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La « seule règle véritable » l’emporte à nouveau en matière de F&A de sociétés ouvertes : la Cour d’appel accorde aux actionnaires dissidents une prime importante

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Bulletin marchés des capitaux et fusions et acquisitions

Survol et points saillants

À la suite d’une procédure d’évaluation entreprise en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, la Cour d’appel du Québec a accordé aux actionnaires dissidents une prime importante par rapport au prix de l’offre publique d’achat hostile[1].

Cette décision (Fibrek) est digne de mention parce que les litiges récents en matière d’évaluation dans le cadre de fusions et acquisitions de sociétés ouvertes ont généralement amené les tribunaux à fixer le prix de la transaction en tant que plafond pour l’évaluation de la juste valeur, en l’absence de distorsion du marché. Dans la décision Fibrek, les actionnaires qui ont exprimé leur dissidence à l’égard d’une transaction d’éviction de deuxième étape à la suite de la conclusion d’une offre publique d’achat hostile se sont vu attribuer 1,5973 $ l’action alors que l’offre publique d’achat n’était que 1 $.

La décision Fibrek est instructive sur plusieurs autres aspects des fusions et acquisitions. Les avocats spécialisés en matière de transactions et les avocats plaideurs auraient avantage à considérer la décision et à demeurer informés des points importants à retenir :

  • Elle fait suite à la jurisprudence récente des tribunaux de common law du Canada confirmant la « seule règle véritable » en matière de détermination de la juste valeur dans les procédures d’évaluation; de façon générale, les tribunaux examinent tous les éléments de preuve pertinents compte tenu des faits propres à chaque cas particulier. Il en ressort concrètement que les procédures d’évaluation sont très discrétionnaires et fortement tributaires de la situation.
  • De même, cette décision suit la jurisprudence canadienne récente qui porte une attention particulière aux indices du marché – en analysant les prix d’offre et les cours du marché au regard des évaluations théoriques. Par conséquent, malgré la nature hautement discrétionnaire des procédures d’évaluation, les parties peuvent s’attendre à ce qu’un poids considérable soit accordé aux indices de marché disponibles.
  • Le contexte factuel était inhabituel en ce sens que le différend en matière d’évaluation a pris naissance dans le cadre d’une offre publique d’achat hostile, comportait des offres multiples et des surenchères, ainsi qu’un long délai entre la date de l’offre et la date de l’évaluation subséquente prévue par la loi. La décision fournit donc des indications utiles sur la façon dont les tribunaux peuvent aborder des circonstances inhabituelles, comme :
    • les fluctuations des cours attribuables principalement aux arbitragistes;
    • un pourcentage important d’actionnaires liés par des conventions de blocage irrévocables;
    • l’analyse des prix d’offre en présence de plusieurs offres;
    • la prise en compte des événements imprévus entre la date des offres et la date d’évaluation prévue par la loi.
  • Compte tenu de ce contexte factuel inhabituel – en particulier du temps écoulé entre l’offre publique d’achat initiale et la date d’évaluation finale, et la survenance de certains événements entre ces deux dates –, la décision peut avoir une pertinence limitée dans un scénario type de transaction de fusion et acquisition de société ouverte, où le prix de la transaction est encore généralement le principal facteur déterminant la juste valeur, en l’absence de distorsion du marché (voir nos conclusions).
  • Il y a un aspect de l’analyse du tribunal qui pourrait ultérieurement donner lieu à une contestation. Étant donné que le prix de la transaction initiale était payable en espèces ou en actions, ou en une combinaison des deux, la Cour a réduit la somme payable aux actionnaires dissidents pour tenir compte d’une diminution de la valeur des actions de la société acquéreuse entre la date de l’offre et celle de l’évaluation prévue par la loi. Toutefois, la préoccupation fondamentale dans les procédures d’évaluation concerne habituellement la juste valeur des actions de la société visée, un enjeu qui n’est généralement pas influencé par une réduction de la valeur des actions de la société acquéreuse (voir nos conclusions).

Contexte : offre publique d’achat hostile et surenchères subséquentes

Fibrek Inc. (la société visée) et Produits forestiers Résolu inc. (l’acquéreuse) étaient toutes deux des sociétés papetières exerçant leurs activités au Canada et aux États-Unis. Compte tenu de la situation géographique et de l’historique de leurs activités respectives, l’acquéreuse s’attendait à ce que l’acquisition donne lieu à d’importantes synergies. Or, pour plusieurs raisons, notamment des litiges antérieurs, il y avait aussi « une certaine hostilité » entre les parties.

En novembre 2011, l’acquéreuse a présenté son offre hostile au prix de 1 $ par action de la société visée, payable en espèces, en actions de l’acquéreuse ou en une combinaison des deux (la première offre)[2]. L’acquéreuse a simultanément annoncé qu’elle avait signé des conventions de blocage irrévocables avec trois actionnaires importants de la société visée, détenant 46,3 % de la totalité des actions de la société visée.

En décembre 2011, le conseil d’administration de la société visée a rejeté la première offre et a adopté un régime de droits des actionnaires afin de prolonger le délai dont elle disposait pour trouver des solutions de rechange stratégiques. Cela a donné lieu à deux offres concurrentes de la part d’une troisième société papetière exerçant des activités au Canada et en Europe (le deuxième initiateur). La première a été faite en février 2012 au prix de 1,30 $ et la seconde, en avril 2012 au prix de 1,40 $, les deux étant également payables en espèces ou en actions, ou en une combinaison des deux (la deuxième surenchère)[3]. Les deux surenchères ont été appuyées par le conseil d’administration de la société visée. Toutefois, l’offre de l’acquéreuse a finalement été acceptée, en partie parce que, après la première surenchère, l’acquéreuse a d’abord réduit sa condition de dépôt minimal de 66 ⅔ % à 50,01 % des actions en circulation de la société visée, puis simplement au nombre d’actions bloquées.

La transaction d’éviction de deuxième étape a eu lieu en juillet 2012. Cette transaction prévoyait l’acquisition des actions restantes de la société visée au moyen d’un plan d’arrangement pour la même contrepartie que celle offerte aux termes de la première offre. Des actionnaires représentant 12 % des actions de la société visée ont exercé leur droit à la dissidence en vertu de l’article 190 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions[4]. Cette situation a entraîné l’obligation d’évaluer les actions de la société visée à la date d’évaluation du 22 juillet 2012, soit la veille de l’adoption de la résolution approuvant le plan d’arrangement donnant effet à l’éviction (la date d’évaluation). La société visée, maintenant détenue en propriété exclusive par l’acquéreuse, a offert une évaluation de 0,8773 $ par action, soit l’équivalent en espèces de la première offre au comptant et en actions, rajustée pour tenir compte de la baisse de valeur des actions de l’acquéreuse entre la date de la première offre et la date d’évaluation. Les actionnaires dissidents ont rejeté cette proposition et, dans le cadre de la procédure d’évaluation subséquente, la Cour supérieure du Québec a accordé 1,99 $ par action[5].

Calcul effectué par le tribunal de première instance, question portée en appel et droit applicable

La Cour d’appel a souligné que le jugement de première instance était [traduction] « très long, totalisant 613 paragraphes sur 121 pages ». Toutefois, comme l’a résumé la Cour d’appel, l’analyse de l’évaluation effectuée par le tribunal de première instance pourrait essentiellement se résumer en quatre étapes :

  1. elle a débuté avec le prix de 1,40 $ fixé par la deuxième surenchère;
  2. pour tenir compte des synergies au profit du deuxième initiateur, 0,27 $ par action a été ajouté;
  3. pour tenir compte de la valeur d’un lucratif contrat que la société visée a signé après la deuxième surenchère, mais avant la date d’évaluation (le contrat), 0,40 $ par action a été ajouté;
  4. pour tenir compte de certains passifs environnementaux éventuels de la société visée découverts par l’acquéreuse avant la date d’évaluation, 0,08 $ par action a été retranché.

