Le 1er avril 2025 dernier a donné lieu à toute une pêche pour la pratique du droit des marques de commerce au Canada. Elle marque l'entrée en vigueur de la dernière partie des réformes de longue date du droit des marques de commerce au Canada. Et ce n'est pas un poisson d’avril ! Comme nous le verrons, certaines de ces réformes présentent des opportunités pour les propriétaires de marques, tandis que d'autres introduisent des règles uniques au monde qui pourraient amener les titulaires imprudents à perdre leurs droits. Cette dernière série de réformes a longtemps été tapie dans les profondeurs de l’océan, mais elle a vraiment du mordant!
Voici notre buffet de curiosités juridiques dans le monde des marques canadiennes !
Faites attention à votre preuve. Il n'est plus possible d'ajouter de nouvelles preuves de plein droit lors de l'appel d'une décision du registraire des marques, tant dans les oppositions que dans les procédures déchéance pour absence d’usage. Désormais, l'autorisation de la Cour fédérale sera requise. On ne sait toujours pas quelle norme s'appliquera ni avec quelle facilité l'autorisation sera accordée. Il est désormais recommandé de mettre votre meilleure preuve de l’avant dans le cadre de procédures d’opposition et de déchéance pour défaut d’usage.
Chut, c’est un secret ! Il est désormais possible de protéger la confidentialité d’éléments de preuve déposés lors de procédures d’opposition et de déchéance pour défaut d’usage. Une demande doit être faite avant de déposer votre preuve et une prolongation du délai pour déposer celle-ci est disponible en attendant une décision. Mais attention, seul le grand public sera empêché d'accéder à la preuve, pas l'autre partie. Ne vous laissez pas berner par un faux sentiment de sécurité! Le Registraire des marques de commerce a annoncé qu'il traitera cela comme une mesure exceptionnelle nécessitant des raisons impérieuses pour émettre une ordonnance de confidentialité. Il est préférable de garder vos secrets les plus profonds et les plus délicats pour un autre jour ! Et notez qu'il n'y a toujours pas de procédures de confidentialité pendant la poursuite d’une demande d’enregistrement de marque de commerce, donc les preuves déposées auprès des examinateurs de marques resteront publiques, peu importe leur sensibilité.
L’argent, l’argent, et encore l’argent. Le Registraire des marques de commerce a désormais le pouvoir d'accorder des dépens dans les procédures administratives contre les parties indisciplinées, y compris les farceurs et les filous. Ces attributions de dépens ne seront pas nécessairement liées à la victoire dans l'affaire, mais dépendront des circonstances spécifiques. Plus de 11 000 CAD peuvent être attribués à un opposant qui gagne une opposition basée sur la production de mauvaise foi d’une demande de marque de commerce. Une attribution de dépens de plus de 5 000 CAD est disponible contre les parties agissant de manière déraisonnable, notamment ceux qui exhibent une mauvaise conduite en marge de contre-interrogatoires et en maintenant des motifs d'opposition sans perspective raisonnable de succès. Cela peut être attribué même contre une partie gagnante. Annuler une audience tardivement sera sanctionné par des frais de plus de 2 000 CAD. Les requérants et opposants qui se croient rusés risquent désormais de prendre un coup au portefeuille !
C’est officiellement terminé. Les marques officielles, une caractéristique unique de la pratique des marques canadiennes qui couvre en une seule publication toutes les 45 classes, sont désormais vulnérables à l'annulation par une procédure administrative. Il avait pratiquement été vain de les contester devant un tribunal dans le passé. Il est désormais possible de les annuler par des procédures administratives pour défaut de se qualifier à titre d'autorité publique et s’ils ont cessé d’avoir une existence légale. Avant que des normes plus claires et plus strictes ne soient mises en place, de nombreuses marques officielles ont été attribuées à des entités non gouvernementales qui ne se qualifient pas à titre d’autorités publiques canadiennes, et depuis la publication de marques officielles plusieurs autorités publiques ont cessé d’exister. Le moment de vérité est venu pour toutes entités qui ne sont pas suffisamment contrôlées par un gouvernement canadien.
Procédures en déchéance initiées par le gouvernement. Le Registraire des marques de commerce a initié une vague importante de procédures d'annulation pour non-usage. Entre 50 et 100 procédures d'annulation contre des marques sélectionnées au hasard sont lancées chaque mois en 2025. Malgré les apparences, il y a une méthode à cette frénésie de procédures d’annulations. Elle vise à évaluer le profil des marques sur le registre qui sont annulées avec succès. Les phases ultérieures du programme pourraient cibler les marques jugées à plus haut risque de non-usage ou de portée abusivement large. Votre dépôt sera-t-il le prochain ?
Votre marque déposée est-elle une coquille vide ? Les marques nouvellement enregistrées feront face à des eaux turbulentes. Il est désormais obligatoire de démontrer l'usage d'une marque enregistrée pour obtenir réparation dans un litige pour contrefaçon initié dans les trois ans suivant l'émission du certificat d’enregistrement. On ne sait pas encore si l'usage en association avec un seul produit ou service sera suffisant pour fonder une réclamation sur l'enregistrement dans son ensemble, ou si la portée pratique de l'enregistrement sera limitée aux produits et services spécifiques à l'égard desquels l'usage est démontré.
Un nouveau rebondissement visant les lois linguistiques. Une autre surprise vous attend le 1er juin 2025, car elle marquera l'entrée en vigueur de nouvelles règles concernant les marques et la langue du commerce dans la province de Québec. Les marques en langue autre que le français visibles de l'extérieur des locaux commerciaux n’ont toujours pas à être traduites, mais elles devront être accompagnées de textes en français, tels que des termes descriptifs, des slogans, etc., qui occuperont deux fois plus d'espace. Bon nombre de propriétaires d'entreprises inattentifs passeront bientôt des appels frénétiques aux fabricants d'enseignes. De plus, il ne sera plus possible de déposer une marque reproduisant une étiquette ou un panneau de produit afin d'éviter l’obligation de traduction des inscriptions sur un produit, puisque le Québec exige désormais la traduction des termes descriptifs ou génériques sur les étiquettes/emballages de produits, même s'ils sont inclus dans un enregistrement de marque. Cela promet d'être un casse-tête pour certains enregistrements, tant en termes de design graphique que de stratégie juridique. Si vous ou vos titulaires de licence opérez au Canada, vous devriez agir avant de vous retrouver dans l'eau chaude.
Comme toujours, l'équipe Fasken est prête à vous aider à naviguer dans ces eaux inconnues ! Pour plus d'informations ou pour discuter d'un sujet particulier, veuillez nous contacter.