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Éléments de réflexion sur les organisations sans but lucratif de l’Ontario en vertu de la nouvelle Loi de 2010 sur les organisations sans but lucratif

Fasken
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Perspectives de la Capitale : l’actualité en droit des affaires à Ottawa

La Loi de 2010 sur les organisations sans but lucratif (Ontario) (LOSBL) est entrée en vigueur le 19 octobre 2021. Pour de nombreuses organisations sans capital-actions existantes constituées en Ontario, elle remplacera la Loi sur les personnes morales (Ontario) (LPM), qui est dépassée, en tant que loi applicable. La LOSBL présente un cadre réglementaire analogue à celui des sociétés à but lucratif de l’Ontario en vertu de la Loi sur les sociétés par actions (Ontario) (LSAO).

Les organisations sans but lucratif existantes disposeront généralement d’une période de transition de trois ans (jusqu’au 18 octobre 2024) pour apporter les modifications nécessaires à leurs documents constitutifs (lettres patentes et règlements administratifs) afin de se conformer à la LOSBL. Si une organisation existante ne procède pas à ces modifications, les documents constitutifs seront réputés avoir été modifiés pour se conformer à cette loi. Pour la plupart des organisations sans but lucratif désireuses de se constituer en société en Ontario pour la première fois, la LOSBL s’appliquera automatiquement. De plus, si les administrateurs n’adoptent pas de règlements administratifs dans les 60 jours suivant la constitution en organisation en vertu de la LOSBL, l’organisation sera réputée avoir adopté des règlements administratifs types, qui pourront être modifiés par la suite.

Certaines entités échappent à l’application de la LOSBL aux sociétés sans capital-actions, notamment les sociétés à vocation sociale (qui disposent d’un délai plus long pour poursuivre leurs activités en vertu de la LOSBL), les sociétés constituées en vertu d’une loi générale ou spéciale du Parlement, les sociétés assujetties à la Loi sur les sociétés coopératives et les compagnies d’assurance.

Vous trouverez ci-dessous quelques grands domaines de changement dont les organisations sans but lucratif doivent tenir compte en vertu de la LOSBL. Les changements apportés sont nombreux; le présent article ne fait que résumer certains de ceux-ci et présente quelques éléments de réflexion.

1. Établir si l’organisation est une organisation d’intérêt public

L’organisation devra établir dans laquelle des deux catégories d’organisations prévues à la LOSBL elle se range : l’organisation d’intérêt public ou l’organisation d’intérêt non public. La loi impose à l’organisation d’intérêt public des exigences supplémentaires et plus rigoureuses.

Une organisation sera considérée comme d’intérêt public si elle remplit l’un des deux critères suivants : i) elle est une « organisation caritative » au sens de la LOSBL, c’est-à-dire qu’elle est constituée pour le soulagement de la pauvreté, l’avancement de l’éducation, l’avancement de la religion ou d’autres fins caritatives; ou ii) elle reçoit, au cours de l’exercice, plus de 10 000 $ en dons ou cadeaux de personnes qui ne comptent pas parmi ses membres, ses administrateurs, ses dirigeants ou ses employés ou sous forme de subventions ou d’aide financière équivalente du gouvernement ou d’un organisme gouvernemental (elle sera alors une « organisation non caritative d’intérêt public »). La qualification d’une organisation en tant qu’organisation d’intérêt public est établie à partir de la première assemblée annuelle de l’exercice suivant. Si elle n’est pas à vocation caritative, elle peut passer d’une catégorie à l’autre en fonction des critères énoncés dans la LOSBL.

L’organisation d’intérêt public sera soumise à certaines règles supplémentaires, notamment i) le fait qu’un maximum d’un tiers de ses administrateurs peuvent être des employés de l’organisation ou de l’une de ses sociétés affiliées, ii) des obligations plus lourdes en matière de rapports financiers (voir ci-dessous), et iii) des conséquences différentes en cas de liquidation et des restrictions distinctes en matière de distribution aux membres.

2. Réviser les lettres patentes, lettres patentes supplémentaires, statuts et règlements

La LOSBL, à l’instar de la LSAO, prévoit que la constitution en organisation de plein droit a lieu à la présentation des statuts constitutifs, au paiement des droits applicables et à la transmission d’autres renseignements requis, comme il est énoncé dans ses dispositions et dans celles de son règlement. Cette disposition contraste avec la LPM, qui exige le dépôt de lettres patentes et de règlements administratifs, la constitution en société restant à la discrétion du ministère des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs. Sous réserve de la LOSBL, l’organisation dispose des droits, pouvoirs et privilèges d’une personne physique.

