13. Protection de la propriété intellectuelle
La protection de la propriété intellectuelle relève principalement de la compétence fédérale et fait l’objet de quatre grandes lois fédérales, soit la Loi sur les brevets, la Loi sur les marques de commerce, la Loi sur le droit d’auteur et la Loi sur les dessins industriels.
L’Office de la propriété intellectuelle du Canada, qui fait partie d’Industrie Canada, applique ces lois. Toutefois, les questions comme l’utilisation non autorisée d’une marque de commerce (connue comme le droit de la commercialisation trompeuse) ou l’utilisation à mauvais escient d’un secret commercial relèvent de la compétence provinciale. Dans certains cas, les compétences fédérales et provinciales se chevauchent, comme dans le cas de la commercialisation trompeuse, qui est également visée par la Loi sur les marques de commerce.
Brevets
La Loi sur les brevets établit ce qu’on appelle un système du premier déposant; cela signifie qu’au Canada, la première personne qui dépose la demande de brevet aura droit à la protection de ce brevet.
Un brevet canadien confère à son titulaire le droit exclusif de fabriquer, d’utiliser et de vendre une invention au Canada, tel que la définit la revendication de brevet, pour une période de 20 ans à compter de la date de la demande. Un brevet est accordé seulement pour les inventions nouvelles, inventives et utiles et peut viser des dispositifs, des matières, des procédés et des usages. On ne peut pas obtenir la protection d’un brevet pour des principes scientifiques, des conceptions théoriques ou des idées ni pour des formes de vie supérieures, comme les animaux génétiquement modifiés.
Pour être considérée comme nouvelle, l’invention ne peut avoir été divulguée de manière à être publiquement accessible partout dans le monde. La seule exception à cette règle est la période de grâce d’un an suivant la divulgation publique de l’invention par son inventeur.
Pour que l’invention soit considérée comme inventive, les différences entre « l’état de la technique » et l’idée originale qui est revendiquée doivent comprendre des étapes nécessitant une certaine ingéniosité.
Enfin, pour être considérée comme utile, l’invention doit être fonctionnelle et opérationnelle. En d’autres termes, il faut que l’invention serve un objectif pratique.
Considérations internationales
Comme les États-Unis, le Canada a signé de nombreux accords internationaux relatifs aux brevets, notamment la Convention de Paris pour la protection de la propriété intellectuelle (« Convention de Paris ») et le Traité de coopération en matière de brevets (« TCB »). La Convention de Paris permet aux demandeurs d’utiliser la première date de dépôt dans l’un des États contractants comme date de dépôt applicable dans tout autre État contractant, dans la mesure où la demande est déposée dans un délai de 12 mois.
Par ailleurs, le TCB prévoit un mécanisme international de dépôt de brevets pour faciliter la protection des inventions dans chacun des États contractants.
Le Canada a également ratifié des accords internationaux avec 27 autres bureaux des brevets. Ce programme, connu sous le titre d’Autoroute du traitement des demandes de brevet (« ATDB »), permet à un demandeur d’accélérer considérablement le traitement de sa demande de brevet à condition qu’elle soit assortie d’une demande correspondante déposée auprès de l’un des partenaires de l’ATDB.
Il est important de souligner qu’une invention brevetée il y a plusieurs années aux États-Unis, par exemple, ne sera pas brevetable au Canada puisqu’elle ne sera pas considérée comme nouvelle. Par conséquent, le moment du dépôt d’une nouvelle demande de brevet est crucial pour les sociétés qui veulent faire des affaires à l’échelle internationale.
Enregistrement d’une marque de commerce au Canada
Une marque de commerce est un mot, un logo, un slogan, un nom, un son, un hologramme, une image en mouvement, ou la forme tridimensionnelle d’un produit, ou toute combinaison de ceux-ci, qu’un fabricant ou un commerçant adopte et utilise pour distinguer les biens et services qu’il offre de ceux des autres.
Enregistrement et questions connexes
Une marque de commerce est considérée comme enregistrée seulement si elle est inscrite au registre fédéral des marques de commerce; il n’existe aucun registre équivalent à l’échelon provincial. L’enregistrement confère au propriétaire de la marque de commerce le droit exclusif d’utiliser celle-ci partout au Canada à l’égard des biens et services pour lesquels elle est enregistrée et d’empêcher les autres d’utiliser des marques similaires au point de créer de la confusion.
L’enregistrement est valide pour une période de 10 ans et peut être renouvelé indéfiniment moyennant le versement des frais administratifs applicables. Il n’existe actuellement aucune exigence liée à l’usage de la marque de commerce pour pouvoir en demander le renouvellement.
L’enregistrement de la marque de commerce n’est pas forcément essentiel pour bénéficier d’une protection juridique (l’usage, la diffusion ou la promotion d’une marque de commerce dans une région donnée peut établir la propriété de la marque en common law pour cette région), mais il constitue toujours la méthode de protection privilégiée.
