Depuis plusieurs décennies, les services professionnels constituent un champ d’activités fertile au développement de réseaux de franchises.
Le Québec présente cependant à tout franchiseur de services professionnels un environnement législatif et réglementaire unique en Amérique du Nord.
Nous verrons donc, dans ce bulletin, quelques-uns des principaux défis auxquels est confronté tout franchiseur désireux d’implanter ou de développer au Québec un réseau de franchises de services professionnels.
Le Québec compte 46 ordres professionnels qui, ensemble, régissent un total de 55 professions. Ces professions se divisent en deux catégories, soit les professions d’exercice exclusif et les professions à titre réservé.
Ce système professionnel est régi par une loi principale, le Code des professions à laquelle s’ajoutent (i) une loi particulière pour chacune des professions d’exercice exclusif, et (ii) toute une série de règlements pour chacune des professions (autant celles d’exercice exclusif que celles à titre réservé), parmi lesquels l’on retrouve généralement un code de déontologie, un règlement sur la tenue des dossiers, un règlement sur la tenue des bureaux et un règlement sur l’exercice de la profession en société.
L’une des caractéristiques les plus importantes de ce système professionnel consiste dans le fait que, pour la plupart des professions d’exercice exclusif, seul un professionnel membre de l’ordre professionnel régissant cette profession a le droit de poser certains gestes et actes professionnels liés à sa profession et, souvent aussi, possède le droit exclusif d’exploiter ou d’être propriétaire (directement ou par le biais d’une société de professionnels) d’une entreprise offrant les services réservés à cette profession.
Ainsi, pour plusieurs professions d’exercice exclusif, une entreprise qui n’est pas détenue par les membres de cette profession n’a pas le droit d’offrir ou de rendre les services professionnels liés à cette profession, et ce, même avec des employés détenteurs de ce titre professionnel.
Voici un exemple qui illustre bien la particularité du système professionnel québécois. Aux États-Unis d’Amérique, la plupart des grandes chaînes de pharmacies se sont développées selon un modèle de succursales, l’entreprise, ou une filiale de l’entreprise, étant elle-même propriétaire de chaque pharmacie de son réseau. Selon ce modèle, les services de pharmacie sont bien rendus par des pharmaciens, mais ceux-ci ne sont souvent que des employés de l’entreprise qui possède les pharmacies. Au Québec, ce modèle ne peut pas être utilisé puisque la loi qui régit cette profession prévoit que seul un pharmacien, ou une société entièrement détenue par un ou des pharmaciens peut être propriétaire d’une pharmacie.
Ceci n’empêche cependant pas le développement au Québec d’importants réseaux de franchise dans le domaine de la pharmacie (ainsi que dans plusieurs autres secteurs d’activités professionnelles, dont, parmi bien d’autres, les soins dentaires et les soins oculaires), mais leur modèle d’affaires doit être modifié pour s’adapter au système professionnel du Québec.
Voici quelques-uns des enjeux et défis importants que soulève le système professionnel québécois pour tout franchiseur désireux d’y implanter, ou d’y développer, un réseau de franchises de services professionnels :
Exclusivité d’exercice et de propriété
Dans le cas des professions d’exercice exclusif, seules les personnes membres de l’ordre professionnel régissant cette profession peuvent rendre les services et poser les actes qui leur sont réservés.Aussi, pour plusieurs professions d’exercice exclusif, seules les personnes membres de cet ordre professionnel peuvent être propriétaires de quelque entreprise qui rend ces services.
Ce droit exclusif de propriété doit être véritable, et non seulement apparent.
Certaines règles strictes régissent aussi le cas où le professionnel exerce sa profession au sein d’une société, notamment au chapitre de la détention de ses actions, de son administration et de sa gestion.
Indépendance professionnelle
Lorsqu’il exerce sa profession, le professionnel bénéficie de l’indépendance professionnelle, ce qui signifie notamment qu’il doit agir dans le seul intérêt de ses clients et ignorer toute intervention d’une autre personne dans l’exercice de sa profession.Ainsi, un franchiseur ne peut, par sa convention, régir l’exercice par un professionnel des actes réservés à sa profession. L’exercice visant à tracer la ligne entre ce qui est assujetti à cette indépendance professionnelle et ce qui constitue plutôt des gestes de gestion d’entreprise qui n’en relève pas est à la fois complexe et délicat.
