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Structures d’actions échangeables dans le cadre de fusions et d’acquisitions transfrontalières : ce que les acheteurs américains d’une cible canadienne devraient savoir

Fasken
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Bulletin Marchés des capitaux et Fusions et acquisitions

Survol et points saillants 

Les structures d’actions échangeables sont un moyen fiscalement avantageux pour les acquéreurs américains d’offrir une contrepartie en actions à des vendeurs canadiens. Il s’agit donc d'un outil particulièrement intéressant pour les acheteurs américains qui envisagent l’acquisition d’une cible canadienne. Cela est particulièrement vrai pour les sociétés de capital-investissement américaines, puisqu’une opération d’échange d’actions peut faciliter le roulement des capitaux propres d’un vendeur canadien.

Comme le Canada figure régulièrement parmi les cinq destinations principales pour les acquisitions transfrontalières américaines, tant en termes de valeur que de volume, nous vous présenterons un aperçu de ce type de structures qui a fait ses preuves et fait partie intégrante des investissements américains au Canada depuis plusieurs décennies. Nous expliquerons aussi pourquoi des acheteurs américains gagneraient à comprendre cette structure pour demeurer compétitifs face aux soumissionnaires canadiens qui s’intéressent à une même cible. 

Cet article (PDF, 161 KB) a été publié pour la première fois dans The M&A Lawyer en février 2025 . Pour en savoir plus sur les initiatives de leadership éclairé de Fasken, visitez notre Centre du savoir sur les marchés des capitaux et les fusions et acquisitions et abonnez-vous aux publications. 

Imposition différée 

L’acquéreur américain d’une société cible canadienne qui opte pour une structure d’actions échangeables est souvent motivé à mettre en place cette structure pour des raisons fiscales. En effet, la vente d’actions d’une société canadienne par un actionnaire résidant au Canada, en échange d’actions d’une entité canadienne, qu’il s’agisse d’une société ou d’une société de personnes comptant uniquement des associés résidant au Canada, donne généralement droit à un report d’impôt lorsqu'un choix approprié est produit en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada). 

Lorsque ce choix n’est pas disponible ou n’est pas fait, un résident canadien qui dispose d’actions d’une société canadienne est réputé avoir disposé de ces actions pour un produit de disposition égal à la juste valeur marchande, au moment de la disposition, des actions reçues dans le cadre de l’échange.

En revanche, les actionnaires résidant au Canada ne peuvent pas échanger des actions d’une société canadienne contre celles d’un acquéreur américain ou non-résident en report d’impôt. En l’absence d’une structure d’actions échangeables, les vendeurs canadiens seraient donc assujettis à l’impôt, tout en recevant des actions peu ou pas liquides.

L’avantage principal pour l’acquéreur américain est donc de pouvoir accroître l’attrait de son offre auprès des vendeurs canadiens et/ou de rester compétitif face aux soumissionnaires canadiens qui s’intéressent à la même cible. Pour les vendeurs canadiens, cette structure permet de reporter l’impôt sur les gains en capital canadiens autrement attribuables à l’égard de la contrepartie en actions reçue pour la vente de la cible canadienne. Le report d’impôt est maintenu jusqu’à ce que les actions échangeables soient échangées contre les actions correspondantes de l’acquéreur américain, typiquement à l’occasion d’un événement de liquidité visant les actions de l’acquéreur, comme un changement de contrôle ou une inscription à la cote d’une bourse. 

Sociétés américaines de capital-investissement 

Cette opération d’échange d’actions offre aux sociétés de capital-investissement les mêmes avantages que ceux d’une opération comprenant une contrepartie en actions, à savoir : 1) un moyen de combler un écart de valorisation entre les parties, 2) une meilleure harmonisation des intérêts de la direction avec ceux de l’acquéreur et 3) de meilleures conditions de financement grâce au paiement d’une contrepartie en espèces d’un montant moins élevé à la clôture et à un effet de levier plus faible. En outre, il est possible de structurer l’opération d’échange d’actions de manière à ce que ces dernières puissent être échangées contre des parts d’une société en commandite ou d’une société à responsabilité limitée plutôt que des actions. 

