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Fusions et acquisitions au Canada en 2024 – Prévisions

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Bulletin Marchés des capitaux, fusions et acquisitions

À quoi pouvons-nous nous attendre sur le marché des fusions et acquisitions au Canada au cours de 2024?

Au début de 2023, nous avons dû fait face à une combinaison de variables sans précédent ayant donné lieu à l’un des marchés des fusions et acquisitions les plus lents des dernières années. En ce début d’année 2024, de nombreuses raisons laissent présager une reprise éventuelle du marché.

Conditions macroéconomiques

Parmi les points positifs, on a assisté en 2023 à une stabilisation et à un recul de l’inflation, même si elle demeure supérieure à ce que préféreraient les banques centrales et le marché. La hausse constante des taux d’intérêt au cours de 2023 s’est également stabilisée, et plutôt que de chercher jusqu’où les taux grimperont, on se demande désormais combien de temps ils demeureront aussi élevés. À moins qu’une récession inattendue ne survienne, les taux ne devraient pas baisser à court terme, et le marché est en train de s’adapter à cette nouvelle réalité qui, espérons-le, n’est que temporaire. Il semble en effet qu’un consensus selon lequel les taux pourraient commencer à chuter dès le troisième trimestre de 2024 prend forme. Cela aurait pour effet de stimuler fortement le marché des fusions et acquisitions, notamment en raison de l’assouplissement des marchés du crédit, lesquels ont connu un resserrement inhabituel en 2023.

Toutefois, les tensions géopolitiques demeurent élevées. La guerre au Moyen-Orient s’est ajoutée à la guerre en Europe de l’Est. Et Taiwan demeure une poudrière inquiétante. Dans les deux cas, on constate comme toile de fond un élargissement du réalignement mondial et des tensions entre l’Occident, d’un côté, et la Russie et la Chine, de l’autre. L’élection américaine, qui dominera les manchettes au cours de 2024, aura également pour effet d’accroître la complexité et l’incertitude du climat actuel. De plus, la politique économique et l’orientation politique américaines risquent de varier considérablement selon les résultats de l’élection. Cela dit, l’économie américaine devrait demeurer prospère tout au long de l’année, et tous les effets positifs devraient s’ensuivre.

Opérations de fusions et acquisitions

Quelle sera l’incidence de ces conditions macroéconomiques sur les opérations de fusions et acquisitions au Canada? Verra-t-on encore une baisse du flux d’opérations tout au long de l’année? Certains acheteurs pourraient adopter une approche attentiste en raison de l’incertitude persistante. D’autres vendeurs, n’étant plus en mesure d’attendre que les conditions du marché s’améliorent, pourraient être amenés à réaliser des opérations par nécessité plutôt que pour tirer profit d’une occasion d’affaires. À l’inverse, d’autres acheteurs, encouragés par un sentiment de retour à la normale, pourraient se lancer avec confiance dans la réalisation de nouvelles opérations. À titre d’exemple, un sondage récent mené par des analystes a révélé que les sociétés de capital-investissement sont plus enthousiastes à l’égard des opérations de transformation en société privée qu’il y a un an, et ce, malgré la persistance des difficultés de financement. Un autre sondage mené par des analystes révèle que la vaste majorité des chefs de direction sondés s’attendent à travailler activement à la réalisation de diverses opérations au cours des 12 prochains mois et qu’ils allouent davantage de capitaux à leur budget de fusions et acquisitions en prévision de celles-ci. Il serait dès lors intéressant de savoir si la recrudescence des activités de fusions et acquisitions mènera à une augmentation correspondante de l’activisme actionnarial à cet égard, même si d’importantes inquiétudes subsistent.

