19. Approvisionnement
Accords commerciaux
Les marchés publics canadiens sont assujettis à des accords commerciaux depuis plusieurs décennies, et le Canada continue de promouvoir activement les accords commerciaux plurilatéraux et bilatéraux. Les accords commerciaux les plus récents, comme l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne, l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) et l’Accord de libre-échange canadien (ALEC), qui a remplacé l’Accord sur le commerce intérieur (ACI), ont permis un plus grand accès au commerce international et ont étendu la portée de plusieurs accords commerciaux aux territoires, aux provinces et aux municipalités, de même qu’aux secteurs de la santé et de l’éducation.
L’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) est maintenant en vigueur et remplace l’ALENA. Le Canada n’est pas signataire du chapitre sur les marchés publics et, à ce titre, les fournisseurs des États-Unis et du Mexique devront s’appuyer sur d’autres accords commerciaux pour soutenir et faire respecter l’égalité d’accès aux marchés publics canadiens.
Le Canada et le Royaume-Uni ont signé l’Accord de continuité commerciale Canada–Royaume-Uni (ACC) comme mesure provisoire pour combler la période entre la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et la négociation d’un nouvel accord commercial entre les deux pays. Toutes les dispositions du chapitre 19 (« Marchés publics ») qui existaient dans le cadre de l’AECG continuent de s’appliquer au Canada, sous réserve des modifications visant à obtenir un accord bilatéral (p. ex., le remplacement des références à l’Union européenne par les références appropriées au Royaume-Uni et le maintien du comité mixte Canada–Royaume-Uni formé dans le cadre de l’AECG ainsi que le maintien des décisions prises par ce comité).
Les nombreux accords commerciaux que le Canada a signés et mis en application sont décrits de manière plus détaillée dans le chapitre sur le commerce international. De plus amples renseignements au sujet de l’incidence des accords commerciaux sur les marchés publics sont disponibles dans le guide de Fasken sur les marchés publics.
Marchés publics
Les règles régissant les marchés publics au Canada proviennent de nombreuses sources juridiques, notamment des accords commerciaux, de la législation et de la common law. Au Canada, la common law en matière de marchés publics s’est établie dans les trente dernières années et a instauré des principes fondamentaux applicables à ce processus, soit l’équité, l’ouverture et la transparence.
Au Canada, l’approvisionnement concurrentiel est la méthode préférée utilisée par les entités publiques pour se procurer des marchandises et des services, de même que pour les services de construction. Les entités contractantes ne sont pas tenues de diminuer leurs exigences opérationnelles légitimes afin d’offrir davantage d’occasions aux soumissionnaires qui, autrement, ne pourraient pas réussir face à la concurrence. Toutefois, si un appel d’offres doit avoir lieu, les exigences doivent être définies de manière à permettre la concurrence.
De plus amples renseignements sur les marchés publics au Canada sont disponibles ici.
Processus de présélection
Afin d’avoir des méthodes d’approvisionnement plus efficaces lors des projets ou des ententes d’approvisionnement complexes, les entités contractantes vont effectuer un processus de présélection, parfois présenté comme une invitation à se qualifier (ISQ) ou une demande de préqualification (DDQ). Le processus de présélection n’oblige pas nécessairement l’acheteur gouvernemental à émettre une demande de propositions (DDP) et à solliciter des soumissions subséquentes, mais permet plutôt au gouvernement de sélectionner des fournisseurs ayant une expertise spécialisée qui peut répondre à certaines offres émises ultérieurement. Les fournisseurs qualifiés participent alors à un processus d’appel d’offres sélectif en tant que soumissionnaires.
Les fournisseurs qui ne se qualifient pas au stade de la présélection sont donc exclus du processus d’appel d’offres qui aura lieu par la suite et, dans la plupart des cas, ne seront pas autorisés à recevoir des renseignements supplémentaires concernant l’approvisionnement (c.-à-d. qu’ils n’auront pas droit à une deuxième tentative).
