Depuis juin 2019, les sociétés fermées régies par la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA ») doivent créer et tenir à jour un registre des particuliers ayant un contrôle important (le « registre des PCI »). L’objectif des registres des PCI est d’améliorer la transparence des entreprises pour aider à lutter contre l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. (Pour plus de contexte, veuillez lire le billet Le projet de loi C-86 et les nouvelles obligations en matière de tenue de registres pour toutes les sociétés fermées régies par la LCSA (en anglais seulement) sur notre blogue Timely Disclosure.)
Peu de temps après l’entrée en vigueur du régime relatif au registre des PCI – et compte tenu de la grande incertitude entourant les nouvelles exigences en matière de transparence – le gouvernement fédéral a entamé des consultations publiques concernant la possibilité d’adopter un règlement visant à clarifier les obligations des sociétés régies par la LCSA, consultations qui se sont tenues jusqu’au 20 mai 2020. (Pour en connaître la portée, veuillez consulter notre bulletin précédent sur le sujet : Retour à la table de travail – Consultations publiques sur les propositions réglementaires concernant le registre des particuliers ayant un contrôle important en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions.)
À la fin de l’année dernière, plus de trois ans après la clôture de la consultation, le gouvernement fédéral a finalement publié un projet de règlement modifiant le Règlement sur les sociétés par actions de régime fédéral (2001), qui visait à fournir davantage d’indications sur seulement trois aspects précis du régime relatif au registre des PCI (les « modifications proposées ») :
- Les entités dispensées des exigences relatives au registre des PCI;
- Ce qu’on entend par « mesures raisonnables » devant être prises par les sociétés pour identifier les particuliers ayant un contrôle important;
- Ce que les sociétés doivent faire si elles ne sont pas en mesure d’identifier de particulier ayant un contrôle important.
Nouvelles dispenses de l’obligation de tenir un registre des PCI
À l’heure actuelle, la LCSA ne dispense que les sociétés relevant de la LCSA qui ne sont pas considérées comme des sociétés « fermées » (des « émetteurs assujettis » ou des sociétés inscrites à la cote de certaines bourses de valeurs désignées canadiennes et étrangères) en vertu des règles relatives au registre des PCI.
Si elles sont adoptées telles qu’elles ont été publiées, les modifications proposées étendront les dispenses aux sociétés régies par la LCSA qui sont des filiales en propriété exclusive d’autres sociétés visées par la LCSA ou de personnes morales constituées ou prorogées sous le régime d’une loi provinciale, à condition que ces sociétés mères soient des émetteurs assujettis ou qu’elles soient inscrites à la cote de bourses de valeurs désignées (p. ex., NYSE, NASDAQ, London Stock Exchange et Euronext Paris).
La raison de cette proposition de dispense supplémentaire réside dans le fait que les renseignements pertinents sur la propriété et le contrôle de ces sociétés mères fédérales ou provinciales sont déjà accessibles au public en vertu de la réglementation sur les valeurs mobilières ou des règles boursières applicables. Exiger de ces sociétés qu’elles créent et tiennent à jour des registres de PCI serait donc redondant, fastidieux et entraînerait des coûts inutiles.
Fait intéressant quoique décevant, telle qu’elle est rédigée, la dispense supplémentaire proposée ne semble s’appliquer qu’aux sociétés mères ouvertes, régies par la LCSA ou la législation provinciale sur les sociétés. Elle ne semble pas s’appliquer aux sociétés ouvertes constituées en vertu de lois territoriales ou étrangères, qui sont également des « émetteurs assujettis » ou qui sont négociées à la cote de bourses de valeurs désignées. Même si ces sociétés mères sont assujetties aux mêmes exigences de divulgation publique sur lesquelles elles s’appuient pour justifier cette dispense, leurs filiales visées par la LCSA ne bénéficieraient pas de cette dispense et devraient donc mettre en place un registre des PCI, ce qui s’avérerait redondant et fastidieux, en plus d’entraîner des coûts qui pourraient être évités. Ceci affecterait, notamment, les sociétés relevant de la LCSA qui sont des filiales en propriété exclusive des nombreuses sociétés américaines menant des activités au Canada. Il reste à espérer que le gouvernement fédéral révisera et élargira la portée des dispenses avant d’adopter les modifications proposées.
