15. Franchisage
Le franchisage est un modèle d’affaires dans le cadre duquel un franchiseur accorde à un franchisé une licence qui permet à ce dernier d’utiliser les systèmes et les méthodes de travail du franchiseur dans l’exploitation d’un établissement généralement associé à la marque de commerce du franchiseur. Le franchiseur fournit également au franchisé un savoir-faire et une expertise, ainsi qu’un soutien continu, en échange d’une rémunération, normalement sous forme de redevances continues.
Structures Communes de Franchisage
Au Canada, il existe trois structures communes de franchisage :
- Les franchises exclusives
- Les franchises de développement régional
- Les franchises-maîtres
Au cours des dernières années, le cabinet a mis en place une nouvelle structure de franchisage pour ses clients selon laquelle un franchiseur pourrait proposer d’être coactionnaire participant (à 50 %) de l’entreprise du franchisé.
Ce concept offre de nombreux avantages, notamment : a) l’investissement total déboursé par le franchisé est bien moins élevé, ce qui augmente le bassin potentiel de bons gestionnaires et de franchisés pouvant se permettre d’investir; b) le franchiseur peut obtenir 50 % des profits engrangés par l’exploitation de la franchise; c) le franchiseur peut compter sur un gestionnaire de franchise fiable; d) le franchiseur a accès à toutes les statistiques et à toutes les données du franchisé; e) le franchiseur n’a pas à s’occuper des opérations quotidiennes; f) la franchise profite quand même d’un taux d’imposition inférieur, puisqu’elle n’est pas considérée comme étant sous le contrôle du franchiseur; et g) cette option est intéressante lorsque le franchiseur hésite entre un magasin d’entreprise en propriété exclusive ou une franchise typique, qui appartient exclusivement au franchisé.
Franchises exclusives
Une franchise exclusive, par laquelle le franchiseur octroie une licence et un droit d’exploitation de la franchise directement à un seul franchisé pour un emplacement unique, constitue une approche courante au Canada. Les franchisés peuvent acquérir plusieurs franchises exclusives, mais il est moins courant au Canada d’avoir des personnes agissant à titre de franchisés
multiples comme cela est le cas ailleurs, entre autres aux États-Unis.
Franchises de développement régional
Dans le cadre d’une convention de franchise de développement régional, le franchisé obtient le droit (et l’obligation) de mettre sur pied un certain nombre de franchises dans un territoire géographique donné. Ce modèle de franchisage peut être avantageux pour un franchiseur qui veut une expansion rapide, mais qui souhaite maintenir une relation directe avec le franchisé. L’un des avantages supplémentaires est la réduction du nombre de franchisés avec lesquels le franchiseur doit travailler. De plus, les développeurs régionaux doivent avoir accès à des capitaux suffisants et sont généralement plus expérimentés que les franchisés individuels. D’ordinaire, une convention de développement régional contient un calendrier d’expansion qui établit le nombre de franchises que le franchisé régional doit mettre sur pied et le temps nécessaire pour y parvenir. Les recours du franchiseur si le franchisé ne remplit pas ses obligations d’expansion peuvent inclure la perte des droits de créer d’autres franchises ou la perte d’exclusivité de marché pour le franchisé.
Franchises-maîtres
Dans le cadre d’une convention de franchise-maître, le franchisé-maître acquiert généralement les droits du franchiseur dans un territoire dont il a l’exclusivité (comme c’est le cas dans les conventions de développement régional). Il obtient également le droit
d’accorder des sous-franchises. Il incombe ensuite au franchisé-maître de rechercher des franchisés potentiels et de jouer essentiellement le rôle du franchiseur. Le franchisé-maître conserve habituellement une partie des redevances payées par les sous-franchisés. Par conséquent, le franchiseur reçoit des redevances inférieures à celles qu’il aurait reçues selon un modèle de franchise conventionnel.