Nous nous attendons à ce qu’une bonne partie du volume d’opérations continue de se concentrer sur le marché intermédiaire et le marché intermédiaire inférieur. Nous ne prévoyons pas forcément l’arrivée massive de mégatransactions, mais il ne serait pas étonnant que de nombreuses opérations stratégiques d’importance viennent parsemer le paysage actuel. Quoi qu’il en soit, nous nous attendons à ce qu’il y en ait davantage qu’en 2023. Une augmentation des activités risque de voir le jour et de se poursuivre dans certains secteurs, surtout si les tendances à long terme ou les relances du gouvernement le permettent, notamment en ce qui concerne les technologies de l’information et des communications, les technologies propres, les infrastructures, l’agroalimentaire et les minéraux critiques. Les facteurs ESG continueront vraisemblablement de revêtir une grande importance dans certaines activités de fusions et acquisitions, soit comme point de mire en matière de vérification diligente ou comme incitatif pour la réalisation d’opérations. Les projets de logements et les chaînes d’approvisionnement y afférents pourraient s’ajouter aux secteurs d’activités en croissance tandis que les gouvernements fédéral et provinciaux s’efforcent de résoudre le problème de pénurie de logements au Canada. En revanche, les politiques gouvernementales pourraient mettre un frein aux activités de certains secteurs, comme celui du gaz et du pétrole, où de nouvelles propositions réglementaires fédérales prévoient l’imposition de plafonds d’émissions. En règle générale, nous nous attendons toutefois à ce que le marché s’ajuste aux taux d’intérêt en vigueur, à ce qu’il y ait un intérêt latent pour la réalisation d’opérations et à ce que les taux d’intérêt baissent assez rapidement, ce qui contribuera à l’augmentation constante du volume d’opérations de fusions et acquisitions au cours de l’exercice.

Sociétés de capital-investissement et sociétés stratégiques

Le coût et la disponibilité du crédit comptent toujours parmi les principaux obstacles à la négociation des opérations d’acquisition. Les évaluations sont certes à la baisse, mais pas au point de compenser l’augmentation des coûts d’emprunt. L’augmentation de la disponibilité du crédit privé a aidé à combler l’écart en matière de financement, mais pas suffisamment pour satisfaire les besoins d’un marché des acquisitions en pleine effervescence. Résultat : les promoteurs de capital-investissement ont augmenté leurs apports de capitaux pour financer les prix d’achat, lesquels ont commencé à dépasser le seuil de 50 %, ce qui n’a quasiment jamais été vu depuis la crise financière de 2008. En outre, les sorties financées par du capital-investissement sont demeurées au ralenti, ces sorties étant d’ailleurs de faible valeur, et la durée moyenne des périodes de détention des acquisitions n’a cessé de croître. Les fonds de continuation et les opérations secondaires mises en œuvre par des commandités sont donc susceptibles de demeurer des solutions de choix, lorsqu’appropriées. En revanche, le marché des sorties sous forme de premier appel public à l’épargne (PAPE) reste stable, et ce faisant, le nombre d’entreprises en phase avancée du démarrage poursuit sa croissance. Les sociétés de capital-investissement ont également fait face à d’importants défis en matière de financement, notamment en raison de l’offre restreinte de capitaux de la part des commanditaires et de la concurrence sur le marché obligataire, qui elle découle de l’engouement que la hausse des rendements à long terme a suscité chez certains répartiteurs d’actifs qui travaillent auprès d’investisseurs institutionnels. Et comme les sociétés de portefeuille doivent refinancer leurs emprunts existants, les sociétés de capital-investissement doivent aussi composer avec un « mur d’échéances ». Une telle conjoncture risque ainsi de se solder par l’imposition de choix difficiles : offrir davantage de soutien au moyen d’un apport supplémentaire de capitaux propres, consentir à la dilution de ses avoirs par la vente de participations ou se retirer complètement du marché dans des conditions sous-optimales.

Les sociétés stratégiques, quant à elles, font face à moins de complications et sont ainsi plus susceptibles d’être mieux positionnées pour réaliser des opérations. Les sociétés de capital-investissement, par exemple, doivent composer avec le coût de l’endettement, alors que les sociétés stratégiques pourraient avoir accès à davantage d’options de financement, qu’il s’agisse de flux de trésorerie liés aux activités opérationnelles, d’obligations de société et/ou de stocks plus importants de fonds en réserve. Les sociétés stratégiques pourraient donc miser sur des acquisitions hautement ciblées afin d’accroître leur compétitivité dans des secteurs de choix. Elles pourraient également effectuer des opérations de fusions et acquisitions afin de réaliser leurs objectifs ESG ou de transformation numérique, ou afin d’assurer la résilience de leurs chaînes d’approvisionnement. La part proportionnelle des opérations de fusions et acquisitions des sociétés stratégiques comparativement à celle des sociétés financières pourrait encore augmenter pour la troisième année consécutive; il s’agit d’un revirement marqué par rapport aux tendances observées au cours des dix années précédentes.