La principale question soulevée en appel était celle de savoir si le tribunal de première instance avait commis une erreur en fixant ainsi la juste valeur. Selon la norme de contrôle applicable, la Cour d’appel n’interviendrait que dans le cas d’une erreur manifeste et déterminante. Quant à ce que cela signifiait dans le contexte des procédures d’évaluation en matière de fusions et acquisitions de sociétés ouvertes, la Cour d’appel a précisé ce qui suit [traduction] :

Comme la détermination de la juste valeur est « fortement tributaire des faits » et que la « seule règle véritable » consiste à examiner l’ensemble de la preuve, cela ne laisse pas beaucoup de place à une erreur de droit. Toutefois, si le juge écarte de son examen des éléments de preuve sur une question importante qui aurait dû constituer un facteur pertinent de son appréciation de la valeur, la Cour peut alors intervenir et procéder à l’évaluation que le juge aurait dû effectuer.

En examinant la façon de déterminer la juste valeur, la Cour d’appel s’est penchée sur la jurisprudence de l’Ontario[6] et du Yukon[7] et a reconnu qu’il existait cinq approches possibles en matière d’évaluation, à savoir :

  1. la valeur du marché;
  2. la valeur actualisée des flux de trésorerie;
  3. l’actif net;
  4. les revenus de placement;
  5. une combinaison de ce qui précède.

Toutefois, la Cour d’appel a également souligné que la valeur du marché est [traduction] « probablement le meilleur et le plus objectif des indices de la valeur », car « il est ancré dans la réalité et ne repose pas sur des hypothèses, des théories et des prédictions ». La Cour d’appel porterait donc principalement « attention à la valeur du marché » dans son analyse selon « la seule règle véritable »[8].

Correction de l’analyse de la juste valeur par la Cour d’appel

La Cour d’appel a statué que le tribunal de première instance avait généralement raison de [traduction] « commencer par une valeur établie par le marché à un moment donné, puis de s’ajuster au regard d’éléments que le marché n’avait pas considérés ». Toutefois, la Cour d’appel a conclu que le tribunal de première instance avait commis de graves erreurs dans l’exécution de cette tâche, dont plusieurs constituaient des erreurs de droit manifestes et déterminantes.

La Cour d’appel a statué que l’approche appropriée pour procéder à l’évaluation était la suivante :

  1. partir du montant de la première offre, rajusté selon la valeur des actions de l’acquéreuse à la date de l’évaluation, qui était de 0,8773 $ l’action[9];
  2. ajouter la valeur non comptabilisée du contrat, soit 0,80 $ l’action;
  3. soustraire les passifs environnementaux éventuels non comptabilisés de la société visée, soit 0,08 $ par action.

Pour en arriver à cette conclusion, la Cour d’appel a examiné les questions clés suivantes :

  • Pourquoi ne pas utiliser le cours des actions de la société visée à la date d’évaluation?
  • Pourquoi la première offre, et non la deuxième surenchère, constituait-elle le bon point de départ?
  • Pourquoi et comment mettre à jour la première offre à la date d’évaluation?
  • Pourquoi était-il inapproprié de modifier la première offre en raison de synergies?
  • Pourquoi et comment la deuxième surenchère est-elle demeurée une considération pertinente?

Nous abordons chacun de ces points à tour de rôle.

Pourquoi ne pas utiliser le cours des actions de la société visée à la date d’évaluation?

La Cour d’appel a reconnu que [traduction] « l’approche axée sur la valeur du marché est fondée sur le cours de la Bourse ». Toutefois, à l’instar du tribunal de première instance, la Cour d’appel a cité deux raisons interreliées pour lesquelles le cours des actions de la société visée à la Bourse de Toronto avait [traduction] « peu de poids » aux fins de déterminer la juste valeur à la date d’évaluation. Premièrement, le cours des actions de la société visée avait beaucoup fluctué entre la date de la première offre et la date d’évaluation, en particulier parce que différentes offres ont été faites et que les surenchères ont expiré. Deuxièmement, les éléments de preuve ont établi que ces variations étaient largement attribuables à des arbitragistes qui achetaient non pas en fonction de la juste valeur, mais en fonction de paris sur l’offre qui pourrait être acceptée et sur la possibilité qu’une autre offre soit présentée.

Pourquoi la première offre, et non la deuxième surenchère, constituait-elle le bon point de départ?

La Cour d’appel a déterminé que l’erreur la plus importante commise par le tribunal de première instance était de fonder son analyse de la juste valeur sur la deuxième surenchère plutôt que sur la première offre. Les motifs invoqués par le tribunal de première instance sont complexes, mais le raisonnement de la Cour d’appel était que le tribunal de première instance avait constaté diverses irrégularités et divers conflits d’intérêts dans les tactiques de l’acquéreuse relativement à la première offre. Il avait également constaté une « complicité » de la part des actionnaires visés par le blocage. Par conséquent, le tribunal de première instance n’a pas considéré que la première offre découlait d’un processus de vente « équitable » et qu’elle n’était donc pas un indicateur fiable de la juste valeur.

La Cour d’appel a exprimé son désaccord avec plusieurs aspects de cette analyse et a jugé nécessaire d’apporter de multiples précisions et corrections. Par exemple :

  1. l’acquéreuse n’avait aucune obligation envers la société visée ou ses actionnaires;
  2. l’acquéreuse était entièrement libre de fixer le prix de son offre comme elle l’entendait et conformément à son appel d’offres;
  3. les actionnaires de la société visée qui ont signé des conventions de blocage n’avaient aucune obligation fiduciaire envers les autres actionnaires de la société visée (et avaient le droit d’agir dans leur propre intérêt);
  4. les conventions de blocage n’ont rien d’illégal ou même d’inapproprié, et il n’y a aucune limite au pourcentage d’actions pouvant être bloquées.

La Cour d’appel a souligné les raisons pour lesquelles la première offre indiquait une juste valeur, notamment que : 1) elle représentait une prime de 31 % par rapport au cours moyen pondéré en fonction du volume des actions de la société visée à la Bourse de Toronto pour la période de 20 jours de bourse précédant la première offre; et 2) elle avait été acceptée par une « grande majorité » des actionnaires de la société visée, dont bon nombre étaient des investisseurs « avertis ». La première offre constituait donc une « preuve solide de la valeur du marché » et aurait dû servir de fondement à l’analyse du tribunal de première instance.

Pourquoi et comment mettre à jour la première offre à la date d’évaluation?

La Cour d’appel a expliqué que, puisque la première offre avait été présentée en novembre 2011 et huit mois avant la date d’évaluation subséquente de juillet 2012, la première offre devait être mise à jour sur deux fronts. Premièrement, pour tenir compte des [traduction] « faits qui ont une incidence sur la valeur et qui n’étaient pas connus ou pris en compte » au moment où la première offre a été faite. Deuxièmement, parce que la première offre était partiellement payable en espèces et partiellement payable en actions de l’acquéreuse, pour refléter la valeur des actions de celle-ci à la date d’évaluation[10].

En ce qui concerne le premier front, il s’agissait d’un contrat d’approvisionnement en énergie d’une durée de 25 ans que la Cour d’appel a qualifié de [traduction] « manifestement très important ». Le tribunal de première instance a fixé sa valeur pour la société visée à 0,80 $ l’action et cette valeur n’a pas été contestée en appel. Le tribunal de première instance a également conclu que l’acquéreuse n’avait pas inclus la valeur du contrat, qui n’a été signé qu’en mai 2012, lorsqu’elle a présenté la première offre en novembre 2011, conclusion qui n’a pas non plus été contestée en appel. La Cour d’appel a donc ajouté 0,80 $ à la première offre dans le cadre de son calcul de la juste valeur. Par contre, la Cour d’appel a déduit 0,08 $ par action pour les passifs environnementaux éventuels de la société visée que l’acquéreuse n’a découverts qu’après avoir pris le contrôle de l’entreprise en mai 2012. Ce chiffre a été calculé par le tribunal de première instance et n’a pas non plus été contesté en appel.

