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Résolution de conflits

Fasken
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17. Résolution de conflits

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Considérations générales

Des conflits peuvent surgir à tout moment. Souvent, ils opposent des parties cocontractantes, ou encore un employeur et ses employés, une entreprise et son client, ou les actionnaires assujettis à une convention unanime des actionnaires.

Des conflits peuvent également survenir entre une entreprise et le gouvernement, particulièrement dans les secteurs fortement réglementés. Toutefois, la plupart des décisions gouvernementales au Canada sont susceptibles de révision et peuvent faire l’objet d’un examen par les tribunaux. De la même manière, une entreprise peut intenter une poursuite en responsabilité délictuelle et en responsabilité contractuelle pour réclamer des dommages-intérêts au gouvernement.

Souvent, les mécanismes et les processus de résolution de conflits ne sont pas envisagés avant que ces derniers ne surviennent. Lorsque l’on fait affaire au Canada, il est toujours plus judicieux d’établir une méthode de résolution de conflits rationnelle au moment de la négociation de tout arrangement ou accord commercial formel.

En cas de désaccord, les deux principaux moyens pour résoudre les conflits sont :

  • le recours aux tribunaux;
  • la résolution extrajudiciaire des conflits : la médiation et l’arbitrage.

Recours aux tribunaux

Choix des lois applicables et du tribunal

Au Canada, les parties peuvent choisir les lois qui régiront leur entente en prévoyant une clause de « compétence législative ». Toutefois, cette clause a certaines limites, comme les dispositions d’ordre public, auxquelles il est impossible de déroger par contrat. Les parties peuvent également inclure dans leur contrat une clause de « choix du tribunal » qui prévoit que tout conflit sera réglé dans un territoire donné ou devant un tribunal donné.

En principe, les tribunaux canadiens appliquent de telles clauses, sauf si la validité du contrat en tant que tel est remise en question, si une interdiction légale s’applique ou si de très bonnes raisons d’intérêt public en justifient la dérogation.

Si les parties n’ont pas prévu de clause de « choix du tribunal », les tribunaux canadiens peuvent refuser d’exercer leur compétence dans le litige en cause s’il existe un tribunal plus apte à l’instruire.

Les tribunaux canadiens sont de plus en plus ouverts à ce que différentes étapes du processus judiciaire, y compris les interrogatoires, les audiences et même les procès, aient lieu de façon virtuelle au moyen d’un logiciel de vidéoconférence. Par conséquent, bien que le litige soit tranché au Canada, les témoins et les autres participants pourraient ne pas avoir à se présenter en personne. Même si ces changements ont été accélérés par les difficultés occasionnées par la pandémie de COVID-19, on s’attend à ce qu’ils fassent partie de la nouvelle normalité.

Traitement des conflits en matière commerciale

Plusieurs régions canadiennes ont pris des mesures récemment pour réformer et accélérer le processus de résolution de conflits, en particulier en matière commerciale. Par exemple, dans certaines villes de l’Ontario, les parties à un conflit se voient offrir la possibilité de suivre un processus de « gestion des causes ». Ainsi, un juge désigné peut être nommé par les parties et un échéancier rigoureux doit être respecté pour que les affaires soient portées rapidement devant les tribunaux.

À Toronto, les parties à un conflit commercial peuvent choisir de s’adresser à une division spécialisée de la Cour supérieure connue sous le nom de « rôle commercial ». Si cela est envisageable, il s’agit de la voie généralement privilégiée, car les causes y sont examinées par un juge spécialisé en litiges commerciaux et le traitement des dossiers est souvent plus rapide.

En Colombie-Britannique, les parties peuvent également faire appel à un processus de « gestion des causes » pour obtenir des ordonnances faisant respecter des échéanciers stricts dans le cadre du litige. À la demande de l’une des parties, le tribunal peut, dans certaines circonstances, affecter rapidement au juge de première instance la surveillance des questions préalables au procès.

Au Québec, en vertu d’une loi entrée en vigueur le 1er janvier 2016, les parties à un litige éventuel ont l’obligation de considérer d’autres méthodes de résolution de conflits avant de présenter une réclamation au civil. La loi encourage également les avocats plaidants à présenter des contestations orales plutôt que par écrit, ce qui réduit considérablement les honoraires et les coûts.

La plupart des provinces ont prévu des dispositions visant à simplifier les procédures de réclamation civile, à condition que la valeur demeure dans les limites du montant prévu par la loi et que la réclamation se rapporte à des différends concernant un montant d’argent et/ou des biens. Par exemple, en Ontario, la règle sur la procédure simplifiée s’applique lorsque le montant de la réclamation se situe entre 35 000 $ et 200 000 $. Les réclamations de 35 000 $ et moins sont traitées par la Cour des petites créances. Il en va de même au Québec, où les réclamations portant sur des montants entre 15 000 $ et 84 999,99 $ sont traitées par la Chambre civile de la Cour du Québec. Les réclamations de moins de 15 000 $ relèvent de la compétence de la Division des petites créances de la province. Les actions collectives ne sont pas soumises aux règles de procédure simplifiée. La Colombie-Britannique dispose d’un certain nombre de règles pour traiter rapidement certaines causes, notamment pour les différends dont le montant en cause est inférieur à 100 000 $. La Colombie-Britannique a également une cour des petites créances où le montant en litige est inférieur à 35 000 $ ainsi qu’un tribunal de règlement civil pour certains types de réclamations, y compris les différends impliquant des organisations à but non lucratif et des associations coopératives, les différends visant les copropriétés et les réclamations inférieures à 5 000 $.

