18. Droit commercial international
Lorsqu’elles envisagent d’entrer dans le marché canadien, les entreprises devraient connaître les lois canadiennes relatives au commerce international qui sont susceptibles d’avoir un effet important sur leur capacité à entrer au Canada et à y poursuivre leurs activités. Une sélection de ces lois sont examinées ci-dessous, notamment celles régissant :
- les sanctions;
- le travail forcé;
- les contrôles à l’exportation et à l’importation;
- les examens relatifs à la sécurité nationale;
- les accords commerciaux internationaux;
- les marchés publics;
- les traités d’investissement;
- la gestion des douanes et des frontières;
- les recours commerciaux;
- la lutte contre la corruption.
Sanctions
Le Canada impose des sanctions en vertu de cinq lois :
- Loi sur les mesures économiques spéciales (la « LMES ») et règlements connexes : la LMES permet au Canada d’imposer des sanctions unilatérales en réponse à des violations du droit international ou des droits de la personne.
- Loi sur les Nations Unies : cette loi permet au gouvernement canadien de donner effet aux décisions prises par le Conseil de sécurité des Nations Unies après avoir déterminé qu’un acte d’agression a été commis ou qu’une rupture de la paix s’est produite.
- Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus : en vertu de cette loi, le Canada peut geler les avoirs ou bloquer les biens de certains étrangers politiquement vulnérables (p. ex., des fonctionnaires ou des politiciens) à la demande d’un pays en proie à des troubles internes ou à une incertitude politique.
- Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus : cette loi permet au Canada d’imposer un gel des avoirs et une interdiction des transactions à l’encontre de personnes responsables ou complices d’actes de corruption à grande échelle ou de violations graves des droits de la personne reconnus à l’échelle internationale.
- Code criminel : l’inscription des entités terroristes sur une liste établie en vertu du Code criminel permet au Canada d’appliquer les mesures pénales appropriées à ces entités.
La législation canadienne sur les sanctions peut interdire à toutes les personnes et entreprises de traiter avec des personnes désignées, avec leurs propriétés ou avec ceux qui agissent en leur nom, de traiter avec des territoires en particulier (p. ex., l’Iran, la Corée du Nord) ou de traiter dans des secteurs spécifiques (p. ex., l’armement). Les lois sur les sanctions peuvent également imposer aux institutions financières réglementées diverses obligations en matière de contrôle, de déclaration et de gel des avoirs. Enfin, la principale loi canadienne sur les sanctions, la LMES, permet au gouvernement canadien de saisir et de liquider les actifs détenus ou contrôlés par ou au nom des personnes sanctionnées.
Les sanctions constituent un domaine juridique complexe et en rapide évolution, et une solution de plus en plus utilisée pour répondre aux réformes étrangères et aux préoccupations internationales. La violation des lois sur les sanctions peut entraîner des amendes importantes, la perte d’actifs et des peines d’emprisonnement pour les individus en cause. Il est donc essentiel que les entreprises soient au courant et envisagent d’élaborer, à titre de meilleure pratique, un programme de conformité aux lois sur les sanctions.
Travail forcé
Le Canada interdit l’importation de marchandises fabriquées ou produites, en tout ou en partie, par des personnes contraintes au travail, conformément au Tarif des douanes. Cette interdiction s’applique indépendamment du fait que les entreprises s’approvisionnent en produits de façon directe ou par l’intermédiaire de tiers. Cette interdiction est appliquée par l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC »), qui peut saisir des marchandises si elle a des raisons de croire qu’elles ont été produites par le recours au travail forcé. L’ASFC peut exiger des importateurs qu’ils fournissent des preuves que les marchandises n’ont pas été produites par le travail forcé afin de réfuter cette conclusion, faute de quoi les marchandises peuvent être rendues inaccessibles aux importateurs.
Le projet de loi S-211, Loi édictant la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement et modifiant le Tarif des douanes est actuellement examiné par le Parlement et pourrait entrer en vigueur en 2024, s’il est adopté. Le projet de loi S-211 obligerait les entreprises concernées à déposer un rapport annuel sur le travail forcé dans leurs chaînes d’approvisionnement.
Contrôles à l’exportation et à l’importation
Les entreprises qui prévoient exporter à partir du Canada ou importer au Canada des marchandises réglementées doivent connaître la Loi sur les licences d’exportation et d’importation (la « LLEI »), laquelle autorise la création de diverses listes de contrôle et permet au ministre désigné de délivrer des licences pour l’importation ou l’exportation des marchandises réglementées.
Contrôles à l’importation
La Liste des marchandises d’importation contrôlée prévoit une liste de marchandises assujetties à l’exigence de posséder une licence d’importation, notamment les armes à feu, certains produits chimiques et certains produits agricoles, dont la viande et les produits laitiers. Dans certains cas (p. ex., pour les armes à feu), la licence est requise avant que les marchandises soient importées au Canada. Dans d’autres cas (comme pour les produits agricoles faisant l’objet de contingents tarifaires), la marchandise peut être importée sans licence, mais elle est assujettie à des droits tarifaires très élevés.
