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Projet de loi no 15 : Le gouvernement du Québec veut limiter la mesure de nécessité médicale particulière

Fasken
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Bulletin des sciences de la vie

Le 29 mars 2023, le ministre de la Santé (le « ministre ») a déposé le Projet de loi no 15 visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace (le « Projet de loi »).

Le Projet de loi, qui est toujours à l’étape de l’étude détaillée, propose une réforme majeure de l’encadrement du système de santé et des services sociaux. Il a pour objectif la mise en place d’un système plus efficace en facilitant l’accès à des services de santé et à des services sociaux sécuritaires et de qualité, en renforçant la coordination des différentes composantes du système et en rapprochant des communautés les décisions liées à l’organisation et à la prestation de services.

Ce bulletin met l’emphase sur un aspect critique du Projet de loi : la modification de la mesure de nécessité médicale particulière par l’instauration de conditions additionnelles avant de rendre un médicament éligible pour un patient.

Les conditions actuelles de la mesure de nécessité médicale particulière

Au Québec, la loi prévoit qu’un établissement ne peut fournir que des médicaments qui apparaissent sur la liste dressée à cette fin par le ministre. Ce formulaire provincial est communément appelé Liste des médicaments – Établissements.

Toutefois, il est présentement possible pour un établissement assurant la prestation de services de santé ou de services sociaux de fournir, pour des motifs de nécessité médicale particulière, d’autres médicaments que ceux qui apparaissent sur le formulaire s’ils ont reçu un avis de conformité de Santé Canada. Pour se faire, le médecin ou le dentiste désirant prescrire ou utiliser ces médicaments doit préalablement demander l’opinion du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (« CMDP ») de son établissement. 

De plus, un établissement est autorisé à fournir, pour un traitement d’exception, (i) des médicaments ne figurant pas sur le formulaire et n’ayant pas obtenu l’avis de conformité de Santé Canada ou (ii) des médicaments figurant ou non sur le formulaire lorsqu’ils sont utilisés pour des indications reconnues mais non approuvées (c.-à-d. « off-label »).  Ici, une autorisation écrite du CMDP est nécessaire, sauf dans les cas d’urgence.

Ces mesures ont été établies afin de permettre l’accès et la couverture, par le système de santé québécois, de médicaments qui sont d’une nécessité particulière et exceptionnelle pour des patients atteints de conditions souvent sévères et n’ayant pas beaucoup d’alternatives thérapeutiques. Elles laissent une certaines discrétion aux prescripteurs et aux établissements (en particulier à leur CMDP) afin de déterminer les cas de nécessité médicale particulière. Cette discrétion est appliquée suivant les directives internes du ministère et de chaque établissement, mais tient toujours compte des particularités et des besoins individuels de l’usager.

Les nouvelles conditions prévues par le Projet de loi

Le Projet de loi 15 fournit des précisions et des limitations concernant l’utilisation exceptionnelle des médicaments.

Dans un premier temps, les modifications proposées précisent la notion de « nécessité médicale particulière » permettant la fourniture d’un médicament approuvé par Santé Canada mais qui n’est pas inscrit à la Liste des médicaments – Établissements.  La notion de « nécessité médicale particulière » fait référence à un besoin démontré qui, compte tenu de la condition particulière du patient, ne peut être comblé par aucune des options thérapeutiques à la liste.

De même, on précise ce que signifie un « traitement d’exception ». On entend ainsi un médicament requis en raison d’un besoin exceptionnel démontré qui, compte tenu de la gravité de la condition particulière de l’usager, ne peut être comblé par aucune des indications thérapeutiques des médicaments ayant reçu un avis de conformité de Santé Canada. Autrement dit, le patient a besoin d’un médicament non approuvé ou d’un médicament approuvé pour une indication non approuvée (c.-à-d. « off-label »).

Dans les deux cas, l’article 336 du Projet de loi prévoit que le professionnel voulant recourir à ces médicaments devra dorénavant préalablement obtenir l’autorisation écrite du comité de pharmacologie de l’établissement. De cette façon, le Projet de loi centralisera le pouvoir décisionnel entre les mains d’un comité de l’établissement, ce qui n’est présentement pas le cas pour des médicaments approuvés par Santé Canada. À l’heure actuelle, il est plutôt question de demander l’opinion du CMDP, une autorisation écrite étant réservée à la situation plus délicate des médicaments non approuvés ou utilisés hors indication.

Qui plus est, le gouvernement ajoute une condition supplémentaire et préalable afin qu’un médicament soit considéré comme éligible pour un usager. Le fait que l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (« INESSS ») n’ait pas refusé de reconnaitre la valeur thérapeutique du médicament pour l’indication thérapeutique faisant l’objet de la demande d’autorisation devient un prérequis.

Les conséquences des conditions additionnelles

Les nouvelles conditions envisagées sous le Projet de loi semblent alignées sur l’objectif du ministre de centraliser et uniformiser les décisions. En effet, les prescripteurs en établissement perdront toute discrétion, sauf pour des cas d’urgence, et devront s’en remettre aux décisions du comité de leur établissement dès lors qu’un médicament n’est pas inscrit à la Liste des médicaments – Établissements. Plus important encore est toutefois le nouveau prérequis que l’INESSS n’ait pas refusé de reconnaitre la valeur thérapeutique d’un médicament. D’aucuns pourraient s’interroger sur le processus d’évaluation de l’INESSS. Ce processus sera-t-il influencé par l’impact accru d’une décision négative, empêchant potentiellement non seulement l’inscription d’un médicament au formulaire provincial, mais prévenant littéralement sa fourniture en établissement, même dans les cas les plus exceptionnels où la gravité de la condition particulière du patient ne peut être comblée par aucune autre thérapie?

Par ailleurs, la mesure de nécessité médicale particulière est le reflet de la mesure du patient d’exception quant à elle applicable en vertu du régime général d’assurance-médicaments. Le Projet de loi est-il présage de changements plus importants dans les conditions d’accès aux médicaments non approuvés ou non reconnus à des fins exceptionnelles au Québec?

Le Projet de loi étant toujours en cheminement, nous attendons les annonces et commentaires sur les modifications proposées. Le groupe Sciences de la vie de Fasken surveille ces nouveaux développements de près et demeure disponible pour aider les acteurs de l’industrie à naviguer à travers ces changements.

Contactez les auteurs

Si vous avez des questions concernant les conséquences du Projet de loi 15, veuillez contacter les auteurs.

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Auteurs

  • Jean-Raphaël Champagne, Associé, Québec, QC, +1 418 640 2084, jchampagne@fasken.com
  • Dara Jospé, Associée, Montréal, QC, +1 514 397 7649, djospe@fasken.com
  • Geneviève Shemie, Avocate, Montréal, QC, +1 514 397 7660, gshemie@fasken.com
  • Valérie Doyon, Avocate, Québec, QC, +1 418 640 2029, vdoyon@fasken.com

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