La présélection peut être utilisée à la fois pour des contrats individuels et de manière plus générale, comme dans le cas d’offres à commandes ou d’arrangements en matière d’approvisionnement. Les offres à commandes et les arrangements en matière d’approvisionnement sont fréquemment utilisés pour des biens et services dont le prix peut être ferme ou forfaitaire, qui sont nécessaires sur une base régulière et qui peuvent être fournis « tels quels » (p. ex., mesures de dotation temporaires, fournitures de bureau, aliments, carburant et équipement informatique de base comme des ordinateurs portables).
Les entités contractantes utiliseront cette approche pour économiser temps et argent, ainsi que pour permettre aux nombreuses entités gouvernementales ou aux ministères d’acquérir des biens et services sans avoir à faire leurs propres démarches pour ces approvisionnements.
Les offres à commandes et les arrangements en matière d’approvisionnement peuvent (et c’est souvent le cas) avoir cours pendant de nombreuses années. Cependant, la plupart des accords commerciaux requièrent que les offres à commandes ou arrangements en matière d’approvisionnement de plus de trois ans doivent permettre à de nouveaux fournisseurs de participer à un processus de présélection.
Période de soumission
Lorsque la période de soumission est commencée, les soumissionnaires peuvent seulement communiquer par écrit avec les entités contractantes identifiées dans le document relatif à l’approvisionnement. Cette approche est utilisée pour maintenir l’intégrité du processus d’approvisionnement (tous les renseignements échangés entre l’acheteur et un soumissionnaire peuvent être communiqués à tous les soumissionnaires par écrit). Si une période de questions est établie, celle-ci est la dernière occasion pour les soumissionnaires de comprendre les exigences d’approvisionnement et d’améliorer leur offre avant la soumission finale. Les communications sont formelles et limitées, particulièrement lorsqu’elles sont comparées aux occasions d’engager des discussions plus tôt dans le processus. Dans le contexte de nombreux marchés publics, essayer de communiquer avec un représentant du gouvernement autre que celui identifié dans le document relatif à l’approvisionnement pourrait entraîner la disqualification.
Le principe directeur relatif aux exigences de questionnement dans le processus d’approvisionnement est d’intervenir et d’exprimer ses inquiétudes. Utiliser une attitude attentiste (p. ex., déposer une soumission et voir ce qui arrive) est problématique pour deux raisons. D’abord, une fois que les soumissions finales ont été reçues, il n’est plus possible pour les soumissionnaires de fournir des renseignements additionnels afin de corriger les erreurs ou les ambiguïtés qui auraient pu se trouver dans leur soumission (ce qui serait une modification, qui est généralement interdite). De plus, les lois relatives à l’approvisionnement au Canada sont très claires : les soumissionnaires ont la responsabilité de comprendre les exigences spécifiées dans la demande de soumission; faire preuve d’une attitude attentiste et risquer qu’il y ait des erreurs dans une soumission peut faire en sorte que le soumissionnaire n’ait pas la possibilité de contester l’attribution du contrat public de façon officielle, ce qu’il aurait pu faire devant un tribunal chargé du règlement des différends.
La période de questions se termine généralement au moins une semaine avant la fin du délai fixé pour la réception des soumissions relatives à l’appel d’offres. Cette approche a été mûrement réfléchie et se fonde sur un principe d’équité, pour permettre à tous les soumissionnaires d’avoir le temps d’ajuster leur soumission, si nécessaire, avant la fin du délai fixé.
Exigences relatives aux soumissions
Les accords commerciaux sont indispensables pour comprendre comment les exigences relatives aux soumissions devraient être structurées. L’AECG et l’ALEC, par exemple, requièrent qu’une entité contractante suive certaines règles essentielles lors de l’établissement de ses exigences. Lorsque le processus d’approvisionnement n’est pas établi par un accord commercial, les entités contractantes peuvent modifier les exigences, mais doivent toujours promouvoir les principes fondamentaux d’équité, d’ouverture et de transparence. Les exigences relatives aux accords commerciaux sont celles-ci :
Le processus d’approvisionnement doit être ouvert aux fournisseurs qualifiés. Les circonstances lors desquelles un processus d’approvisionnement peut être non concurrentiel ou limité sont restreintes.