Modalités et différends à l’égard des opérations de fusions et acquisitions 

À mesure qu’ont lieu les opérations, il se peut que nous continuions à observer les caractéristiques d’un marché des fusions et acquisitions plus calme et une amélioration de la parité entre les acheteurs et les vendeurs, ce qui inclut notamment la prolongation des périodes de négociation, un accroissement de l’exhaustivité de la vérification diligente et un réajustement plus équilibré des modalités. Il demeure essentiel d’user de créativité pour structurer les opérations, ce qui permettra de combler les écarts d’évaluation continus entre les acheteurs et les vendeurs et de surmonter les obstacles au financement. Dans le marché du capital-investissement, le roulement des gestionnaires risque de demeurer élevé étant donné que les promoteurs exigent des gestionnaires qu’ils investissent dans la société cible le revenu en capital dégagé dans le cadre d’opérations d’acquisition, et il se peut que ces montants augmentent de plus en plus. Tous secteurs confondus, la tendance risque d’être aux clauses d’indexation des prix en fonction des bénéfices futurs. La question qui se pose ici est de savoir si l’utilisation accrue des clauses d’indexation des prix en fonction des bénéfices futurs au cours de 2022 et de 2023 entraînera l’apparition de différends relatifs à de telles clauses après la clôture; des dépôts à cet égard devant les tribunaux du Delaware, aux États-Unis, semblent appuyer cette hypothèse. Le financement et les prêts accordés par le vendeur doivent également être envisagés comme solution possible, du moins lorsque le vendeur est une société stratégique.

L’augmentation des souscriptions à une assurance déclarations et garanties au cours des dernières années a eu pour effet de réduire les risques de différends après la clôture, et d’après nos observations, les versements d’indemnisations (s’il y a lieu) ont, de manière générale, rarement fait l’objet de contestations de la part des assureurs. Un meilleur équilibre entre les acheteurs et les vendeurs pourrait toutefois réduire l’utilisation – dans le cadre de contrats d’assurance déclarations et garanties relatifs aux fusions et acquisitions de sociétés ouvertes – des structures de garanties qui interdisent totalement les recours. Nous prévoyons que les souscriptions à une assurance déclarations et garanties s’étendront aux opérations sur le marché intermédiaire inférieur. Nous nous attendons également à ce que l’incidence des contrats d’assurance déclarations et garanties sur la manière dont les parties abordent et négocient les opérations évolue et se précise. Compte tenu de l’évolution récente de la jurisprudence, nous sommes curieux de voir si la pratique canadienne en matière de fusions et acquisitions suivra l’exemple du Delaware en ce qui concerne : 1) la rédaction de clauses relatives aux dommages-intérêts pour l’acheteur (c.-à-d. la possibilité de déposer une réclamation pour la perte d’une prime des actionnaires) dans le cadre de différends relatifs aux fusions et acquisitions de sociétés ouvertes avant la clôture (Crispo) ou 2) le contrôle des communications privilégiées qui ont eu lieu dans le cadre de différends relatifs aux fusions et acquisitions de sociétés fermées après la clôture (Dente). On pourrait aussi assister à une augmentation du recours au règlement extrajudiciaire des différends (arbitrage) pour certains différends après la clôture (par exemple, si les seuils des clauses d’indexation des prix en fonction des bénéfices futurs ont été atteints et/ou si les démarches entourant cette indexation se sont avérées satisfaisantes).

