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« Pas de deuxième chance » : même si le gouvernement fournit des renseignements ambigus, les soumissionnaires sont tout de même responsables de respecter les délais relatifs au dépôt d’une plainte

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Bulletin Approvisionnement

Deux décisions récentes du Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) ont réitéré que les soumissionnaires disposent de 10 jours pour déposer une plainte auprès du Tribunal et que la réglementation régissant les marchés publics est de rigueur.

Dans la décision Nur Construction Ltd c. TPSGC[1], Nur n’a pas été retenu à la suite de son offre de prestation de services d’entretien des logements des Forces canadiennes à Borden. Dans la lettre de refus de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC)[2], les soumissionnaires ont été avisés de ce qui suit :

« Si vous avez des préoccupations concernant le processus de passation de marchés, veuillez consulter la page Mécanismes de recours, sur le site Web Achatsetventes.gc.ca. Veuillez noter qu’il y a des délais fermes à respecter pour déposer une plainte devant le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) ou du [sic] Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement (BOA), le cas échéant. »

Onze jours après avoir reçu cette lettre, Nur a déposé une plainte auprès du Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement (BOA) (dans les délais prescrits pour le dépôt d’une plainte auprès du BOA). Le jour suivant, le BOA a informé Nur qu’il n’avait pas compétence pour entendre cette plainte et lui a suggéré de communiquer avec le TCCE dès que possible, en précisant dans sa réponse que des délais du TCCE étaient imposés par la législation. Une autre semaine a passé avant que Nur dépose une plainte auprès du TCCE. Dans sa plainte, Nur a attribué le délai entre la réception de la lettre de refus de SPAC et le dépôt de cette plainte auprès du TCCE aux échanges qu’elle a eus avec le BOA.

Quelques semaines plus tard, le TCCE a été confronté à une situation semblable dans l’affaire Expert Systèmes (148650 Canada Inc) c. TPSGC[3]. Dans cette cause, SPAC a publié une demande de proposition pour la prestation de services d’entretien de convoyeurs, que SPAC a ensuite annulée avant de publier aussitôt une nouvelle demande de proposition. Expert Systèmes a présenté à SPAC son opposition à l’annulation de la demande de proposition et au lancement de la seconde demande de proposition, en prenant soin de présenter une soumission en réponse à cette dernière. La soumission d’Expert Systèmes en réponse à la deuxième demande de proposition n’a pas été retenue et l’entreprise a reçu une lettre de refus contenant le même type de message que celui contenu dans la lettre de refus reçue par Nur pour expliquer les mécanismes de recours[4]. Expert Systèmes a déposé (erronément) une plainte auprès du BOA, et ensuite auprès du TCCE.

Les deux plaintes ont été rejetées puisqu’elles n’ont pas été déposées dans le délai prescrit de 10 jours. Le TCCE a réitéré son opinion selon laquelle le message contenu dans les lettres de refus manquait de détails et de clarté, et n’avait pour effet que de confondre davantage les soumissionnaires. Toutefois, dans chacune des décisions, le TCCE n’a pas modifié l’état général du droit au Canada : la responsabilité de comprendre les exigences incombe aux soumissionnaires, notamment en ce qui concerne le dépôt de plaintes dans les délais prescrits et auprès de l’autorité compétente[5].

Comme le soulignent ces deux décisions, il est essentiel de comprendre le rôle limité du BOA, nommément parce que le délai de dépôt des plaintes auprès du TCCE n’est que de 10 jours, alors que le délai de dépôt des plaintes auprès du BOA est de 30 jours.

La portée limitée de la compétence du Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement dans la résolution de différends liés à un appel d’offres

Le BOA peut seulement traiter les plaintes que si ces trois conditions sont réunies :

  • La plainte est déposée par un fournisseur canadien;
  • La plainte concerne le processus d’attribution d’un marché du gouvernement fédéral;
  • La valeur du marché attribué est inférieure à 26 400 $ pour les biens et à 105 700 $ pour les services.