Au fur et à mesure de sa transition vers la LOSBL, l’organisation sans but lucratif doit examiner ses documents constitutifs afin de s’assurer qu’ils reflètent correctement ses activités actuelles et futures et qu’ils sont conformes à la LOSBL. Celle-ci exige en outre que l’organisation décrive ses objectifs dans ses statuts et, si elle compte plusieurs catégories ou groupes de membres, que ceux-ci y soient indiqués. Les conditions d’adhésion doivent être énoncées dans les règlements administratifs. La LOSBL prévoit qu’une organisation peut avoir un objectif de nature commerciale, pourvu que ses statuts précisent que celui-ci vise uniquement à promouvoir ou à soutenir un ou plusieurs des objectifs sans but lucratif de l’organisation.

3. Passer en revue les exigences et les obligations des administrateurs et des dirigeants

En vertu de la LOSBL, les statuts peuvent préciser un nombre exact, un minimum ou un maximum d’administrateurs, mais chaque organisation doit compter au moins trois administrateurs.

L’organisation devrait également profiter de l’occasion pour revoir les dispositions relatives aux administrateurs et aux dirigeants de manière plus générale en vertu de la LOSBL. Les questions à examiner sont notamment les suivantes : i) si les administrateurs devraient également être tenus d’être membres de l’organisation (auparavant, en vertu de la LPM, un pourcentage des administrateurs devait être formé de membres), ii) s’il faut modifier la durée du mandat des administrateurs, puisque la durée maximale du mandat en vertu de la LOSBL est de quatre ans, et si les mandats devraient être échelonnés, et iii) si les administrateurs d’office devraient être inclus, comme le permet la LOSBL.

Les statuts et les règlements de l’organisation devront peut-être être revus afin d’établir s’il convient d’accorder une plus grande souplesse à l’organisation compte tenu des changements apportés par la LOSBL, notamment pour permettre aux assemblées des administrateurs de se tenir en tout lieu et aux administrateurs de nommer des dirigeants et de leur déléguer des pouvoirs, sous réserve de certaines restrictions. En outre, la LOSBL exige que le président du conseil d’administration soit un administrateur, mais contrairement à la LPM, le président de l’organisation n’est plus tenu d’être un administrateur.

L’organisation et ses administrateurs doivent garder à l’esprit que la LOSBL impose aux administrateurs et aux dirigeants l’obligation expresse de signaler les conflits d’intérêts dans certaines circonstances et de s’abstenir de voter sur ces questions, comme c’est le cas en vertu de la LSAO. Les administrateurs sont également tenus d’agir honnêtement, en toute bonne foi et dans l’intérêt de l’organisation, et de faire preuve du soin, de la diligence et de la compétence raisonnables dont une personne raisonnablement prudente ferait preuve dans des circonstances comparables dans l’exercice de ses fonctions. Le respect de ces obligations est nécessaire si les administrateurs souhaitent se défendre en invoquant la diligence raisonnable prévue par la LOSBL. L’organisation doit également se demander si elle doit prévoir l’indemnisation de ses administrateurs et dirigeants et si elle doit souscrire une assurance, sous réserve de certaines restrictions, au profit des personnes indemnisées, comme le permet la LOSBL.

4. Revoir les dispositions relatives aux membres

Les organisations sans but lucratif devraient profiter de l’entrée en vigueur de la LOSBL pour revoir leur structure d’adhésion et se demander si celle-ci répond toujours à leurs besoins, notamment si elle devrait comporter plus d’une catégorie ou d’un groupe de membres et si des dispositions devraient être ajoutées aux statuts ou aux règlements administratifs pour permettre le transfert des adhésions. La LOSBL prévoit de nouveaux droits de vote et des recours importants pour les membres, semblables à ceux accordés aux actionnaires en vertu de la LSAO. Il importe de noter que la LOSBL ne prévoit pas la possibilité de mettre en œuvre une convention unanime des membres qui entraînerait le transfert des pouvoirs des administrateurs aux membres.

Les droits des membres prévus par la LOSBL comprennent i) la possibilité de soumettre une proposition, sous réserve de certains critères et seuils, sur toute question que le membre souhaite soulever lors d’une assemblée annuelle, ii) la possibilité pour les membres détenant au moins 10 %, ou un pourcentage inférieur fixé dans les statuts, de demander la convocation d’une assemblée des membres ou des administrateurs, là encore sous réserve de certaines restrictions, iii) si les statuts ou les règlements administratifs le permettent, la possibilité pour les membres de voter par procuration, et iv) plusieurs mesures de protection pour les membres, notamment la possibilité de demander au tribunal d’enquêter sur les actions oppressives ou préjudiciables de l’organisation et de demander au tribunal d’intenter une action dérivée au nom de celle-ci.

