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Projet de Loi 78 : Quel impact pour les entreprises?

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Bulletin Droits des sociétés, droit commercial

Entrée en vigueur

Le projet de loi no 78 intitulé Loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises (ci-après, « Loi sur la transparence ») a été sanctionné le 8 juin 2021 et entrera en vigueur le 31 mars 2023.[1] L’entrée en vigueur de la Loi sur la transparence entraînera d’importantes modifications à la Loi sur la publicité légale des entreprises (ci-après, la « Loi sur la publicité »).

La Loi sur la transparence vise à optimiser la transparence des entreprises immatriculées au Québec et, par le fait même, à renforcer la protection du public et à contribuer aux actions de prévention et de lutte contre l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent et la corruption.[2]

Suivant l’entrée en vigueur de la Loi sur la transparence, les nouvelles obligations deviendront applicables aux assujettis à la Loi sur la publicité, lors de la production de leur déclaration initiale, ou d’immatriculation ainsi que lors du dépôt d’une mise à jour (annuelle ou courante) au Registraire des entreprises du Québec (« REQ »). La Loi sur la publicité définit un « assujetti » comme une personne ou un groupement de personnes qui est immatriculé volontairement au REQ ou toute personne, fiducie ou société de personnes qui est tenue de l’être.[3] Toutes les entreprises déjà assujetties à la Loi sur la publicité de même que celles qui le deviendront ensuite devront ainsi se conformer aux nouvelles obligations, de même que leurs « bénéficiaires ultimes », une nouvelle notion introduite par la Loi sur la transparence.

Bénéficiaires ultimes

De façon générale, un  bénéficiaire ultime  est « une personne physique qui détient un droit lui permettant de profiter d’une partie des revenus ou des actifs d’une entreprise ou un droit lui permettant de diriger ou d’influencer les activités d’une telle entreprise ».[4] La Loi sur la transparence précise qu’un bénéficiaire ultime d’un assujetti est, entre autres, une personne physique qui :

  1. Est détentrice, « même indirectement », ou bénéficiaire d’un nombre d’actions, de parts ou d’unités de l’assujetti qui lui confère la faculté d’exercer 25 % ou plus des droits de vote afférents à celles-ci;
  2. Est détentrice, « même indirectement », ou bénéficiaire d’un nombre d’actions, de parts ou d’unités d’une valeur correspondant à 25 % ou plus de la juste valeur marchande de toutes les actions, parts ou unités émises par l’assujetti; ou
  3. A une influence directe ou indirecte telle que, si elle était exercée, il en résulterait un contrôle de fait, au sens des articles 21.25 et 21.25.1 de la Loi sur les impôts (chapitre I-3), compte tenu des adaptations nécessaires.[5]

La Loi sur la transparence prévoit d’autres cas où une personne physique sera considérée comme bénéficiaire ultime, dont les commandités d’une société en commandite et les fiduciaires d’une fiducie exploitant une entreprise à caractère commercial.

De plus, selon le Projet de règlement sur la publicité légale des entreprises publié le 21 décembre 2022 (le « Projet de règlement »), une personne physique qui contrôle, directement ou indirectement, un nombre d’actions, de parts ou d’unités d’un assujetti qui atteint le seuil de 25 % ou plus des droits de votre ou de la juste valeur marchande sera considérée comme un bénéficiaire ultime.[6] Une personne physique qui est partie à une convention de vote lui permettant de contrôler, directement ou indirectement, un nombre d’actions, de parts ou d’unités d’une entité sera également considérée comme un bénéficiaire ultime.[7]

Pour des détails sur les bénéficiaires ultimes, nous vous invitons à consulter notre bulletin sur les bénéficiaires ultimes.

Obligations des assujettis

En plus des informations relatives aux bénéficiaires ultimes, les assujettis à la Loi sur la publicité devront dorénavant divulguer au REQ, les informations suivantes avec leur déclaration d’immatriculation:

  1. la date de naissance des personnes physiques liées à l’entreprise et inscrites au REQ (soit les administrateurs, certains dirigeants, les trois actionnaires les plus importants et les bénéficiaires ultimes);
  2. l’adresse professionnelle, s’il y a lieu, en plus de l’adresse de domicile, des personnes physiques liées à l’entreprise et inscrites au REQ; et
  3. une copie d’une pièce d’identité pour chaque administrateur.[8]

Pour des détails sur le contenu de chacune de ces divulgations, nous vous invitons à consulter notre bulletin sur les obligations de divulgation en vertu de la Loi sur la transparence.