La plupart des provinces ont également en place des dispositions pour l’obtention d’un jugement sommaire et/ou la tenue d’une procédure de procès sommaire, ce qui permet de définitivement trancher une question ou de régler une procédure avant le procès. La Cour suprême du Canada a fait valoir que les règles régissant les jugements sommaires doivent recevoir une interprétation large et propice à la proportionnalité et à l’accès équitable à un règlement abordable, expéditif et juste des demandes.

Obligations en matière de communication de documents

Dans la plupart des provinces canadiennes (à quelques exceptions près), la portée des obligations en matière de communication de documents est comparable à celle ayant cours aux États-Unis. En règle générale, les parties à un litige civil doivent, après l’échange des actes de procédure, divulguer l’existence de tous les documents pertinents au litige, que ces documents soient favorables ou non à leur cause. En revanche, au Québec, les parties doivent uniquement communiquer les documents sur lesquels ils ont l’intention de se fonder lors du procès ou qui ont été expressément demandés par l’autre partie. Les règles de la Colombie-Britannique prévoient que seuls les documents se rapportant à des « faits importants » doivent être présentés, mais elles permettent également à une partie de demander la présentation de documents en vertu de la norme de pertinence élargie.

Les parties doivent également partager le contenu des documents pertinents qui ne sont pas protégés. Tout conflit sur l’invocation d’un privilège est tranché par un juge. Le terme « document » désigne de façon générale les communications papier et électroniques, les vidéos, les enregistrements sonores et les autres sources d’information.

Après la période de communication préalable des documents, les parties ont la possibilité d’interroger une partie adverse (dans le cas d’un particulier) ou un représentant d’une partie adverse (dans le cas d’une société ou d’une organisation). C’est ce que l’on appelle communément l’« interrogatoire préalable ». Il est important de souligner que, dans la plupart des provinces, chaque partie ne peut interroger qu’un seul représentant d’une partie adverse (même s’il s’agit d’une grande société), sous réserve de certaines exceptions exigeant l’autorisation du tribunal.

Dommages-intérêts

Le montant des dommages-intérêts accordés tend à être moins élevé au Canada qu’aux États-Unis, en particulier en matière de responsabilité délictuelle (ce que l’on appelle au Québec la « responsabilité extracontractuelle »). Cette situation s’explique en partie par le fait qu’il y a peu de procès devant jury dans les causes civiles au Canada. La Cour suprême du Canada a de plus imposé un plafond au montant susceptible d’être accordé à titre de réparation pour des dommages non pécuniaires généraux (c.-à-d. en compensation de la douleur et des souffrances) dans des cas de négligence, qui est rajusté chaque année selon l’inflation. Qui plus est, l’octroi de dommages-intérêts punitifs est relativement rare et les montants accordés à ce titre sont généralement très modestes (de l’ordre de quelques dizaines de milliers de dollars, selon les circonstances). Au Québec, les dommages-intérêts punitifs sont encore plus modiques et extrêmement rares.

Dépens

Aux États-Unis, chacune des parties à un conflit paie généralement ses dépens. En revanche, la règle générale dans les tribunaux canadiens est que la partie déboutée doit rembourser une partie des frais liés au litige à la partie ayant obtenu gain de cause.

La fraction des dépens que la partie déboutée peut être tenue de payer dépend de sa conduite tout au long de la procédure. Par exemple, elle pourrait être plus élevée si cette partie a fait des allégations non fondées de fraude ou a rejeté une offre de règlement faite par la partie adverse avant le début du procès, plus particulièrement si l’offre était comparable ou supérieure au montant obtenu à la suite du procès.

Au Québec, la partie qui a gain de cause peut demander le remboursement des frais judiciaires, mais, à moins qu’il n’y ait eu abus lors des procédures judiciaires, il est possible qu’elle n’obtienne pas le remboursement des honoraires d’avocats.

Actions collectives

La Cour fédérale du Canada et toutes les provinces canadiennes (à l’exception de l’Île-du-Prince-Édouard et des trois territoires) autorisent les actions collectives. Dans toutes ces régions, l’action collective doit être « certifiée » (« autorisée » au Québec) par le tribunal pour que la cause soit instruite à ce titre. L’autorisation d’une action collective est en général plus facile à obtenir au Canada qu’aux États-Unis, bien que des modifications récentes à la loi de l’Ontario aient relevé la barre dans cette province. Le nombre de demandes a augmenté en Colombie-Britannique, qui impose un critère moins exigeant pour les demandeurs et dispose d’un régime sans frais.

