la Cour se limite seulement à examiner l'existence de questions sérieuses, controversées et nouvelles ou d'intérêt général. En somme, le quatuor « sérieuses, controversées, nouvelles ou d'intérêt général » continue à prédominer sans que la Cour ne s'intéresse aux concepts juridiques.

À l'aune des critères pré-Vavilov, cette décision nous semble cependant fondée, car la Cour du Québec intervient ici comme le fait une Cour supérieure. Dans l'arrêt St-Pie, monsieur le juge Dalphond exposait le principe en ces termes :

36  Tant la Cour du Québec, dans le cadre de l'appel d'une décision du TAQ, que la Cour supérieure, dans le cadre de la révision judiciaire du jugement de la Cour du Québec, sont assujetties à des normes de contrôle ou paramètres d'intervention (Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct inc., [2008] 2 R.C.S. 195; Boerboom c. C.P.T.A.Q. et autres, 2008 QCCA 241, J.E. 2008-394; Hubert-Universel inc. (Eurest) c. L'Assomption (Ville de), [2006] R.J.Q. 2391 (C.A.); Lapray Realties Ltd. c. Montréal (Ville de), J.E. 2005-1073 (C.A.)).

37  Dans le cas de la Cour du Québec, elle doit respecter aussi les limites prévues spécifiquement par le législateur à l'art. 161 LJA, notamment se rappeler que le recours devant elle est un appel sur dossier, de même que les principes de déférence qui s'imposent lorsqu'un tribunal judiciaire est appelé à contrôler la décision d'un organisme administratif spécialisé comme le TAQ (Proprio Direct inc., précité). Si son intervention est justifiée, elle pourra prononcer la mesure permise expressément par la loi créant l'appel.[82] (Nous soulignons)

Ainsi, en vertu du cadre d'analyse propre au contrôle judiciaire qui mettait alors au cœur de son examen l'expertise de son décideur, la déférence était de mise, y compris à l'égard de la permission d'appel qui était tranquillement devenue un contrôle judiciaire. Or, comme nous l'avons vu, tel n'est plus le cadre d'analyse depuis Vavilov.

Les décisions postérieures à Vavilov rendues par la Cour du Québec siégeant en appel d'une décision du TAQ, dans la foulée de l'arrêt Vavilov, ne sont pas légion. En effet, plusieurs décisions rendues par la Cour du Québec siégeant en appel du TAQ n'ont aucunement cité Vavilov, alors que cet arrêt avait déjà été rendu lors de la sortie de ces jugements[83]. Toutefois, nous avons retenu un florilège succinct de trois jugements détaillés reflétant l'état du droit en cette matière depuis le début de l'année 2020.

L'affaire Ville de Terrebonne

La première affaire est Ville de Terrebonne[84]. En septembre 2015, la Ville expropriante a signifié aux expropriées des avis d'expropriation visant des terrains d'une superficie de plus de sept millions de pieds carrés, le tout pour fins de réserve foncière pour l'établissement de corridors de biodiversité, de boisés d'intérêt et d'espace vert.

L'expropriante a, pendant l'instance d'expropriation, acquis l'ensemble de ces terrains à la suite du paiement d'une indemnité provisionnelle totalisant 23 981 000 $ et, à la transmission des avis de transfert de propriété, cette indemnité provisionnelle fut fixée unilatéralement par l'expropriante en vertu de l'article 53.11 de la Loi sur l'expropriation.

Selon les expropriées, l'indemnité provisionnelle correspondait à la valeur des terrains et n'attribuait aucune somme à la perte de profits des entreprises qui sont des développeurs immobiliers. Pour les expropriées, l'indemnité totale réclamée devant le TAQ est de plus de 113 000 000 $. En septembre 2018, invoquant un délai supplémentaire, les expropriées demandent au TAQ de leur accorder une somme supplémentaire de 35 120 000 $ basée, notamment, sur l'article 53.13 sur la Loi sur l'expropriation puisqu'elles exploiteraient un commerce. Le 25 janvier 2019, le TAQ rend une première décision et rejette la requête en irrecevabilité.

L'Expropriante demande le contrôle judiciaire de cette décision en plaidant les mêmes motifs devant la Cour supérieure. Le 9 juillet 2019, le pourvoi en contrôle judiciaire est rejeté par la juge Lamarche.

La décision du TAQ est rendue le 11 septembre 2019. Le TAQ retient que les fonds que les expropriées ont déjà reçus s'avèrent suffisants pour attendre la fin des procédures devant le Tribunal, malgré le prolongement de l'audition. C'est pourquoi il conclut que la requête en indemnité provisionnelle additionnelle (IPA) des expropriées est mal fondée. Les Expropriées demandent donc la permission d'en appeler de cette dernière décision du TAQ.