Si le BOA est l’instance compétente, un soumissionnaire dispose de 30 jours ouvrables après la publication de l’avis d’attribution du marché pour déposer une plainte écrite. Si aucun avis d’attribution n’a été publié, le soumissionnaire dispose de 30 jours ouvrables à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l’attribution du marché ou aurait dû en avoir connaissance[6].

Nos lecteurs devront toutefois prendre note que même si le site Web du BOA indique qu’il peut effectuer l’examen d’une plainte « relative à l’administration de tout contrat fédéral, peu importe sa valeur », ces activités d’examen s’appliquent seulement lorsqu’il s’agit de questions ayant trait à l’administration d’un marché fédéral attribué, et non du processus de passation d’un marché public ayant donné lieu à l’attribution de ce marché, sauf s’il répond par ailleurs aux trois conditions indiquées ci-dessus.

Une solution simple pour éviter l’état de confusion

Les accords commerciaux exigent que l’avis d’attribution et/ou les documents d’appels d’offres précisent quels accords commerciaux s’appliquent au marché. Puisque l’exigence de citer les accords commerciaux fait déjà partie du processus de passation de marchés (ce qui signifie que le gouvernement a déjà déterminé qu’un accord commercial s’applique, et donc, que le BOA n’a pas compétence) :

  • Les autorités contractantes pourraient tout simplement modifier la lettre de refus émise dans le cas d’un marché soumis à des accords commerciaux (y compris ceux visés par des exceptions relatives à la sécurité nationale ou à d’autres exceptions) afin d’indiquer que le TCCE ou les tribunaux sont les instances compétentes, et retirer toute référence au BOA[7].
  • Les lettres de refus pour des marchés dont la valeur est égale ou inférieure au seuil déclenchant le pouvoir de résolution de différends de l’ombudsman de l’approvisionnement pourraient indiquer que le BOA ou les tribunaux sont les instances compétentes.
  • Étant donné que les services d’examen de l’ombudsman pour les différends relatifs aux marchés attribués relèveraient de l’administration des marchés, la référence à cette voie pourrait être limitée aux conditions du contrat résultant de la passation d’un marché et être clarifiée.

Le délai prescrit de 10 jours pour déposer une plainte auprès du TCCE

Nous avons préalablement discuté de l’importance du respect du délai prescrit de 10 jours pour déposer une plainte auprès du TCCE (y compris du moment où ce délai est déclenché et comment il est calculé) dans le bulletin suivant : Contre la montre : dix jours cruciaux pour contester un marché public visé par un accord commercial. Nous invitons tous nos lecteurs à prendre connaissance de ce bulletin.


[1] Voir Nur Construction Ltd c. TPSGC (28 août 2020), PR-2020-018 (TCCE).

[2] SPAC est le ministère du gouvernement du Canada qui agit comme acheteur central pour le gouvernement fédéral. Sa dénomination officielle est « ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux », mais son nom d’usage est « Services publics et Approvisionnement Canada » depuis 2016.

[3] Voir Expert Systèmes (148650 Canada Inc.) c. TPSGC (2 septembre 2020), PR-2020-027 (TCCE).

[4] Même si Expert Systèmes n’a jamais reçu de réponse à son opposition à l’annulation de la première demande de proposition et au lancement de la deuxième, le TCCE a déterminé (comme attendu) que la plainte relative au premier appel d’offres a été refusée implicitement lorsque, par l’entremise d’une lettre de refus, SPAC a informé Expert Systèmes que le marché avait déjà été attribué. L’importance du refus par connaissance directe ou par déduction est abordée plus en détail dans notre bulletin Contre la montre : dix jours cruciaux pour contester un marché public visé par un accord commercial.

[5] Voir notamment Nur Construction Ltd c. TPSGC (28 août 2020), PR-2020-018 (TCCE), para. 20.

[6] Voir Règlement concernant l’ombudsman de l’approvisionnement, DORS/2008-143, art. 7(1).

[7] Le TCCE a même fourni à SPAC une formulation à considérer, comme cela a été réitéré dans les décisions Nur Construction et Expert Systèmes.

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Auteure

  • Marcia Mills, Associée | Cochef, Sécurité nationale, Ottawa, ON | Toronto, ON, +1 613 696 6881, mmills@fasken.com

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