Une clause d’exclusivité territoriale stipulée dans une convention de franchise confère au franchisé une forme d’exclusivité visant l’exploitation d’une franchise du réseau de son franchiseur dans un territoire délimité au contrat.
Bien que, en apparence, une telle clause semble simple à rédiger (n’y a-t-il pas qu’à décrire le territoire et à stipuler que le franchisé y est exclusif), l’expérience en franchisage démontre que celle-ci peut, avec le temps, soulever plusieurs enjeux importants.
En premier lieu, il est très important de décrire très clairement et précisément le territoire faisant l’objet de l’exclusivité, ce qui n’est pas toujours aussi facile que l’on pourrait le penser. Par exemple, un territoire délimité par des noms de rues comprend-il les deux côtés de chaque rue limitrophe ? Dans le cas d’un territoire décrit par des noms de municipalités, qu’arrive-t-il en cas de changement des limites d’une municipalité, par exemple à la suite d'une fusion de municipalités ? Au fil des années, nous avons donc vu plusieurs litiges importants entre franchiseurs et franchisés résultant d’une rédaction non suffisamment claire et précise du territoire faisant l’objet de l’exclusivité consentie au franchisé.
En deuxième lieu, il faut aussi bien définir la nature de l’exclusivité consentie au franchisé.
À ce chapitre, nous retrouvons deux grandes catégories d’exclusivité : l’exclusivité d’exploitation et l’exclusivité d’implantation.
L’exclusivité d’exploitation confère au franchisé le droit exclusif d’exploiter, pendant la durée de sa convention de franchise, une entreprise du réseau de franchises de son franchiseur dans le territoire défini au contrat. Comme nous le verrons ci-après, il s’agit là d’une forme d’exclusivité qui soulève plusieurs questions.
L’exclusivité d’implantation est un peu plus limitée. Elle confère au franchisé le droit exclusif d’établir un emplacement physique du réseau de franchises dans le territoire défini au contrat. Contrairement à l’exclusivité d’exploitation, elle ne confère cependant pas au franchisé le droit exclusif d’exploiter son entreprise dans ce territoire. Ainsi, le franchiseur et d’autres franchisés peuvent aussi faire affaire dans ce territoire en y faisant de la publicité, en y fournissant des services ou en y livrant des marchandises, à la seule condition de ne pas y implanter un établissement physique.
Dans certains cas, nous retrouvons aussi une troisième forme d’exclusivité, soit celle d’utilisation des marques de commerce du franchiseur. Comme son nom l’indique bien, cette exclusivité confère au franchisé le droit exclusif de faire usage des marques de commerce du franchiseur dans le territoire défini au contrat.
Jusqu’au début des années ’90, la quasi-totalité des conventions de franchise comportait des clauses d’exclusivité territoriale.
Cependant, comme nous le savons tous, le monde du commerce et des affaires est en constant changement, et ce, dans tous les secteurs d’activités.
Ainsi, dans un nombre croissant de circonstances, des clauses d’exclusivité territoriale, qui visaient à protéger l’investissement de franchisés, ont commencé à constituer des obstacles au développement de réseaux.
Dans un premier temps, plusieurs franchiseurs ont constaté que les territoires exclusifs consentis à leurs premiers franchisés étaient trop vastes, ce qui limitait le développement de leur réseau dans un marché que le franchisé détenant une exclusivité n’était pas en mesure de développer suffisamment, laissant ainsi le champ libre à des concurrents du réseau.
Dans un deuxième temps, en raison d’une importante croissance démographique ou de nouveaux aménagements dans un territoire (tels un centre commercial d’envergure, un projet résidentiel important ou un nouveau quartier commercial), des territoires qui, au moment de la signature du contrat, étaient bien délimités sont aussi devenus des obstacles au développement de réseaux, encore une fois au profit de leurs concurrents.
