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Exigences en matière de langue française : Le Québec publie un projet de règlement très attendu sur les documents utilisés dans la recherche

Fasken
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Bulletin des sciences de la vie

Le 24 mai 2022, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, introduisant de nouvelles dispositions de la Charte de la langue française (« Charte »). Par la suite, le 1er mars 2023, le ministre de la Langue française, Jean‑François Roberge (le « ministre »), a annoncé le projet de règlement sur les dérogations au devoir d’exemplarité de l’Administration et les documents rédigés ou utilisés en recherche (« projet de règlement ») dans la Gazette officielle du Québec. Le projet de règlement était accompagné du projet de règlement sur la langue de l’administration. Les règlements sont habilités en vertu de la Charte.

Les intervenants de l’industrie pharmaceutique et du secteur universitaire attendaient depuis longtemps la publication du projet de règlement, notamment en raison de l’impact anticipé sur la recherche clinique menée dans la province de Québec. Depuis l’adoption du projet de loi 96, le secteur de la recherche est en mouvement, attendant des conseils sur la meilleure façon d’adapter les pratiques et les processus afin d’assurer la conformité avec les nouvelles et lourdes obligations de la Charte.

Le bulletin suivant examine les nouvelles exigences linguistiques du projet de règlement telles qu’elles s’appliquent à l’administration de la recherche sur les essais cliniques. Le règlement devrait entrer en vigueur le 1er juin 2023. Le ministre accepte les observations écrites sur le projet pendant quarante-cinq (45) jours à compter de la publication de la Gazette.

En principe, l’administration civile (y compris les organismes publics de recherche tels que les hôpitaux et le CIUSSS) est soumise à l’usage exemplaire de la langue française. Cette règle génère des tensions dans le secteur de la recherche, où l’utilisation d’une autre langue - l’anglais - n’est pas qu’une question théorique. En effet, les sites d’étude québécois participent souvent à des études multicentriques nationales ou mondiales, dans le cadre d’un protocole unique. Dans ce contexte, l’uniformité de la documentation est primordiale pour assurer la cohérence et l’intégrité scientifique. Les communications de sécurité ne sont pas nécessairement rédigées ou reçues en français. Ainsi, l’obligation de traduire les communications entre un établissement québécois et le service de pharmacovigilance du promoteur à l’extérieur de la province, les comités d’éthique de la recherche ou d’autres sites de recherche pourrait entraîner des délais et des incohérences dans les traductions qui compromettraient de façon injustifiée la sécurité des patients.

Le projet de règlement vise à résoudre certains de ces problèmes.

Il est important de noter que le projet de règlement prévoit quelques exceptions applicables permettant que les documents établis et utilisés dans le cadre de la recherche soient rédigés uniquement dans une langue autre que le français. Les documents de recherche suivants sont couverts par l’exception proposée :

  1. la documentation de nature économique et financière;
  2. les renseignements transmis par un participant à une recherche ou par une personne qui y contribue pour fournir de l’information;
  3. le matériel utilisé pour un sondage, notamment un questionnaire ou un formulaire d’entrevue;
  4. la documentation nécessaire à un essai clinique, notamment le protocole de recherche, la brochure d’investigateur, le calendrier des procédures, le guide d’acquisition d’imagerie et le manuel de pharmacie;
  5. l’étude scientifique et son évaluation;
  6. les documents joints à une demande d’autorisation ou d’aide financière;
  7. un document pour lequel l’utilisation exclusive de la langue officielle compromet l’accomplissement de la mission de l’organisme de l’Administration lorsque ce dernier a pris tous les moyens raisonnables pour que le document soit rédigé uniquement en français.

En outre, le projet de règlement indique que lorsque l’usage exclusif du français risque de compromettre l’exécution et la mission d’une agence de l’administration civile, celle-ci peut, pendant une période de deux (2) ans, utiliser une autre langue en plus de la langue officielle. Ce sera le cas lorsque l’agence aura épuisé toutes les mesures raisonnables pour se conformer à l’exigence de la langue française.

Il est important de noter que les exceptions prévues par le projet de règlement pour les documents rédigés et utilisés dans le cadre de la recherche ne dérogent pas à l’application de l’article 21 de la Charte aux contrats dans ce même contexte. Les contrats conclus par l’administration civile, y compris les sous-contrats qui s’y rapportent, restent rédigés dans la langue officielle, le français. Une autre langue ne peut être utilisée que dans le cas où les administrations civiles concluent un contrat avec une partie hors du Québec. La rédaction et l’utilisation de contrats de recherche dans une autre langue, en plus du français, sont néanmoins implicitement autorisées - bien qu’il ne s’agisse pas d’un compromis respectueux des ressources.

Comme indiqué ci-dessus, le ministre accepte les commentaires sur le projet de règlement pendant quarante-cinq (45) jours. Il est probable que le ministre recevra des commentaires sur l’application de l’article 21 de la Charte à la lumière du projet de règlement, en raison des défis et des risques associés à une négociation française des contrats de recherche. Toutefois, cela nécessiterait une modification de la Charte, et non du projet de règlement, qui ne fait pas l’objet de la période de commentaires de quarante-cinq (45) jours.

Il sera intéressant de voir si et comment le ministre répondra aux préoccupations concernant la recherche sur les essais cliniques dominée par l’anglais à la lumière du projet de règlement. L’équipe des sciences de la vie de Fasken reste à la disposition de l’industrie pour la guider à travers les modifications, qui entreront en vigueur le 1er juin 2023.

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Auteurs

  • Jean-Raphaël Champagne, Associé, Québec, QC, +1 418 640 2084, jchampagne@fasken.com
  • Julie Uzan-Naulin, Associée, Montréal, QC, +1 514 871 5967, juzan@fasken.com
  • Geneviève Shemie, Avocate, Montréal, QC, +1 514 397 7660, gshemie@fasken.com

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