La Norme sur la divulgation des renseignements liés aux émissions de gaz à effet de serre et l’établissement des cibles de réduction (la « norme ») dans les processus d’approvisionnement fédéraux est entrée en vigueur le 1er avril 2023. Elle s’inscrit dans la Stratégie pour un gouvernement vert : une directive du gouvernement du Canada. La norme visant les fournisseurs fédéraux établit des exigences de divulgation de renseignements relativement à leurs émissions de gaz à effet de serre (les « GES ») et à leurs cibles de réduction, conformément aux engagements pris dans le cadre de la Stratégie pour un gouvernement vert.
Il s’agit certes d’une approche louable de la part d’Ottawa, mais la manière dont elle sera appliquée dans le contexte des processus d’approvisionnement reste incertaine.
Quel sera l’effet de la norme sur les fournisseurs fédéraux?
Les fournisseurs ayant passé des contrats fédéraux de plus de 25 millions de dollars seront tenus de mesurer et de divulguer leurs émissions de GES et de se donner des cibles de réduction de ces émissions.
Ils peuvent se conformer à la norme en participant au Défi carboneutre ou à des initiatives semblables, ou en se conformant à des normes équivalentes.
Ce défi est une initiative volontaire visant à encourager les entreprises canadiennes à élaborer et à mettre en œuvre des plans de transition crédibles et efficaces pour rendre leurs installations et leurs activités carboneutres d’ici 2050. Il existe trois volets de participation, qui correspondent au volume de l’activité commerciale des entreprises. Pour plus d’informations sur les modalités de participation au Défi carboneutre, consultez le site Internet du gouvernement du Canada.
Quel sera l’effet de la norme sur les acheteurs du secteur public?
La norme s’applique à la quasi-totalité des ministères, et plus particulièrement Travaux publics et Services gouvernementaux Canada[1] et Services partagés Canada, les deux ministères qui assurent l’approvisionnement de la grande majorité des biens et services du secteur public.
Comment la norme s’appliquera-t-elle aux processus d’approvisionnement?
Les ministères fédéraux doivent veiller à ce que les processus d’approvisionnement d’une valeur de plus de 25 millions de dollars « incitent » les fournisseurs à mesurer et à divulguer leurs émissions de GES ainsi qu’à adopter un objectif de réduction fondé sur des données scientifiques qui soit conforme aux dispositions de l’Accord de Paris, que ce soit dans le cadre de la participation au Défi carboneutre ou d’une initiative semblable, ou conformément à une norme équivalente. Les ministères doivent communiquer au Secrétariat du Conseil du Trésor (le « SCT ») le volume total de leurs dépenses et le nombre de contrats assujettis à la norme. Dans certaines situations, ils peuvent exempter un processus d’approvisionnement de l’application de la norme. Toute exception doit obtenir l’approbation du fonctionnaire désigné responsable de l’application de la norme, et le SCT doit en être informé.
Ce qui devra être clarifié...
Au moment de la rédaction de ce bulletin, et malgré l’entrée en vigueur de la norme le 1er avril, le gouvernement n’a toujours pas indiqué quelles initiatives et normes seraient considérées comme équivalentes au Défi carboneutre, faisant en sorte que les soumissionnaires étrangers et les soumissionnaires participant à d’autres programmes de cibles de réduction des émissions de GES soient incertains quant à la manière dont ils doivent répondre aux appels d’offres auxquels la norme s’applique.
Une annonce du SCT publiée en février 2023, intitulée Le gouvernement du Canada encourage l'approvisionnement durable au moyen de nouvelles normes écologiques pour les grands contrats, semble contredire quelque peu les dispositions de la norme, car elle fait référence à des initiatives ou à des normes internationales équivalentes, alors que la norme indique seulement des initiatives ou normes équivalentes. Il est donc impossible de savoir si les entreprises canadiennes ont l’obligation de participer au Défi carboneutre, ou s’il leur suffit de se rallier à une initiative ou à une norme nationale équivalente.
La norme peut aussi causer son lot de difficultés aux petits soumissionnaires ou à ceux qui appartiennent à des secteurs pour lesquels il est difficile d’atteindre les objectifs du Défi carboneutre, ou qui ne sont pas en mesure d’assumer la charge administrative et le coût d’une telle démarche.
Elle devra donc être soigneusement étudiée et appliquée, afin de garantir qu’elle ne favorise pas les fournisseurs locaux ou qu’elle ne constitue pas un obstacle au commerce dans le cadre des processus d’approvisionnement couverts par les accords commerciaux.
À ce jour, seulement 64 entreprises participent au Défi carboneutre.
La même chose se produit-elle ailleurs?
Oui.
Les pays du monde entier reconnaissent de plus en plus l’importance des considérations écologiques et cherchent des moyens de les intégrer dans leurs processus d’approvisionnement. L’Union européenne a imposé un devoir de vigilance aux entreprises, lequel oblige celles-ci à recenser et à prévenir les incidences négatives de leurs activités sur les droits de la personne et l’environnement, comme le travail des enfants et la pollution.
Les règles s’appliquent aux entreprises de l’Union européenne et aux entreprises non européennes dont le seuil du chiffre d’affaires correspond à celui des groupes d’entreprises de l’Union européenne :
- les entreprises du groupe 1, employant plus de 500 personnes et réalisant un chiffre d’affaires net supérieur à 150 millions d’euros à l’échelle mondiale;
- les entreprises du groupe 2, comprenant des entreprises à responsabilité limitée exerçant leurs activités dans des secteurs à fort impact définis, n’atteignant pas les seuils du groupe 1, mais employant plus de 250 personnes et réalisant un chiffre d’affaires net de 40 millions d’euros ou plus à l’échelle mondiale.
Les règles de l’Union européenne exigent un devoir de vigilance et des mesures de prévention et d’atténuation très stricts. Elles prévoient aussi une procédure de traitement des plaintes. Les autorités administratives nationales pourront imposer des amendes en cas de non-respect, tandis que les victimes pourront intenter une action en justice pour des dommages qui auraient pu être évités en adoptant les mesures de vigilance appropriées.
Comme les questions de développement durable pèsent de plus en plus lourd dans la balance du commerce mondial, les fournisseurs doivent s’attendre à ce que les clients gouvernementaux entreprennent l’application des mesures similaires pour s’assurer que leurs processus d’approvisionnement respectent les considérations écologiques.
Les auteurs remercient la contribution de Peter Mangaly, stagiaire en droit.
[1] Aussi connu sous le nome de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC)