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Élargissement des pouvoirs de vérification de l’ARC: ordonnances d'exécution, interrogatoires et pénalités

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Bulletin fiscalité

Les nouvelles mesures proposées visant à élargir les pouvoirs de vérification de l’Agence du revenu du Canada (ARC) en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pourraient augmenter considérablement le risque que les contribuables canadiens se retrouvent devant les tribunaux ou fassent l’objet de pénalités, et ce, avant même qu’une vérification fiscale ne soit terminée. 

Arrière-plan

L’ARC est le plus grand organisme fédéral au Canada en termes d’effectifs, avec de vastes pouvoirs d’application en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu et de la Loi sur la taxe d’accise. Chaque année, le gouvernement fédéral a alloué des milliards de dollars de financement à l’observation et à l’application de la loi en matière d’impôt, et l’ARC allègue qu’il existe toujours un « écart fiscal » de revenus fiscaux non perçus de l’ordre de 20 milliards de dollars par année. 

L’ARC a déclaré qu’à son avis, les impôts non perçus sont dus en grande partie à l’économie clandestine nationale, à la planification fiscale internationale agressive et à l’inobservation de paiement. L’ARC sélectionne les dossiers aux fins de vérification en fonction de l’évaluation des risques, qui peut comprendre des facteurs tels que le risque sectoriel, la complexité du groupe corporatif ou de la structure de l’entreprise, les catégories d’actifs et les valeurs, ainsi que les comparaisons selon la géographie et les données démographiques. De plus, nous prévoyons que l’ARC, comme de nombreux organismes fédéraux, commencera à utiliser davantage l’intelligence artificielle dans ses processus de vérification. 

Malgré tout, les pouvoirs de vérification de l’ARC doivent être exercés de manière raisonnable, et de nombreuses demandes de vérification de l’ARC suivent un cours normal (c.-à-d. l’examen des divers registres financiers, comptables, d’emploi, d’affaires, etc.). Depuis plusieurs années, de nouvelles règles de déclaration exigent que les contribuables divulguent de manière proactive certains renseignements fiscaux et commerciaux, et les contribuables faisant l’objet d’une vérification doivent consacrer de plus en plus de ressources internes – souvent par ailleurs limitées – afin de répondre aux demandes de renseignements et de documents de l’ARC. Pourtant, un rapport de la vérificatrice générale de 2018 a révélé que l’ARC n’appliquait pas la loi de manière uniforme dans tous les dossiers de vérification, et que 60 % des oppositions des contribuables étaient accueillies en tout ou en partie (c.-à-d. que le résultat de la vérification a été infirmé).

Il semble quand même que le gouvernement soit d’avis que les ressources financières pour veiller à l’application de la loi demeurent insuffisantes. Dans le budget de 2024, le gouvernement a proposé d’ajouter plusieurs nouvelles mesures à la Loi de l’impôt sur le revenu (et à d’autres lois fiscales) qui élargiront davantage les pouvoirs de vérification de l’ARC et exigeront une divulgation et une réactivité supplémentaires de la part des contribuables faisant l’objet d’une vérification. Il devient évident de par la complexité des nouvelles règles et des conséquences importantes qui peuvent en découler que les entreprises bénéficieront des conseils d’un avocat spécialisé en matière de différends fiscaux pour gérer les vérifications de routine.

Avis de non-conformité

Le budget de 2024 comporte un nouveau type d’avis à l’article 231.9. En vertu de la nouvelle disposition proposée, un « avis de non-conformité » (l’avis) peut être émis par l’ARC si le contribuable ne s’est pas conformé (en totalité ou en partie) à une demande de renseignements ou à une exigence de vérification délivrée en vertu des diverses dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu. L’avis est dit en suspens à partir de la date de son émission jusqu’à ce que l’ARC détermine que le contribuable s’est conformé à chaque demande ou exigence de vérification à l’égard de laquelle l’avis a été émis ou bien, si ce dernier a fait des efforts raisonnables pour s’y conformer. Le contribuable qui a reçu un avis de non-conformité est passible d’une pénalité de 50 $ pour chaque jour où l’avis est en suspens, jusqu’à concurrence de 25 000 $. Un contribuable peut toutefois contester l’avis dans les 90 jours de son émission, après quoi l’ARC peut confirmer, modifier ou annuler l’avis. Une demande subséquente de révision de la décision d’émettre l’avis peut être ensuite présentée à la Cour fédérale. Lorsqu’un avis de non-conformité est en suspens, il y a interruption de la période normale de nouvelle cotisation et de chaque personne ayant un lien de dépendance avec le contribuable pour toute année d’imposition à laquelle l’avis se rapporte.