Le TAQ a circonscrit le débat par la formulation des questions en litige suivantes :

  • Est-ce que les terrains expropriés sont inclus dans la notion de commerce de l'article 53.13 LE?
  • Si c'est le cas, l'indemnité provisionnelle déjà versée est-elle suffisante pour permettre aux expropriées d'attendre l'issue du débat au fond sans subir d'atteintes exagérées à la continuité de leurs opérations?
  • Sinon, est-ce que cette insuffisance de l'indemnité provisionnelle doit causer la mise en péril des activités des expropriées pour qu'une IPA puisse être versée? Et, le cas échéant, une telle mise en péril est-elle présente?
  • Si une IPA doit être versée, quel montant supplémentaire l'expropriante devrait‑elle verser aux expropriées à cette fin et comment l'établir?

En appel, la Cour du Québec traite des questions suivantes :

  • S'agit-il d'une décision interlocutoire susceptible d'appel?
  • Le TAQ a-t-il erré dans l'application de la méthode de calcul retenue pour calculer l'indemnité provisionnelle additionnelle?
  • Le TAQ a-t-il erré en refusant de statuer sur la preuve qu'il a entendue au motif qu'il voulait éviter de préjuger sur l'indemnité finale?
  • Le TAQ a-t-il erré en appliquant le mauvais fardeau de preuve quant à savoir si les frais d'aménagement des parcs de la phase 1 d'Urbanova-Centre devront être payés d'ici 2020?

La Cour du Québec rappelle que la demande de permission est régie par l'article 159 LJA. En outre, celle-ci prend acte de l'arrêt Vavilov en soulignant que ce dernier opère un virage spectaculaire quant à la norme de contrôle d'une décision à l'encontre de laquelle un droit d'appel statutaire existe[85]. Toutefois, il est d'avis que le cadre d'analyse de cet arrêt s'applique à l'appel au fond et non au stade de la demande d'autorisation[86].

Somme toute, la Cour est d'avis que la décision du TAQ est de nature interlocutoire et qu'elle n'a pas un effet irrémédiable sur le litige entre les parties. Le jugement final du TAQ pourra y remédier[87].

En l'instance, la Cour conclut qu'il ne s'agit donc pas d'une décision qui peut faire l'objet d'une permission d'en appeler. Selon la Cour, il est clair que la décision du TAQ sur l'IPA n'a pas un effet définitif sur le litige et que la décision sur le fond quant à l'indemnité d'expropriation déterminera en fonction d'une preuve beaucoup plus élaborée, les montants auxquels les expropriées auront droit[88].

La Cour du Québec aborde ensuite la question de l'application de la méthode de calcul retenue pour calculer l'IPA. À cet égard, la Cour est d'avis que les questions soumises, à savoir les frais d'experts au cadre de l'IPA et les honoraires d'avocats ainsi que les prétentions que le TAQ refuse d'ajouter la valeur des terrains de remplacement du résidu du secteur des Terres du Bas (TdB) ne sont pas de celles qui méritent d'être soumises à la Cour :

66  Il ne s'agit pas d'une question comportant au moins un des attributs de celles devant être soumises à la Cour du Québec; elle ne vise qu'à permettre à nouveau aux Expropriées de faire valoir les mêmes arguments que ceux plaidés devant le TAQ et qui ne se démarquent pas de leurs intérêts particuliers.

67  Le même raisonnement vaut quant au refus du TAQ de considérer l'aménagement des parcs au coût de 1 000 000 $ puisque la preuve retenue veut qu'il soit peu probable que cette dépense soit engagée avant l'été 2020.[89]

En ce qui a trait à la décision du TAQ d'avoir considéré la possibilité de réduire les besoins de liquidités en fonction de la possibilité d'un financement hypothécaire, cette conclusion est tributaire de la preuve sommaire examinée à l'étape de l'IPA et, bien que pertinente, celle-ci pourra, selon la Cour, être revue dans le cadre du jugement final[90].

Concernant la question de la preuve relativement aux choix arbitraire du TAQ d'avoir privilégié sans justification la position de la Ville expropriante à propos de la valeur des terrains et du prétendu refus du TAQ de trancher la preuve présentée et d'avoir ainsi délibérément refusé d'exercer sa compétence, la Cour est plutôt d'avis que les expropriées tentent de « reformuler une question d'appréciation de la preuve sommaire soumise en une question de compétence »[91]. La Cour conclut ainsi que la preuve a été examinée et que les questions abordées relèvent du juge du fond[92].

En définitive, la Cour n'y voit pas une question considérée comme sérieuse, controversée, nouvelle ou d'intérêt général. Il n'y a pas de motifs justifiant l'appel sur les questions soumises par les Expropriées. Ainsi, la demande introductive d'instance pour permission d'appeler d'une décision du Tribunal administratif du Québec en matière d'expropriation est rejetée.