Contrôles à l’exportation
Les marchandises soumises à des contrôles à l’exportation ou à des restrictions à l’exportation sont détaillées dans les listes suivantes :
- La Liste des marchandises d’exportation contrôlée identifie les marchandises et les technologies qui requièrent une licence d’exportation avant de pouvoir être exportées ou transférées du Canada vers un pays désigné.
- La Liste des marchandises de courtage contrôlé énumère les marchandises et les technologies pour lesquelles une licence de courtage est requise. Une licence de courtage permet d’organiser ou de négocier une transaction qui entraînerait le déplacement de marchandises contrôlées (c’est-à-dire celles qui figurent sur la Liste des marchandises d’exportation contrôlée) d’un pays étranger à un autre pays étranger.
- La Liste des pays visés est une liste de pays auxquels le Canada impose une interdiction d’exportation de produits, de technologies et de services. À l’heure actuelle, la République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord) est le seul pays figurant sur cette liste.
- La Liste des pays désignés (armes automatiques) restreint l’exportation d’armes à feu, d’armes et de dispositifs et identifie les pays pour lesquels Affaires mondiales Canada peut délivrer une licence d’exportation.
Programme des marchandises contrôlées
Les entreprises et les particuliers qui traitent avec des marchandises ou des technologies assujetties à la Loi sur la production de défense doivent être enregistrés en vertu du Programme des marchandises contrôlées (le « PMC ») avant de pouvoir examiner, posséder ou transférer des marchandises. Les marchandises énumérées dans le Règlement sur les marchandises contrôlées sont habituellement d’une importance stratégique pour le Canada, ou elles engagent sa sécurité nationale. Une entreprise qui fait des affaires dans l’exportation de marchandises contrôlées à partir du Canada doit savoir que l’enregistrement au PMC est un prérequis à l’obtention d’une licence d’exportation auprès d’Affaires mondiales Canada.
Il est particulièrement important d’être au courant du Règlement sur les marchandises contrôlées lorsque l’on envisage une transaction impliquant une société enregistrée, car le PMC doit être avisé des changements en question.
Produits nucléaires
En vertu du Règlement sur le contrôle de l’importation et de l’exportation aux fins de la non-prolifération nucléaire, on doit obtenir une licence de la Commission canadienne de sûreté nucléaire pour pouvoir importer ou exporter des substances nucléaires contrôlées, de l’équipement nucléaire contrôlé ou des renseignements nucléaires contrôlés et des sources radioactives à risques élevés, ou toute autre marchandise créée ou modifiée à des fins d’usage nucléaire.
Examens relatifs à la sécurité nationale
L’acquisition directe ou indirecte du contrôle d’entreprises canadiennes par des non-Canadiens est généralement assujettie soit à un avis, soit à un examen ministériel en vertu de la Loi sur Investissement Canada. L’acquisition par des non-Canadiens du contrôle d’entreprises canadiennes qui produisent ou exportent des biens soumis à un contrôle des exportations, ou qui figurent sur la liste des produits hautement sensibles non soumis à un contrôle des exportations, sera assujettie à un examen ministériel parce que les marchandises ont une application militaire ou pourraient être utilisées à des fins susceptibles de menacer la sécurité du Canada. Les acquisitions dans lesquelles l’investissement peut impliquer ou faciliter les activités d’acteurs illicites ou de fonctionnaires étrangers corrompus seront également assujetties à un examen. Un examen relatif à la sécurité nationale qui est non concluant pourrait mener à un ordre de désinvestissement.
Accords commerciaux internationaux
Le Canada est un pays commerçant attaché à un système multilatéral axé sur des règles et un ardent promoteur des accords commerciaux bilatéraux et plurilatéraux. Le Canada est signataire d’une dizaine d’accords commerciaux, dont l’Accord économique et commercial global (l’« AECG »), l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (l’« ACEUM »), l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (le « PTPGP ») et l’Accord de libre-échange canadien (l’« ALEC »).
Ces accords commerciaux imposent de nombreuses obligations au Canada, notamment en matière d’immigration, de tarifs douaniers et de protection des investissements. Le gouvernement canadien peut agir en réponse à une plainte déposée contre lui ou répondre à un autre gouvernement suite à une plainte concernant la violation d’une obligation de l’accord commercial envers les entreprises canadiennes. Les entreprises doivent donc savoir quels accords commerciaux peuvent s’appliquer à leurs activités.
