Le Procureur général du Québec (PGQ) se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure rendu le 18 octobre 2024. Selon lui, la juge de première instance a erré en déclarant que des effets préjudiciables potentiels étaient causés aux revendications de titre ancestral de la Première Nation du fait de l’acceptation d’un avis de désignation sur carte d’un nouveau claim sous le régime de la Loi sur les mines. Le PGQ soutient que le jugement de la Cour supérieure doit être infirmé. Ce bulletin résume les éléments clés du jugement de première instance et les motifs d'appel invoqués par le PGQ.
Éléments clés du jugement de la Cour supérieure :
Dans l’affaire Mitchikanibikok Inik First Nation (Algonquins of Barriere Lake) c. Procureur général du Québec, la Cour supérieure a jugé que le gouvernement du Québec, ainsi que le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles (aujourd’hui la ministre des Ressources naturelles et des Forêts), ont l’obligation de consulter et, le cas échéant, d’accommoder la Première Nation Mitchikanibikok lnik (Algonquins of Barriere Lake) de manière rétroactive pour les claims existants et, pour le futur, avant qu’un avis de désignation de tout nouveau claim en vertu de la Loi sur les mines[1] visant leur territoire soit accepté, et que des travaux exploratoires précis soient entrepris sur ce territoire.
La décision a un effet sur les claims miniers déjà octroyés sur le territoire de la Première Nation Mitchikanibikok lnik; ces claims ayant été octroyés, de l’avis de la Cour, en violation de l’obligation de consulter. Cette décision s’inscrit dans un contexte jurisprudentiel canadien qui tend à reconnaître que l’obligation de consulter prend naissance à l’étape de l’acceptation de la désignation d’un claim[2] [3]. L’appel du PGQ pourrait changer la donne en ce qui concerne le Québec.
- La Cour a déclaré que la Couronne a l’obligation de consulter et, s’il y a lieu, d’accommoder la Première Nation Mitchikanibikok lnik avant qu’un avis de désignation d’un nouveau claim visant leur territoire soit accepté et que des travaux exploratoires précis soient entrepris. Cette approche diffère de la pratique actuelle de désignation des claims miniers sans la nécessité d’une consultation préalable avec les peuples autochtones, pratique qui, selon la Cour supérieure du Québec, est non conforme à cette obligation. La Cour s’appuie notamment sur le fait que la collecte d’échantillons de minéraux pourrait avoir des conséquences néfastes sur les revendications territoriales de la Première Nation, affectant de manière irréversible les ressources non renouvelables, et un impact sur des droits ancestraux, y compris des activités réalisées aux fins de pratiques culturelles et spirituelles.
- La Cour supérieure a confirmé que la Loi sur les mines était constitutionnelle. En effet, l’article 2.1 de la Loi sur les mines prévoit qu’elle doit s’interpréter de manière compatible avec le devoir de consultation de la Couronne, lequel doit être adapté aux circonstances particulières. Selon l’interprétation retenue par la Cour, la Loi sur les mines accorde à la Couronne la latitude nécessaire pour lui permettre de respecter son devoir de consultation envers les communautés autochtones et il n’est donc pas nécessaire de prononcer une déclaration d’inconstitutionnalité.
- La Cour a jugé qu’il n’était pas nécessaire de consulter la Première Nation Mitchikanibikok lnik lors du renouvellement ou du transfert de claims miniers. En effet, ces procédures sont considérées comme étant de nature administrative et automatique, ne requérant pas l’usage d’une discrétion qui nécessiterait une consultation ou des mesures d’accommodement supplémentaires par le gouvernement.
Motifs d’appel du PGQ
Le PGQ soutient que la juge de première instance a erré en droit en déterminant que l'acceptation d'un avis de désignation de claims avait des effets préjudiciables potentiels suffisants pour déclencher l'obligation de consultation, les conditions nécessaires à sa naissance n’étant pas satisfaites.
La partie appelante soutient également que certaines déclarations de la Cour supérieure concernant l'obligation de consultation pour les claims existants sont imprécises, sujettes à interprétation et incompatibles avec la logique de l’obligation constitutionnelle de consulter les peuples autochtones. Le PGQ estime que l’idée de la Cour supérieure selon laquelle il y aurait une obligation de consulter sur des mesures qui ont déjà été prises est en conflit avec la logique de l'obligation constitutionnelle de consultation des peuples autochtones. Selon le PGQ, puisque les claims sont déjà acquis ou enregistrés et les travaux d’exploration déjà effectués, une consultation n'aurait plus de sens et ne pourrait pas prendre en considération les préoccupations de l'intimée ni aboutir à des accommodements. Cette conception est vue d’autant plus problématique par le PGQ qu’elle pourrait s'appliquer rétroactivement à des actions antérieures à l'établissement de la doctrine de consultation obligatoire par la Cour suprême du Canada en 2004. Le PGQ souhaite donc que la Cour d’appel clarifie que l'obligation de consultation doit s’appliquer de manière prospective.
Nous suivrons le dossier avec intérêt et vous tiendrons informés des développements.