4. Droit de la concurrence et antitrust
Au Canada, les dispositions sur la concurrence sont regroupées dans une seule loi fédérale, la Loi sur la concurrence (la « Loi »). Le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») et son personnel, le Bureau de la concurrence (le « Bureau »), qui fait partie du portefeuille d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, sont responsables d’assurer et de contrôler l’application de la Loi. Sous réserve de certaines exceptions limitées, la Loi s’applique à toutes les activités commerciales au Canada.
La Loi comprend cinq principales catégories de dispositions, à savoir : a) les fusions (dites aussi « fusionnements »), y compris les préavis de fusion; b) les infractions criminelles concernant la concurrence, y compris des dispositions qui traitent des cartels et des complots ainsi que du truquage des offres; c) des dispositions sur des pratiques susceptibles d’examen en matière civile, y compris celles qui traitent d’accords non criminels entre concurrents, les abus de position dominante et d’autres pratiques restrictives du commerce; d) diverses pratiques commerciales trompeuses (infractions civiles et criminelles); et e) des dispositions qui établissent un droit privé d’action en dommages-intérêts à l’égard de comportements qui contreviennent aux dispositions criminelles de la Loi ou du non-respect d’ordonnances du Tribunal de la concurrence (le « Tribunal »). Les questions d’ordre criminel et les réclamations en dommages-intérêts sont jugées devant les tribunaux. Les comportements susceptibles d’examen sont assujettis, sur demande du commissaire, à un examen par le Tribunal ou, parfois, par un tiers autorisé par le Tribunal. Le Tribunal a le pouvoir de rendre un éventail d’ordonnances réparatrices et, dans certains cas, d’imposer des sanctions administratives pécuniaires.
Fusions
La Loi définit de façon large le fusionnement comme l’acquisition ou l’établissement du contrôle sur la totalité ou quelque partie d’une entreprise d’un concurrent, d’un fournisseur, d’un client ou d’une autre personne. Compte tenu de la portée de cette définition, les transactions effectuées à l’extérieur du Canada soulèvent fréquemment des questions lorsque les parties sont propriétaires d’une entreprise au Canada ou qu’elles ont un intérêt relativement important dans cette entreprise.
La Loi comprend un cadre complet pour l’examen des fusions au Canada. Comme il est expliqué plus en détail ci-après, ce cadre comprend deux volets, à savoir les dispositions relatives aux préavis de fusion applicables aux transactions importantes et les dispositions relatives à l’examen approfondi des fusions applicables à toutes les transactions. Contrairement à ce qui est prévu dans certains territoires, au Canada, ces dispositions s’appliquent indépendamment les unes des autres.
Préavis de fusion obligatoire
Les fusions n’exigent pas d’approbation préalable en vertu de la Loi, mais certaines fusions (les acquisitions d’actifs ou d’actions, les regroupements de sociétés, les associations d’intérêts et l’acquisition de titres de participation dans une association d’intérêts) sont assujetties à un préavis de fusion obligatoire si les seuils applicables de la taille des parties et de la taille de la transaction sont dépassés. La Loi contient également une disposition anti-évitement qui prévoit que les obligations relatives aux préavis de fusions s’appliquent aux opérations qui ont été conçues de manière à éviter le préavis. Des exemptions de préavis de fusion existent pour certains types de transactions.