Pourquoi était-il inapproprié de modifier la première offre en raison de synergies?

Bien que l’évaluation du tribunal de première instance ait comporté l’ajout de valeur à la deuxième surenchère en raison des synergies que subirait le deuxième initiateur, la Cour d’appel n’a vu aucune raison d’apporter un rajustement semblable à l’égard de la première offre. La Cour d’appel a expliqué que les synergies peuvent être [traduction] « ajoutées à l’analyse de la valeur actualisée des flux de trésorerie comme forme de valeur supplémentaire qui n’est pas autrement incluse dans cette analyse ». Toutefois, elle a précisé que [traduction] « en principe, les synergies n’ont pas leur place dans l’approche axée sur la valeur du marché » pour la simple raison que « cette approche comprend les synergies ». La Cour d’appel a supposé qu’une partie de la prime de 31 % de la première offre par rapport au cours moyen pondéré en fonction du volume des actions de la société visée à la Bourse de Toronto pour la période de 20 jours de bourse précédant la première offre était attribuable aux synergies prévues par l’acquéreuse (bien que la Cour d’appel ne spécule pas sur la partie dont il s’agirait).

Pourquoi et comment la deuxième surenchère est-elle demeurée une considération pertinente?

Même si le tribunal de première instance a eu tort de fonder son analyse sur la deuxième surenchère, la Cour d’appel a expliqué qu’il s’agissait toujours d’un « fait pertinent » à apprécier, en ce sens qu’il représentait [traduction] « le prix qu’un tiers s’était dit prêt à payer ». La deuxième surenchère avait également été jugée équitable par le conseil d’administration de la société visée et ses conseillers financiers et avait été recommandée aux actionnaires de la société visée.

La Cour d’appel a comparé la première offre et la deuxième surenchère au regard de leur façon différente de traiter le contrat. La première offre était de 1 $ l’action de la société visée sans contrepartie liée au contrat. La deuxième surenchère était de 1,40 $ par action de la société visée, mais on présumait qu’une tranche de 0,40 $ de ce montant avait été ajoutée pour le contrat[11]. La Cour d’appel a donc estimé que les deux offres évaluaient la société visée à 1 $ l’action, sans égard au contrat, ce que la Cour d’appel a considéré comme une « preuve supplémentaire » que la première offre était « raisonnable et représentative de la juste valeur ».

Nos conclusions

L’affaire Fibrek présentait un scénario de faits inhabituels au regard duquel l’analyse de la juste valeur a été effectuée. Il en résulte des indications utiles sur la façon dont les tribunaux canadiens peuvent aborder les diverses circonstances atypiques dont il a été question dans ce bulletin. Toutefois, il est important de comprendre que, malgré la prime importante accordée aux actionnaires dissidents, la décision Fibrek pourrait ne pas s’écarter de façon significative des évaluations antérieures de fusions et acquisitions de sociétés ouvertes. La prime accordée aux actionnaires dissidents s’explique principalement par le délai prolongé entre la date de la première offre aux termes de l’offre publique d’achat et la date de l’évaluation, qui a découlé de la transaction d’éviction de deuxième étape suivant la conclusion de l’offre publique d’achat, ainsi que de la signature du contrat lucratif par la société visée au cours de cette période intermédiaire. Dans le contexte plus habituel d’une transaction amicale ne comportant pas d’offre publique d’achat, une telle période intermédiaire pourrait ne pas avoir lieu, et nous prévoyons que le prix de la transaction sera généralement le principal facteur de la juste valeur, en l’absence de distorsion du marché.