L’enregistrement a comme principal avantage la protection qu’il confère au propriétaire de la marque de commerce dans chaque province et territoire du Canada. La Loi sur les marques de commerce prévoit un système de registre destiné aux propriétaires de marques de commerce. Ce système est fondé sur le principe du premier utilisateur. Il faut cependant noter que cinq ans après l’émission de l’enregistrement, il devient impossible de contester cet enregistrement en invoquant des droits préalables en common law, sauf s’il est démontré que la demande d’enregistrement a été remplie malgré la connaissance de droits préalables.
Il n’existe pas d’exigence selon laquelle la marque de commerce doit être employée avant l’émission du certificat d’enregistrement.
L’enregistrement constitue également une preuve de propriété. Par conséquent, en cas de contestation de la propriété d’une marque de commerce, il incombe à la partie contestataire de démontrer la propriété, et non pas à la partie titulaire de l’enregistrement. L’enregistrement peut être annulé en totalité ou en partie par les instances administratives si la marque de commerce (l’ensemble des produits ou services visés par l’enregistrement) n’a pas été employée pendant trois ans, à moins de pouvoir démontrer l’existence de circonstances exceptionnelles expliquant le non-usage.
Considérations internationales
Le 17 juin 2019, le Canada a adhéré au Protocole de Madrid et des modifications ont été apportées à la Loi sur les marques de commerce. Le Protocole de Madrid offre aux propriétaires de marques de commerce la possibilité de produire une seule demande d’enregistrement international auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (« OMPI ») et de désigner par la suite les pays membres où la protection est demandée. Chaque pays membre applique ensuite ses propres lois pour déterminer si la marque de commerce peut être enregistrée ou non sur son territoire. Une demande d’enregistrement déposée en vertu du Protocole de Madrid ne fournit pas une protection internationale pour une marque, mais facilite son enregistrement dans plusieurs territoires.
Une partie étrangère peut enregistrer une marque de commerce au Canada sans nommer un tiers représentant canadien pour faciliter la correspondance avec le Bureau des marques de commerce.
En outre, le Canada fait partie de la Convention de Paris, laquelle permet à un demandeur d’utiliser la date de dépôt d’une demande d’enregistrement comme date de priorité pour déposer une demande d’enregistrement de marque de commerce dans d’autres pays ayant ratifié la Convention de Paris. Un demandeur peut utiliser la date de priorité au plus tard six mois après la date de dépôt de la demande initiale..
Droits d’auteur
Le droit d’auteur confère à l’auteur d’une œuvre littéraire, artistique, dramatique ou musicale un ensemble de droits, notamment le droit exclusif de produire et reproduire l’œuvre. Le droit d’auteur protège l’expression des idées, mais non pas les idées elles-mêmes.
Il peut servir à la protection de nombreux types d’œuvres, y compris les livres, la musique, les films et les logiciels.
Enregistrement et questions connexes
Au Canada, l’enregistrement du droit d’auteur est permis, mais non obligatoire. La législation en matière de droits d’auteur établit une présomption réfutable selon laquelle le droit d’auteur se rattache à l’œuvre du créateur et appartient au propriétaire inscrit (comme la législation en matière de marques de commerce mentionnée précédemment).
Le Canada est signataire de la Convention de Berne, de sorte que la protection du droit d’auteur au Canada s’applique, par exemple, aux œuvres de citoyens américains ou aux œuvres publiées initialement aux États-Unis.
Généralement, le droit d’auteur au Canada est conservé pendant la vie de l’auteur, plus 50 ans.
Auteur et titulaire
Il est important d’établir une distinction entre l’auteur et le titulaire. Selon la Loi sur le droit d’auteur, l’auteur d’une œuvre en est, en principe, le premier titulaire du droit d’auteur sur cette œuvre. Dans le cas d’une œuvre créée par un employé dans le cadre de son emploi, le premier titulaire du droit d’auteur sur cette œuvre est toutefois l’employeur, à moins d’une entente contraire à cet effet. Néanmoins, une relation de sous-traitance (à différencier de la relation d’emploi) peut rendre incertaine la propriété d’une œuvre. Plus particulièrement, la personne qui fait appel à un entrepreneur indépendant pourrait ne pas posséder les droits d’auteur du travail accompli en l’absence d’un document de cession par écrit et signé par l’auteur ou son représentant.
Lorsque l’auteur est le premier titulaire du droit d’auteur, d’importantes conséquences sur la propriété du droit d’auteur à long terme sont à prévoir, et ce, même si l’auteur a signé une cession de droits, puisque son droit d’auteur sera automatiquement transféré à ses successeurs ou héritiers 25 ans après sa mort.
Consultez la rubrique intitulée Cessions et licences (ci-dessous) pour en savoir davantage à ce sujet.
Dessins industriels
Un dessin industriel est composé de la configuration, du motif ou des éléments décoratifs d’un objet, ou d’une combinaison de ceux-ci. Les caractéristiques visuelles et l’originalité constituent l’essence d’un dessin industriel.
Enregistrement et questions connexes
Contrairement à d’autres formes de propriété intellectuelle comme les marques de commerce et le droit d’auteur, les dessins industriels doivent être enregistrés pour bénéficier de la protection de la loi et des droits exclusifs à leur égard.