Le processus d’approvisionnement ne doit pas être discriminatoire. Tous les fournisseurs doivent être traités de manière égale et les entités contractantes ne peuvent pas faire preuve de discrimination contre les fournisseurs provenant d’autres pays si l’approvisionnement est assujetti aux accords commerciaux (excepté dans les cas où il y a une exception précise indiquée dans l’accord commercial). Par exemple, chaque accord commercial que le Canada a mis en œuvre prévoit une exception précise relative à la création de programmes de marchés réservés pour les entreprises autochtones au Canada.
Le processus d’approvisionnement doit être transparent. Toute la documentation relative aux appels d’offres qui est nécessaire pour préparer et déposer une soumission doit être mise à la disposition de tous les soumissionnaires. Ceci comprend les critères d’évaluation et les exigences ou conditions d’approvisionnement.
Le processus d’approvisionnement ne doit pas imposer des conditions arbitraires de qualification. Une entité contractante ne peut exiger la conformité aux conditions et aux qualifications sauf si elles sont essentielles pour garantir que le soumissionnaire a les capacités juridiques, financières et commerciales nécessaires pour exécuter les activités d’approvisionnement. Par exemple, une entité contractante peut exiger que le soumissionnaire ait de l’expérience en lien avec l’offre si une telle expérience est essentielle pour satisfaire aux exigences d’approvisionnement. Toutefois, si l’approvisionnement est assujetti à un accord commercial, il est interdit d’imposer comme condition de participation l’exigence qu’une entité contractante ait déjà accordé un contrat aux soumissionnaires.
Les spécifications techniques doivent être adéquatement appliquées, basées sur des normes nationales ou internationales et établies selon la performance ou des exigences fonctionnelles (p. ex., la qualité, la sécurité, les dimensions, les procédés ou les méthodes de production) plutôt que la conception ou des caractéristiques descriptives.
Exigences contractuelles courantes
À l’instar d’autres territoires, les modalités d’un contrat attribué au soumissionnaire ayant remporté l’appel d’offres ne se limitent pas qu’à celles mentionnées dans le contrat. La législation applicable peut offrir aux entités gouvernementales des garanties supplémentaires ou prévoir des modalités et conditions qui sont réputées être incluses dans chaque contrat attribué par le gouvernement, même si elles n’y sont pas explicitement mentionnées.
Les renseignements et les dossiers créés lors de l’exécution d’un contrat sont généralement soumis à un audit du gouvernement et aux lois relatives à l’accès à l’information conformément au principe normalement accepté au Canada selon lequel les dossiers relevant du gouvernement doivent être accessibles au public (sous réserve de certaines exceptions). Les données gouvernementales sont assujetties aux lois applicables en matière de protection de la vie privée. Il s’agit de deux situations où les modalités seront réputées être incluses dans le contrat même si elles n’y sont pas spécifiées. Il est impossible pour l’une ou l’autre des parties de renoncer à ces dispositions (p. ex., une clause d’entente complète ne peut pas exclure les droits ou les obligations qui devraient autrement s’appliquer).
La préapprobation de sous-traitance est souvent requise avant qu’un sous-traitant puisse commencer tout travail public. Cette exigence existe pour plusieurs raisons, entre autres parce que les gouvernements doivent connaître les entités avec lesquelles ils « font affaire » et parce qu’ils sont tenus par la loi de vérifier l’identité des personnes avec lesquelles ils partagent des renseignements gouvernementaux, particulièrement lorsqu’il est question de renseignements sensibles.
Comme c’est le cas dans plusieurs territoires, les entités contractantes du gouvernement canadien utilisent souvent des modèles de dispositions et de modalités. Bien que le procédé puisse sembler contraignant, les exigences du modèle gouvernemental ont une utilité primordiale : ils améliorent l’efficience en matière de gestion des contrats et de l’évaluation des soumissions.
Programmes de rendement des fournisseurs et codes de conduite
De nombreuses entités contractantes ont établi ou ont l’intention d’établir des codes de conduite ou des programmes de rendement des fournisseurs qui s’appliquent de manière précise à leurs besoins en approvisionnement. Plusieurs entités se réservent également le droit de vérifier les renseignements contenus dans les soumissions à tout moment, y compris après l’attribution du contrat. Si elles jugent que les renseignements fournis par un soumissionnaire sont erronés (peu importe si le soumissionnaire savait ou non que les renseignements étaient erronés), la plupart des entités du secteur public se réservent le droit de disqualifier ce soumissionnaire ou de résilier tout contrat attribué pour défaut.