Les modifications proposées dispenseraient également les sociétés d’État fédérales et provinciales, ainsi que les sociétés régies par la LCSA détenues en propriété exclusive par les gouvernements fédéral et/ou provinciaux, d’avoir à se plier aux exigences relatives au registre des PCI.
Quelles sont les mesures raisonnables à prendre pour identifier les particuliers ayant un contrôle important?
Au moins une fois par exercice financier, les sociétés fermées régies par la LCSA doivent prendre des « mesures raisonnables » pour s’assurer que les renseignements figurant dans leur registre des PCI sont exacts, complets et à jour. Toutefois, la législation ne précise pas ce que ces « mesures raisonnables » impliquent, ce qui a suscité une grande incertitude quant à savoir si les sociétés ont satisfait ou non aux exigences prévues par la loi. Les modifications proposées visent à préciser comment satisfaire à cette obligation.
Selon le libellé proposé, les « mesures raisonnables » comprendront l’envoi d’une demande de renseignements à tous les destinataires suivants :
- tout particulier ayant un contrôle important inscrit au registre;
- tout actionnaire inscrit;
- toute autre personne susceptible de l’information pertinente concernant un particulier ayant un contrôle important.
Pour aider les sociétés régies par la LCSA à répondre aux demandes de renseignements, le gouvernement fédéral prévoit publier un modèle d’avis. Un tel avis permettrait non seulement de réduire les coûts liés à la conformité annuelle, mais aussi de clarifier la manière selon laquelle les sociétés sont censées demander des renseignements pour mettre à jour leur registre de PCI.
Les modifications proposées ne portent certes que sur l’examen et la mise à jour annuels des registres de PCI, mais elles peuvent également – du moins indirectement – fournir des indications sur les mesures qu’une nouvelle société fermée régie par la LCSA peut prendre pour créer un registre des PCI.
Que faire si une société n’est pas en mesure d’identifier de PCI?
Même en prenant des mesures raisonnables, il peut s’avérer impossible pour une société fermée de déterminer si un particulier ayant un contrôle important existe. Puisque la LCSA ne précise pas ce qu’il convient de faire dans cette situation – ce qui a entraîné une certaine confusion dans le monde des affaires –, les modifications proposées tentent de combler cette lacune.
Lorsqu’une société est incapable d’identifier un particulier ayant un contrôle important, elle doit inclure dans son registre des PCI une déclaration expresse à cet effet et un résumé des mesures prises pour identifier les particuliers ayant un contrôle important.
Quelles sont les prochaines étapes?
Le gouvernement fédéral a sollicité et reçu d’autres commentaires à propos des modifications proposées. Jusqu’à présent, on ne sait pas quand les nouvelles règles sur les registres des PCI entreront en vigueur et si d’autres modifications seront apportées.
Autres développements récents au sujet des registres de transparence des entreprises
En début d’année, l’Ontario a adopté un régime de registre de transparence pour les sociétés fermées régies par la Loi sur les sociétés par actions de la province. (Pour plus de détails, consultez le bulletin suivant : Nouvelles exigences relatives au registre de transparence pour les sociétés fermées de l’Ontario (en anglais seulement).)
Le Québec a emboîté le pas et a annoncé que ses exigences relatives au registre de transparence pour toutes les entreprises faisant affaire au Québec (indépendamment de leur territoire de constitution) entreront en vigueur le 31 mars 2023. Contrairement à ce qui se fait ailleurs au Canada, le registre de transparence des entreprises du Québec sera accessible au public. Pour plus de renseignements, veuillez consulter notre bulletin sur le sujet : Projet de Loi 78 : Quel impact pour les entreprises?
Mise en garde : Ce bulletin est d’application générale et dépend notamment des faits particuliers de chaque cas; certains critères peuvent avoir été simplifiés et la législation peut avoir fait l’objet de changements depuis la date de ce bulletin.