Les prochaines élections provinciales québécoises auront lieu le 3 octobre 2022. À cette date, des employés à travers la province seront appelés aux urnes.
Or, le droit de vote entraîne, de façon parallèle, certaines obligations qui incombent aux employeurs envers les employés et le temps de vote. Ce bulletin a pour objet de résumer les règles applicables aux employeurs à cet effet.
Obligations des employeurs
La Loi électorale[1] (ci-après la « Loi ») régit les droits électoraux provinciaux. La Loi prévoit spécifiquement que tout employeur doit s’assurer qu’un électeur à son service dispose de quatre heures consécutives afin qu’il puisse exercer son droit de vote, pendant l’ouverture des bureaux de scrutin[2]. L’employeur a l’obligation de libérer ses employés, avec solde, et ce, sans tenir compte du temps normalement accordé pour les repas.
Afin d’être considéré habile à voter au sens de la Loi, l’employé doit posséder la qualité d’électeur, c’est-à-dire qu’au jour du scrutin, il doit être un citoyen canadien âgé de 18 ans ou plus et être domicilié[3] au Québec depuis au moins six mois, et ne pas être sous curatelle[4].
La Loi prévoit également que l’employeur ne peut faire aucune déduction sur le salaire de l’employé ni lui imposer aucune sanction par suite de son absence du travail durant ce congé[5].
Heures d’ouverture du scrutin
Les heures d’ouverture du scrutin le jour des élections sont de 9 h 30 à 20 h[6].
Quatre (4) heures consécutives durant les heures du scrutin
Si l’horaire de travail de l’employé lui permet d’avoir quatre heures consécutives pour aller voter, l’employeur n’aura pas à le libérer pendant ses heures de travail.
À l’inverse, si l’employé ne dispose pas de ce temps en raison de ses heures de travail, l’employeur devra lui accorder le congé requis, sans perte salariale, pour qu’il dispose des quatre heures consécutives et déterminer à cette fin le moment de la journée où ce congé est accordé.
Afin d’illustrer les principes mentionnés précédemment, il convient de référer à certains exemples concrets.
- Si l’horaire de l’employé est de 9 h à 17 h 30, avec une pause d’une demi-heure pour le repas, l’employeur devra permettre à ses employés de quitter les lieux à 16 h afin de satisfaire à ses obligations. La rémunération pour la période durant laquelle l’employé est absent devra être la même que s’il était présent au travail.
- Si le quart de travail d’un employé débute à 13 h 30, l’employeur n’aura aucune obligation à l’égard de cet employé, puisque celui-ci dispose d’une période de quatre heures consécutives pour aller voter, soit entre 9 h 30 et 13 h 30.
- Si le quart de travail d’un employé termine à 16 h, l’employeur n’aura aucune obligation à l’égard de cet employé, puisque celui-ci dispose d’une période de quatre heures consécutives pour aller voter, soit entre 16 h et 20 h.
Droit de gérance de l’employeur
En principe, rien dans la Loi n’empêche qu’un employeur invoque ses droits de gestion pour modifier l’horaire d’un employé sous réserve de dispositions spécifiques prévues à un contrat de travail ou à une convention collective.
Par exemple, si l’employé travaille normalement de 9 h à 17 h, mais que son employeur lui demande de commencer une heure plutôt, soit de 8 h à 16 h afin que l’employé puisse avoir quatre heures consécutives pour aller voter avant 20 h, l’employeur ne sera pas tenu de lui verser une rémunération supplémentaire, car l’employé bénéficie des quatre heures consécutives prévues à la Loi.
Pénalités découlant d’une contravention à la Loi
Comme indiqué, la Loi prévoit qu’un employeur ne peut faire aucune déduction sur le salaire de l’employé ni lui imposer aucune sanction par suite de son absence du travail durant ce congé[7]. Si l’employeur omet de verser à l’employé le montant total du salaire que ce dernier aurait normalement gagné ce jour-là, s’il ne s’était pas absenté pour aller voter, cela est considéré comme une déduction.
De plus, l’employeur qui se sert de son autorité ou de son influence pour inciter l’un de ses employés à refuser d’être membre du personnel électoral ou à abandonner cette charge après l’avoir acceptée, contreviendrait à la Loi[8].
Par conséquent, les employeurs qui ne respectent pas leurs obligations le jour du scrutin peuvent se voir imposer des peines sévères. Effectivement, une contravention à la Loi peut donner lieu aux amendes suivantes :
- Si l’employeur est une personne physique : une amende de 1 000 $ à 10 000 $ pour une première infraction et de 10 000 $ à 30 000 $ pour toute récidive dans les 10 ans[9];
- Si l’employeur est une personne morale : une amende de 5 000 $ à 30 000 $ pour une première infraction et de 20 000 $ à 60 000 $ pour toute récidive dans les 10 ans[10].
En outre, un employé qui croit avoir été victime d’une contravention à la Loi électorale peut également déposer une plainte auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST)[11].
Finalement, la nuisance aux activités de l’entreprise n’est pas un motif valable pour ne pas respecter la Loi électorale[12].
Renonciation au droit
L’employé peut explicitement renoncer à son droit aux heures de congé accordées en vertu de la Loi. Si tel est le cas, l’employé pourra demeurer au travail. L’employé pourrait également renoncer partiellement à son droit, c’est-à-dire demander à son employeur de s’assurer de lui accorder un temps moindre que quatre heures pour aller voter.
L’employeur pourrait toutefois avoir à démontrer que ce choix a été effectué de plein gré et ne découle pas d’un geste de sa part visant à entraver l’exercice du droit au congé.
Si vous avez des questions concernant vos obligations à titre d’employeur en lien avec les élections qui auront lieu le 3 octobre 2022 à l’échelle de la province, n’hésitez pas à communiquer avec l’un des professionnels du groupe Travail, emploi et droits de la personne de Fasken.
[1] Loi électorale, RLRQ, ch. E-3.3.
[2] Id., art. 335.
[3] Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, art. 77.
[4] Loi électorale, préc. note 1, art. 1.
[5] Id., art. 335 al. 3.
[6] Id., art.. 333.
[7] Id., art. 335 al. 3
[8] Id., art. 556 (2)
[9] Id., art. 556 al. 1
[10] Idem
[11] Id., art. 335 al. 4 et 123 de la Loi sur les normes du travail