À notre avis, le contexte particulier de cette affaire se prête plutôt mal à une analyse à travers le prisme du cadre énoncé dans Vavilov en raison du fait que les principes qui y sont énoncés sont peu susceptibles de trouver application dans le contexte d'un appel interlocutoire, lequel relève généralement de la procédure prévue par les textes législatifs. Ainsi, nous pensons que les principes énoncés dans l'arrêt Vergers Leahy[93] sont toujours applicables, et ce, en raison du texte même de la LJA. Toutefois, à cet égard, bien que nous soyons d'accord avec la conclusion selon laquelle il n'y a pas lieu de faire preuve de déférence à l'égard de la décision du TAQ, nous sommes d'avis que la Cour erre en droit lorsqu'elle affirme que, même après Vavilov, « les critères énoncés dans l'affaire Windsor continuent de s'appliquer au stade de la demande d'autorisation (…) »[94].

En effet, comme nous l'avons vu, à l'instar de l'affaire Lamarche, l'affaire Windsor reposait en bonne partie sur une lecture somme toute formelle de l'article 159 LJA. Or, en raison de l'importance accordée par l'arrêt Vavilov à la volonté du législateur d'instaurer un mécanisme d'appel, nous sommes d'avis que les principes énoncés dans cet arrêt devraient inciter la Cour du Québec à souscrire à l'approche préconisée par le juge Lavergne, dans l'affaire Forages Garant, où la Cour nous dit qu'« il faut tout de même se garder de sombrer dans un carcan uniforme, aux critères peu flexibles, qui risquent à la fin de dénaturer le droit d'appel lui-même »[95]. Une partie du raisonnement de monsieur le juge Lavergne mérite d'être reproduite ici in extenso :

39  D'abord, la retenue judiciaire s'exerce au moment où les instances d'appel se penchent sur le mérite de la décision, et des conclusions qui y mènent.

40  Il ne convient pas que cet exercice ait lieu au stade où il s'agit simplement de décider s'il y aura ou non une permission d'en appeler, car, en ce faisant, c'est non seulement usurper la tâche de la Cour siégeant en appel mais encore risquer de pervertir le droit d'appel lui-même.

41  Ensuite, faut-il le répéter, l'article 159 de la Loi n'impose aucune limite, en terme d'étendue ou de contenu, au droit d'appel.

42  Priver un plaideur déçu de son droit d'appel au motif que la décision contestée émane d'une instance spécialisée et prise dans le cadre de l'expertise qu'elle détient n'apparaît pas conciliable précisément avec le droit d'appel que confère l'article 159. Sans exclure que le caractère sérieux, nouveau, controversé ou d'intérêt général de la question en jeu puisse être pris en compte, il est loin d'être certain qu'il s'agit d'une condition sine qua non au droit d'en appeler d'une décision du Tribunal.[96] (Nous soulignons)

Les propos de l'affaire Forages Garant apparaissent aujourd'hui presque prémonitoires en ce que la volonté de faire prévaloir le droit d'appel prévu par le législateur l'emporte sur l'expertise du tribunal administratif spécialisé. En outre, cette conception se concilie également avec les propos de la Cour dans Vavilov qui précise que « si l'obligation d'obtenir une autorisation détermine si un appel à l'encontre d'une décision sera instruit, elle n'a aucun impact sur la norme qui prévaut en appel une fois l'autorisation accordée »[97]. Cette précision de la Cour suprême implique d'une part que le processus d'autorisation d'appel ne saurait justifier d'atténuer ou de limiter le pouvoir que possède la Cour d'intervenir sur le fond du litige dans son rôle d'appel.

D'autre part, le corollaire de ce principe rejoint celui précédemment énoncé dans Forages Garant, à savoir que l'exercice de la retenue judiciaire risque de tuer dans l'œuf le droit d'appel sans limite que le législateur a donné au justiciable appelant. À ce sujet, rappelons les propos du ministre Bégin que la permission d'appeler a pour fonction de « filtrer ce qui pouvait être des appels que l'on juge dilatoires ou vexatoires »[98]. En ce sens, bien que portant sur une décision interlocutoire, nous sommes d'avis que la conception rigoriste défendue dans cette décision ne respecte pas l'esprit de l'arrêt Vavilov.

L'affaire Ville de Laval

La deuxième décision examinée, l'affaire Ville de Laval[99], a été rendue dans le cadre d'un contrôle judiciaire d'une décision de la Cour du Québec, rendue le 24 janvier 2019 par le juge Alain Trudel (la « décision Trudel ») rejetant une demande pour autorisation d'appeler d'une décision du TAQ. Il va sans dire que le juge Trudel ne pouvait alors appliquer les critères de Vavilov puisque celui-ci n'avait pas encore été rendu. Par contre, la Cour supérieure fonda en partie ses motifs à partir du cadre d'analyse énoncé dans Vavilov. La question examinée portait sur la décision du TAQ qui avait accueilli une demande des Frères maristes à l'encontre de l'inscription au rôle de l'unité d'évaluation visée, au nom de la locataire, 9094, plutôt qu'au nom du propriétaire, les Maristes.

