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INTA – Principales tendances en matière de marques de commerce au Canada, partie II

Fasken
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Bulletin propriété intellectuelle

À l’aube de la conférence annuelle des membres de l’International Trademark Association (« INTA »), qui se tiendra du 15 au 19 novembre, l’équipe de propriété intellectuelle de Fasken vous présente la deuxième des deux parties d’un bulletin portant sur les principaux développements en matière de marques de commerce au Canada. Lire la première partie du bulletin, "Principaux développements en matière de marques de commerce au Canada – Partie I". 

1. L’utilisation d’une marque de commerce peut être démontrée sans qu’il y ait d’établissement physique au Canada

Dans une décision très attendue, la Cour d’appel fédérale (« CAF ») a apporté des clarifications sur les preuves appropriées pour démontrer l’usage d’une marque de commerce pour certains services en ligne au Canada. Dans l’affaire Miller Thomson S.E.N.C.R.L., s.r.l. c. Hilton Worldwide Holding LLP, 2020 CAF 134, la CAF a conclu que le défendeur, Hilton Worldwide Holding LLP (« Hilton »), avait utilisé sa marque de commerce WALDORF ASTORIA en lien avec des « services hôteliers » au Canada, malgré l’absence d’un établissement physique au Canada.

La CAF a admis que la prestation de services auxiliaires puisse constituer une utilisation au Canada en association avec des « services hôteliers » pour autant que les consommateurs, acheteurs ou membres du public canadiens puissent tirer un « avantage important » de ces services au pays. La satisfaction ou non de ce critère dépendra de la qualité des éléments de preuve fournis par le propriétaire de la marque de commerce. La CAF a indiqué que les services auxiliaires en ligne en cause doivent donner lieu à « un degré suffisant d’interactivité entre le propriétaire de la marque de commerce et le consommateur canadien [...][1] ». Le simple fait que les Canadiens puissent voir passivement le contenu d’un site Web ne suffirait pas. Dans ce cas, la CAF a noté en particulier que l’on pouvait profiter d’un tarif réduit en réservant au Canada, que les points accumulés lors des réservations pouvaient être utilisés dans des hôtels situés au Canada et que des courriels de confirmation portant la marque étaient envoyés au Canada. Le nombre d’accès et de transactions effectuées par les Canadiens semble avoir eu un certain poids. La CAF n’a, cependant, pas fixé de paramètres stricts et expéditifs. Cette décision commence à donner lieu à une importante jurisprudence concernant les types d’« avantages » qui peuvent être suffisamment importants pour pouvoir démontrer l’usage d’une marque de commerce au Canada. L’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada a été refusée.

2. Les marques de commerce – Les activités en plus grande croissance en propriété intellectuelle au Canada

Chaque année, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (« OPIC ») publie un rapport dans lequel il donne un aperçu de l’activité en matière de propriété intellectuelle au Canada. Dans son plus récent rapport, le Rapport sur la PI au Canada 2020 (le « Rapport »), l’OPIC a indiqué que les marques de commerce constituent l’activité de PI qui connaît la plus forte croissance au Canada. Cela est notamment dû à l’adhésion du Canada au Protocole de Madrid en juin 2019, qui continue d’entraîner une augmentation considérable des dépôts de marques de commerce, tant par des demandeurs non-résidents que résidents du pays. Le succès de la voie de dépôt selon le Protocole de Madrid s’explique notamment par son délai de traitement de 18 mois. À titre de comparaison, le traitement actuel des demandes de marques de commerce par l’OPIC peut prendre plus de deux ans. Il peut donc être parfois plus avantageux d’avoir recours au système du Protocole de Madrid pour enregistrer une marque de commerce au Canada.

3. En l’absence de fraude ou de mauvaise foi, l’enregistrement d’une marque de commerce constitue un moyen de défense complet contre les réclamations en contrefaçon et en commercialisation trompeuse