En outre, les assujettis devront divulguer le type de contrôle qu’exerce chacun de leurs bénéficiaires ultimes ou le pourcentage d’actions, de parts ou d’unités que chacun détient ou dont il est bénéficiaire à ce titre ainsi que la date à laquelle chacun est devenu un bénéficiaire ultime et (si applicable) la date à laquelle il a cessé de l’être.

Au-delà des obligations de divulgation, les assujettis sont soumis à une obligation de diligence supplémentaire : ils doivent prendre les moyens nécessaires pour retracer et s’assurer de l’identité de leurs bénéficiaires ultimes. Cette obligation s’étend aux mises à jour de l’information exigées par la Loi sur la publicité qui doivent se faire, notamment, sur une base annuelle de même que lorsqu’un changement survient.[9]

Une version antérieure du projet de loi sur la transparence prévoyait que l’obligation de diligence d’un assujetti consisterait plutôt à prendre les moyens « raisonnables » pour retracer et assurer l’identité de ses bénéficiaires ultimes. Comme indiqué ci-dessus, le gouvernement du Québec a cependant confirmé qu’il souhaitait une norme plus rigoureuse - en imposant à l’assujetti l’obligation de prendre les moyens nécessaires à cet effet.

Sur son site web pour la transparence des entreprises, le gouvernement du Québec nous renseigne aussi à ce sujet:

« L’entreprise doit procéder à une analyse juridique, documentaire et factuelle de sa situation. Par exemple, dans le cas d’une société par actions, elle doit analyser son capital-actions et les conventions qui sont susceptibles d’influencer la façon dont les droits de vote sont exercés. »[10]

Certains assujettis, comme les personnes morales de droit public, celles de droit privé à but non lucratif, les émetteurs assujettis au sens de la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1), certaines institutions financières, les sociétés de fiducie, certaines banques et les associations au sens du Code civil du Québec seront toutefois dispensés de divulguer les informations relatives à leurs bénéficiaires ultimes.[11] À cet égard, il importe de noter que de nouvelles catégories d’assujettis pourraient éventuellement être dispensées par l’adoption de règlements.[12]

Enfin, lorsqu’un bénéficiaire ultime est mineur, ses nom et domicile déclarés au REQ ne pourront pas être consultés publiquement.[13]

Les obligations et les tiers

Pour les tiers, étant généralement les personnes externes aux entreprises assujetties, la Loi sur la transparence n’est pas sans conséquence. Parmi les nouvelles divulgations exigées, les informations relatives aux bénéficiaires ultimes (à l’exception de leur date de naissance, qui ne pourra être consultée) et les adresses professionnelles déclarées seront opposables aux tiers et feront preuve de leur contenu en faveur des tiers de bonne foi.

En pratique, cela veut dire que:

  1. Les tiers de bonne foi pourront utiliser l’information déclarée ou mise à jour par les assujettis pour faire valoir leurs droits lors d’une action en justice; et
  2. Cette information sera présumée être véridique et seuls les tiers de bonne foi pourront remettre en question sa véracité. Étant donné que les assujettis ont pour obligation de mettre à jour l’information auprès du REQ, ces derniers ne pourront contester sa véracité en justice lorsque les tiers qui s’y sont fiés sont de bonne foi.

Les demandes de regroupement d’informations 

À partir du 31 mars 2024, il sera permis à tout intéressé d’utiliser le nom d’une personne physique comme critère de recherche au REQ et lors de demandes de regroupement d’informations. L’adresse d’une personne physique ne pourra toutefois pas servir de critère de recherche.

