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Responsabilité des administrateurs et des dirigeants

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10. Responsabilité des administrateurs et des dirigeants

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Obligations et responsabilité des administrateurs

Ce chapitre présente un aperçu des obligations incombant, aux termes de la loi et de la common law, aux administrateurs et aux dirigeants des sociétés constituées en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA »). Même si le degré de responsabilité des administrateurs et dirigeants de société varie selon le territoire de constitution de la société, les obligations statutaires que l’on retrouve dans les lois provinciales sont généralement semblables à celles découlant de la LCSA.

 

Devoir de diligence et devoir de loyauté

Aux termes de la LCSA, les administrateurs et les dirigeants doivent s’acquitter de deux obligations principales : l’obligation de diligence et l’obligation fiduciaire de loyauté.

L’obligation de diligence imposée par la LCSA signifie que les administrateurs et les dirigeants d’une société, dans l’exercice de leurs fonctions, doivent agir avec le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve, en pareilles circonstances, une personne raisonnablement prudente. L’obligation de diligence exige des administrateurs et des dirigeants qu’ils se renseignent suffisamment et examinent tous les renseignements importants dont ils disposent avant d’agir.

La LCSA prévoit également une obligation fiduciaire de loyauté selon laquelle les administrateurs et les dirigeants sont tenus d’agir avec intégrité et de bonne foi au mieux des intérêts de la société. En vertu du devoir fiduciaire de loyauté, les administrateurs et les dirigeants doivent agir de manière impartiale et mettre les intérêts de la société à l’avant-plan, sans permettre que leurs décisions soient influencées par leurs propres intérêts ou des opérations intéressées. Pour se conformer à cette obligation, les administrateurs et les dirigeants sont tenus d’éviter les conflits entre les intérêts de la société et tout intérêt opposé, y compris les leurs.

La Cour suprême du Canada a statué que l’obligation fiduciaire envers la société existait en tout temps. Toujours selon la Cour, le fait d’agir au mieux des intérêts de la société ne signifie pas nécessairement d’agir au mieux des intérêts de ses actionnaires :

 

« L’obligation fiduciaire des administrateurs est un concept large et contextuel. Elle ne se limite pas à la valeur des actions ou au profit à court terme. Dans le contexte de continuité de l’entreprise, cette obligation vise les intérêts à long terme de la société. Son contenu varie selon la situation. [...]

 

En déterminant ce qui sert au mieux les intérêts de la société, les administrateurs peuvent examiner notamment les intérêts des actionnaires, des employés, des créanciers, des consommateurs, des gouvernements et de l’environnement. [...]

 

Aucun principe n’établit que les intérêts d’un groupe – ceux des actionnaires, par exemple – doivent prévaloir sur ceux d’un autre groupe. Tout dépend des particularités de la situation dans laquelle se trouvent les administrateurs et de la question de savoir si, dans les circonstances, ils ont agi de façon responsable dans leur appréciation commerciale. » (BCE inc. c. Détenteurs de débentures de 1976, 2008 CSC 69)

L’arrêt BCE a toutefois donné lieu à quelques ambiguïtés quant à la nature et à la portée de ces obligations. La Cour a statué que lorsqu’un conflit surgit entre les intérêts de la société et ceux des parties intéressées, « il revient aux administrateurs de la société de le résoudre conformément à leur obligation fiduciaire d’agir au mieux des intérêts de la société en tant qu’entreprise socialement responsable ». Si la Cour n’a pas fourni de précisions sur la façon dont ce concept devait être mis en œuvre, la mention de l’« entreprise socialement responsable » suggère tout de même un certain degré de responsabilité à l’égard des parties intéressées.

Le 21 juin 2019, le projet de loi C-97, la Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures, a reçu la sanction royale. Cette loi codifie notamment des éléments de l’arrêt BCE et modifie la LCSA de façon à prévoir que, lorsqu’elle agit au mieux des intérêts de la société, une personne peut tenir compte des facteurs suivants : les intérêts des actionnaires, employés, retraités et pensionnés, créanciers, consommateurs et gouvernements, l’environnement et les intérêts à long terme de la société.