Au Canada, l’enregistrement d’une marque de commerce constitue un moyen de défense complet à l’encontre d’une action en recouvrement de dommages-intérêts ou de profits pendant la période de validité de l’enregistrement (c’est-à-dire jusqu’à ce que l’enregistrement soit invalidé par une décision de la Cour fédérale). C’est la conclusion réitérée par la CAF dans l’affaire Group III International Ltd. c. Travelway Group International Ltd, 2020 CAF 210. Cette affaire concernait Wenger, la société suisse à l’origine du « couteau suisse », et Travelway, un distributeur canadien de bagages, qui possédaient tous deux des enregistrements de marques de commerce canadiennes arborant une croix évoquant le drapeau suisse. Dans des procédures antérieures, les enregistrements de marques de commerce de Travelway ont été invalidés pour cause de confusion avec les marques de commerce de Wenger. Wenger a demandé une compensation financière à partir du moment où le défendeur a commencé à utiliser les marques de commerce contrefaites, malgré ses enregistrements alors valides. La CAF stipule toutefois que c’est uniquement si une fraude, une fausse déclaration intentionnelle ou de la mauvaise foi en rapport avec l’enregistrement peut être démontrée qu’un propriétaire enregistré peut être tenu de payer des dommages-intérêts ou de renoncer à ses bénéfices pendant la période de validité d’un enregistrement. Autrement, cet enregistrement constitue une défense complète à de telles demandes. Il est donc important de mettre en avant les preuves de cette fraude, de cette fausse déclaration intentionnelle ou de cette mauvaise foi dans les cas où le défendeur est titulaire d’un enregistrement. En l’espèce, le demandeur n’a pas réussi à le faire.

Wenger a demandé l’autorisation de faire appel de la décision de la CAF, ce qui a été rejeté par la Cour suprême du Canada le 29 septembre 2021.

4. Les marques officielles n’échappent pas aux actions en contrefaçon de marque de commerce

Toute personne qui a demandé l’enregistrement d’une marque de commerce au Canada a sans doute dû composer avec des marques officielles. Les marques officielles constituent une caractéristique unique et remarquable du droit canadien en matière de marques de commerce. Ce sont des marques publiées par une autorité publique au Canada qui interdisent aux autres d’adopter ou d’enregistrer des marques de commerce identiques ou similaires qui peuvent prêter à confusion, quelle que soit la nature des produits ou services associés. Bien que les marques officielles bénéficient d’une protection à vaste portée, une décision récente de la CAF a rappelé aux autorités publiques que les avantages de l’obtention d’une marque officielle ne sont pas illimités. Dans l’affaire Ontario (Energy) c. Quality Program Services Inc. 2020 CAF 53, la CAF a jugé que le statut à titre de marque officielle ne confère pas à une autorité publique une protection particulière contre les réclamations pour contrefaçon de marque de commerce ou autres. Comme tout autre utilisateur de marque de commerce, une autorité publique qui choisit d’utiliser une marque qui prête à confusion avec une marque de commerce enregistrée court le risque d’être poursuivie par le titulaire des droits supérieurs. Ce sera sans doute un soulagement pour de nombreuses parties privées.

5. Importance de l’enregistrement des marques de commerce dans une langue autre que le français utilisées au Québec

Le 13 mai 2021, le gouvernement du Québec a déposé le projet de loi 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (le « projet de loi »). Ce projet de loi, qui sera probablement adopté avant la fin de l’année, introduira d’importantes restrictions à la législation québécoise actuelle sur la langue française. Le projet de loi prévoit notamment qu’une marque de commerce qui n’est pas en français ne peut figurer sur les panneaux publics, les affiches et la publicité commerciale que si la marque de commerce est enregistrée en vertu de la Loi sur les marques de commerce et qu’aucune version française correspondante n’est enregistrée.[2] Ainsi, il est prévu que les marques de commerce de droit commun qui ne sont pas en français ne pourront plus être affichées sur les panneaux publics, les affiches et les publicités commerciales si elles ne sont pas enregistrées. Prenez note qu’en vertu du projet de loi 96, les enseignes et affiches publiques visibles de l’extérieur des locaux qui contiennent une marque de commerce déposée qui n’est pas en français devront également être assorties d’une présence « nettement prédominante » du français, ce qui est présentement défini comme suit : le texte rédigé en français doit être deux fois plus visible que le texte rédigé dans une autre langue.[3] Un nombre considérable d’enseignes publiques pourraient devoir changer. Une période de transition est prévue pour que les changements nécessaires puissent être effectués. Pour de plus amples renseignements sur les incidences du projet de loi 96 en matière de marques de commerce, consultez notre bulletin, "Les marques de commerce et la langue : les répercussions possibles du projet de loi 96", sur la question.


[1] Miller Thomson S.E.N.C.R.L., s.r.l. c. Hilton Worldwide Holding LLP, 2020 CAF 134, par. 147.

[2] Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, art. 47

[3] Règlement précisant la portée de l’expression « de façon nettement prédominante » pour l’application de la Charte de la langue française, art. 1 et 2.

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Auteurs

  • Lina Bensaidane, Avocate | Agente de marques de commerce, Montréal, QC, +1 514 397 5289, lbensaidane@fasken.com
  • Jean-Philippe Mikus, Associé | Agent de marques de commerce, Montréal, QC, +1 514 397 5176, jpmikus@fasken.com

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