Passer au contenu principal
Article de blogue

Modifications Proposées au Processus D’Examen des Fusions au Canada : Conséquences pour les Entreprises

Fasken
Temps de lecture 11 minutes
S'inscrire
Partager

Aperçu

L’examen des fusions en vertu de la Loi sur la concurrence (la « Loi ») fait l’objet d’un important remaniement. Comme nous l’avons mentionné dans notre billet de blogue précédent[GD1] intitulé « Significant Competition Act Amendments on the Horizon », le gouvernement fédéral a proposé des modifications importantes à la Loi. Ces modifications, qui sont incluses dans le projet de loi C‑56 et le projet de loi C-59 (collectivement, les « Projets de loi ») et touchent pratiquement tous les aspects de la politique canadienne en matière de concurrence, représentent un « changement générationnel » et, selon l’Énoncé économique de l’automne de 2023 du gouvernement, ont pour but de permettre au Canada de « s’aligner sur les meilleures pratiques internationales afin de s’assurer que les marchés au pays favorisent l’équité, des prix abordables et l’innovation ».

Ce billet de blogue présente les principales modifications apportées au processus d’examen des fusions. Celles-ci peuvent être réparties en deux groupes, à savoir les modifications relatives à l’examen approfondi des fusions et les modifications relatives au préavis de fusion. Ces changements ont d’importantes répercussions sur les entreprises qui envisagent des fusions et acquisitions au Canada. 

Examen approfondi des fusions

Les Projets de loi comprennent de nombreuses modifications aux dispositions importantes de la Loi en ce qui a trait aux fusions. Bon nombre de ces modifications ajoutent de nouveaux facteurs au processus d’examen des fusions, modifient le poids que le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») accorde actuellement aux facteurs existants, ou prolongent la période au cours de laquelle le Bureau peut examiner les fusions déjà réalisées. Par exemple, les modifications : 1) précisent clairement que les répercussions sur la compétitivité des marchés du travail seront prises en compte dans l’évaluation des fusions; 2) abrogent la disposition interdisant une conclusion portant que les fusions sont susceptibles d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence uniquement sur la base d’une preuve de concentration ou de part de marché; 3) élargissent la gamme des facteurs pris en compte lors de l’évaluation des fusions pour inclure les changements de concentration et de part de marché et la probabilité d’une coordination expresse ou tacite dans un marché; 4) abrogent la disposition relative à la défense fondée sur les gains en efficience; et 5) font passer de un an à trois ans le délai de prescription pour les fusions ne faisant pas l’objet d’un préavis. Ultimement, ces changements pourraient entraîner une hausse du nombre de fusions examinées de près par le Bureau, y compris les fusions ne faisant pas l’objet d’un préavis dans les secteurs émergents ou en évolution rapide. 

En outre, plusieurs des changements susmentionnés permettront probablement au commissaire de la concurrence (le « Commissaire ») de contester avec succès une fusion devant le Tribunal de la concurrence (« Tribunal »).

La Loi actuelle comprend également des dispositions qui permettent au Commissaire de demander au Tribunal de rendre des ordonnances provisoires empêchant notamment les parties à une fusion de prendre des mesures pour clore un projet de fusion. Or, rien actuellement dans ces dispositions n’empêche les parties à une fusion d’entreprendre des démarches pour clore leurs transactions en attendant l’audition de ces demandes. Le projet de loi C-59 corrige cette lacune, puisqu’il crée une injonction provisoire automatique, laquelle demeure en vigueur tant que le Tribunal n’a pas disposé de la demande d’ordonnance provisoire du Commissaire.

En fin de compte, les modifications apportées aux dispositions relatives à l’examen approfondi des fusions pourraient aider le Commissaire à contester avec succès les fusions devant le Tribunal, ce qui, par ricochet, pourrait augmenter le nombre de transactions faisant l’objet de mesures correctives en matière de fusions. À tout le moins, il semble probable qu’un nombre accru de fusions fasse l’objet d’injonctions provisoires automatiques.

Ces changements ont de nombreuses conséquences pour les entreprises, y compris les suivantes :