Sous réserve d’une dispense applicable, une fusion doit faire l’objet d’un préavis si :
- a) Le critère de taille des parties suivant est respecté :
- Considérées ensemble, les parties fusionnantes et leurs affiliées ont au Canada des actifs dont la valeur comptable est supérieure à 400 millions de dollars ou ont un chiffre d’affaires brut annuel attribuable aux ventes réalisées au Canada, en direction du Canada ou en provenance du Canada, supérieur à 400 millions de dollars (dans une acquisition d’actions, les parties sont l’acheteur et l’entreprise dont les actions sont acquises et, dans le cas de l’acquisition d’une participation dans une association d’intérêts, les parties sont l’acheteur de la participation et l’association dont la participation est acquise);
et
- b) l’un des critères suivants est respecté :
- Dans le cas d’une acquisition d’actifs, la valeur comptable totale des actifs de l’entreprise en activité acquise est supérieure au seuil relatif à la taille des transactions de 93 millions de dollars ou le chiffre d’affaires brut annuel attribuable aux ventes réalisées au Canada ou en provenance du Canada, et généré par ces actifs, est supérieur à ce seuil de 93 millions de dollars (seuil de 2022, indexé annuellement selon le PIB du Canada) (le « seuil relatif à la taille des transactions »);
- Dans le cas de l’acquisition des actions i) d’une société ouverte, l’acquéreur, avec ses affiliés, détiendrait, en raison de la fusion, plus de 20 % des actions avec droit de vote; ii) d’une société fermée, l’acquéreur, avec ses affiliés, détiendrait, en raison de la fusion, plus de 35 % des actions avec droit de vote; ou iii) d’une société ouverte ou fermée, l’acquéreur, avec ses affiliés, détiendrait plus de 50 % des actions avec droit de vote, dans la mesure où l’acquéreur est déjà propriétaire de plus de 20 % ou 35 % des actions avec droit de vote, selon le cas, et la société dont les actions sont acquises et toute société qu’elle contrôle et qui exploite une entreprise en activité ont au Canada des actifs, dont la valeur comptable totale, ou le chiffre d’affaires brut annuel attribuable aux ventes réalisées au Canada ou en provenance du Canada, et généré par ces actifs, est supérieur au seuil relatif à la taille des transactions de 93 millions de dollars (2022);
- Dans le cas d’une fusion d’au moins deux entités, au moins l’une d’entre elles exploite une entreprise en activité ou contrôle une entité qui exploite une entreprise en activité et la valeur comptable totale des actifs au Canada qui appartiendrait à l’entité issue de la fusion ou aux entités contrôlées par la société issue de la fusion, ou le chiffre d’affaires brut annuel attribuable aux ventes réalisées au Canada ou en provenance du Canada, et généré par ces actifs, est supérieur au seuil relatif à la taille des transactions, et chacune d’au moins deux des entités fusionnantes, avec leurs affiliées, a, au Canada, des actifs d’une valeur comptable totale, ou un chiffre d’affaires brut annuel attribuable aux ventes réalisées au Canada, en direction du Canada ou en provenance du Canada, et généré par ces actifs, qui est supérieur au seuil relatif à la taille des transactions de 93 millions de dollars (2022);
- Dans le cas d’une association d’intérêts d’au moins deux personnes qui exploitent une entreprise autrement qu’au moyen d’une société par actions (p. ex., une société de personnes), au moins l’une de ces personnes contribue à l’association d’intérêts des actifs qui constituent la totalité ou une partie d’une entreprise en activité exploitée par ces personnes, ou par des entités contrôlées par ces personnes, et la valeur comptable totale des actifs au Canada qui font l’objet de l’association d’intérêts, ou le chiffre d’affaires brut annuel attribuable aux ventes réalisées au Canada ou en provenance du Canada, et généré par ces actifs, est supérieur au seuil relatif à la taille des transactions de 93 millions de dollars (2022);
- Dans le cas de l’acquisition d’une participation dans une association d’intérêts qui exploite une entreprise en activité autrement qu’au moyen d’une société par actions, la ou les personnes acquérant la participation, avec leurs affiliées, détiendraient une participation totale dans l’association d’intérêts qui leur donne le droit d’en recevoir plus de 35 % des bénéfices, ou plus de 35 % de ses actifs à la dissolution ou, lorsque la ou les personnes acquérant la participation ont déjà ce droit, le droit de recevoir plus de 50 % de ces bénéfices ou actifs, et la valeur comptable totale des actifs au Canada qui font l’objet de l’association d’intérêts, ou le chiffre d’affaires brut annuel attribuable aux ventes réalisées au Canada ou en provenance du Canada, et généré par ces actifs, est supérieur au seuil relatif à la taille des transactions de 93 millions de dollars (2022).
Si chacun des seuils applicables est dépassé, les parties à la fusion sont tenues de fournir des renseignements prescrits au Bureau et de payer des frais de dépôt de 77 452,36 $ pour 2022. Ces frais sont rajustés annuellement en fonction de l’évolution du PIB du Canada. En outre, les parties à la fusion ne peuvent conclure la transaction avant l’expiration du délai d’attente prévu par la Loi ou avant que le commissaire mette fin à ce délai ou y renonce. Le délai d’attente prévu par la loi expire 30 jours après que tous les renseignements prescrits ont été fournis au Bureau, sauf si, avant la fin de ce délai initial de 30 jours, le commissaire émet une demande de renseignements supplémentaires (une « DRS »). Si une DRS est émise, le délai d’attente prévu par la loi expire 30 jours après que les parties qui fusionnent se sont conformées à cette demande. D’après notre expérience, il faut généralement compter de quelques semaines à plusieurs mois pour que les parties qui fusionnent répondent à une DRS, selon la nature et la portée des renseignements demandés par le Bureau.