Obligation de divulgation des conflits d’intérêts

La LCSA tente également de réduire les conflits d’intérêts entre les administrateurs et les sociétés où ils siègent en exigeant de ceux-ci qu’ils divulguent de tels conflits à la société. Au titre de la LCSA, un administrateur qui divulgue un conflit d’intérêts doit s’abstenir de voter sur toute résolution visant à approuver le contrat ou l’opération donnant lieu au conflit d’intérêts, sous réserve de certaines exceptions. Par mesure de prudence, et pour se conformer aux exigences des lois de certaines provinces, ces administrateurs devraient également s’abstenir de participer à la partie d’une réunion au cours de laquelle ce contrat ou cette opération fait l’objet de discussions.

Recours en cas d’abus et actions obliques

Même si les administrateurs n’ont aucune obligation fiduciaire envers les parties intéressées, les actionnaires et parties autrement intéressées ont le droit, aux termes des lois canadiennes sur les sociétés, de demander réparation à une société ou à ses administrateurs en vertu du recours en cas d’abus. Ce droit accordé par la loi est à la disposition des plaignants lorsque les attentes raisonnables de ces derniers ont été trompées par un comportement constituant un cas d’abus, un comportement injuste leur portant préjudice ou un défaut de tenir compte de leurs intérêts. La Cour suprême du Canada a récemment reconnu que les administrateurs pouvaient être tenus personnellement responsables dans les recours en cas d’abus lorsque le comportement reproché leur est attribuable du fait de leur action ou de leur inaction.

En outre, les actionnaires peuvent intenter une action oblique pour le compte de la société si les administrateurs manquent à leur obligation fiduciaire envers la société ou participent à une opération qui privilégie leurs propres intérêts. Ces dispositions viennent restreindre les actions des administrateurs et contribuent à canaliser leur opportunisme.

Règle de l’appréciation commerciale

En vertu de la règle de l’appréciation commerciale, si un conseil d’administration agit de bonne foi et de façon éclairée, il jouit d’une marge de manœuvre considérable et est réputé avoir agi au mieux des intérêts de la société et de ses actionnaires. Bien que les tribunaux imposent un degré de diligence élevé, ils n’exigent pas la perfection. Les tribunaux feront preuve de retenue à l’égard de la décision d’un administrateur qui est raisonnable, à la lumière des circonstances dont il avait ou aurait dû avoir connaissance.

L’examen du tribunal se concentrera généralement sur la question de savoir si les administrateurs ont fait preuve d’un degré de prudence et de diligence adéquat au moment de prendre leur décision. Tant que la décision s’inscrit dans les limites du raisonnable, le tribunal ne substituera pas son opinion à celle du conseil d’administration, quels que soient les événements ayant pu se produire par la suite. La règle de l’appréciation commerciale rend compte du fait que les administrateurs sont souvent plus à même que les tribunaux de déterminer ce qui sert au mieux les intérêts de la société. Cette règle n’est toutefois pas un moyen de défense absolu; l’appréciation commerciale doit réellement être démontrée pour que les administrateurs puissent l’invoquer avec succès.

Limitation de la responsabilité

La LCSA prévoit que la société peut indemniser les administrateurs et les dirigeants à l’égard de toute responsabilité engagée dans l’exercice de leurs fonctions et souscrire une assurance couvrant la responsabilité qu’ils encourent pour avoir agi en qualité d’administrateurs ou de dirigeants. Pourvu qu’ils aient agi avec intégrité et de bonne foi au mieux des intérêts de la société, les administrateurs et les dirigeants ont en principe droit à cette indemnisation.

Sauf dans certaines circonstances précises, il n’existe aucune obligation légale de mettre sur pied un comité spécial. La création d’un tel comité permet toutefois de protéger les administrateurs contre d’éventuelles poursuites en garantissant un processus décisionnel du conseil libre de toute influence exercée par un administrateur qui aurait un intérêt conflictuel avec les intérêts de la société. La mise sur pied d’un comité spécial évitera les allégations d’actes répréhensibles à l’égard du conseil d’administration. De plus, lorsque celui-ci agit sur recommandation d’un comité spécial, sa décision devrait être respectée conformément à la règle de l’appréciation commerciale, tant que le comité spécial a agi de façon indépendante et de bonne foi.

Un administrateur peut aussi limiter sa responsabilité en faisant inscrire au procès-verbal sa dissidence à l’égard d’une décision ou, en dernier ressort, en démissionnant du conseil. La LCSA accorde aux administrateurs qui démissionnent le droit d’exposer, dans une déclaration écrite, les motifs de leur démission et la société, en retour, est tenue de transmettre cette déclaration aux actionnaires. Le fait pour un administrateur de démissionner ne le libère pas de la responsabilité encourue alors qu’il agissait à titre d’administrateur.

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