Interdiction de partage d’honoraires et de profits
Un autre aspect important du régime professionnel du Québec consiste dans l’interdiction faite au professionnel de partager ses honoraires professionnels avec une personne qui n’est pas membre de sa profession, laquelle se retrouve dans la plupart des codes de déontologie.Selon l’interprétation jurisprudentielle de cette interdiction, ceci n’empêcherait cependant pas un professionnel de s’engager à payer divers montants à un franchiseur (y compris une redevance calculée sur la base d’un pourcentage de ses revenus bruts), à la condition que tout montant payable par un professionnel à une tierce personne (tel un franchiseur) représente bien la juste valeur marchande des contreparties (en termes de droits, de services et de biens) reçues par le professionnel du franchiseur.
Secret professionnel et accès
Aussi, plusieurs professionnels du Québec sont liés par une obligation de secret professionnel en faveur de leurs clients.Cette obligation de maintenir le secret professionnel, qui s’ajoute aux lois et règlements régissant la protection des renseignements personnels, limite de beaucoup l’accès du franchiseur à plusieurs renseignements importants de ses franchisés, ainsi que la possibilité de partager ces renseignements et de les utiliser à diverses fins, dont celles liées à la promotion du réseau de franchises.
Pour certaines professions, ceci limite aussi le droit pour le franchiseur de pouvoir inspecter l’exploitation des entreprises de ses franchisés, notamment lorsqu’une inspection pourrait permettre au franchiseur d’accéder à des renseignements protégés par le secret professionnel.
Publicité
La publicité de la plupart des professionnels du Québec est aussi encadrée par diverses règles et restrictions que l’on retrouve le plus souvent dans leurs codes de déontologie.
Plusieurs de ces règles interdisent, ou limitent beaucoup, toute publicité comparative.
Pour un réseau de franchises, une règle importante consiste dans le fait que la publicité des services professionnels doit être distincte de toute publicité d’autres services ou d’autres biens. Il faut notamment éviter toute situation où une publicité pourrait laisser entendre que des services ou actes réservés à une profession sont rendus, ou peuvent être rendus, par une personne qui n’est pas membre de cette profession.
Il est aussi important de noter que les principales règles régissant le système professionnel québécois ont été jugées par les tribunaux comme étant d’ordre public de protection, ce qui a notamment pour effet que ces règles ont préséance sur tout contrat et que toute clause d’un contrat contrevenant à ces règles peut être annulée.
Ceci n’est qu’un survol de quelques-uns des principaux enjeux et défis auxquels doit faire face au Québec tout franchiseur de services professionnels.
Le système professionnel québécois est complexe et repose sur une multitude de lois et de règlements qui diffèrent d’une profession à une autre.
En conséquence de ces règles, la convention de franchise utilisée par un franchiseur dans une autre juridiction devra faire l’objet de plusieurs modifications importantes avant de pouvoir être utilisée au Québec, à défaut de quoi autant le franchiseur que ses franchisés s’exposent à des risques importants pouvant aller jusqu’à la radiation (provisoire ou permanente) des franchisés de leur ordre professionnel (ce qui entraîne la perte de leur droit d’exercer leur profession).
Pour le franchiseur, la sanction pour une contravention à ces lois et règlements consiste dans une amende qui, dans le cas d’une personne physique, est d’au moins 2 500 $ et d’au plus 62 500 $ ou, dans les autres cas (notamment pour une société), est d’au moins 5 000 $ et d’au plus 125 000 $. En cas de récidive, l’amende minimale et l’amende maximale sont portées au double de ces montants.
Il est aussi important de savoir que le Code des professions du Québec prévoit aussi que, lorsque le contrevenant est une personne morale (soit une société), tout administrateur, dirigeant, représentant, fondé de pouvoir ou employé de cette personne qui a autorisé, encouragé, ordonné ou conseillé la perpétration de cette infraction, est personnellement passible de ces amendes.
Le meilleur conseil que l’on puisse donner à tout franchiseur de services professionnels désireux d’implanter ou de développer son réseau au Québec est donc de s’entourer de conseillers juridiques qui possèdent une véritable expertise autant en droit professionnel qu’en franchisage.
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