Les délais mentionnés précédemment ne s’appliquent pas si le commissaire délivre un certificat de décision préalable à l’égard de la transaction proposée. En outre, la Loi contient une disposition qui permet au commissaire de renoncer à l’obligation de préavis puisque des renseignements essentiellement similaires ont déjà été fournis relativement à une demande de certificat de décision préalable. La période d’attente peut également prendre fin plus tôt si les parties reçoivent un avis du commissaire indiquant que ce dernier n’a pas l’intention de contester la fusion devant le Tribunal à l’heure actuelle.
En plus des renseignements qui doivent être déposés en vertu du préavis de fusion ou de la DRS, le commissaire devra recevoir, avec le dépôt initial, une déclaration des répercussions sur la concurrence traitant des plus importantes répercussions de la transaction proposée sur la concurrence.
Lorsque le commissaire entreprend une enquête sur une fusion réelle ou proposée et demande plus de temps pour l’enquête, il peut, que la transaction fasse ou non l’objet d’un avis, solliciter auprès du Tribunal une ordonnance provisoire interdisant la réalisation ou la mise en œuvre de la fusion.
Examen approfondi des fusions
Toutes les fusions, qu’elles fassent ou non l’objet d’un préavis de fusion, peuvent être assujetties à un examen approfondi en vertu de la Loi. À cet égard, le commissaire examine les fusions afin de déterminer si elles sont susceptibles de donner lieu à un empêchement ou une diminution sensible de la concurrence (un « EDSC »). Dans le cadre de cette analyse, le commissaire examine un certain nombre de facteurs, tels que la part de marché collective des parties à la fusion; la déconfiture ou la déconfiture vraisemblable de l’entreprise acquise; la mesure dans laquelle sont ou seront vraisemblablement disponibles des produits pouvant servir de substituts acceptables à ceux fournis par les parties à la fusion; les effets de réseau et la nature et la portée des entraves à l’accès et à l’expansion; les effets sur la concurrence par les prix et la concurrence non tarifaire, comme la qualité, le choix ou la protection de la vie privée des consommateurs; la mesure dans laquelle il y aura encore de la concurrence réelle dans le marché; la possibilité que la fusion entraîne la disparition d’un concurrent dynamique et efficace; le renforcement possible de la position des principaux opérateurs historiques sur le marché; ainsi que la nature et la portée des changements et des innovations sur le marché. L’approche du commissaire en matière d’examen des fusions est expliquée en détail dans le document du Bureau intitulé Fusions – Lignes directrices pour l’application de la loi.
La durée de l’examen du commissaire varie selon qu’une fusion est qualifiée de « non complexe » ou de « complexe ». Alors que l’examen des fusions « non complexes » ne prend généralement pas plus de 14 jours, l’examen des fusions complexes peut, dans certains cas, dépasser 150 jours (comme lorsqu’une DRS a été émise).
Si le commissaire conclut qu’une fusion est susceptible de donner lieu à un EDSC, il tentera normalement d’obtenir des parties une réponse à ses préoccupations. S’il n’est pas possible de régler les questions en cause avec les parties, le commissaire peut demander au Tribunal de rendre une ordonnance. Si le Tribunal conclut que la fusion est susceptible de donner lieu à un EDSC, il peut ordonner aux parties fusionnantes ou à une autre personne de faire ce qui suit : a) dans le cas d’une fusion réalisée, dissoudre la fusion ou se départir des éléments d’actifs ou des actions indiqués par le Tribunal; ou b) dans le cas d’une fusion proposée, ne pas procéder à la totalité ou à une partie de la fusion proposée. En outre, avec le consentement des parties et du commissaire, le Tribunal peut également ordonner aux parties à une fusion réalisée ou proposée « de prendre toute autre mesure ».
Si la fusion a été presque intégralement réalisée au cours de l’année suivant la délivrance du certificat de décision préalable, en se fondant sur des renseignements identiques ou essentiellement similaires à ceux qui étaient à l’origine de ce certificat, le commissaire ne peut subséquemment contester la fusion, en vertu des dispositions sur les fusionnements de la Loi.
