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Le Bureau des marques canadien entame un projet pilote visant à intenter des procédures de radiation pour défaut d’emploi

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Bulletin Propriété intellectuelle

La Commission des oppositions des marques du Canada a annoncé un nouveau projet pilote dans le cadre duquel elle enverra des avis de procédure de radiation pour défaut d’emploi à un échantillon de propriétaires, sélectionnés au hasard, de marques de commerce déposées. Le projet a pour objectif de veiller à ce que le Registre des marques de commerce canadien « reflète correctement des marques de commerce qui sont employées, et en liaison avec les produits et services qui sont énumérés dans l’enregistrement ».

Les procédures de radiation pour défaut d’emploi sont couramment utilisées dans la pratique canadienne en matière de marques de commerce. Cependant, jusqu’à présent, elles n’ont été utilisées que par des parties privées, qui peuvent se prévaloir des procédures administratives de radiation pour défaut d’emploi aux termes de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce. Bien que le gouvernement soit théoriquement en mesure d’engager des procédures de radiation pour défaut d’emploi, il s’agit de la première fois que l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (« OPIC ») se propose de le faire.

Les propriétaires de marques de commerce canadiennes peuvent se questionner sur ce que ce programme signifie pour eux dans la pratique. Dans ce bulletin, nous abordons ces préoccupations en expliquant : (A) la probabilité de recevoir un avis de procédure de radiation à l’initiative du gouvernement, (B) la procédure applicable en cas de réception d’un avis, et (C) les mesures que les propriétaires de marques de commerce peuvent prendre pour se préparer à la mise en œuvre de ce programme.

A. Quelles sont les chances que vous receviez un avis ?

Le programme ne s’applique qu’aux marques de commerce dont l’enregistrement remonte à plus de trois ans. Il s’agit du même délai de trois ans qui s’applique aux procédures de radiation pour défaut d’emploi engagées par des parties privées.

Les chances de recevoir un avis sont faibles, du moins à court terme. L’OPIC a indiqué qu’il enverrait au total 200 avis de radiation pour défaut d’emploi au cours du premier trimestre de 2025. Étant donné qu’il existe plusieurs centaines de milliers d’enregistrements de marques de commerce, cela signifie que les chances qu’une marque de commerce donnée soit ciblée sont bien inférieures à 0,1 %. Toutefois, les propriétaires de vastes portefeuilles de marques de commerce courent un risque non négligeable qu’au moins une de leurs marques de commerce soit ciblée. De même, si le projet se poursuit au-delà du premier trimestre de 2025, il y aura davantage de chances qu’une marque de commerce fasse l’objet d’un avis.

À l’heure actuelle, nous ne savons pas quelle sera la durée du projet ni si l’OPIC augmentera ou réduira le rythme des procédures au-delà du nombre actuel de 50 par mois. Il est certain que si l’objectif est de veiller à ce que le Registre reflète en permanence l’état de l’emploi réel sur le marché, cela impliquerait un volume d’avis beaucoup plus important.

B. Que faire si vous recevez un avis ?

Le propriétaire d’un enregistrement de marque de commerce qui reçoit un avis de radiation pour défaut d’emploi dispose de trois mois pour présenter des preuves d’emploi de la marque en lien avec chaque produit ou service figurant dans l’enregistrement. Le délai de dépôt de trois mois peut être prolongé de deux mois sans motif, ou d’une période plus longue sur preuve de circonstances exceptionnelles. Si le délai n’est pas respecté, des prolongations rétroactives sont possibles, mais difficiles à obtenir.

Jusqu’à présent, une procédure de radiation pour défaut d’emploi engagée par le gouvernement est identique à une procédures engagée par une partie privée. Toutefois, les deux procédures divergent une fois que les preuves du propriétaire sont présentées.

Pour les procédures de radiation gouvernementales, l’OPIC examinera les preuves fournies par le propriétaire de la marque de commerce. Si l’OPIC est convaincu que les preuves démontrent clairement l’emploi de la marque de commerce en liaison avec tous les produits et les services visés par l’enregistrement, il proposera de mettre fin aux procédures. Le propriétaire de la marque de commerce peut alors accepter l’offre, ce qui clore les procédures.

Par ailleurs, si l’OPIC estime que les éléments de preuve démontrent que la marque de commerce est employée en liaison avec certains des produits ou des services visés par l’enregistrement, mais pas tous, une offre différente sera présentée. Plus précisément, le propriétaire se verra offrir la possibilité de mettre fin aux procédures de radiation, mais uniquement s’il supprime les produits et/ou les services qui, selon l’OPIC, ne sont pas étayés par des preuves. Il n’est pas possible de supprimer les éléments non contestés et de ne contester que les autres; si le propriétaire décline l’offre, il devra défendre l’ensemble des produits et des services au stade de l’argumentation.

Enfin, si l’OPIC estime qu’aucun des produits ou des services n’est étayé par la preuve, aucune offre ne sera présentée et le dossier passera directement du stade de la preuve à celui de l’argumentation.

Si l’OPIC n’abandonne pas volontairement la procédure, le propriétaire peut alors choisir de déposer ou non des prétentions écrites. Le propriétaire peut également décider de demander ou non une audience afin de présenter une plaidoirie orale. La Commission des oppositions des marques examinera les prétentions du propriétaire (ou seulement la preuve si aucune prétentions écrites n’ont été déposées) et rendra une décision. Cette décision peut maintenir l’enregistrement dans son intégralité, supprimer certains produits ou services, ou radier l’enregistrement dans son intégralité. La Commission examinera également si des circonstances particulières justifient le défaut d’emploi de la marque.