Structure, entités et droits importants 

Il existe plusieurs façons de mettre en place une structure d’actions échangeables, mais le but premier est d’émettre aux vendeurs canadiens des actions d’une nouvelle société canadienne qui représentent l’équivalent économiques des actions de l’acquéreur américain. Autrement dit, les actions doivent comporter des droits identiques à ceux des actions de l’acquéreur américain, y compris les droits aux dividendes et au reliquat.

Pour y arriver, il faut d’abord constituer en société deux entités canadiennes : une filiale canadienne directe de l’acquéreur américain, communément appelée « CallCo » et une filiale canadienne de celle-ci ou de l’acquéreur américain, communément appelée « AcquisitionCo ».

Lors de l’acquisition de la cible canadienne, AcquisitionCo émet aux vendeurs canadiens les actions échangeables en report d’impôt. Toute liquidation ou dissolution qui surviendrait au niveau de l’acquéreur américain donnerait droit aux vendeurs canadiens d’échanger les actions échangeables contre des actions de l’acquéreur américain. Les vendeurs canadiens disposent aussi souvent d’un « droit de rachat », c’est-à-dire qu’ils peuvent exiger qu’AcquisitionCo rachète individuellement les actions échangeables en contrepartie d’actions de l’acquéreur américain. AcquisitionCo dispose généralement aussi d’un « droit de rachat » lui permettant de racheter individuellement les actions échangeables dans certaines circonstances précises. 

Pour sa part, CallCo dispose d’un « droit d’achat prioritaire » lui permettant d’acheter les actions échangeables auprès des vendeurs canadiens en contrepartie d’actions de l’acquéreur américain. Ce droit d’achat peut être préférable au rachat, que ce soit dans le cas d’un événement de liquidation, d’un rachat au gré du porteur ou d’un rachat gré de la société, pour empêcher que les vendeurs canadiens ne subissent des conséquences fiscales défavorables en réalisant un dividende réputé aux fins fiscales canadiennes, qui pourraient survenir lors d’un rachat des actions échangeables. 

Points et documents essentiels de l’opération 

Comme les vendeurs canadiens deviendront actionnaires de l’acquéreur américain en ca d’échange des actions échangeables, celui-ci peut s’attendre à ce que les vendeurs procèdent à une vérification diligente, notamment en examinant et en négociant les conventions d’actionnaires auxquelles l’acquéreur est partie, les documents constitutifs d’AcquisitionCo et l’entente de soutien et d’échange dont il est question ci-dessous. Une vérification diligente s’impose également pour que l’opération en soi se déroule correctement. 

Les principaux points de négociation peuvent notamment porter sur la possibilité d’accorder aux vendeurs, dans la mesure du possible, un droit de vote spécial à l’égard des affaires concernant l’acquéreur américain. Cela aurait pour effet de placer les vendeurs sur un pied d’égalité avec les détenteurs d’actions de l’acquéreur américain, et pourrait être fait en émettant, par exemple, des actions à droit de vote spécial destinées à un fiduciaire ou à un autre intermédiaire, qui détiendra ces actions pour le compte des vendeurs canadiens. Les vendeurs canadiens pourraient aussi vouloir être parties à toute convention d’actionnaires ou entente similaire de l’acquéreur américain, par l’entremise d’un fiduciaire ou d’un autre intermédiaire. Ils bénéficieraient ainsi de tous les droits octroyés aux détenteurs d’actions aux termes d’une convention de cette nature, notamment le droit de premier refus, le droit de suite, le droit à l’accès à l’information et le droit de liquidité. L’acquéreur américain et les vendeurs canadiens pourraient en outre opter pour une disposition de temporisation déclenchant un échange automatique après une période donnée (p. ex., 10 ans) ou dans des circonstances particulières survenant avant un premier appel public à l’épargne, telle une modification défavorable apportée aux lois fiscales. 