Pour sa part, la Cour du Québec arriva à la conclusion que la décision n'en était pas une qui devait être soumise à la Cour, car elle n'était ni nouvelle, ni sérieuse, ni controversée ou encore d'intérêt général[100]. D'entrée de jeu, la Cour supérieure prend acte de l'arrêt Vavilov et déclare sans ambages que :

14  Dans la trilogie rendue par la Cour suprême à l'occasion de l'affaire Vavilov, la Cour analyse et clarifie le droit applicable au contrôle des décisions administratives tel que traité dans l'arrêt Dunsmuir.

15  La Cour suprême adopte un cadre d'analyse révisé qui repose sur la présomption voulant que la norme de la décision raisonnable soit la norme applicable dans tous les cas. Elle établit que les cours de révision ne devraient déroger à cette présomption qu'en présence d'indication claire de l'intention du législateur ou lorsque la primauté du droit l'exige.

16  Ce serait le cas lorsque le législateur indique qu'il souhaite l'application d'une norme différente ou d'un ensemble de normes différentes.

17  Il en est ainsi lorsque le législateur prévoit un appel à l'encontre d'une décision administrative : la cour saisie de l'appel doit recourir aux normes applicables en appel pour réviser la décision.[101]

Après avoir passé en revue les critères de la décision raisonnable selon Vavilov, la Cour supérieure réitère machinalement les critères applicables de la permission d'appeler en vertu de l'article 159 LJA afin de déterminer si la Cour du Québec les a bien appliqués et confirme que cette dernière a appliqué une jurisprudence constante en reconnaissant « que la permission d'appeler doit être accordée lorsque le Tribunal est en présence de questions sérieuses, controversées, nouvelles ou d'intérêt général »[102].

Dans un premier temps, la Cour supérieure applique le critère de la décision raisonnable, conformément à l'arrêt Vavilov, et conclut que la Cour du Québec a rendu une décision raisonnable en affirmant que la question soumise n'était pas nouvelle. En outre, nous dit la Cour supérieure, la Cour du Québec avait aussi tenu compte de la preuve soumise et n'avait pas confondu le statut juridique du propriétaire et du locataire[103]. Enfin, la Cour supérieure conclut que la décision de la Cour du Québec, selon laquelle l'interprétation de la Loi sur la fiscalité municipale n'était pas controversée, est raisonnable[104]. En somme, la Cour supérieure souscrit aux motifs de la Cour du Québec d'avoir refusé la permission d'appeler en appliquant les quatre critères de Lamarche.

Nous pouvons constater qu'à l'instar des autres décisions, ce jugement ne fait que reproduire les principes de Lamarche, et ce, malgré la clarté des propos de la Cour suprême. La Cour supérieure ne dit mot sur la profonde rupture que constitue l'arrêt Vavilov en matière d'appel. Néanmoins, bien que classique par sa facture et ses motifs, et sans avoir pris la mesure de ce nouvel arrêt, cette décision n'en demeure pas moins pertinente en raison de la lucidité de sa conclusion sur le dilemme auquel est confronté tout juge de la Cour du Québec siégeant en appel d'une décision du TAQ :

94.  En terminant, on peut argumenter que la décision Trudel discute du fond du litige alors que seule l'autorisation d'appeler est en cause. Il est cependant difficile de ne pas procéder à l'examen, du moins superficiel, de la décision dont on veut appeler lorsqu'il s'agit de qualifier les questions qu'on désire soulever en appel. De l'avis du Tribunal, c'est ce que fait le juge Trudel.[105]

La Cour supérieure a bien raison de souligner que tout juge siégeant en appel d'une décision du TAQ se voit plus ou moins obligé d'apprécier le fond de l'affaire, ne serait-ce que prima facie, en raison du fait que l'approche préconisée dans Lamarche cherche à ce point à limiter les appels en passant au crible les questions soumises que cela conduit la Cour à se prononcer sur le fond du litige.

L'affaire Gingras

Dans cette affaire, la Commission de la protection du territoire agricole (CPTAQ) présentait une demande de permission d'appel afin de faire casser une décision du TAQ qui avait infirmé l'une de ses décisions et lui avait retourné le dossier afin que celle-ci se prononce à nouveau sur la demande d'autorisation de vendre une terre agricole présentée par Omer Gingras et fils inc.

La Cour du Québec procède à l'examen de la demande de permission en retenant notamment les critères suivants :

[6] L'abondante jurisprudence qui s'est développée autour de ce critère d'appel veut que, pour y satisfaire, la question soulevée doive être sérieuse, controversée, nouvelle ou d'intérêt général.

[7] À cette étape, la déférence à l'égard de la décision attaquée ou du caractère spécialisé du Tribunal qui l'a rendue n'est pas de mise.

[8] Par contre, la permission d'appel ne doit pas servir à simplement accorder une nouvelle chance à l'appelant de soumettre ses arguments ou de plaider sa cause une seconde fois.

[9] Le Tribunal doit donc vérifier si les questions soulevées apparaissent correspondre aux critères, tout en prenant soin de ne pas s'immiscer sur le fond du litige qui demeure l'apanage du juge d'appel. La question n'est pas de savoir si l'appel a des chances de réussir mais plutôt s'il repose sur des arguments défendables et cohérents.