Marchés publics
De nombreux accords commerciaux dont le Canada est signataire contiennent des dispositions sur les marchés publics qui améliorent l’accès aux perspectives d’achat en exigeant des entités contractantes qu’elles garantissent des marchés équitables et ouverts et qu’elles donnent accès à des mécanismes de résolution des conflits. Lorsque les fournisseurs étrangers estiment qu’une entité contractante canadienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’accord commercial auquel elle est partie, ils ont la possibilité de contester ce non-respect devant le Tribunal canadien du commerce extérieur (le « TCCE ») pour les entités fédérales chargées des marchés publics, ou devant les tribunaux provinciaux pour les entités sous-fédérales soumises à l’accord commercial applicable.
Traités d’investissement
Le Canada est partie à de nombreux traités d’investissement, qui visent généralement à garantir aux investisseurs étrangers un traitement non discriminatoire, juste et équitable, ainsi que la protection de leurs investissements contre l’expropriation sans dédommagement. Pratiquement tous les traités d’investissement du Canada prévoient un processus de règlement des différends permettant à l’investisseur étranger de contester une mesure gouvernementale devant un groupe d’arbitrage mis en place à la fois par l’investisseur et le gouvernement intimé. Les décisions rendues par les groupes d’arbitrage sont exécutoires contre le Canada en vertu des lois internationales.
Les traités d’investissement peuvent fournir un niveau de protection supplémentaire qui n’est pas disponible autrement. Toutefois, pour bénéficier des protections supplémentaires offertes par ces traités, les investisseurs étrangers doivent répondre à des critères précis. Il est donc important d’examiner ces traités avant de finaliser tout investissement.
Gestion des douanes et des frontière
Le Canada dispose d’une série de lois très techniques et détaillées qui ont une incidence sur les importations. Le non-respect des exigences en matière d’importation peut entraîner des perturbations, des saisies ou des amendes administratives.
La Loi sur les douanes impose une obligation générale de déclarer l’importation de toute marchandise au Canada et définit la manière dont les marchandises sont évaluées en vue de la fixation des droits de douane, pourvoit les tarifs de préférence dus en vertu des accords de libre-échange et réglemente l’autorité de l’ASFC. L’annexe du Tarif des douanes établit la liste des droits de douane pour chaque marchandise conformément à son classement dans le système harmonisé de classification. Les importateurs doivent ainsi classifier correctement leur marchandise et payer les taxes et les droits de douane appropriés.
L’ASFC régit les lois frontalières, ainsi qu’une myriade d’autres lois qui réglementent la manière dont les marchandises sont importées et vendues sur le marché canadien. Outre le prélèvement de droits de douane, l’ASFC administre également des programmes d’exonération des droits et le recouvrement de plusieurs autres taxes requises (comme la TPS et la TVH, les taxes d’accises et les surtaxes). Les décisions de l’ASFC en plusieurs matières – évaluations, classement ou admissibilité au tarif préférentiel – peuvent être contestées directement auprès de l’ASFC ou, éventuellement, au TCCE.
Recours commerciaux
La Loi sur les mesures spéciales d’importation protège les producteurs canadiens des conséquences préjudiciables dues aux biens subventionnés importés et aux pratiques de dumping en établissant des règles et des procédures pour les enquêtes en cas de plainte en matière de dumping ou de subvention, ainsi que l’imposition de droits anti-dumping ou de droits compensateurs en conséquence. On parle de dumping lorsque des produits sont importés au Canada à un prix inférieur au prix de vente rentable du produit dans le pays d’origine ou à un prix qui est inférieur au prix de production du produit. On parle de subvention lorsqu’un avantage, financier ou autre, est offert au fabricant du produit exporté par le gouvernement du pays exportateur de ce produit. Des droits antidumping et compensateurs provisoires peuvent être imposés dans les 90 jours suivant une enquête, mais les droits finaux ne seront imposés qu’une fois que l’ASFC aura conclu que les produits en cause ont été importés pour dumping ou qu’ils ont été subventionnés, et que le TCCE aura déterminé que ce dumping ou cette subvention ont causé ou ont menacé de causer des dommages importants à l’industrie canadienne.
Lois anticorruption
Le Canada dispose d’un certain nombre de lois pour combattre la corruption, qu’elle soit faite de l’étranger ou sur son propre territoire. La Loi sur la corruption d’agents publics étrangers interdit le versement de pots-de-vin à un agent public étranger dans le but d’obtenir un avantage commercial, de même que certaines pratiques comptables visant à dissimuler les pots-de-vin. En territoire canadien, cette loi s’applique aux citoyens qu’aux non-citoyens; elle s’applique aux citoyens canadiens, aux résidents permanents et aux sociétés canadiennes dans leurs activités à l’extérieur du Canada. Le Code criminel interdit le versement de pots-de-vin aux agents publics canadiens, y compris les juges, les membres du Parlement, les policiers et les fonctionnaires. Cette interdiction s’applique aux Canadiens autant qu’aux non-Canadiens.