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Le 1er juin 2023 approche : êtes-vous prêts pour les prochains changements à la Charte de la langue française?

Fasken
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Bulletin Loi 96

Il y a bientôt un an que les principales modifications à la Charte de la langue française opérées par la Loi 96[1] sont entrées en vigueur. D’autres changements importants sont toutefois prévus pour le 1er juin 2023. Êtes-vous prêts? Ce bulletin en fait le survol.

Changements visant les contrats d’adhésion

Comme avant, la règle de principe exige que les contrats d’adhésion[2] et les documents qui s’y rattachent soient rédigés en français. À partir du 1er juin 2023, les parties à un contrat d’adhésion ne pourront être liées par une version dans une autre langue que le français qu’aux conditions suivantes:

  • la version française a été remise à l’adhérent;
  • les parties ont expressément exprimé leur volonté d’être liées par cette version dans une autre langue.

Autrement dit, l’insertion d’une clause de langue selon laquelle les parties consentent à contracter dans une autre langue que le français ne suffira plus dans les contrats d’adhésion. De plus, aucune partie ne peut exiger de l’autre le paiement d’une somme pour la traduction du contrat ou des documents qui s’y rattachent[3].

Cette règle ne s’applique pas aux contrats d’adhésion suivants :

  • Contrat de travail (car visé par d’autres exigences);
  • Contrat d’emprunt ou instrument ou contrat financier de gestion de risques financiers;
  • Contrat conclu avec une personne ou une entreprise qui exerce les activités d’une chambre de compensation;
  • Contrat conclu sur une plateforme permettant de négocier un instrument dérivé, une valeur mobilière ou un autre bien meuble, pourvu, en ce dernier cas, qu’il ne s’agisse pas d’un contrat de consommation;
  • Police d’assurance qui n’a pas d’équivalent en français au Québec et qui provient de l’extérieur du Québec ou est peu répandue au Québec;
  • Contrat utilisé dans les relations avec l’extérieur du Québec[4].

Dans ces cas, les contrats d’adhésion et les documents qui s’y rattachent peuvent être rédigés en français ou dans une autre langue si les parties y consentent[5].

Rappelons que lorsque la loi autorise la rédaction de textes ou de documents en plusieurs langues, le français doit figurer d’une manière aussi évidente que toute autre langue[6]. La version française doit être comprise sans avoir à se reporter à la version dans une autre langue[7]. En cas de divergence entre la version française et la version dans une autre langue, l’adhérent ou le consommateur peut invoquer l’une ou l’autre des versions, selon ses intérêts[8].

Changements visant certains contrats de consommation

La Loi 96 a aussi modifié la Loi sur la protection du consommateur[9]. À partir du 1er juin 2023, les contrats de consommation dont la loi exige qu’ils soient écrits[10] devront être remis au consommateur en français par défaut avant que les parties ne puissent décider d’être liées par la version dans une autre langue[11]. Si la version du contrat rédigé dans une autre langue que le français est celle qui est signée par les parties, les documents qui s’y rattachent peuvent alors être rédigés dans cette autre langue. Comme dans la Charte, la L.p.c. prévoit qu’en cas de divergence entre les deux versions, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. Aucune somme ne peut être exigée du consommateur pour la rédaction de la version française du contrat ou des documents qui s’y rattachent.

Changements visant les déclarations au Registraire des entreprises

La Loi sur la publicité légale des entreprises[12] obligera les entreprises qui y sont assujetties et emploient cinq à 49 salariés au Québec à déclarer la proportion de ces salariés qui ne sont pas en mesure de communiquer en français, le cas échéant, en plus du nombre de salariés dont le lieu de travail est situé au Québec, selon la tranche correspondante déterminée par le ministre[13].

Ceci vise à permettre à l’Office québécois de la langue française (l’« OQLF ») de choisir annuellement les entreprises auxquelles il offrira la possibilité de mettre en place les services d’apprentissage du français fournis par Francisation Québec. L’OQLF informe l’entreprise de cette offre et fixe un délai pour y répondre et convenir des modalités avec Francisation Québec[14]. Une copie de cet avis est transmise à Francisation Québec. L’entreprise qui mettra en place de tels services d’apprentissage sera tenue de permettre à ses employés de recevoir ces services, notamment en leur permettant de s’absenter de leur travail le temps nécessaire pour y participer[15].

Changements affectant l’Administration et les parties qui contractent avec elle

Dès le 1er juin 2023, l’Administration[16] devra communiquer exclusivement en français avec les autres gouvernements et les personnes morales ou l’exploitant d’une entreprise établies au Québec[17]. Les contrats qu’elle conclut, y compris ceux en sous-traitance, devront être rédigés exclusivement en français[18], alors que le bilinguisme était permis auparavant. Cependant, les contrats d’emprunt et les instruments financiers liés à la gestion des risques financiers pourront être rédigés à la fois en français et dans une autre langue.

Lorsqu’elle contracte à l’extérieur du Québec, le contrat pourra être rédigé exclusivement dans une autre langue que le français[19]. Dans certaines circonstances prévues par règlement, un contrat pourra être rédigé uniquement dans une autre langue, notamment dans le cas de contrats avec des chambres de compensation ou sur des plateformes de négociation d’instruments dérivés. Les polices d’assurance qui n’ont pas d’équivalent en français au Québec pourront être rédigées dans une autre langue, à condition qu’elles proviennent de l’extérieur du Québec ou que leur utilisation soit peu répandue dans la province[20].

