À l'aube de 2021, il apparaît clair que les besoins des gouvernements en matière d'approvisionnement continueront de fluctuer de manière importante.
Comme tous les pays l'ont rapidement constaté, malgré les accords de commerce et de coopération multinationaux existants, les pays qui disposent d'usines de production d'équipement de protection individuelle (EPI) ou qui comptent sur leur territoire des entreprises en mesure de fournir les matières premières nécessaires à leur production ont vite fait de se réapproprier ces usines et fournisseurs. Ceux qui n'avaient pas cette chance, ont été contraints de se jeter dans la mêlée dans l'espoir d'accaparer une partie des stocks tant convoités. Les gouvernements du monde entier ont mis en place des protocoles d'achat d'urgence et invoqué la sécurité nationale pour se soustraire aux règles des accords commerciaux, puis sont rapidement passés à des scénarios d'approvisionnement exclusif ou à des appels d'offres restreints.
Nous avons tous très vite compris que la définition d'« infrastructure essentielle » s'étendait bien au-delà de la vision traditionnelle que nous en avions – la sécurité alimentaire et les fournitures médicales et de nettoyage de base étant devenues indispensables au maintien de l'intégrité et de la fonctionnalité des infrastructures essentielles. Nous prévoyons cette réinitialisation continuera d'exercer une influence marquée sur les marchés gouvernementaux dans le présent et dans un avenir proche .
Bien que certains gouvernements aient exprimé leur intention de revenir aux pratiques d'approvisionnement habituelles à la mi- 2020, la deuxième vague de COVID-19 les a contraints à revoir leurs aspirations. Bon nombre d'entre eux demeurent en mode « intervention d'urgence », notamment en ce qui concerne les biens et services liés à l'EPI, les fournitures et services médicaux et, depuis peu, les vaccins.
Les ressources gouvernementales continueront d'être mises à rude épreuve par la nature imprévisible de la pandémie, alors que les pays chercheront à parvenir à un équilibre entre la gestion des programmes de lutte contre la pandémie et le besoin concurrent et tout aussi importante de rétablir les programmes et services habituels dans le contexte de la « nouvelle normalité ».
Nous prévoyons que les achats d'infrastructures essentielles et les évaluations de l'intégrité de la chaîne d'approvisionnement demeureront au cœur des préoccupations, car les gouvernements voudront s'assurer de disposer de sources d'approvisionnement nationales sûres, ou à tout le moins, d'une capacité de stockage accrue. Les fournisseurs doivent s'attendre à ce que les évaluations de l'intégrité de la chaîne d'approvisionnement en viennent à faire partie intégrante des processus d'approvisionnement. Et, les fournisseurs de biens et de services essentiels peuvent être tenus de situer leur chaîne d'approvisionnement au Canada.
La nécessité d'optimiser les ressources, combinée au coût de la réponse gouvernementale à la pandémie, entraînera obligatoirement une compression des dépenses et une réévaluation des programmes.
Les fournisseurs qui ont passé des marchés avec les gouvernements dans le cadre des interventions de lutte contre la pandémie doivent être conscients que les gouvernements seront éventuellement tenus de rendre compte de leurs dépenses et de valider leurs décisions. Une chose est certaine : la justification des dépenses engagées sera soumise à un audit.
Des pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni ont déjà commencé le processus d'audit. Au Canada, la vérificatrice générale a indiqué que sa liste de priorités comprenait les acquisitions d'EPI par le gouvernement pour les travailleurs de la santé, l'approvisionnement alimentaire du Canada et un examen plus détaillé de la Prestation canadienne d'urgence (PCU).
Tant que le déploiement de la vaccination ne sera pas en bonne voie et qu'il n'existera pas de données fiables sur l'immunité à long terme que procurent les différents vaccins, les gouvernements continueront d'axer leurs efforts sur le désengorgement des systèmes de santé surchargés, l'établissement d'un approvisionnement fiable en vaccins et la mise en œuvre de stratégies vaccinales. Les gouvernements auront conscience que ces stratégies devront, d'un point de vue éthique, concilier adéquatement la santé et la sécurité des Canadiens avec la nécessité de remettre l'économie du pays sur les rails en phase avec le reste du monde.
Marcia Mills est cochef du groupe de pratique Droit de la sécurité nationale de Fasken et avocate-conseil en matière d'approvisionnement, de marchés gouvernementaux, de commerce et de technologies de l'information au bureau de Fasken à Ottawa. Comptant plus de 20 ans d'expérience dans les secteurs privé et public, elle fournit aux clients des conseils juridiques et stratégiques sur tous les aspects des processus d'appel d'offres, de l'approvisionnement et des marchés publics ainsi que sur les questions de sécurité nationale, l'élaboration de politiques et les programmes de conformité.