  • Évaluation des risques pour la concurrence : Les parties fusionnantes devront tenir compte d’un plus large éventail de facteurs lorsqu’elles évalueront les risques liés à la concurrence que présente une transaction proposée, notamment la question de savoir si la fusion : 1) aura une incidence sur la concurrence pour la main-d’œuvre (p. ex. si l’entité issue de la fusion aura la capacité de réduire les salaires, les traitements ou d’autres conditions d’emploi ou d’avoir une influence sur ceux-ci); ou 2) augmentera la probabilité d’une coordination expresse ou tacite. Dans de nombreux cas, les parties fusionnantes devront travailler avec des conseillers expérimentés en droit de la concurrence et, dans certains cas, avec des experts économiques, financiers, syndicaux ou sectoriels.
  • Abrogation de la disposition sur la défense fondée sur les gains en efficience : De nombreuses fusions entraînent des gains en efficience importants, notamment dynamiques (liés au développement de nouveaux produits et de nouvelles techniques) et sur le plan de la production (notamment la réduction des charges d’exploitation et des coûts fixes par unité résultant d’économies d’échelle et de gamme). Même si les gains en efficience seront probablement pris en compte dans le processus d’examen des fusions, les entreprises doivent être conscientes que les gains en efficience ne seront plus suffisants pour sauver une fusion qui serait autrement jugée nuisible à la concurrence.
  • Avec ou sans avis : Les parties à des transactions ne devant pas faire l’objet d’un avis devront tenir compte des avantages et des inconvénients de déposer un mémoire relatif à la concurrence avant la clôture, particulièrement lorsqu’elles exercent des activités dans des secteurs en évolution rapide. Le fait d’aviser le Bureau de telles fusions réduirait de trois à un an la période pendant laquelle le Commissaire peut contester une transaction, ce qui, par ricochet, pourrait contribuer à réduire au maximum le risque de contestation future en raison de l’évolution de la dynamique du marché. 
  • Injonctions provisoires automatiques : L’ajout d’injonctions provisoires automatiques aura une incidence sur la capacité des parties fusionnantes à conclure des transactions potentiellement problématiques avant que le Bureau n’ait terminé son examen, ce qui pourrait faire augmenter le nombre d’accords sur les délais. Étant donné qu’il faut du temps au Tribunal pour entendre les demandes d’ordonnances provisoires et en disposer, les parties fusionnantes devront également examiner attentivement le libellé réglementaire et les dates butoirs que prévoient leurs conventions transactionnelles.

Régime de préavis de fusion

Le projet de loi C-59 comprend plusieurs modifications au régime de préavis de fusion, qui élargissent considérablement la portée des dispositions prévues à cet égard et renforcent les sanctions en cas de non-conformité. Par exemple, les modifications prévoient : 1) la révision du seuil relatif à la « taille de la transaction » pour inclure les éléments d’actif au Canada ou les ventes au Canada, en direction du Canada ou en provenance du Canada réalisées à partir de tous les éléments d’actif acquis, que ceux-ci soient situés au Canada ou à l’étranger; 2) une exigence selon laquelle la valeur totale des éléments d’actif et la valeur totale des ventes doivent être regroupées entre les diverses composantes d’une transaction afin de déterminer si le seuil relatif à la « taille de la transaction » est dépassé; et 3) l’imposition de sanctions civiles aux parties qui omettent de déposer les préavis de fusion requis (p. ex. dans le cas d’une transaction réalisée, des sanctions administratives pécuniaires d’un montant n’excédant pas 10 000 $ pour chaque jour où les parties ne se sont pas conformées aux dispositions relatives au préavis de fusion).

Ces changements ont de nombreuses conséquences pour les entreprises, dont les suivantes :

  • Autres transactions nécessitant le dépôt d’un préavis : Les modifications apportées à la façon de calculer le seuil relatif à la « taille de la transaction » entraîneront presque certainement une hausse du nombre de transactions devant faire l’objet d’un préavis de fusion au Canada. À titre d’exemple, la fusion de deux sociétés étrangères ayant des éléments d’actif limités au Canada serait possiblement assujettie à un préavis de fusion au Canada, si la société visée a une entreprise en exploitation au Canada et des ventes suffisantes au Canada. À la limite, cela pourrait notamment avoir une incidence sur le libellé réglementaire et la date butoir que prévoient les conventions transactionnelles. Qui plus est, dans le cadre de transactions multinationales, il sera justifié de porter une attention plus particulière au Canada.   
  • Sanctions civiles : Les parties fusionnantes devront examiner attentivement la question de savoir si une transaction proposée est assujettie à un préavis de fusion. Dans bien des cas, il s’agit d’un exercice relativement simple nécessitant l’examen des états financiers des parties fusionnantes. Toutefois, dans certains cas, les transactions peuvent soulever des problèmes complexes ou nouveaux en ce qui concerne les préavis. Dans de tels cas, les parties fusionnantes (par l’entremise de leurs conseillers juridiques) pourraient vouloir obtenir des conseils auprès de l’Unité du renseignement et des avis de fusions du Bureau – ce qui peut souvent être fait de manière anonyme.  

L’équipe de Fasken continuera de vous tenir au courant de l’évolution des modifications apportées à la Loi.

Si vous avez des questions concernant le processus actuel de modification de la Loi sur la concurrence, vous pouvez communiquer avec tout membre du groupeConcurrence, commercialisation et investissements étrangers de Fasken. Notre groupe a conseillé de nombreux clients sur tous les aspects du droit canadien en matière de concurrence.

Les renseignements et les conseils fournis dans cet article ne constituent pas un avis juridique et ne devraient pas être considérés comme tels. Si vous avez besoin de conseils juridiques, veuillez communiquer avec un membre du groupe Concurrence, commercialisation et investissements étrangers de Fasken.

 


Contactez les auteurs

Pour plus d'informations ou pour discuter d'un sujet, veuillez nous contacter.

Contactez les auteurs

Auteurs

  • Chris Margison, Avocat-conseil, Toronto, ON, +1 416 943 8975, cmargison@fasken.com
  • Robin Spillette, Avocate, Toronto, ON, +1 416 868 7817, rspillette@fasken.com

    Abonnement

    Recevez des mises à jour de notre équipe

    S'inscrire