Les demandes de permis, d’autorisation, de subvention ou d’aides financières adressées à un organisme de l'Administration, ainsi que les écrits requis par cet organisme dans ce cadre, doivent être rédigés exclusivement en français[21].

Lorsqu’un organisme de l’Administration obtient des services d’une personne morale ou d’une entreprise, ces services devront être rendus en français. Si les services sont destinés au public, le prestataire de services devra se conformer aux dispositions de la Charte qui s’appliqueraient si l’organisme fournissait ces services lui-même[22].

La Politique linguistique de l’État entrera aussi en vigueur le 1er juin, de même que le Règlement sur la langue de l’Administration et le Règlement concernant les dérogations au devoir d’exemplarité de l’Administration et les documents rédigés ou utilisés en recherche.

Rappel des sanctions civiles en cas de contravention

Depuis juin 2022, les dispositions d'un document qui contreviennent à la Charte ne peuvent être invoquées par son auteur ; elles peuvent cependant être invoquées contre lui[23].

De même, une contravention à la Charte peut entraîner la nullité de certaines dispositions d’un contrat, d’une décision ou d’un acte et lorsqu’un s’agit d’un contrat d’adhésion, l’adhérent n’aura pas à prouver qu’il a subi un préjudice pour demander la nullité[24].

Dans un contrat d'adhésion, l'adhérent est présumé ne pas avoir connaissance d'une clause externe rédigée dans une autre langue, à moins qu'il en ait fait la demande expresse[25]. Une clause rédigée dans une autre langue est réputée incompréhensible, à moins que la partie en ait fait la demande expresse[26].

Pour plus d’information sur les changements mis en œuvre par la Loi 96, rendez-vous sur notre Centre de ressources ou contactez un membre de notre équipe.

 


[1]      Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, LQ, 2022, c. 14 (la « Loi 96 »).

[2]      C’est-à-dire un contrat dont les stipulations essentielles sont imposées par une partie, ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, et qu’elles ne pouvaient être librement discutées.

[3]      Charte de la langue française, CQLR c C-11, telle que modifiée par la Loi 96, art. 55 al. 3.

[4]      Ibid., art. 55 al. 4.

[5]      Ibid., art. 55 al. 5.

[6]      Ibid., art. 91 al. 1.

[7]      Ibid., art. 91 al. 2.

[8]      Ibid., art. 91 al. 3.

[9]      RLRQ c P-40.1 (la « L.p.c. »).

[10]    Ibid., art. 24, qui vise les contrats suivants : i) le contrat de vente ou de louage de biens et au contrat de service conclus par un commerçant itinérant (art. 58), ii) le contrat de crédit, à l’exception d’un contrat de prêt d’argent payable à demande (art. 80), iii) le contrat qui comporte une option conventionnelle d’achat du bien loué et le contrat de louage à valeur résiduelle (art. 150.4 al. 1), iv) le contrat de vente ou de louage à long terme d’automobiles d’occasion et de motocyclettes d’occasion (art. 158), v) le contrat relatif aux droits d’hébergement en temps partagé (art. 187.14), vi) le contrat de service à exécution successive relatif à un enseignement, un entraînement ou une assistance (art. 190), vii) le contrat de service à exécution successive conclu entre un consommateur et un commerçant qui opère un studio de santé (art. 199), viii) le contrat accessoire au contrat de studio de santé (art. 208), ix) le contrat à exécution successive de service fourni à distance (art. 214.2), x) et le contrat de service de règlement de dettes (art. 214.16).

[11]    Ibid., art. 27.

[12]    RLRQ c P-44.1.

[13]    Ibid., art. 33(10), tel que modifié par la Loi 96;  voir aussi la page informationnelle du Registraire des entreprises, qui précise que les nouvelles entreprises doivent déclarer cette information dans leur déclaration d’immatriculation ou leur déclaration initiale. Les entreprises déjà immatriculées doivent la déclarer en effectuant une déclaration de mise à jour annuelle ou une déclaration de mise à jour courante. 

[14]    Charte de la langue française telle que modifiée par la Loi 96, supra note 3, art. 149.

[15]    Ibid., art. 150.

[16]    L’Administration inclut notamment le gouvernement et ses ministères, les organismes gouvernementaux, les organismes municipaux, les organisme scolaires, les organismes du réseau de la santé et des services; voir l’annexe 1 de la Charte annotée pour plus de détails.

[17]    Charte de la langue française telle que modifiée par la Loi 96, supra note 3, art. 16, 16.1.

[18]    Ibid., 21.

[19]    Ibid., 21.5.

[20]    Ibid.

[21]    Ibid., art. 21.9.

[22]    Ibid., art. 21.10.

[23]    Ibid., art. 204.23.

[24]    Ibid., art. 204.21.

[25]    Ibid., art. 204.25.

[26]    Ibid., art. 204.26.

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Auteure

  • Iara Griffith, Avocate, Montréal, QC, +1 514 397 7596, igriffith@fasken.com

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