24. Facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG)
Les facteurs ESG occupent une place de plus en plus centrale dans la gestion des sociétés et représentent désormais un élément incontournable de toute stratégie commerciale viable. En vertu du droit des valeurs mobilières au Canada, ce n’est que pour le volet gouvernance qu’il existe des obligations d’information particulières. Il n’existe aucune exigence expresse concernant les facteurs environnementaux et sociaux. Les sociétés ouvertes doivent plutôt se conformer à la règle générale qui leur impose de présenter de façon claire tous les risques importants susceptibles d’affecter leurs activités. Cette notion d’importance sert à déterminer si les facteurs ESG, comme tout autre type d’information sur les risques, doivent faire l’objet d’une divulgation.
En plus de ces exigences législatives, les investisseurs s’attendent de plus en plus à ce que les sociétés ouvertes canadiennes communiquent des données au sujet des facteurs ESG. Par exemple, les principales agences de conseil en vote ont récemment accordé une plus grande place aux facteurs ESG dans leurs lignes directrices canadiennes en matière de vote . Les investisseurs institutionnels, au Canada comme ailleurs dans le monde, réclament aussi de l’information sur les facteurs ESG : huit gestionnaires de régimes de pension canadiens de premier plan, dont les actifs sous gestion totalisent 1 600 milliards $ CA (1 300 milliards $ US), ont signé une déclaration commune dans laquelle ils encouragent les sociétés à présenter des renseignements « cohérents et exhaustifs » de cette nature et affirment leur intention « de choisir les occasions d’investissement les plus à même d’assurer à long terme une création de valeur durable » .
Environnement
Divulgation d’information en vertu des lois sur les valeurs mobilières
Divulgation obligatoire. Dans l’optique d’aider les émetteurs à déterminer quels renseignements sur les facteurs environnementaux sont importants et doivent être déclarés, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») ont publié des lignes directrices sur le sujet , qui s’attardent de façon spécifique au changement climatique . Il n’existe pas de règle d’or pour évaluer l’importance d’un risque en particulier dans le contexte environnemental, et c’est pourquoi les ACVM établissent des principes directeurs basés sur les conclusions du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (le « GIFCC »). Ces principes servant à évaluer l’importance relative d’un risque environnemental ou climatique pour la société comprennent notamment le contexte, le moment choisi, la probabilité que l’événement se produise et l’ampleur prévue de son incidence. En cas de doute, les émetteurs sont invités à communiquer l’information. Les ACVM font remarquer que ces principes ne se rapportent pas seulement à la divulgation des risques environnementaux; ils peuvent servir à évaluer les facteurs sociaux, abordés à la section suivante.
Certains de ces risques pourraient devoir être communiqués dans les rapports de gestion de certains émetteurs, si ces derniers doivent y présenter de l’information importante susceptible de ne pas être pleinement communiquée dans ses états financiers, ainsi que les tendances et les risques qui pourraient raisonnablement influer sur le rendement futur de l’émetteur. Voici certains exemples d’information qui pourrait devoir être présentée dans les rapports de gestion : les tendances en matière de préférence des consommateurs, la gestion des chaînes d’approvisionnement, ainsi que l’offre et le prix des droits d’émission de GES et de crédits de carbone.
Dans sa notice annuelle, un émetteur doit notamment décrire les facteurs de risques relatifs à la société et à ses activités qui sont les plus susceptibles de peser dans la décision d’un investisseur d’acquérir des titres de la société, ainsi que les politiques environnementales mises en place par la société et qui sont fondamentales pour ses activités. L’exposition aux effets de phénomènes météorologiques extrêmes, la réglementation limitant les émissions et la transition vers une économie à faible empreinte carbone sont autant d’exemples de risques qui, s’ils sont considérés comme importants, peuvent devoir être communiqués.
Les risques présentés comme information prospective doivent être explicitement communiqués à ce titre, et l’émetteur doit également fournir une mise en garde et une description des facteurs et des hypothèses sur lesquels repose sa projection. L’information prospective de nature climatique communiquée par un émetteur pourrait par exemple comprendre un objectif de réduction des émissions de GES ou une analyse de divers scénarios d’incidences commerciales liées au changement climatique.
