En 2018, une action collective réclamant des dommages-intérêts de 1,5 milliard de dollars a été autorisée contre Ford Motor Company et des entités liées [1]. L’action portait sur les valeurs de consommation de carburant indiquées sur les étiquettes ÉnerGuide des nouveaux modèles Ford 2013 et 2014. Le demandeur alléguait que Ford avait enfreint la Loi sur la concurrence fédérale, laquelle interdit la publicité fausse ou trompeuse, et certaines lois provinciales sur la protection du consommateur qui interdisent les déclarations fausses, trompeuses ou mensongères.
Le demandeur, M. Rebuck, affirme avoir vérifié l’étiquette ÉnerGuide à l’achat de son nouveau véhicule utilitaire sport Ford Edge 2014. L’étiquette indiquait une consommation de 36 mpg pour la conduite sur l’autoroute, alors que son véhicule affichait une consommation de carburant de 23 mpg. Un examen des méthodes d’essai utilisées par Ford pour générer les données sur la consommation de carburant affichées sur les étiquettes ÉnerGuide a démontré que ce constructeur automobile avait utilisé un essai à deux cycles à l’égard des véhicules 2013 et 2014, même s’il avait utilisé un essai à cinq cycles pour des véhicules comparables aux États-Unis. Il est important de noter que l’essai à cinq cycles n’a été adopté par le ministère fédéral des Ressources naturelles du Canada qu’en 2015.
La Cour supérieure de justice de l’Ontario a rejeté l’action collective à la suite de la requête en jugement sommaire de Ford, au milieu de 2022 [2]. En appel, la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé cette décision [3]. En effet, la Cour d’appel a convenu avec le juge saisi de la requête que les défendeurs s’étaient conformés aux directives et lignes directrices du gouvernement fédéral, notamment en utilisant l’essai à deux cycles en 2013 et en 2014.
Comme il a été mentionné ci-dessus, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rejeté l’action collective à la suite d’une requête en jugement sommaire en 2022. Le juge Belobaba a rejeté la demande fondée sur la Loi sur la concurrence principalement parce que les défendeurs s’étaient conformés aux lignes directrices du gouvernement fédéral qui prescrivaient une méthode d’essai à deux cycles. Le demandeur n’avait pas non plus établi que les étiquettes donnaient une impression générale qui était fausse ou trompeuse.
En ce qui a trait aux réclamations en matière de protection du consommateur, le demandeur avait fait valoir que Ford aurait dû fournir, en plus des étiquettes, des renseignements supplémentaires sur les différences entre les essais à deux cycles et ceux à cinq cycles. Le juge Belobaba a axé son analyse sur la question de savoir s’il y avait eu une [traduction] « non-divulgation » fausse, trompeuse ou mensongère. Il a conclu, en se fondant sur le témoignage d’expert des défendeurs, que les étiquettes ÉnerGuide renvoyaient aux Guides de consommation de carburant publiés par le gouvernement fédéral, lesquels fournissaient des renseignements détaillés sur les méthodes d’essais, et que les consommateurs pour qui la consommation de carburant était importante auraient normalement consulté ces guides.
Le demandeur a contesté en vain ces conclusions en appel. La Cour d’appel de l’Ontario a statué que :
- en 2014, même s’il était largement reconnu que l’essai à cinq cycles était plus représentatif des conditions de conduite réelles, Ford n’était pas pour autant tenu de passer à ce type d’essai au Canada puisque le gouvernement n’exigeait que l’essai à deux cycles;
- l’« impression générale » donnée par l’étiquette ÉnerGuide à l’acheteur moyen n’était pas que les estimations énumérées prédisaient la consommation réelle de carburant;
- l’étiquette ÉnerGuide renvoie clairement les clients aux guides fédéraux, de sorte que [traduction] « des renseignements précis et utiles sur la consommation de carburant » leur sont fournis.
Il s’agit d’une affaire importante pour les participants du secteur de l’automobile et pour tous les défendeurs qui pourraient être visés par une action collective, car elle démontre la réticence des tribunaux à tenir les parties responsables de réclamations en matière de droit privé lorsqu’elles ont respecté les exigences gouvernementales. Cette décision est d’autant plus importante dans le contexte actuel, où nous constatons une hausse des poursuites en matière de contentieux climatique intentées contre des entités privées.
[1] Rebuck v. Ford Motor Co., [2018] O.J. No. 6709 (QL).
[2] Rebuck v. Ford Motor Company, 2022 ONSC 2396.
[3] Rebuck v. Ford Motor Company, 2023 ONCA 121.