Dans un troisième temps, des franchiseurs ayant consenti à leurs franchisés des exclusivités territoriales se sont vus empêcher de réaliser des projets ou de conclure des transactions profitables à leur réseau, dont, entre autres :
- Convertir à leur concept de franchise des établissements indépendants ou affiliés à d’autres réseaux situés dans un territoire pour lequel une exclusivité avait été consentie à un franchisé ;
- Acquérir une entreprise indépendante ou liée à un autre réseau ;
- Acquérir un réseau concurrent ou complémentaire ;
- Établir et exploiter, ou permettre à un franchisé d’établir ou d’exploiter, un établissement du réseau dans un emplacement non traditionnel (par exemple, à l’intérieur d’un magasin de grande surface, d’une épicerie, d’un aéroport, d’une gare, d’un hôpital, d’une université, d’un aréna, d’un centre sportif, d’une entreprise, etc.) ou, encore, dans le cadre d’évènements spéciaux (par exemple, une exposition, un salon, une foire ou une activité culturelle ou sportive d’envergure).
À la même époque, quelques franchiseurs ont aussi été confrontés à des questionnements importants face aux exclusivités territoriales déjà consenties à des franchisés au moment où ils ont voulu développer, ou acquérir, d’autres concepts de franchises ou, encore, lancer des versions modifiées (par exemple, un format express, un comptoir ou une franchise combinée) de leurs concepts existants.
Afin de faire face à de tels enjeux, plusieurs franchiseurs ont alors décidé de ne plus consentir d’exclusivités territoriales à leurs franchisés, alors que d’autres ont assorti ces exclusivités de diverses limitations, exclusions et exceptions.
Plus récemment, avec l’évolution de plus en plus rapide de la technologie et des modes de distribution de services et de produits (encore plus depuis le début de la pandémie de la COVID-19), d’autres enjeux importants se sont ajoutés à la liste déjà longue des défis posés par les clauses d’exclusivité territoriale consenties à des franchisés.
Parmi ces nouveaux enjeux, nous retrouvons, en tête de liste, d’importants questionnements soulevés par :
- La livraison de produits faite par le franchiseur, par un ou des franchisés ou par l’intermédiaire d’entreprises et de plateformes externes spécialisées en livraison ;
- L ’offre, la promotion et la vente de produits ou de services faites en ligne ou par téléphone ;
- La promotion et la vente de produits ou de services faites par le biais des réseaux sociaux ;
- Les cuisines fantômes (où des produits de plusieurs chaînes de restaurants sont préparés à un seul emplacement aux seules fins de livraison) ;
- Les sites faisant la promotion et la vente des produits ou des services de plusieurs entreprises (tels, par exemple, Amazon, le Panier bleu, Etsy et plusieurs autres).
Aussi, plusieurs secteurs d’activités vivent un phénomène d’intégration. Nous y retrouvons donc de plus en plus de franchiseurs souhaitant développer ou acquérir des bannières additionnelles, ce qui soulève aussi souvent des questions importantes face à des clauses d’exclusivité territoriale consenties à des franchisés de leurs bannières ou de bannières qu’ils souhaitent acquérir.
Ces nouveaux enjeux font en sorte que, dans plusieurs secteurs d’activités, la localisation physique des établissements d’un réseau de franchises joue un rôle de moins en moins important dans les ventes, les revenus et la profitabilité du franchiseur et de ses franchisés.
Ceci fait en sorte que plusieurs franchiseurs doivent aujourd’hui revoir les mécanismes visant à protéger leurs franchisés et leurs investissements afin, au même moment, de maintenir la profitabilité de leurs franchises et de permettre au réseau de profiter pleinement des opportunités de développement qui continuent à évoluer et à se modifier.
Pour plusieurs franchiseurs, cette réflexion impliquera le remplacement de la clause d’exclusivité territoriale par de nouveaux mécanismes de collaboration franchiseur-franchisés et entre franchisés mieux adaptés aux nouvelles réalités de marché, ainsi que par la mise en place de nouveaux mécanismes de répartition des investissements, des coûts, des revenus ou des profits de certaines initiatives qui ne peuvent être rattachées à un seul établissement franchisé en particulier.
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