Lorsque le commissaire entreprend une enquête sur une fusion réelle ou proposée et demande plus de temps pour l’enquête, il peut, que la transaction fasse ou non l’objet d’un avis, solliciter auprès du Tribunal une ordonnance provisoire interdisant la réalisation ou la mise en œuvre de la fusion.
Enfin, la Loi comprend une défense fondée sur les gains en efficience, qui empêche le Tribunal de rendre une ordonnance corrective dans le cadre d’une fusion par ailleurs anticoncurrentielle s’il conclut que les gains en efficience résultant de la fusion surpasseront, et neutraliseront, les effets anticoncurrentiels prévus.
Complots et cartels
Un complot, un accord ou un arrangement entre concurrents à l’égard de la fixation des prix, de l’attribution des marchés et/ou de la restriction de la production constitue une infraction criminelle (l’« infraction de cartel »). Souvent qualifiée de « mal suprême de l’antitrust », l’infraction de cartel est la pierre angulaire de la Loi et une priorité absolue du Bureau. Une preuve de préjudice à la concurrence n’est pas nécessaire pour établir l’infraction. Le terme « concurrents » comprend non seulement les concurrents actuels, mais aussi les concurrents potentiels. L’infraction de cartel interdit les catégories d’accords suivantes :
- Les accords sur la fixation des prix comprennent les accords entre concurrents en vue de fixer ou de contrôler le prix ou un élément du prix pratiqué par ces concurrents. Le terme « prix » s’entend notamment de tout escompte, rabais, remise, concession de prix ou autre avantage relatif à la fourniture du produit.
- Les accords visant l’attribution des marchés comprennent, entre autres, les accords entre concurrents de ne pas se livrer concurrence à l’égard de clients précis, de groupes de clients ou de types de clients, dans certaines régions ou segments du marché ou à l’égard de certains types de transactions ou de produits.
- Les accords de restriction de la production comprennent, entre autres, les accords entre concurrents en vue de limiter la quantité ou la qualité de produits fournis, de réduire la quantité ou la qualité de produits fournis à des clients ou des groupes de clients précis, de limiter les augmentations de la quantité de produits à une quantité donnée ou de cesser de fournir des produits à des clients ou des groupes de clients précis.
- Les accords de fixation des salaires comprennent les accords entre employeurs non affiliés visant à fixer, maintenir, diminuer ou contrôler les salaires ou d’autres conditions d’emploi. Cette disposition n’est pas limitée aux accords entre concurrents. Les « conditions d’emploi » peuvent inclure les responsabilités, les avantages et les politiques associés à un emploi, tels que les descriptions de poste, les prestations telles que les indemnités journalières et les remboursements de frais de déplacement, les compensations non monétaires, les heures de travail, la localisation et les clauses de non-concurrence, ou toute autre directive susceptible de restreindre les possibilités d’emploi d’une personne. Cette disposition entrera en vigueur le 23 juin 2023.
- Les accords de non-débauchage sont des accords entre employeurs non affiliés qui prévoient pour chacune des parties l’interdiction de solliciter ou d’embaucher les employés d’une autre partie. Cette disposition n’est pas limitée aux accords entre concurrents. Cette disposition interdit toutes les formes d’accords entre employeurs qui limitent les possibilités d’embauche réciproque de leurs salariés. Parmi ces limitations, on peut citer en exemple la non-communication des informations relatives aux postes à pourvoir et l’adoption de mécanismes de recrutement (comme les méthodes de qualification par points) destinés à empêcher que les salariés ne soient débauchés ou embauchés par une autre partie signataire de l’accord. Cette disposition entrera en vigueur le 23 juin 2023.
Le truquage des offres est une autre infraction criminelle à la Loi qui est jugée illégale sans preuve d’effets anticoncurrentiels. Il y a truquage des offres quand au moins deux personnes participant à un appel d’offres ou de soumissions s’entendent pour que l’une ou plusieurs d’entre elles ne soumettent pas d’offre, retirent une offre ou présentent une offre découlant d’une entente.
La Loi contient également des interdictions criminelles de mise en œuvre d’un complot étranger et d’infractions sectorielles, notamment des dispositions interdisant les complots impliquant des institutions financières fédérales et les complots liés au sport professionnel.
Les sanctions pour les infractions de cartel sont sévères et comprennent des amendes importantes et, dans le cas d’un particulier, peuvent aller jusqu’à l’emprisonnement. En outre, la Loi permet aux personnes qui ont subi des pertes ou des préjudices par suite de ces infractions criminelles de présenter des demandes en dommages-intérêts devant les tribunaux. Ces réclamations prennent souvent la forme d’actions collectives, qui peuvent être coûteuses et nécessiter une longue défense.