Le modèle de franchise-maître est souvent employé par des franchiseurs étrangers souhaitant conquérir de nouveaux marchés, puisque cette structure permet de réduire l’investissement général du franchiseur ainsi que le degré de supervision qu’il devrait exercer s’il employait un modèle de franchise exclusive. Le modèle de franchise-maître est celui dont le degré de risques est le plus élevé pour la marque du franchiseur, car celui-ci s’appuie sur le franchisé-maître pour desservir les sous-franchisés et maintenir un contrôle de la qualité. La convention de franchise-maître peut inclure des dispositions relatives à une cession
potentielle des droits du franchisé-maître sur les franchises exclusives au profit du franchiseur ou d’un autre franchisé-maître en cas de défaut ou de manquement aux obligations du franchisé-maître. D’ordinaire, une convention de franchisé-maître contient un échéancier de mise sur pied (comme c’est le cas dans les conventions de développement régional) ainsi que
des recours similaires pour le franchiseur, si le franchisé ne remplit pas ses obligations.
Lois provinciales
Au Canada, le franchisage est de compétence provinciale. Il n’existe aucun équivalent fédéral à la Franchise Rule (Règle sur les franchises) de la United States Federal Trade Commission. Six provinces – soit l’Alberta, l’Ontario, l’Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick, le Manitoba et la Colombie-Britannique – ont adopté leurs propres lois régissant les franchises.
Bien qu’il existe des différences dans la législation en matière franchisage dans ces six provinces, les lois adoptées ont entre elles un haut niveau de cohérence. Elles sont généralement perçues comme des « lois en matière de divulgation », plutôt que des « lois en matière de relations », comme c’est le cas dans d’autres autres territoires. Néanmoins, la législation provinciale contient certains éléments liants.
Par exemple, la loi impose aux parties une obligation de traitement équitable dans l’exécution et la mise en application de la convention de franchise. L’obligation de traitement équitable inclut, dans la plupart des provinces, l’obligation d’agir de bonne foi et dans le respect des normes commerciales raisonnables. Par ailleurs, il est interdit aux franchiseurs d’inclure des clauses qui restreignent le droit du franchisé de s’associer à d’autres franchisés et de former une organisation de franchisés ou de se joindre à l’une d’elles. Les tribunaux peuvent annuler toute disposition d’une convention de franchise qui vise à restreindre l’application de la législation provinciale ou qui restreint le territoire ou le lieu à un tribunal à l’extérieur de la province. Toute renonciation présumée du franchisé aux droits accordés par la loi ou toute libération de ces droits quant à une obligation imposée à un franchiseur en vertu de toute loi sur le franchisage est nulle.
De façon générale, la législation en matière de franchise s’applique aux franchisés qui exercent leurs activités en tout ou en partie dans un territoire donné. L’Alberta restreint l’application de la législation aux franchisés qui résident dans cette province ou qui ont un établissement permanent en Alberta.
La définition de « franchise » dans chacune des lois provinciales sur le franchisage détermine si l’entreprise est une franchise. Toutefois, la définition de « franchise » est très similaire d’une province à l’autre. Les lois provinciales représentent bien la relation d’affaires essentielle entre un franchiseur et un franchisé, ainsi que tous les droits et devoirs qui découlent de leur accord. Ces droits comprennent notamment le droit du franchisé de vendre des produits et services qui sont sensiblement associés avec la marque de commerce et au logo du franchiseur, tout comme le devoir du franchisé de payer régulièrement des redevances au franchiseur. La structure de franchisage n’a aucune importance aux yeux de la loi; si elle correspond à la définition de franchise en vertu de la législation provinciale, elle sera considérée comme une franchise. Toute disposition qui prévoit que les parties n’ont pas l’intention que leur relation soit définie comme du franchisage n’a donc aucune portée. Les parties ne peuvent pas non plus se dégager contractuellement des dispositions prévues par les lois sur le franchisage.