L’un des aspects de l’analyse dans la décision Fibrek qui pourrait mener à des contestations futures est la décision de la Cour de réduire le montant payable aux actionnaires dissidents en fonction de la première offre pour tenir compte d’une diminution de la valeur des actions de l’acquéreuse entre la date de la première offre et celle de l’évaluation prévue par la loi[12]. Plus précisément, la Cour d’appel a estimé que les actionnaires dissidents [traduction] « ne devraient pas être protégés contre cette perte de valeur ». En règle générale, les procédures d’évaluation portent essentiellement sur la juste valeur des actions de la société visée et, par conséquent, une diminution de la valeur des actions de la société acquéreuse entre la première offre et la date d’évaluation peut ne pas avoir d’incidence sur la juste valeur des actions de la société visée, à moins qu’il n’existe une corrélation directe entre les deux (p. ex. lorsque la société visée détient une position importante en actions de la société acquéreuse), et ce même si le prix initial de la transaction était payable en actions de la société acquéreuse. Étant donné que le raisonnement de la Cour d’appel sur ce point n’était pas particulièrement détaillé, il reste à voir si une approche similaire pourrait être adoptée à l’avenir et sur quel fondement.


[1] Fixation des actions de Fibrek inc., 2024 QCCA 137 (CanLII), en anglais seulement. Résumé en français : Fixation des actions de Fibrek inc.

[2] Au total, la première offre a été faite au prix de 1 $ l’action, payable en espèces (1 $), en actions de Résolu (0,0632 par action ordinaire de Résolu) ou en une combinaison des deux (0,55 $ en espèces plus 0,0284 en action de Résolu), avec un plafond global sur le montant en espèces (71 541 556 $) et le nombre d’actions (3 694 146 actions de Résolu) disponibles.

[3] Au total, la deuxième surenchère était au prix de 1,40 $ l’action, payable en espèces (1,40 $), en actions de Mercer (0,1659 action de Mercer) ou en une combinaison des deux (0,64 $ en espèces plus 0,0903 action de Mercer), avec un plafond sur le montant en espèces et le nombre d’actions.

[4] La société visée a été constituée en vertu d’une loi fédérale.

[5] Voir Fixation des actions de Fibrek inc., 2019 QCCS 4003 (CanLII), en anglais seulement.

[6] Ford Motor Company of Canada, Ltd. v. Ontario Municipal Employees Retirement Board, 2006 CanLII 15 (ON CA).

[7] Carlock v. ExxonMobil Canada Holdings ULC, 2020 YKCA 4 (CanLII).

[8] La Cour d’appel a conclu en réitérant que « la seule règle véritable » dans les procédures d’évaluation consiste à « examiner tous les éléments de preuve qui pourraient être utiles, examiner les facteurs particuliers en cause et faire preuve du meilleur jugement possible à l’égard de tous les éléments de preuve et de tous les facteurs ».

[9] Voir nos conclusions ci-dessous.

[10] La valeur des actions de l’acquéreuse a chuté. La Cour d’appel du Québec a conclu que les actionnaires [traduction] « ne devraient pas être protégés contre cette perte de valeur ». Voir toutefois nos conclusions ci-dessous, où nous nous opposons à cette approche.

[11] Compte tenu de l’incertitude de la preuve, le tribunal de première instance a estimé que 50 % de la valeur du contrat de 0,80 $ l’action avait été incluse dans la deuxième surenchère. Le raisonnement de base était que, bien que le contrat ait été en grande partie finalisé au moment de la deuxième surenchère en avril 2012, il n’a pas été signé avant mai 2012 et que [traduction] « tant qu’un contrat n’est pas signé, il existe un certain risque et une possible incertitude quant à la conclusion de la transaction ». La Cour d’appel a souligné [traduction] qu’« une réduction de 50 % seulement, trois semaines avant la signature de l’entente, semble élevée », mais il n’a pas jugé qu’il s’agissait d’une erreur manifeste et déterminante.

[12] Voir Fixation des actions de Fibrek inc., 2024 QCCA 137 (CanLII), aux par. 132 et 137, en anglais seulement.

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