Les fournisseurs assujettis aux programmes d’évaluation du rendement pourraient un jour voir leur admissibilité aux appels d’offres suspendue (radiation) pendant des périodes variables pouvant s’étendre de quelques mois à plusieurs années.
Renégociation du prix d’un contrat soumis à un appel d’offres public
Bien que des circonstances imprévues puissent nécessiter une renégociation de la charge de travail ou des coûts associés à un contrat, un principe fondamental de l’approvisionnement concurrentiel est que les soumissionnaires ont l’option de choisir s’ils souhaitent ou non produire une soumission, ce qui implique qu’ils ont pu évaluer le travail et les coûts qui y sont associés afin de mener à terme le contrat qui leur a été attribué.
Les entités contractantes ne sont pas soumises à une obligation juridique positive d’examiner si un soumissionnaire peut exécuter le travail pour le montant fixé – même si ce montant est sensiblement moins élevé que celui de toutes les autres soumissions reçues. Il serait prudent pour une entité contractante de confirmer avec le soumissionnaire que le prix fixé est bon, lorsque celui-ci est extrêmement bas, mais il n’y a aucune obligation de la part de l’entité contractante de le faire (sauf lorsqu’il y a des indices d’actes douteux, comme de la collusion). Imposer une telle obligation aux entités chaque fois qu’un prix soumissionné est fixé pourrait étouffer la concurrence commerciale inhérente au processus d’appel d’offres. Un soumissionnaire peut décider d’offrir un prix inférieur pour se tailler une place sur le marché ou pour augmenter sa part de marché. La fixation du prix est une décision qui revient au soumissionnaire.
En conséquence, en l’absence d’une raison valable relative à la charge de travail qui nécessiterait une augmentation des coûts, une renégociation est très peu probable et difficile à obtenir.
Options pour les soumissionnaires non retenus
Les soumissionnaires ayant obtenu le contrat devraient envisager de demander un compte rendu. En revanche, les soumissionnaires ne l’ayant pas obtenu devraient toujours en demander un. Il est important de noter tous les délais applicables à ce processus, puisqu’ils peuvent être très courts. Le compte rendu devrait expliquer pourquoi la soumission n’a pas été sélectionnée. De plus, il peut être un élément important lors de la décision de contester ou non l’attribution du contrat.
Les marchés publics fédéraux couverts en vertu des accords commerciaux doivent offrir aux soumissionnaires défaits la possibilité de contester la décision devant le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE). L’avantage de porter plainte au TCCE est que le délai total du processus d’examen de l’attribution du contrat (à partir de la date de la plainte jusqu’à la remise de la décision du TCCE) est de 90 jours. Les parties peuvent demander une audience accélérée (45 jours) ou le TCCE peut demander à ce que le processus d’examen soit étendu à 135 jours, mais généralement, la résolution du dossier se fait dans le délai de 90 jours. Il importe toutefois de noter que la plainte doit être faite au plus tard 10 jours après que le soumissionnaire a su, ou aurait raisonnablement dû savoir, la raison du rejet de sa soumission.
En vertu de l’accord sur le commerce intérieur au Canada – l’ALEC – les gouvernements provinciaux et territoriaux sont tenus de prévoir des procédures de recours administratifs ou judiciaires au cas où des plaintes seraient déposées. Une plainte concernant un marché public de l’Ontario, par exemple, doit être soumise à la Direction de la facilitation en matière de politiques et de programmes du ministère des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs. Les fournisseurs situés dans les quatre provinces de l’ouest du Canada (Colombie-Britannique, Alberta, Manitoba et Saskatchewan) ont accès à un mécanisme officiel de contestation des offres. Comme c’est le cas pour les plaintes relatives au processus de passation des marchés fédéraux, les délais pour contester un approvisionnement sont assez courts.
Si un accord commercial ne s’applique pas à un type d’approvisionnement, il existe d’autres processus de résolution des différends, entre autres déposer une plainte auprès de l’ombudsman de l’approvisionnement ou entamer des procédures judiciaires.