Les vendeurs canadiens, CallCo et AcquisitionCo concluent souvent une « entente de soutien et d’échange » avec l’acquéreur américain. Les dispositions principales d’une telle entente comprennent l’engagement de l’acquéreur américain de 1) fournir à AcquisitionCo les fonds suffisants pour verser des dividendes aux actionnaires canadiens (d’un montant égal aux dividendes versés aux détenteurs d’actions de l’acquéreur américain), et à 2) émettre des actions de l’acquéreur aux actionnaires de la société cible afin de permettre l’échange des actions échangeables de la société cible contre des actions de l’acquéreur, que ce soit dans le cadre d’une liquidation ou de l’exercice du droit de rachat au gré du vendeur, du droit de rachat au gré d’AcquisitionCo ou du droit d’achat de CallCo. 

Avantages et inconvénients

Avant de mettre en place une structure d’actions échangeables, il faut en évaluer les avantages et les inconvénients en fonction des circonstances. Il s’agit essentiellement des suivants :

Avantages 

  • Les vendeurs canadiens bénéficient d’un report d’impôt sur la contrepartie reçue sous forme d’actions, tout en conservant une participation économique équivalente à une participation directe dans l’acquéreur américain. 
  • Les acquéreurs américains ont tout de même la possibilité d’offrir une contrepartie composée de leurs propres actions et d’actions d’AquisitionCo, ce qui peut être intéressant pour les vendeurs canadiens ayant souhaitant utiliser certaines pertes fiscales. 
  • Cette structure permet aux vendeurs résidant au Canada, qui n’ont pas droit à un report d’impôt lors de l’acquisition des actions de l’acquéreur américain, et aux vendeurs non canadiens, qui pourraient avoir droit à un report d’impôt lors de l’acquisition des actions de l’acquéreur américain, de bénéficier d’un traitement fiscal semblable. 
  • Une structure d’actions échangeables pourrait permettre l’ajout d’une clause d’indexation ou de contrepartie additionnelle inversée en report d’impôt.

Inconvénients 

  • Les structures d’actions échangeables compliquent les transactions et entraînent des coûts supplémentaires liés à leur mise en place et à leur gestion, notamment pour des services comptables. 
  • Certains vendeurs ne peuvent pas bénéficier des avantages que procure cette structure, notamment les entités non imposables et non-résidentes et les résidents canadiens qui peuvent déduire les pertes de leurs gains en capital. 
  • Les choses se compliquent davantage lorsque la structure est démantelée, ou préserver dans le cas où les actionnaires canadiens procèdent à une deuxième opération de cette nature. 
  • Pour ce qui est des autres titres, comme les billets convertibles émis par la cible canadienne qui demeureront en circulation après la clôture de l’opération, une réflexion et des structures supplémentaires peuvent s’avérer nécessaires.

Nos conclusions 

Les acquéreurs canadiens sont en mesure d’offrir aux vendeurs canadiens des actions en report d’impôt. Ainsi, pour demeurer compétitifs sur le marché canadien, mais surtout dans le cadre d’une soumission concurrentielle, les acquéreurs américains potentiels ont intérêt à bien se renseigner sur les structures d’actions échangeables et sur la planification et la vérification diligente requise de la part de l’acquéreur, ainsi que les points de négociation et les documents de transaction s’y rapportant qui sont nécessaires à leur mise en œuvre. 

Bien que le recours à une structure d’actions échangeables augmente les coûts d’une opération donnée, ceux-ci peuvent être compensés par les avantages concurrentiels obtenus et par d’autres avantages connexes potentiels, comme une diminution de la contrepartie en espèces à payer pour l’achat, une réduction des coûts de financement par emprunt et, dans le cas d’un acheteur américain de capital-investissement, une bonne complémentarité entre structure d’actions échangeables et roulement des capitaux propres.

Contactez les auteurs

Si vous avez des questions concernant ce bulletin, veuillez communiquer avec les auteurs ou tout autre membre de notre groupe Marchés des capitaux, fusions et acquisitions.

Contactez les auteurs

Auteurs

  • Quentin Lageix, Associé | Fiscalité, Montréal, QC, +1 514 397 7654, qlageix@fasken.com
  • Enoch H. Chang, Associé | Droit des sociétés et droit commercial, Vancouver, BC, +1 604 631 4803, echang@fasken.com
  • Paul Blyschak, Avocat-conseil | Droit des sociétés et droit commercial, Calgary, AB, +1 403 261 9465, pblyschak@fasken.com

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