On peut déposer en tout temps une demande d’enregistrement d’un dessin industriel dans la mesure où le dessin n’a pas été rendu public de quelque manière que ce soit. Le cas échéant, la demande doit être déposée dans les 12 mois suivant la publication.
La protection du dessin industriel confère au propriétaire inscrit le droit exclusif de fabriquer, d’importer, d’offrir en vente, de vendre ou de louer un article à l’égard duquel le dessin a été appliqué.
La Loi sur les dessins industriels confère au demandeur le droit à l’usage exclusif pendant 10 ans à compter de la date d’enregistrement, ou pendant 15 ans à compter de la date de la demande, selon la date la plus éloignée, et ce droit est assujetti à des droits de maintien. Pour obtenir l’enregistrement d’un dessin industriel, il doit y avoir une configuration, un motif ou des éléments décoratifs originaux appliqués à un article fabriqué et ne constituant pas une fonction utilitaire de cet article..
Autres considérations
Cessions et licences
Les parties qui désirent faire des affaires au Canada établissent fréquemment un partenariat avec une entreprise canadienne en vue de se présenter au marché canadien. Souvent, ce genre d’ententes nécessite que la partie canadienne utilise la propriété intellectuelle de la partie étrangère. Cette utilisation peut être autorisée au moyen d’une licence d’utilisation de la propriété intellectuelle de la partie étrangère.
De plus, la propriété intellectuelle peut être vendue ou cédée. Lorsqu’un transfert de propriété est nécessaire, le cédant cède la propriété intellectuelle, par écrit et en échange d’une contrepartie valable, au cessionnaire, qui en devient le nouveau titulaire. Dans de telles situations, il faut en informer l’Office de la propriété intellectuelle du Canada pour que les renseignements relatifs à l’enregistrement soient mis à jour et pour éviter tout éventuel litige de propriété après la cession.
Protection de votre propriété intellectuelle
Tout comme le propriétaire d’un immeuble embauche un gardien de sécurité pour protéger son investissement, le propriétaire de la propriété intellectuelle doit toujours être à l’affût d’atteintes potentielles.
Lorsque les actifs en propriété intellectuelle d’une partie deviennent trop importants ou trop complexes, il est indiqué de retenir les services d’un agent au Canada qui exercera les fonctions de surveillance nécessaires de la propriété intellectuelle.
Cet investissement modeste permettra, à terme, d’économiser beaucoup de temps et d’argent.
Respect de vos droits de propriété intellectuelle
Les licenciés et titulaires de droits de propriété intellectuelle peuvent intenter des procédures judiciaires pour faire valoir leurs droits devant les tribunaux canadiens, notamment par le biais d’actions en contrefaçon (brevets, marques de commerce, droits d’auteur), d’actions en invalidation (brevets) et d’actions en application de régimes réglementaires particuliers, comme le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Au Canada, il n’existe pas de tribunal spécialisé en propriété intellectuelle, mais la Cour fédérale a développé une expertise dans ce domaine. Les cours provinciales ont compétence concurrente sauf pour ce qui est des jugements déclaratoires in rem, qui sont de la compétence exclusive de la Cour fédérale. Les actions en propriété intellectuelle comportent généralement cinq étapes principales : a) les actes de procédure, b) la communication de documents, c) les interrogatoires préalables, c) les rapports d’expertise, et e) le procès. Une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire peut aussi être déposée dans certaines circonstances. Les recours en cas de violation des droits de propriété intellectuelle sont prescrits par les lois fédérales et la common law et comprennent la réclamation de dommages-intérêts (brevets, marques de commerce, droits d’auteur), le recouvrement des profits (brevets), la destruction des produits contrefaits (brevets, marques de commerce), l’injonction (brevets, marque de commerce, droits d’auteur) et les dépens. Les jugements définitifs peuvent faire l’objet d’un appel de plein droit devant les cours d’appel provinciales ou fédérales. Une affaire peut ensuite être entendue par la Cour suprême, avec autorisation, dans les cas d’importance nationale.
Secrets commerciaux
Un secret commercial est un renseignement confidentiel ayant une importante valeur commerciale qui est uniquement conservée si le renseignement demeure secret. Il s’agit d’un sous-ensemble de renseignements confidentiels de nature très précise, généralement considérés comme ayant un aspect industriel ou technique. La protection juridique offerte dans le cas des secrets commerciaux se distingue des cadres traditionnels de la propriété intellectuelle, comme les droits d’auteur, les brevets et les marques de commerce, car elle favorise l’activité économique en permettant aux gens d’exploiter leurs idées et renseignements en toute confidentialité. De plus, contrairement aux cadres juridiques traditionnels, il n’existe pas de régime législatif uniforme qui encadre les secrets commerciaux. La protection des secrets commerciaux est plutôt assurée à l’aide d’un mélange de protections fondées sur la loi, la common law et l’equity. Voici quelques-unes des causes d’actions civiles reconnues qui protègent le secret commercial :
- la rupture de contrat;
- l’abus de confiance;
- le manquement à une obligation fiduciaire;
- l’enrichissement injustifié;
- l’entrave aux relations contractuelles.
Certaines lois prévoient également une protection en matière de secrets commerciaux, comme le Code criminel ou le Code civil du Québec.