La LOSBL modifie la définition de « résolution extraordinaire » par rapport à la définition antérieure de la LPM. En vertu de la LOSBL, une question approuvée par résolution extraordinaire est une résolution approuvée par les membres de l’organisation, sous réserve de certains seuils définis dans la LOSBL, mais qui correspondent généralement à au moins deux tiers des votes exprimés par les membres ayant le droit de voter sur cette résolution lors d’une assemblée des membres convoquée à cette fin. Une résolution peut également être adoptée si elle est signée à l’unanimité par tous les membres. En vertu de la LPM, une résolution extraordinaire est adoptée par les administrateurs de l’organisation et confirmée par les membres, sous réserve de certains seuils.

Les membres doivent approuver certains changements fondamentaux comme les fusions et la vente, la location ou l’échange de la totalité ou de la quasi-totalité des biens d’une organisation autrement que dans le cours normal de ses activités.5. Examiner les obligations de l’organisation en matière d’information financière.

La LOSBL comporte un nouvel assouplissement des obligations en matière d’information financière pour certaines organisations sans but lucratif. Elle exige qu’à chaque assemblée annuelle, les membres nomment un vérificateur indépendant, sous réserve de l’adoption par eux d’une résolution extraordinaire* autorisant une mission d’examen au lieu d’une vérification ou l’absence de vérification ou de mission d’examen.

La LOSBL instaure également un processus d’examen des documents financiers d’une organisation sans but lucratif appelé « mission d’examen ». Ce processus est moins approfondi qu’une vérification et, par conséquent, est généralement moins coûteux. Certaines organisations sans but lucratif peuvent également être autorisées à renoncer à une vérification officielle et à une mission d’examen, ce qui dépendra de leurs revenus au cours de l’exercice et s’il s’agit ou non d’une organisation d’intérêt public. Le tableau suivant résume le type d’examen financier dont peut avoir besoin une organisation régie par la LOSBL :

Type d’organisation

Montant des revenus par exercice

Type d’examen financier

Organisation d’intérêt public

100000$ ou moins

Renonciation*

Organisation d’intérêt public

De 100000$ à 500000$

Mission d’examen*

Organisation d’intérêt public

500000$ ou plus

Vérification

Organisation d’intérêt non public

500000$ ou moins

Renonciation*

Organisation d’intérêt non public

Plus de 500000$

Mission d’examen*

*L’approbation de la renonciation à une vérification ou de la renonciation à la fois à une vérification et à une mission d’examen nécessite une résolution extraordinaire, c’est-à-dire l’approbation d’au moins 80 % des voix exprimées lors d’une assemblée extraordinaire des membres ou le consentement par écrit de tous les membres ayant droit de vote.

Les membres ont droit à des états financiers annuels qui, après avoir été approuvés par les administrateurs (et avant cela, par le comité de vérification, le cas échéant), doivent être présentés aux membres lors de l’assemblée annuelle des membres.

Conclusion

La LOSBL constitue une étape importante dans la modernisation des lois ontariennes sur les organisations sans but lucratif et permet au régime ontarien des organisations sans but lucratif de s’aligner sur le régime fédéral équivalent prévu à la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif (LOBNL) et sur celui qui s’applique aux sociétés à but lucratif en vertu de la LSAO. La LOSBL comporte également plusieurs nouveaux concepts, droits et obligations pour les administrateurs, les dirigeants et les membres, dont certains doivent, ou peuvent, être inscrits dans les statuts ou les règlements administratifs de la société, et d’autres exister en vertu de la LOSBL indépendamment des statuts ou des règlements administratifs de l’organisation.

Les organisations voudront revoir leurs documents de gouvernance et leur structure d’adhésion afin de se conformer à la LOSBL, mais aussi afin de voir comment la gouvernance et la gestion de la société peuvent être améliorées ou adaptées pour l’avenir de l’organisation, compte tenu des changements apportés par la LOSBL. Pour la plupart des organisations, la transition peut s’étaler sur trois ans, mais étant donné la multitude de changements, il sera important de commencer l’examen et la mise en œuvre le plus tôt possible. De même, certaines organisations voudront procéder à la transition plus tôt que prévu afin de profiter des dispositions de la LOSBL.

Merci à Ryan Brun pour sa contribution à ce bulletin.


Virginia Schweitzer est co-associée directrice du bureau d'Ottawa de Fasken et pratique dans les domaines du financement des sociétés, des fusions et acquisitions, des valeurs mobilières, du droit minier, de l'énergie et de la technologie.

Ryan Brun est stagiaire en droit au bureau de Fasken à Ottawa. Ryan a passé l'été au bureau d'Ottawa en 2020 et a hâte de bâtir une vaste pratique en droit commercial, en mettant l'accent sur les litiges commerciaux et l'arbitrage complexes.

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  • Virginia K. Schweitzer, Associée | Coassocié directeur, Ottawa, Ottawa, ON, +1 613 696 6889, vschweitzer@fasken.com

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