La législation sur le franchisage dans chaque province exige la soumission d’un document d’information au franchisé potentiel au moins 14 jours avant la signature de toute convention de franchise ou le paiement de toute somme au franchiseur ou à une personne ayant un lien avec ce dernier. La législation canadienne sur le franchisage se distingue d’abord en raison du nombre considérable d’éléments qui doivent être énumérés dans le document d’information pour se conformer à cette législation, mais également parce que chaque document d’information doit divulguer tous les « faits importants ». Les faits importants comprennent, entre autres, tout renseignement sur les activités commerciales de l’entreprise, son exploitation, son capital, ou son contrôle par le franchiseur ou par une personne ayant un lien avec ce dernier, ou tout renseignement lié au franchisage et qui est raisonnablement susceptible d’avoir une incidence importante sur la décision du franchisé potentiel d’acquérir la franchise, ou qui pourrait avoir une incidence importante sur la valeur ou le prix de la franchise. La jurisprudence a établi que le document d’information doit être personnalisé à la franchise que le franchisé potentiel souhaite acquérir. Par exemple, s’il y a un bail associé à l’emplacement de la franchise, il doit être inclus dans le document d’information. Si un « changement important » se produit pendant la période qui suit l’émission du document d’information et la signature de la convention de franchise ou du paiement de toute somme d’argent par le franchisé potentiel, le franchiseur doit lui faire parvenir une déclaration de changement important. Un changement important est : a) tout changement lié aux activités commerciales de l’entreprise, à son exploitation, à son capital, ou à son contrôle par le franchiseur ou par une personne ayant un lien avec ce dernier, ou b) un changement (ou un
changement prescrit) du système de franchise qui serait raisonnablement susceptible d’avoir un effet défavorable important sur la valeur ou le prix de la franchise à vendre, ou sur la décision du franchisé à acquérir la franchise.
Cette définition comprend également la décision de réaliser un tel changement, que cette décision soit prise par le conseil d’administration du franchiseur ou d’un associé du franchiseur, ou par la haute direction du franchiseur ou d’un associé du franchiseur qui croit qu’il est probable que le conseil confirme cette décision. L’obligation de divulgation du franchiseur se termine lors de la signature de la convention de franchise. Toutefois, le renouvellement d’une convention de franchise, son transfert, ou l’offre d’un emplacement supplémentaire peuvent réactiver le maintien en vigueur des exigences en matière de divulgation.
Le franchiseur doit fournir ses états financiers avec les documents d’information, sauf s’il est admissible à une dispense. Les états financiers doivent être audités ou préparés conformément à des principes comptables généralement reconnus qui sont au moins équivalents aux normes de présentation et de contrôle existantes pour un rapport de mission d’examen, tel qu’énoncé dans le manuel de l’Institut canadien des comptables agréés. Il est important de reconnaître que les états financiers consolidés de la société mère du franchiseur ne suffisent pas. Si le franchiseur exerce ses activités depuis moins d’un an, le document d’information doit seulement contenir le bilan d’ouverture du franchiseur. Dans certains cas, il est possible d’être dispensé de l’obligation de fournir des renseignements relatifs à la franchise prévue par les lois sur le franchisage de plusieurs provinces, mais certaines de ces dispenses sont généralement ambiguës et il est difficile de s’y fier.
Les conséquences d’une non-divulgation des renseignements ou d’une divulgation tardive ou incomplète sont graves et comprennent le droit d’intenter une action en nullité. Si aucun document d’information n’est fourni, le droit d’intenter une action en nullité est valide pour deux ans après la signature de la convention de franchise. Si le document d’information est
donné tardivement ou s’il est incomplet, le droit d’intenter une action en nullité est valide pour une période de 60 jours après réception du document d’information.
Un certain nombre de décisions judiciaires ont établi que lorsqu’il y a des manquements importants à l’obligation de divulgation, celle-ci est considérée comme n’ayant jamais été offerte, ce qui peut entraîner le droit d’intenter une action en nullité dans les deux ans qui suivent la convention. Si le franchisé présente des arguments probants et obtient l’annulation de la convention, le franchiseur a l’obligation : a) de rembourser au franchisé toute somme reçue de lui ou en son nom; b) d’acheter du franchisé ses stocks restants à un prix égal au prix payé lors de l’achat initial fait par le franchisé; c) d’acheter du franchisé toute fourniture
et tout équipement que le franchisé a acheté en vertu de la convention de franchise à un prix égal au prix payé lors de l’achat initial fait par le franchisé; et d) d’indemniser le franchisé à l’égard de toutes pertes que le franchisé a subies lors de l’acquisition, de l’aménagement ou de l’exploitation de la franchise, moins les montants établis dans les paragraphes a) à c). De plus, le franchisé a le droit de conserver tous les profits tirés de l’exploitation de la franchise. Le fait que le franchisé ait fait des profits ne libère pas le franchiseur de ses obligations.