Après avoir rejeté la question de la tardivité et affirmé qu'elle avait été valablement saisie de la demande, la Cour identifie d'emblée la question essentielle qui a trait au manquement à l'équité procédurale en raison du fait que la CPTAQ aurait manqué à son devoir d'agir équitablement en utilisant des données statistiques dont ne disposait pas Gingras et, sur ce fondement, décide d'accueillir la permission[106]. Prenant alors notamment assise sur l'arrêt Vavilov, la Cour conclut en ces termes :

20.  Les autorités soumises par les parties et les recherches du Tribunal démontrent que la Cour du Québec, tribunal d'appel au sens des enseignements du récent arrêt Vavilov de la Cour suprême, n'a jamais eu à trancher cette question. Ainsi, il s'agit d'une question nouvelle qui dépasse évidemment le simple intérêt personnel des parties. Les moyens proposés par la CPTAQ sont défendables et cohérents.[107] (Nous soulignons)

Force est de constater que, ici encore, malgré la justesse de la décision rendue, les juges semblent toujours ancrés dans le schème conçu dans l'affaire Lamarche. Les critères développés dans Lamarche sont tenaces et l'on voit que, malgré une lecture de Vavilov, la Cour hésite encore à employer pleinement les pouvoirs que lui a conférés le législateur.

Au terme de cet examen, nous constatons que non seulement plusieurs jugements de la Cour du Québec passent sous silence l'arrêt Vavilov, mais que même ceux qui le citent ne font le plus souvent que l'effleurer. Les principes sont reproduits dans les décisions, mais ils ne sont presque jamais véritablement appliqués.

Une certaine question de droit

Avant de clore de façon définitive notre étude, nous voulons mettre évidence un élément qui est parfois occulté, à savoir la nature particulière du droit sous-jacent à toutes les décisions rendues en matière de litiges immobiliers ou agricoles, et surtout en matière d'expropriation. Cette nature particulière est le droit de propriété.

En effet, bien que le droit de propriété ne soit pas constitutionnalisé, il n'en est pas moins reconnu que le pouvoir d'expropriation doit être interprété restrictivement, comme en font foi les propos de la Cour d'appel dans l'arrêt Radmore :

Qu'une matière aussi exceptionnelle que l'expropriation ne soit permise que pour des motifs d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité, voilà qui justifie une interprétation restrictive, à la mesure de l'utilité publique qui doit ressortir clairement. Cela ne me semble guère exiger de longs commentaires (-Pierre-André Côté, Interprétation des lois, Cowansville, Yvon Blais, 1982, pp. 426, 427. -Lorne Giroux, L'expropriation en droit québécois, Revue de droit, Vol. 10, No 2, Université de Sherbrooke, (1980). -Attorney General c. De Keyser's Royal Hotel Ltd., [1920] A.C. 508, 542. -Manitoba Fisheries Ltd. c. La Reine, [1979] 1 R.C.S. 101. -Air Canada c. Cité de Dorval, [1985] 1 R.C.S. 861. -Cité de Verdun c. Sun Oil Co., [1952] 1 R.C.S. 222. -Costello et Dicknoff c. Calgary, [1983] 1 R.C.S. 14.).[108]

Conséquemment, lorsqu'il s'agit de déterminer l'indemnité due à l'exproprié, la jurisprudence reconnaît qu'il faut alors préconiser une interprétation large et libérale des dispositions législatives en cause[109]. Un autre corollaire résultant de ces principes est que les formalités exigées par la loi sont impératives et doivent être rigoureusement respectées[110].

Cette interprétation restrictive du pouvoir d'exproprier plonge ses racines tant dans la tradition civiliste que dans la tradition de common law. En effet, l'article 952 C.c.Q. consacre avec vigueur le droit de propriété.

À ce propos, il est à noter que la Cour suprême a maintes fois souligné l'importance de la disposition préliminaire du Code civil du Québec énonçant que celui-ci est notre droit commun et constitue le fondement des autres lois[111]. En outre, la Charte québécoise[112] reconnaît, elle aussi, l'importance accordée à la libre disposition de ses biens :

6. Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi.

S'il est vrai que cette disposition précise que ce droit n'est pas absolu et s'exerce dans la mesure prévue par la loi, il n'en demeure pas moins que la reconnaissance d'un droit dans une loi quasi-constitutionnelle[113], conjuguée à sa consécration dans notre droit commun, en font un droit que l'on ne peut traiter à la légère et encore moins fouler aux pieds sans un texte de loi explicite.

