Depuis quelques années maintenant, nous sommes témoins, dans plusieurs secteurs d’activités (notamment dans la restauration et dans les services et produits pour véhicules automobiles) de regroupements de réseaux de franchises au sein d’une même organisation.
Ainsi, certaines de ces organisations possèdent et gèrent aujourd’hui plusieurs concepts de franchises, voire des dizaines.
Évidemment, le regroupement de plusieurs réseaux de franchises au sein d’une même organisation offre des avantages importants : une économie d’échelle pour les achats de produits et de services, une meilleure position pour négocier avec des promoteurs immobiliers et des bailleurs, une économie par la centralisation de certaines fonctions communes aux réseaux regroupés (par exemple, au chapitre des finances, de la gestion immobilière, des services juridiques, de la technologie, etc.).
Cependant, la détention par une même organisation de plusieurs réseaux de franchises soulève quelques risques et enjeux particuliers, notamment lorsque des points de vente d’un ou de certains de ces réseaux regroupés font concurrence à un ou d’autres points de vente d’un autre de ces réseaux.
À cet égard, il est important de se rappeler les enseignements formulés par la Cour d’appel du Québec dans l’important arrêt Provigo Distribution inc. c. Supermarché A.R.G. inc. et al.
Cette affaire portait justement sur une situation dans laquelle l’exploitant de plusieurs concepts de vente au détail de produits d’épicerie (Provigo Distribution inc.) avait lancé, sous la bannière Héritage, un nouveau concept de magasins dont certains points de vente faisaient concurrence à des affiliés de sa bannière Provigo.
La Cour d’appel du Québec a, en premier lieu, constaté que les contrats signés entre Provigo Distribution inc. et ses affiliés n’empêchaient pas Provigo Distribution inc. de posséder des magasins faisant concurrence à ceux de ses affiliés.
Cependant, en se fondant sur les obligations implicites découlant de la nature même de la relation franchiseur-franchisés, la Cour d’appel du Québec a rappelé que, même dans un contexte de concurrence avec ses franchisés, un franchiseur est tenu à des devoirs importants vis-à-vis ceux-ci.
Voici quelques extraits pertinents du jugement rendu par la Cour d’appel du Québec dans cette affaire :
- « Dès, en effet, que le franchiseur signe avec le franchisé un contrat d'affiliation, il s'engage avec lui dans un processus de partenariat et limite évidemment son droit de libre concurrence à son égard. »
- « […] l'une des obligations fondamentales du franchiseur à l'endroit du franchisé est celle d'assistance technique et commerciale, comprise dans cette perspective de partenariat, donc de collaboration. Le franchiseur possède, en effet, le savoir-faire et l'expertise dans le secteur commercial particulier où il œuvre et c'est en partie ce qu'il vend à son franchisé. Ce faisant, il doit, bien évidemment et d'ailleurs dans son propre intérêt, suivre l'évolution du marché et adapter ses méthodes et ses techniques aux nouvelles réalités. Il doit cependant aussi, en raison de l'obligation de bonne foi et de loyauté qu'il assume à l'égard de son franchisé, faire bénéficier celui-ci de son assistance technique, de sa collaboration donc de ses nouveaux outils ou, au moins, trouver d'autres moyens de maintenir la pertinence du contrat qui le lie pour que les considérations motivant l'affiliation ne soient pas rendues caduques ou inopérantes. »
- « L'appelante, liée par une obligation de bonne foi et de loyauté à l'endroit des intimées, avait le devoir devant ce nouveau tournant de travailler de concert avec son franchisé, de lui fournir les outils nécessaires, sinon pour empêcher qu'un préjudice économique ne lui soit causé, du moins pour en minimiser l'impact. Entre, d'une part, l'inaction totale et le maintien d'un statu quo qui risquaient de lui coûter sa place de marché et, d'autre part, l'exercice de son droit de libre concurrence vis-à-vis des tiers, il existe une marge. L'appelante ne pouvait négliger ses franchisés et récupérer le segment vulnérable de la commande centrale par une activité exercée par son propre magasin Héritage. Elle devait, de concert avec eux, mettre sur pied une réplique commerciale adéquate qui permettait à ces derniers de minimiser leurs pertes et de se repositionner dans un marché en évolution. »
- « C'est donc là où réside essentiellement la faute de l'appelante: le défaut de remplir adéquatement son obligation de collaboration et d'assistance technique, qui se traduit par un manque de loyauté, en omettant de fournir à son cocontractant les outils nécessaires pour résister commercialement à la concurrence, à partir du moment où elle a décidé de poursuivre avec vigueur, en 1990, la segmentation de la commande centrale. »
Bien que cette affaire visait une situation où le franchiseur faisait lui-même concurrence à ses affiliés, les enseignements de la Cour d'appel du Québec s'appliquent aussi fort bien à la situation d'un franchiseur qui gère plusieurs concepts de franchise dont les points de vente peuvent se retrouver en concurrence entres eux.
Nous vous invitons à contacter l'auteur du présent bulletin pour toute question à ce sujet ou sur tout autre sujet touchant le droit de la franchise.
Fasken possède toute l'expertise et toutes les ressources nécessaires pour vous aider à bien structurer votre réseau, à vous doter de contrats adéquats conçus sur mesure pour vous, et à bien préparer et exécuter tout projet d'expansion, que ce soit au Québec, dans d'autres provinces canadiennes ou partout ailleurs dans le monde.