Divulgation volontaire. Dans leurs indications concernant l’information à fournir sur le changement climatique, les ACVM, en plus d’expliquer quels risques doivent obligatoirement être communiqués, recommandent que les sociétés présentent le rôle que jouent le conseil d’administration et la direction relativement à la supervision, à l’évaluation et à la gestion des risques et des occasions associés au changement climatique. Les indications des ACVM recommandent aussi que soient communiquées les incidences avérées et potentielles de ces risques et de ces occasions sur les affaires, la stratégie et la planification financière de l’organisation, ainsi que les processus adoptés pour déterminer et gérer (ce qui comprend les indicateurs et les cibles utilisés à cette fin) les risques et les occasions de nature climatique.
Le Groupe de travail sur la modernisation relative aux marchés financiers, mis sur pied par le gouvernement de l’Ontario, a également recommandé que cette information soit communiquée, ce qui n’est pas exigé par la loi actuellement. De plus, les dirigeants d’entreprise qui considèrent comme optionnelle la communication de l’information environnementale s’exposent également à des risques d’un autre ordre, puisque les agences de conseil en vote comme Glass Lewis ont publié des lignes directrices qui déconseillent aux actionnaires de soutenir les conseils d’administration qui ne procèdent pas à l’évaluation, au traitement et à la communication des risques environnementaux.
Financement
De leur côté, les créanciers sont de plus en plus nombreux à exiger la communication d’information relative au changement climatique dans les accords de financement qu’ils concluent. Un exemple notable est le programme de prêts aux grands employeurs, mis sur pied par le gouvernement du Canada en réaction à la crise de la COVID-19 , lequel exige des bénéficiaires qu’ils présentent annuellement de l’information relative au climat conforme aux recommandations du GIFCC.
Facteurs sociaux
La mondialisation économique a dominé l’économie mondiale depuis la Seconde Guerre mondiale. Avec l’échec de l’adoption de la charte de l’Organisation internationale du commerce (l’« OIC ») à la fin des années 1940, et les pouvoirs limités du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, le commerce international a principalement évolué sans contrainte réglementaire au cours des cinq décennies qui ont suivi. L’OIC aurait entre autres eu comme mandat d’adopter des normes du travail pour encadrer la mondialisation des échanges.
À la fin du XXe siècle, des organisations supranationales comme l’Organisation mondiale du commerce (mise sur pied en 1995) ont reconnu que la mondialisation entraînait un « déficit social » devant être corrigé.
Des mesures ont été mises en œuvre pour trouver un meilleur équilibre entre le développement économique et le progrès social, dans une optique de rendre la mondialisation durable. En 1998, l’Organisation internationale du travail (l’« OIT ») a adopté la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail (la « Déclaration de l’OIT ») . Puis, en 2011, ce sont les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (les « PDNU ») qui ont vu le jour .
Dans la dernière décennie (2011 à 2022), un grand nombre d’initiatives ont eu pour but de concrétiser les PDNU. Si les piliers 1 et 3 ont reçu une attention soutenue, c’est principalement sur le pilier 2 que le travail s’est concentré, autour du thème des entreprises et des droits de la personne, devenu une composante majeure du discours international sur l’amélioration des dimensions sociales de la mondialisation.
Voici certaines des initiatives les plus importantes concernant le rôle des entreprises relativement aux droits de la personne :
- Le processus de négociation d’un traité sous les auspices des Nations Unies visant à imposer une réglementation contraignante sur le commerce international. La négociation d’un traité des Nations Unies, intitulé l’instrument juridiquement contraignant pour réglementer, dans le cadre du droit international des droits de l’homme, les activités des sociétés transnationales et autres entreprises, a complété sa huitième séance internationale en octobre 2022 .
- L’adoption par les gouvernements nationaux : 1) de plans d’action nationaux en vertu du pilier 1 des PDNU qui établissent les façons dont les instances gouvernementales feront la promotion des droits de la personne; et 2) de lois de mise en œuvre de ces plans d’action.