Pour sa part, la common law reconnaît le principe plus que séculaire selon lequel « the house of every one is to him as his castle and fortress »[114]. Bien que conçu dans le cadre du droit criminel, ce principe est tout aussi applicable, sinon plus, en droit commun. D'ailleurs, la Cour suprême a bien mis en évidence le caractère quasi-sacré accordé à l'inviolabilité de sa demeure[115]. Ce droit a, par la suite, été étendu à l'ensemble des biens et propriétés possédés par une personne. La Cour suprême réitérait d'ailleurs ces principes en ces termes :

20.    L'expropriation d'un bien est l'un des pouvoirs gouvernementaux qui n'est exercé qu'en dernier ressort. L'expropriation totale ou partielle d'un bien appartenant à une personne constitue une grave perte ainsi qu'une atteinte très importante aux droits privés de propriété des citoyens. Il s'ensuit que le pouvoir d'une autorité expropriante devrait être interprété de façon stricte en faveur des personnes dont les droits sont touchés. Ce principe a été souligné par d'éminents auteurs et dans des arrêts de notre Cour. Voir P.-A. Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1990), à la p. 458; E. Todd, The Law of Expropriation and Compensation in Canada (2e éd. 1992), à la p. 26; Manitoba Fisheries Ltd. c. La Reine, [1979] 1 R.C.S. 101, aux pp. 109 et 110; Diggon-Hibben Ltd. c. The King, [1949] R.C.S. 712, à la p. 715; et Imperial Oil Ltd. c. La Reine, [1974] R.C.S. 623.[116] (Nous soulignons)

En somme, même si le droit de propriété n'est pas constitutionnalisé, force est de constater qu'il constitue néanmoins l'un des principes fondamentaux de notre système juridique.

À la lumière de ces principes, nous pouvons raisonnablement penser que plusieurs questions touchant le droit de propriété constituent de véritables questions de droit de première importance. Dès lors, nous pouvons supposer que, conformément aux préceptes de Vavilov qui remet en selle l'arrêt Housen[117] aux fins d'un appel tel que celui exercé par la Cour du Québec à l'égard des décisions du TAQ, ces questions pourront dorénavant faire l'objet d'un examen par la Cour du Québec siégeant en appel d'une décision du TAQ, et ce, sans faire preuve d'aucune déférence à l'égard de telles questions de droit.

Conclusion

À la lumière de l'ensemble de ces principes complexes et parfois alambiqués, que doit-on retenir? Selon nous, un élément majeur ressort avant tout de la jurisprudence récente. En effet, compte tenu de la volte-face que représente l'arrêt Vavilov, force nous est de constater que la volonté ferme, et fort légitime, de la Cour suprême d'opérer un décentrage de l'expertise au profit de l'appel se fait au nom de l'intention du législateur et conduit, conséquemment, à une reconsidération du travail d'exégèse qui prend d'abord ancrage dans l'analyse textuelle.

Du point de vue de la LJA, cela nous conduit donc à privilégier l'approche retenue dans l'affaire Forages Garant qui repose essentiellement sur le « texte ouvert » du libellé de l'article 159 LJA qui témoigne de l'intention du législateur de conférer aux justiciables un véritable droit d'appel. Cependant, le texte de l'article 83. 1 de la Loi sur les tribunaux judiciaires pourrait-il faire pièce à cette généreuse volonté? À notre avis, cette question appelle une réponse négative en raison du régime particulier que représente la LJA et de la maxime « generalia specialibus non derogant » en vertu de laquelle la loi spéciale a préséance sur la loi générale. De surcroît, une conception trop rigoriste de la permission d'appeler aurait comme conséquence de réduire à néant tout véritable appel voulu par le législateur. C'est l'un des préceptes qui se dégage du nouveau cadre d'analyse développé dans l'arrêt Vavilov.

Enfin, sur un plan plus social, voire symbolique, l'arrêt Vavilov ne marque pas seulement le retour vers une intention législative qui s'incarne par le truchement d'un texte, mais aussi par une réhabilitation des tribunaux de droit commun, en l'occurrence la Cour du Québec, lesquels tribunaux sont conviés à prendre leur juste place. Il est vrai qu'un examen de la jurisprudence récente conduit à la conclusion que la Cour du Québec est encore hésitante à exercer pleinement ses pouvoirs de Cour d'appel dont l'a investie le législateur. Cependant, on ne peut tenir rigueur à celle-ci de ne pas avoir encore pris la mesure des principes énoncés dans Vavilov. En effet, pendant longtemps, la Cour du Québec s'est fait dire ad nauseam qu'elle ne pouvait et ne devait pas appliquer les critères de l'appel, et ce, malgré l'existence d'un texte clair.

En outre, le fait que la Cour du Québec soit prise entre, d'une part, les tribunaux administratifs dits spécialisés, dont l'expertise est parfois pour le moins obscure, et d'autre part, la Cour supérieure dans son rôle de gardienne de la primauté du droit, incite certains à voir la Cour du Québec comme un ersatz de tribunal judiciaire. Souhaitons que cette dernière saura profiter de l'arrêt Vavilov afin de répondre à l'appel qui lui est lancé et que ce nouveau cadre d'analyse pavera la voie à une nouvelle vocation pour cette Cour et ses magistrats qui, à n'en pas douter, sont à la hauteur de la tâche.


