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Élargissement important des pouvoirs gouvernementaux en vertu de la législation canadienne sur les sanctions

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Bulletin commerce international & droit douanier

Le 28 avril 2022, le gouvernement a présenté le projet de loi C-191, lequel contient d’importantes modifications à deux des lois canadiennes sur les sanctions : la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMES) et la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski). Si elles sont adoptées, ces modifications conféreront au ministre des Affaires étrangères (le « ministre ») de nouveaux pouvoirs exceptionnels.

Les modifications proposées, similaires dans les deux lois, semblent être une réponse directe à l’invasion de l’Ukraine par la Russie et faire suite à l’engagement du Canada, annoncé par l’entremise d’une Déclaration commune des ministres, de collaborer avec ses alliés pour adopter des mesures afin de « trouver, restreindre, bloquer, saisir et, le cas échéant, confisquer les biens » de personnes sanctionnées en lien avec l’invasion. 

Comme le Canada se sert de la LMES comme loi principale pour imposer ses propres sanctions, le présent bulletin examine trois modifications clés apportées à la LMES et leurs répercussions.

1. Élargissement de la définition de « bien »

Les modifications élargiraient la définition du terme « bien ». Désignant actuellement tout « bien meuble ou immeuble », il désignerait tout « bien de toute nature, meuble ou immeuble, réel ou personnel, corporel ou incorporel, tangible ou intangible, notamment de l’argent, des fonds, de la monnaie, des actifs numériques et de la monnaie virtuelle ». Cette nouvelle définition s’appliquerait à la fois aux saisies et aux confiscations – comme nous le verrons plus loin – ainsi qu’aux interdictions actuelles relatives aux transactions sur des biens ou à la facilitation des transactions sur ces biens, et à l’obligation de communiquer des renseignements à la GRC ou au SCRS relativement à ces biens ou transactions.

2. Nouveaux pouvoirs de saisie et de demande de confiscation de biens

À l’heure actuelle, la LMES permet au gouverneur en conseil, par décret, de saisir, bloquer ou mettre sous séquestre tout bien « détenu par un État étranger, une personne qui s’y trouve, un de ses nationaux qui ne réside pas habituellement au Canada ou en leur nom ». Les modifications proposées clarifient la portée des biens susceptibles d’être saisis en appliquant ces pouvoirs à tout bien « détenu ou contrôlé, même indirectement, par » un État étranger, une personne qui s’y trouve, ou un de ses nationaux qui ne réside pas habituellement au Canada. 

La lecture de ces modifications et des nouvelles dispositions autorisant le ministre à contraindre toute personne à fournir des renseignements pertinents à la promulgation d’un décret, ainsi que celles autorisant à la fois la collecte de renseignements et leur partage par le ministre et des personnes comme le surintendant des institutions financières, suggère que l’intention est d’identifier et de cibler les biens qui auraient pu échapper précédemment aux lois sur les sanctions.  

De surcroît, les modifications proposées créeraient un mécanisme permettant au ministre, sur demande adressée à une cour supérieure, de demander la confiscation des biens saisis, même si elles ne précisent pas les critères que doit appliquer le ministre pour décider quand demander une confiscation. Tant qu’un juge décide, en se fondant sur les éléments de preuve présentés, que le bien fait l’objet d’une ordonnance de saisie ou de blocage d’un bien et que celui-ci est détenu ou contrôlé directement ou indirectement par la personne visée dans cette ordonnance, le juge doit ordonner la confiscation. Avant de rendre une ordonnance de confiscation, le tribunal exigera qu’un avis soit donné à toute personne qui, selon le tribunal, semble détenir un intérêt ou un droit sur le bien. 

Une fois le bien confisqué, le ministre peut en disposer, et utiliser les fonds de la confiscation seulement pour :  

a) la reconstruction d’un État étranger lésé par une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales; 

b) le rétablissement de la paix et de la sécurité internationales; 

c) l’indemnisation des victimes d’une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales, de violations graves et systématiques des droits de la personne ou d’actes de corruption à grande échelle.

Le ministre peut également conclure des accords avec le gouvernement de tout État étranger pour l’autoriser à employer les fonds aux fins susmentionnées.  

3. Capacité de délivrer des permis d’application générale

À l’heure actuelle, la LMES autorise le ministre à délivrer à des personnes, sur demande, des permis autorisant des activités ou transactions précises qui seraient normalement interdites. Les modifications permettraient également au ministre de délivrer des permis d’application générale autorisant quiconque, au Canada ou à l’étranger, à réaliser une activité ou transaction précise, ou une catégorie d’activité ou de transaction, qui est normalement interdite sans qu’il soit nécessaire de déposer une telle demande. 

Cette modification uniformisera le régime de sanctions du Canada avec celui des États-Unis et du Royaume-Uni, qui autorisent actuellement leurs organismes de sanctions à délivrer des permis d’application générale. 

Conclusion

Si elles étaient adoptées plus tard cet été, comme prévu, les modifications proposées marqueraient une étape importante du régime de sanctions du Canada et, selon le ministre, feraient du Canada le premier pays du G7 à autoriser la confiscation et la vente de biens de personnes sanctionnées. Au vu de la complexité croissante de la législation canadienne sur les sanctions, de la fréquence avec laquelle de nouvelles personnes sont sanctionnées et des graves conséquences des violations sur le plan juridique et réputationnel, les entreprises canadiennes devraient suivre de près l’évolution de la situation. 

 

[1] Projet de loi C-19 : Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures.

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  • Novera Khan, Avocate, Ottawa, ON, +1 613 696 6874, nkhan@fasken.com
  • Christopher Little, Avocat, Ottawa, ON, +1 613 696 6928, chlittle@fasken.com

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