À l’heure actuelle, rien n’indique que les avocats du gouvernement présenteront des arguments juridiques ou participeront d’une autre manière aux audiences devant la Commission des oppositions des marques. Cette position pourra évoluer avec le temps.

Il n’est pas non plus certain que cette position continuera de s’appliquer si le propriétaire d’une marque de commerce fait appel d’une décision défavorable de la Commission. D’un point de vue procédural, le procureur général du Canada doit être désigné comme intimé dans le cadre d’un appel s’il n’y a pas d’autre partie adverse (ce qui sera le cas pour les procédures de radiation engagées par le gouvernement). De manière générale, cela signifie que les avocats du gouvernement se présentent pour défendre la décision contestée. Il reste à voir si cette approche générale sera appliquée ici.

C. Mesures à prendre par les propriétaires de marques de commerce pour se préparer

Les propriétaires de marques de commerce peuvent sécuriser leurs portefeuilles canadiens en prenant quelques mesures simples en prévision de la nouvelle politique de radiation pour défaut d’emploi de l’OPIC.

  1. Mettre à jour l’adresse du propriétaire inscrit au dossier et désigner un agent local

    L’OPIC envoie l’avis de radiation à l’adresse du propriétaire de la marque de commerce et une copie de l’avis à son agent de marques de commerce canadien inscrit. L’adresse de correspondance et les autres renseignements devraient faire l’objet d’une vérification pour s’assurer qu’ils sont à jour, et si un agent n’a pas été désigné pour certaines marques du portefeuille, il s’agit du bon moment pour le faire.

    Dans le cas d’enregistrements de marques de commerce dans le cadre du système de Madrid, l’OPIC n’envoie pas d’avis aux représentants inscrits auprès de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), à moins qu’il ne s’agisse d’agents de marques de commerce canadiens établis au Canada, et enverra plutôt l’avis de de radiation directement au propriétaire. D’après notre expérience, de nombreuses entreprises ne verront pas passer ces avis ou n’en comprendront pas l’importance. En conséquence, les propriétaires d’enregistrements de marques Madrid doivent veiller à désigner un agent de marques de commerce canadien pour toutes les marques de leur portefeuille ou mettre en place un système très rigoureux de traitement de la correspondance à l’adresse figurant dans leur enregistrement auprès de l’OMPI.

  2. Déposer de nouvelles demandes pour des produits, des services et des marques clés

    Les propriétaires de marques de commerce doivent examiner leur portefeuille et s’assurer que leur couverture existante correspond aux produits et aux services qu’ils offrent actuellement ou qu’ils prévoient d’offrir sur le marché canadien. Dans la mesure où il existe un écart entre les deux, ils devraient envisager de déposer de nouvelles demandes au Canada. Étant donné que le programme de l’OPIC ne s’appliquera pas aux enregistrements datant de moins de trois ans, il y aura un délai de grâce important avant que ces nouvelles demandes puissent faire l’objet de procédures de radiation pour défaut d’emploi, que ce soit par l’OPIC ou par des parties privées.

Conclusion

Ce projet pilote est quelque peu surprenant, étant donné que le Canada a aboli en 2019 à la fois l’exigence d’indiquer le fondement de la demande et l’obligation de déposer des déclarations d’emploi. Le projet pilote réintroduit effectivement l’exigence d’emploi, mais uniquement pour un échantillon de propriétaires de marques de commerce sélectionnés de manière aléatoire. Contrairement à l’obligation de fournir une preuve d’emploi après l’enregistrement dans des pays comme les États-Unis, le moment où la preuve doit être apportée et la personne qui doit la fournir sont laissés au hasard au Canada, plutôt que de faire l’objet de règles fixes.

En outre, le processus de sélection aléatoire peut être justifié d’un point de vue statistique, mais il soulève des problèmes d’administration publique. La nature aléatoire de la sélection pourrait également faire peser cette charge coûteuse sur de petites entreprises aux ressources limitées, les dissuadant ainsi de participer davantage au système de PI du Canada. La sélection aléatoire signifie que même les marques présentant des signes évidents d’abus (c’est-à-dire revendiquant tous les produits et les services possibles dans toutes les classes de Nice) ne seront pas examinées en priorité.

On peut se demander si le projet pilote permettra d’atteindre les objectifs politiques de l’OPIC, à savoir le désencombrement du Registre et la promotion d’une concurrence loyale, et si l’OPIC devrait donner la priorité à ces objectifs dans le climat économique difficile que nous connaissons aujourd’hui.

Bien que la probabilité de recevoir un avis de procédure de radiation engagée par le gouvernement soit actuellement faible, le fait de ne pas répondre à l’avis dans les délais impartis entraînera la radiation de l’enregistrement ciblé. Les propriétaires de marques devraient envisager de mettre en œuvre les mesures susmentionnées. Pour toute autre question concernant les procédures de radiation pour défaut d’emploi au Canada, veuillez consulter notre Foire aux questions (FAQ) ou communiquer avec l’un des auteurs.

 

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Auteurs

  • Michael Shortt, Associé | Agent de marques de commerce, Montréal, QC, +1 514 397 5270, mshortt@fasken.com
  • Simon Hitchens, Associé, Toronto, ON, +1 416 868 3404, sdhitchens@fasken.com
  • Daniel Benaroche, Avocat, Montréal, QC, +1 514 397 4354, dbenaroche@fasken.com

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