[1]      Loi sur la justice administrative, RLRQ, c J-3.

[2]      Lamarche McGuinty inc. c. Bristol (municipalité de), 1999 CanLII 10748 (QC CQ).

[3]      Québec (Procureur général) c. Forages Garant et Frères inc., J.E. 2002-954 (QC CQ).

[4]      Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65.

[5]      Me André Lemay et Me Lahbib Chetaibi, Le début et la fin du processus d'expropriation – La réserve et la permission d'en appeler des décisions du Tribunal administratif du Québec fixant l'indemnité d'expropriation, Les développements récents en droit municipal, Barreau du Québec, Yvon Blais, Trois-Rivières le 4 avril 2014.

[6]      Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, RLRQ, c. A-2.1.

[7]      Loi sur la Régie du logement, RLRQ, c. R-8.1.

[8]      Lamarche McGuinty inc. c. Bristol (municipalité de), 1999 CanLII 10748 (QC CQ), paragr. 6-7.

[9]      Id., paragr. 10, in fine.

[10]     Mes Réjean Rioux et Mario St-Pierre dans leur article intitulé « Vers une déjudiciarisation de la fiscalité municipale » dans Développements récents en droit municipal, Service de la formation permanente du Barreau du Québec, vol. 100, Les Éditions Yvon Blais inc., Cowansville, 1988, p. 1.

[11]     Lamarche McGuinty inc. c. Bristol (municipalité de), 1999 CanLII 10748 (QC CQ), paragr. 16.

[12]     Id., paragr. 24.

[13]     Id., paragr. 25.

[14]     Id., paragr. 32.

[15]     Québec (Procureur général) c. Forages Garant et Frères inc., J.E. 2002-954 (QC CQ).

[16]     Id., paragr. 14. La Cour cite les arrêt suivants : Marengère c. Hydro-Québec, CAM, 500-46-000108-805, 05-06-80;  Arcand c. Blanchette, (1986) R.D.J. 324 (C.A.);  Asbestos Corp. c. Eagle Picher Industries inc., (1983) R.D.J. 76 (C.A.);  Westcliff Investment Ltd c. Bourdeau, (1979) C.A. 226.

[17]     Id., paragr. 39 à 43.

[18]     Saint-Pie (Municipalité) c. Québec (Commission de protection du territoire agricole, 2005 QCCA 252 (Juges Gendreau et Otis).

[19]     Id., paragr. 19.

[20]     Windsor (Ville de) c. Domtar inc., 2009 QCCQ 5334.

[21]     Id., paragr. 14.

[22]     Id., par. 27.

[23]     Id., par. 43.

[24]     Id., par. 81 et 82; Mutuelle du Canada c. Desmarais (C.A.M.), [1983] R.D.J. 449; Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'immigration), [1998] 1 R.C.S. 982.

[25]     Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65.

[26]     Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, c. C-29.

[27]     Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, par. 9. Il est à noter que les motifs sont l'œuvre commune de l'ensemble des juges majoritaires, à savoir le juge en chef Wagner et les juges Moldaver, Gascon, Côté, Brown, Rowe et Martin.

[28]     Id., par. 10.

[29]     Id., par. 11 et 12.

[30]     Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, 2008 CSC 9.

[31]     Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, par. 16.

[32]     Id., par. 17.

[33]     Id., par. 24.

[34]     Ibid.

[35]     U.E.S., Local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048, par. 122-123.

[36]     Id., par. 117-118.

[37]     Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, par. 28.

[38]     Patrice Garant, Droit administratif, 7e édition, Éditions Yvon Blais, Montréal, 2017, p. 115.

[39]     Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, par. 29.

[40]     Id., par. 30, in fine.

[41]     Id., par. 31, in fine.

[42]     Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, par. 33.

[43]     Pezim c. ColombieBritannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557.

[44]     Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, par. 33.

[45]     Id., par. 36-37.

[46]     Id., par. 47.

[47]     Id., par. 50.

[48]     Id., par. 51.

[49]     Id., par. 52.

[50]     Ibid.

[51]     Id., par. 37; Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, par. 8 et 10.

[52]     Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, par. 96.

[53]     Id., par. 79.

[54]     Id., par. 81, in fine.

[55]     Id., par. 87, in fine.

[56]     Id., par. 90, in fine.

[57]     Id., par. 98, in fine.

[58]     Id., par. 102.

[59]     Id., par. 106.

[60]     Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, par. 47.

[61]     Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, par. 121.

[62]     Id., par. 124.

[63]     Loi sur La justice administrative, L.Q. 1996, c.54; L.R.Q., c.J-3.

[64]     Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative, L.Q. 1997 c.43.

[65]     Jean Beetz, « Uniformité de la procédure administrative » (1965) 25 R. du B. 244.

[66]     Theodore Frank Thomas Plucknett, A Concise History of the Common Law, 5e édition, London, Butterworths, 1956, p. 144; Ralph V. Turner, «The origins of Common Pleas and King's Bench», (1977) 21 Am. J. Legal Hist. 238, p. 239.

