Il est maintenant bien établi que l’obligation d’accommodement comporte à la fois une composante procédurale (la procédure) et une composante de fond (la mesure d’accommodement fournie). La Commission ontarienne des droits de la personne décrit ces deux composantes comme suit :
« L’obligation procédurale fait référence aux éléments à considérer, évaluations et mesures prises pour tenir compte du besoin en matière d’accommodement. Les tribunaux judiciaires ont indiqué ce qui suit : “Le fait de ne pas envisager ou prendre en compte la question de l’accommodement, y compris les mesures pouvant être prises, le cas échéant, constitue un manquement à l’obligation ‘procédurale’ d’accommodement”.
L’obligation de fond fait référence au caractère approprié ou raisonnable de la mesure d’accommodement retenue, ainsi qu’aux raisons de ne pas fournir de mesure d’accommodement, y compris les preuves de préjudice injustifié. »[1]
Ces deux composantes sont importantes, comme le souligne une décision récente du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (le « Tribunal ») dans Giang v. DBG Canada Limited, 2021 HRTO 97 (l’affaire Giang) (décision publiée en anglais seulement).
Les faits
Dans l’affaire Giang, l’employé, qui vivait avec un défibrillateur cardiaque implanté dans la poitrine, avait été averti par son médecin qu’il devait éviter toute exposition à des machines à haute tension. L’employé croyait qu’une partie de l’équipement sur son lieu de travail présentait un risque et s’est vu offrir une mesure d’accommodement consistant à lui permettre de travailler dans une zone éloignée des appareils en question. Cependant, après un certain temps, l’employeur a décidé de révoquer la mesure d’accommodement et a congédié l’employé parce qu’il refusait de travailler à proximité de l’équipement.
Près d’un an après avoir congédié l’employé, l’employeur a procédé à une évaluation du milieu de travail afin de déterminer si l’équipement présentait un risque réel pour les travailleurs portant un appareil cardiaque comme un défibrillateur. L’évaluation a permis de conclure qu’il n’y avait aucun risque, ce qui signifiait qu’il n’y avait jamais eu de danger réel pour l’employé.
La décision
Le Tribunal a rejeté l’idée selon laquelle des éléments de preuve obtenus après coup pourraient justifier une décision de refuser une mesure d’accommodement.
Le Tribunal a rappelé à l’employeur que ce sont les efforts déployés pour accommoder l’employé au moment de la discrimination alléguée qui devaient être évalués. Les employeurs ne devraient pas se fonder sur des éléments de preuve impressionnistes, anecdotiques ou découverts a posteriori pour établir une contrainte excessive ou refuser une demande d’accommodement.
En l’espèce, le Tribunal a reproché à l’employeur de ne pas avoir posé d’autres questions pour mieux comprendre la recommandation du médecin. L’employeur a supposé que la mesure d’accommodement n’était pas justifiée, après avoir discuté avec certains membres du personnel dans le but de vérifier la tension électrique des machines. Il s’avère que ce renseignement, à lui seul, n’était pas pertinent. Pour se forger une opinion valable, l’employeur aurait dû prendre des mesures sur le terrain.
L’employeur n’ayant pas procédé plus tôt à l’évaluation du milieu de travail, il ne disposait pas des éléments nécessaires pour étayer sa position selon laquelle la demande était déraisonnable ou injustifiée. L’obligation procédurale lui imposait, au minimum, de recueillir des renseignements sur la sécurité du milieu de travail de l’employé.
Le Tribunal a finalement conclu que l’employeur avait manqué à ses obligations au titre de la composante procédurale de l’obligation d’accommodement. En conséquence, l’employé s’est vu octroyer une indemnité pour perte de salaire, ainsi qu’une indemnité de 20 000 $ pour atteinte à la dignité, aux sentiments et à l’estime de soi.
Ce qu’il faut retenir
La décision dans l’affaire Giang constitue une mise en garde : les employeurs ne peuvent pas prendre de décision en se basant sur des suppositions. Au contraire, ils doivent effectuer un examen de bonne foi pour évaluer la validité de la demande d’accommodement.
Les employeurs doivent s’acquitter promptement et en temps utile de leur obligation procédurale d’accommodement. Ils devraient veiller à se fonder sur des informations fiables et un raisonnement cohérent pour décider d’offrir ou de refuser une mesure d’accommodement.
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[1] 8. Obligation d’accommodement | Commission ontarienne des droits de la personne (ohrc.on.ca/fr); voir : Lane v. ADGA Group Consultants Inc., 2007 HRTO 34 (CanLII), aux paragraphes 79 à 84, 120 et 142 à 152 (décision publiée en anglais seulement).