Seules les informations pouvant être consultées au REQ pourront être contenues dans les regroupements d’information. Cela signifie que la date de naissance des personnes physiques, le domicile de celles ayant déclaré une adresse professionnelle ainsi que les nom et domicile des bénéficiaires ultimes mineurs ne pourront ni servir de base de recherche pour les regroupements d’informations au REQ, ni y être contenus.[14]

Sanctions en cas de non-respect

Les pénalités et les mesures administratives déjà prévues à la Loi sur la publicité s’appliqueront en cas de non-respect des nouvelles obligations. En vertu de la Loi sur la publicité, le REQ peut se prévaloir de sanctions administratives comme la radiation d’office pour les assujettis qui ne se conforment pas à une obligation et de sanctions pénales pécuniaires pouvant aller de 500 $ à 25 000 $ selon le type d’infraction commise.

Par exemple, pour le défaut de produire dans le délai applicable une déclaration d’immatriculation, un assujetti s’expose à une amende d’au moins 1 000 $ et d’au plus 10 000 $ s’il s’agit d’une personne physique, et d’une amende d’au moins 2 000 $ et d’au plus 20 000 $ dans les autres cas. Les montants des amendes prévus par la Loi sur la publicité sont portés au double en cas de récidive.[15]

Prochaines étapes

La Loi sur la transparence permet au gouvernement de déterminer, par règlement, d’autres informations contenues au REQ qui ne pourront être consultées, de nouveaux cas et conditions de détermination des bénéficiaires ultimes et de nouvelles modalités à l’égard de leur contrôle.[16] À l’avenir, le ministre pourra également dispenser certaines catégories d’assujettis du paiement des frais d’immatriculation.[17] Il sera prudent de porter un œil attentif aux développements règlementaires dans les mois à venir.

*** 

Mise en garde : Ce bulletin est d’application générale et dépend notamment des faits particuliers de chaque cas; certains critères peuvent avoir été simplifiés dans le bulletin et le droit peut avoir évolué depuis la publication de ce dernier.



[1]      À l’exception des articles 26 et 32, apportant des modifications à la Loi sur l’assurance parentale, qui sont entrés en vigueur le 8 juin 2021.

[2]      Projet de loi 78, notes explicatives.

[3]      Loi sur la transparence, art. 1, voir nouvel art. 0.2 de la Loi sur la publicité.

[4]      Loi sur la transparence, art. 1, voir nouvel article 0.7 de la Loi sur la publicité, et art. 8.; Gouvernement du Québec. « Trouver et identifier un bénéficiaire ultime d'une entreprise », En ligne. https://www.quebec.ca/entreprises-et-travailleurs-autonomes/demarrer-entreprise/immatriculer-constituer-entreprise/nouvelles-obligations-transparence/declarer-beneficiaire-ultime/trouver-identifier. Page consultée le 5 février 2023.

[5]      Id., voir nouvel art. 0.4. de la Loi sur la publicité.

[6]      Projet de règlement, 21 décembre 2022, Gazette Officielle du Québec No. 51, (Page: 7147), art. 6.

[7]      Id., art. 6.

[8]      Loi sur la transparence, art. 8.

[9]      Loi sur la transparence, art. 12.

[10]    Gouvernement du Québec. « Entreprises qui doivent déclarer un bénéficiaire ultime », En ligne. https://www.quebec.ca/entreprises-et-travailleurs-autonomes/demarrer-entreprise/immatriculer-constituer-entreprise/nouvelles-obligations-transparence/declarer-beneficiaire-ultime/qui-doit-declarer. Page consultée le 5 février 2023.

[11]    Loi sur la transparence, art. 1, voir nouvel article 0.7 de la Loi sur la publicité.

[12]    Id., art. 23.

[13]    Id., art. 17.

[14]    Id.¸ art. 18.

[15]    Loi sur la publicité légale, art. 132 et suivants.

[16]    Loi sur la transparence, art. 23.

[17]    Id., art. 8

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Auteurs

  • Emilie Clairoux, Avocate, Montréal, QC, +1 514 397 7627, eclairoux@fasken.com
  • Guillaume Saliah, Associé, Montréal, QC, +1 514 397 4371, gsaliah@fasken.com
  • Jean-Sébastien Dugas, Associé, Montréal, QC, +1 514 397 7693, jsdugas@fasken.com

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