Il n’existe pas d’équivalent canadien au processus de litige multidistrict des États-Unis. Par conséquent, il est possible qu’une société fasse l’objet d’actions collectives dans plusieurs provinces. Jusqu’à tout récemment, les défendeurs avaient peu d’options pour composer avec les coûts et les inefficacités des actions collectives redondantes visant à obtenir une réparation identique ou similaire dans différentes provinces. Cependant, l’Ontario, la Colombie-Britannique, l’Alberta et la Saskatchewan ont maintenant adopté des dispositions législatives pour donner ces outils aux tribunaux. Ces lois exigent que les tribunaux tiennent compte de l’existence d’actions collectives multiterritoriales qui se chevauchent et évaluent s’il serait préférable que certaines ou toutes les réclamations soient résolues dans un autre territoire.

Règlement extrajudiciaire des différends : médiation et arbitrage

La résolution extrajudiciaire de conflits peut prendre de nombreuses formes, mais la médiation et l’arbitrage sont les plus courantes.

Médiation

La médiation fait intervenir une tierce partie neutre, le médiateur, qui aide les parties à régler leur conflit. La médiation est un processus plus amical et coopératif que les autres formes de résolution de conflits qui sont fondées sur un modèle accusatoire. De plus, la médiation est en général axée sur la recherche de solutions pratiques, plutôt que purement juridiques, à un conflit donné.

Les médiateurs ne se prononcent pas sur l’affaire et n’imposent pas de règlements. La réussite de la médiation dépend de l’engagement et de la bonne foi des parties en cause. À la fin d’une médiation réussie, les parties concluent généralement une entente pour la résolution du conflit.

Certains tribunaux canadiens imposent aux parties de participer à une séance de médiation dans le cadre de la procédure préalable au procès, une exigence de plus en plus courante compte tenu du nombre toujours plus élevé d’affaires portées devant les tribunaux.

Sur demande, les tribunaux du Québec peuvent fournir aux parties à un litige un service de médiation assistée par un juge.

Arbitrage

L’arbitrage peut être un moyen très efficace de régler les conflits commerciaux entre deux parties. Il s’agit d’un processus plus formel que la médiation, car les arbitres examinent la preuve et les arguments juridiques présentés par les conseillers juridiques des parties. À la différence du processus de médiation, la procédure d’arbitrage est juridiquement contraignante et les sentences arbitrales ont force obligatoire.

L’arbitrage est généralement de nature confidentielle. La confidentialité est exigée dans la plupart des territoires, à moins que les parties n’en conviennent autrement. Dans certaines provinces et certains territoires, les seuls intervenants liés par une obligation de confidentialité dans un arbitrage sont les arbitres. Les parties à un conflit qui souhaitent que l’arbitrage soit confidentiel doivent signer une entente de confidentialité à cet effet dès le départ. Dans tous les cas, l’arbitrage est une procédure privée qui a lieu hors de la place publique, car elle ne se déroule pas devant les tribunaux.

L’arbitrage peut être plus rapide et moins coûteux qu’une procédure de litige, selon la nature du différend et le processus convenu par les parties. L’arbitrage offre notamment les avantages suivants :

  • la capacité de choisir l’arbitre, y compris de choisir un expert du secteur comme arbitre;
  • une plus grande flexibilité et un meilleur contrôle du processus (y compris sur les délais);
  • des procédures privées;
  • le potentiel de confidentialité;
  • une finalité renforcée (généralement avec des droits d’appel limités);
  • l’exécution mondiale des sentences arbitrales.

Les parties peuvent également choisir un cadre procédural mutuellement acceptable à l’intérieur duquel sera conduit l’arbitrage. Elles peuvent notamment convenir :

  • de l’étendue du différend;
  • du lieu d’arbitrage;
  • des règles de procédure qui régiront l’arbitrage (arbitrage institutionnel ou ad hoc), y compris les délais;
  • du nombre d’arbitres;
  • de la langue de l’arbitrage;
  • du système de coûts;
  • de la possibilité de faire revoir ou non la décision de l’arbitre par les tribunaux.

Les coûts d’arbitrage se divisent généralement en deux grandes catégories : i) les frais de l’arbitrage (c.-à-d. les frais du tribunal d’arbitrage et de l’institution, le cas échéant); et ii) les honoraires juridiques. À moins que la clause d’arbitrage ne prévoie la répartition des coûts, ils sont généralement recouvrables par la partie qui a gain de cause. En général, la partie gagnante se voit rembourser la totalité des « frais de l’arbitrage », tandis que les « honoraires juridiques » peuvent être réduits s’il est raisonnable de le faire. Pour déterminer les coûts, le tribunal d’arbitrage peut tenir compte de divers facteurs aggravants ou atténuants, comme le degré de succès d’une demande, le comportement des parties en vue de la tenue efficace de l’arbitrage ou le recours à des arguments non fondés.

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