Un franchiseur peut être tenu responsable envers un franchisé pour toutes pertes subies par ce dernier si elles sont attribuables à tout renseignement erroné ou trompeur contenu dans tout document d’information et à tout défaut de la part du franchiseur de divulguer adéquatement ces renseignements. Les administrateurs et les dirigeants qui signent le document d’information peuvent également être tenus personnellement responsables des pertes susmentionnées.
Québec
Au Québec, il n’existe pas de loi précise sur le franchisage, mais les dispositions portant sur les franchises se trouvent dans le texte législatif général du Québec, c’est-à-dire le Code civil. Ces dispositions imposent aux parties une obligation de bonne foi (qui ressemble à l’obligation d’équité) à toutes les étapes de la convention de franchise. Entre autres, elles
imposent à chacune des parties, lors de l’étape précontractuelle, la divulgation de tous renseignements qui pourraient être importants lors du processus décisionnel de l’autre partie avant de conclure la convention de franchise.
La notion de contrat d’adhésion est également importante. Ces contrats sont imposés par une partie à une autre (c’est-à-dire un contrat dans lequel les stipulations essentielles ont été imposées ou rédigées par l’une des parties – habituellement le franchiseur – et ne sont pas négociables).
En vertu des lois québécoises, la majorité des contrats de franchise sont considérés comme des contrats d’adhésion. La principale conséquence juridique de cette décision est que lorsqu’un contrat est considéré comme un contrat d’adhésion, certaines clauses ou certains paragraphes peuvent être annulés par un tribunal, ou les obligations inhérentes à ces clauses
peuvent être réduites par un tribunal civil si les obligations ou ces paragraphes sont jugés « abusifs ». Même si le Québec ne possède aucune loi régissant le secteur de la franchise, de plus en plus de tribunaux condamnent les franchiseurs à payer des dommages-intérêts lorsqu’ils posent des gestes allant à l’encontre de leurs « obligations implicites ». Ces obligations découlent de l’article 1434 du Code civil du Québec.
Il est intéressant de noter que le franchisage est extrêmement populaire au Québec. En effet, le Québec est l’une des provinces du Canada dans laquelle on compte le plus grand nombre de franchisés. L’étude conjointe réalisée et publiée en décembre 2018 par Raymond Chabot Grant Thornton pour le compte du Conseil québécois de la franchise (le « CQF »), en collaboration avec le ministère de l’Économie et de l’Innovation, Fasken et la Banque Nationale, révèle que le secteur de la franchise représente un chiffre d’affaires de près de 60 milliards de dollars par année, près de 10 % du total des emplois occupés au Québec, soit plus de 405 000 postes directs ou indirects, et un taux de croissance annuelle net de 6 % du nombre de franchiseurs enregistrés entre 2013 et 2016, avec près de 450 franchiseurs actifs. Le secteur de la franchise au Québec est donc un moteur économique puissant ainsi qu’un facteur clé de développement dans toutes les régions et dans des secteurs commerciaux très diversifiés.
Facteurs à prendre en considération par les franchiseurs étrangers
Fiscalité
Les droits d’entrée et les redevances de franchise payés par les franchisés canadiens à des franchiseurs étrangers peuvent être assujettis à la retenue d’impôt à la source au Canada.
En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »), les versements de redevances sont assujettis à une retenue d’impôt à la source de 25 %. De plus, les franchiseurs américains peuvent ensuite solliciter auprès de l’Internal Revenue Service (IRS) un crédit pour impôt étranger équivalent au montant versé au Canada.
Il incombe au franchisé de retenir à la source le montant approprié, ce qui se traduit par un revenu initial inférieur pour le franchiseur. Même s’il pourrait être tentant pour les franchiseurs de simplement augmenter les redevances, les franchisés résisteront naturellement à toute nouvelle augmentation des coûts. Par ailleurs, les parties devraient prendre soin de préciser
dans leur contrat la qualification des paiements attribuables à d’autres postes que les redevances afférentes au droit d’utiliser la propriété intellectuelle du franchiseur, car cela pourrait réduire considérablement la retenue d’impôt à la source.
Pour de plus amples renseignements généraux sur la fiscalité au Canada, consultez le chapitre 7.