Enjeux relatifs à la concurrence et à la réglementation

Les enjeux relatifs à la réglementation pourraient être défavorables à la réalisation d’opérations. La persistance des tensions géopolitiques continuera de faire obstacle aux investissements potentiels à l’étranger. En outre, des faits nouveaux pourraient également mettre à l’avant-plan certains enjeux liés à la concurrence. À la fin de novembre 2023, le gouvernement fédéral a proposé d’importantes modifications à la Loi sur la concurrence, lesquelles incluent notamment la possibilité d’élargir les exigences en matière de préavis de fusion.

À la fin d’octobre 2023, le Commissaire de la concurrence du Canada, en s’adressant à l’Association du Barreau canadien, a fait mention expresse des enjeux liés au capital-investissement avec la promesse d’un examen continu de l’évolution des pratiques d’affaires. Le Commissaire a surtout mis l’accent sur les acquisitions complémentaires (« roll-up ») ou par planification ascendante (« tuck-in »), ce qui reflète sans doute l’intention du Bureau de la concurrence de suivre les traces des organismes de réglementation antitrust américains à cet égard. Par conséquent, les acheteurs qui font des acquisitions au moyen de capitaux privés pourraient se trouver en désavantage concurrentiel vis-à-vis des sociétés stratégiques en tant qu’acheteurs potentiels d’entreprises aliénées par la suite d’une fusion. Le Bureau de la concurrence pourrait également exiger des renseignements qui dépassent le cadre de l’opération et effectuer un examen plus minutieux des conseils d’administration interdépendants pouvant résulter de l’acquisition. Un éventuel élargissement de la réglementation anticoncurrentielle pourrait contribuer à l’accélération de certaines OPÉRATIONS afin qu’elles puissent être conclues avant la mise en œuvre des réformes.

Les modifications réglementaires proposées devraient continuer à avoir une incidence sur les négociations et les modalités des opérations de fusions et acquisitions, dont une attention accrue et une rédaction plus personnalisée à l’égard : 1) des approbations réglementaires requises; 2) des efforts à satisfaire les engagements y étant associés; 3) de la répartition des risques liés à la réglementation; 4) des clauses d’inconditionnalité, 5) des indemnités de rupture et des indemnités de rupture inversées et 6) des dates limites applicables. Ces modifications pourraient également avoir une incidence sur la dynamique des opérations, y compris les critères qui déterminent qui peut (ou ne peut pas) se qualifier à titre de meilleur soumissionnaire dans le cadre d’un processus de mise aux enchères concurrentiel.

Résumé 

Bien que le volume d’opérations de fusions et acquisitions ait connu une baisse en 2023, de nombreuses raisons laissent présager une reprise éventuelle du marché en 2024. À mesure que les acteurs du marché s’adaptent à la hausse des taux d’intérêt, leur intérêt pour la réalisation d’opérations devrait augmenter progressivement en fonction de l’amélioration de leur niveau d’assurance, de la demande latente et de la présence d’occasions manifestes. En outre, si l’un ou l’autre des grands défis macroéconomiques du marché venait à présenter les signes d’une résolution imminente, une reprise encore plus étendue des opérations de fusions et acquisitions pourrait s’avérer étonnamment rapide.

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  • Sean S. Stevens, Associé, Toronto, ON, +1 416 868 3352, sstevens@fasken.com
  • Sarah Gingrich, Associée | Co-Chef, marchés des capitaux et fusions et acquisitions, Calgary, AB, +1 587 233 4103, sgingrich@fasken.com
  • Kareen A. Zimmer, Associée, Vancouver, BC, +1 604 631 4775, kzimmer@fasken.com
  • Neil Kravitz, Associé | Cochef, Droit des sociétés, Cochef, Pratiques transfrontalière et international, Montréal, QC, +1 514 397 7551, nkravitz@fasken.com
  • Grant E. McGlaughlin, Associé, Toronto, ON, +1 416 865 4382, gmcglaughlin@fasken.com
  • Gesta A. Abols, Associé | Cochef, Pratiques transfrontalière et international, Toronto, ON, +1 416 943 8978, gabols@fasken.com
  • Paul Blyschak, Avocat-conseil, Calgary, AB, +1 403 261 9465, pblyschak@fasken.com

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