[67]     Highwood Congregation of Jehovah's Witnesses (Judicial Committee) c. Wall, 2018 CSC 26.

[68]     Id., par. 13.

[69]     David Mullan, Administrative Law, 3e édition, Toronto, Carswell, 1996, no. 241.

[70]     Journal des débats de la Commission des institutions, Étude détaillée du projet de loi no 130 - Loi sur la justice administrative, mercredi 6 novembre 1996 - Vol. 35 No 45, 35e législature, 2e session, le député de l'Acadie, M. Bordeleau.

[71]     Journal des débats de la Commission des institutions, Étude détaillée du projet de loi n° 89 - Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative, Le mardi 6 mai 1997 - Vol. 35 N° 80, 35e législature, 2e session, le ministre de la justice Paul Bégin.

[72]     Walker c. Ritchie, [2006] 2 R.C.S. 428, par. 25; Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes (4e éd. 2002), p. 175-177.

[73]     Projet de loi n° 32, «Projet de loi n° 32, Loi visant principalement à favoriser l'efficacité de la justice pénale et à établir les modalités d'intervention de la Cour du Québec dans un pourvoi en appel, adopté le 3 juin 2020 et sanctionné le 5 juin 2020.

[74]     Loi sur les tribunaux judiciaires, RLRQ c T-16.

[75]     Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, par. 8.

[76]     2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis d'alcool), [1996] 3 R.C.S. 919, par. 24.

[77]     Ibid.

[78]     Association des juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles c. Québec (Procureur général), 2013 QCCA 1690, par. 52; Barreau de Montréal c. Québec (Procureure générale), [2001] R.J.Q. 2058, par. 174.

[79]     Nous avons répertorié 481 décisions citant l'affaire Lamarche contre 140 citant l'affaire Lamarche.

[80]     Leopold Lubecki c. Ville de Granby, 2019 QCCQ 7956.

[81]     Leopold Lubecki c. Ville de Granby, 2019 QCCQ 7956, par. 21 à 24.

[82]     St-Pie (Municipalité de) c. Commission de protection du territoire agricole du Québec, 2009 QCCA 2397, par. 36-37.

[83]     Chehade c. Microprécision, division de 136963 Canada inc., 2020 QCCQ 1771; Meta Mujinga c. Coopérative d'habitation main dans la main d'Hochelaga-Maisonneuve, 2020 QCCQ 645; Bélanger c. 9278-8926 Québec inc., 2020 QCCQ 517.

[84]     9226-0751 Québec inc. c. Ville de Terrebonne c. Ville de Terrebonne, 2020 QCCQ 1024.

[85]     Id., par. 38.

[86]     Ibid.

[87]     Id., par. 44.

[88]     Id., par. 57.

[89]     Id., par. 66-67.

[90]     Id., par. 69.

[91]     Id., par. 72.

[92]     Id., par. 74.

[93]     Vergers Leahy c. Fédération de l'UPA de St-Jean Valleyfield, 2009 QCCA 2401.

[94]     Windsor (Ville de) c. Domtar inc., 2009 QCCQ 5334.

[95]     Québec (Procureur général) c. Forages Garant et Frères inc., J.E. 2002-954, par. 7.

[96]     Id., par. 39 à 42.

[97]     Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, par. 50.

[98]     Journal des débats de la Commission des institutions, Étude détaillée du projet de loi n° 89 - Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative, Le mardi 6 mai 1997 - Vol. 35 N° 80, 35e législature, 2e session, le ministre de la justice Paul Bégin.

[99]     Ville de Laval c. Cour du Québec, 2020 QCCS 711.

[100]   Id., par. 34.

[101]   Id., par. 35 à 41.

[102]   Id., par. 44-45.

[103]   Id., par. 67 et 80.

[104]   Id., par. 93.

[105]   Id., par. 94.

[106]  Commission de protection du territoire agricole du Québec c. Omer Gingras et Fils inc., 2020 QCCQ 2140 (CanLII)

[107]   Id., par. 20.

[108]   Hydro-Québec c. Radmore, [1991] R.J.Q. 1852 (C.A.), p. 6.

[109]           Id., p. 7.

[110]   Costello c. Calgary (Ville), [1983] 1 R.C.S. 14, p. 23.

[111]   Prud'homme c. Prud'homme, [2002] 4 R.C.S. 663, par. 28.

[112]   Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12.

[113]   Globe and Mail c. Canada (Procureur général), [2010] 2 R.C.S. 592, par. 29.

[114]   Eccles c. Bourque, [1975] 2 R.C.S. 739, p. 743.

[115]   Ibid.

[116]   Régie des transports en commun de la région de Toronto c. Dell Holdings Ltd., [1997] 1 R.C.S. 32, par. 20.

[117]   Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, par. 8.

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  • Marc-André Boucher, Avocat | Travail, emploi et droits de la personne, Montréal, QC, +1 514 397 5257, mboucher@fasken.com

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