Interrogatoire sous serment

Le budget de 2024 propose également d’ajouter un nouvel article 231.41 qui autoriserait l’ARC à exiger d’un contribuable qu’il réponde à une demande de renseignements par écrit ou oralement et ce, sous serment ou affirmation solennelle, ou par affidavit.

Ordonnances d’exécution

De plus, le budget de 2024 propose de modifier l’article 231.7 afin d’y ajouter une nouvelle pénalité. L’article 231.7 contient les règles concernant le pouvoir de la Cour fédérale d’accorder une ordonnance d’exécution, ce que l’ARC obtient typiquement lorsqu’un contribuable refuse de divulguer certains renseignements ou documents. À l’heure actuelle, le défaut de se conformer à une ordonnance de conformité de la Cour constitue un outrage au tribunal et est passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement. Par contre, le budget de 2024 propose d’ajouter une pénalité égale à 10 % de l’impôt total payable par le contribuable pour chaque année à laquelle l’ordonnance de conformité se rapporte. La pénalité proposée ne s’appliquerait pas si l’impôt à payer dans l’année est inférieur à 50 000 $.

Prolongation des délais de prescription

Diverses dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu prolongent la période normale de nouvelle cotisation (c’est-à-dire la période pendant laquelle l’ARC peut établir une nouvelle cotisation à l’encontre d’un contribuable pour une année d’imposition) généralement lors de la réalisation de certains événements ou processus judiciaires qui peuvent retarder la vérification. Toutefois, certaines questions de procédure n’interrompent pas nécessairement le calcul de la prescription. Le budget de 2024 propose d’apporter des modifications corrélatives à l’article 231.8 afin d’élargir l’application des règles de « suspension du délai » aux situations où le contribuable demande la révision judiciaire d’une exigence de l’ARC ou pendant la période où un avis de non-conformité est en suspens.

Conclusion

Les modifications telles que proposées auront un impact significatif sur le déroulement des vérifications. Les risques de dérapage seront accrus dans la mesure où des vérifications de routines pourront potentiellement comporter des procédures judiciaires à l’émission d’avis de non-conformité ou d’ordonnances d’exécution, l’obtention de preuves fournies par voie d’interrogatoires sous serment et même des pénalités importantes simplement en cas de non-respect des demandes de vérification par omission involontaire. Dans les cas extrêmes, le non-respect de cette obligation pourrait constituer un outrage au tribunal. Les entreprises devront tenir compte des ressources dont elles disposent et celles qu’elles auront besoin pour gérer une vérification fiscale. Dans les circonstances, il sera recommandé évidemment de consulter un avocat spécialisé litiges fiscaux.

Les propositions du budget de 2024 ont fait l’objet d’un processus de consultation qui s’est terminé le 11 septembre dernier après quoi nous prévoyons que les propositions seront incluses dans un deuxième projet de loi d’exécution du budget. Nous nous attendons à ce que les propositions deviennent loi à la fin de 2024 ou au début de 2025.

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Auteurs

  • Timothy Fitzsimmons, Associé, Toronto, ON, +1 416 865 5422, tfitzsimmons@fasken.com
  • Marie-Claude Marcil, MFisc, Associée, Montréal, QC, 1 514 397 5180, mmarcil@fasken.com
  • Jenny P. Mboutsiadis, Associée, Toronto, ON, +1 416 865 4557, jmboutsiadis@fasken.com

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