- Des développements judiciaires récents qui consacrent comme exigences légales ce qui était auparavant des instruments à caractère non contraignant, tels que les PNDU. Par exemple, la jurisprudence canadienne récente confirme que le droit international coutumier est incorporé dans la common law du pays .
- Parallèlement aux initiatives relatives aux enjeux touchant les entreprises et les droits de la personne qui sont décrites ci-dessus, le domaine des projets et des investissements ESG prend son essor. La composante sociale des facteurs ESG recoupe essentiellement les enjeux touchant les entreprises et les droits de la personne, et les travaux pour ce volet se concentrent surtout sur la façon dont les sociétés interagissent avec les différents groupes qui les composent ou sur lesquels elle a une influence : investisseurs et actionnaires, salariés, fournisseurs, entrepreneurs et travailleurs de la chaîne d’approvisionnement mondiale; consommateurs; communautés locales; et la société civile en général.
Les tentatives pour atténuer les incidences socio-économiques de la pandémie ont ravivé le débat opposant deux visions du capitalisme : une axée sur les actionnaires et l’autre sur les parties prenantes.
En vertu du capitalisme de parties prenantes, il est attendu que les sociétés procèdent en continu à des vérifications diligentes des incidences sur les droits de la personne de ses activités, tant dans le territoire où elle a son siège qu’à l’étranger .
Facteurs de gouvernance
Les facteurs liés à la gouvernance visent à mettre l’accent sur des structures de gouvernance solides, une capacité de la direction à répondre aux préoccupations des actionnaires et la transparence dans la gestion de la société. Les sujets suivants sont considérés comme cruciaux, voire obligatoires, dans les communications des entreprises au Canada.
Facteurs de gouvernance liés aux aspects environnementaux et sociaux
Comme nous l’avons expliqué précédemment, les lois canadiennes en matière de valeurs mobilières imposent la communication des risques environnementaux et sociaux. Il incombe au conseil d’administration et à la haute direction d’un émetteur de mener une analyse des risques liés aux activités de la société, y compris ceux ayant une incidence environnementale et sociale, de les communiquer et de présenter les politiques et les pratiques visant à les atténuer.
Glass Lewis a publié un rapport de vote (Proxy Paper) sur les initiatives ESG dans lequel la firme avance que le niveau et la qualité de la supervision en ce qui a trait aux questions environnementales et sociales sont des considérations primordiales quand vient le moment de voter contre un conseil pour appuyer la résolution proposée par un actionnaire (ou, dans certains cas, pour recommander de désapprouver les comptes et les rapports d’une société ou la ratification de mesures envisagées par la direction et le conseil d’administration), lorsqu’un conseil n’a pas communiqué, supervisé ou fait respecter adéquatement les politiques et les pratiques en la matière.
Diversité dans la composition des conseils d’administration
Les sociétés cotées en bourse, y compris les sociétés dont les titres s’échangent à la Bourse de croissance TSX, qui sont régies par la Loi canadienne sur les sociétés par actions, ont l’obligation de communiquer de l’information sur leurs politiques et leurs pratiques relatives à la diversité au sein du conseil d’administration et de la haute direction, sur la base du principe « se conformer ou expliquer » . Cette information comprend le nombre ou la proportion de membres du conseil et de la haute direction qui sont des femmes, des Autochtones, des membres de minorités visibles et des personnes ayant un handicap. Ces sociétés doivent aussi indiquer si elles ont adopté une cible de représentativité pour ces postes; en cas de réponse négative, elles doivent justifier cette absence.
Rémunération des administrateurs
Tous les émetteurs canadiens doivent présenter une déclaration de la rémunération de la haute direction qui accompagne toute circulaire de sollicitation des procurations envoyée relativement à une assemblée générale annuelle, ou présenter une telle déclaration dans le cadre d’une réunion où a lieu l’élection d’administrateurs ou où des questions relatives à la rémunération de la haute direction font l’objet d’un vote .