Pratiques susceptibles d’examen en matière civile
La Loi contient un certain nombre de dispositions civiles, appelées « pratiques susceptibles d’examen », portant sur des pratiques commerciales ordinaires et légales qui peuvent, à l’occasion, avoir des effets anticoncurrentiels sur l’économie et les consommateurs canadiens. Ces pratiques sont présumées légales et ne peuvent être interdites que s’il existe une preuve indiquant que des effets anticoncurrentiels découlent de ces pratiques.
Accords non criminels entre concurrents
La Loi contient une pratique susceptible d’examen concernant les accords entre concurrents qui pourraient donner lieu à un EDSC dans tout marché pertinent. Le Tribunal peut, à la demande du commissaire, rendre des ordonnances d’interdiction relativement à des accords entre concurrents qui donnent lieu à un EDSC. En particulier, les coentreprises, les alliances stratégiques et les cas similaires de collaboration entre concurrents peuvent être assujettis à un examen, à l’interdiction ou à d’autres ordonnances en vertu de ces dispositions.
Abus de position dominante
Les dispositions relatives à l’abus de position dominante de la Loi prévoient que lorsqu’au moins une personne jouit d’une puissance commerciale et qu’elle se livre à la « pratique d’agissements anticoncurrentiels » qui a, a eu ou aura vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans un marché, le Tribunal peut, sur demande du commissaire, rendre des ordonnances, notamment d’interdiction, à l’égard des agissements, ainsi que des ordonnances de sanctions administratives pécuniaires d’un maximum de i) 10 millions de dollars (pour une première ordonnance et de 15 millions de dollars pour les ordonnances subséquentes) et de ii) trois fois la valeur de l’avantage obtenu grâce au comportement anticoncurrentiel, ou, si ce montant ne peut être raisonnablement déterminé, 3 % du revenu global brut annuel, selon le montant le plus élevé.
Pratiques restrictives du commerce
Les règles sur les pratiques restrictives du commerce s’appliquent aux conduites unilatérales, soit au refus de vendre, au maintien des prix à la revente, à l’exclusivité, aux ventes liées et à la limitation du marché.
- Le refus de vendre est un refus de fourniture à un client éventuel dans certaines circonstances précises. Bien qu’aucune entreprise n’ait l’obligation absolue d’approvisionner un ou plusieurs clients actuels ou éventuels en particulier, dans certaines circonstances, lorsque le client éventuel accepte et est en mesure de respecter les conditions de commerce normales imposées par le fournisseur, qu’il est incapable de se procurer un produit de façon suffisante ailleurs et que, en raison du refus, le client éventuel ne serait pas en mesure d’exploiter une entreprise ou qu’il est autrement sensiblement gêné dans son entreprise, le refus peut faire l’objet d’un examen. D’autres conditions devraient également être remplies pour que le Tribunal puisse rendre une ordonnance exigeant qu’un fournisseur accepte le client (c.-à-d. que le produit doit être disponible en quantité amplement suffisante et que le refus de vendre doit avoir eu ou aura vraisemblablement pour effet de nuire à la concurrence dans un marché).
- Le maintien des prix désigne le fait de faire monter ou d’empêcher que l’on ne réduise le prix de vente ou le prix annoncé, par le biais d’une entente, de menaces, d’une promesse ou de tout autre moyen semblable, ou le fait de refuser de fournir un produit à une personne donnée ou de prendre quelque autre mesure discriminatoire à son endroit, en raison de son régime de bas prix, ce qui dans chaque cas aura vraisemblablement pour effet de nuire à la concurrence dans un marché.
- On parle d’exclusivité lorsqu’un fournisseur oblige ou incite un client à faire uniquement ou essentiellement le commerce de produits fournis par le fournisseur ou une personne qu’il désigne.
- On parle de ventes liées lorsqu’un fournisseur oblige ou incite un client, comme condition à ce qu’il lui fournisse un produit donné, à acheter un second produit, ou qu’il empêche le client d’utiliser ou de distribuer un autre produit avec le produit fourni.
- On parle de limitation du marché lorsqu’un fournisseur oblige un client à vendre des produits spécifiés dans un marché déterminé, ou pénalise un client si celui ci vend ses produits hors d’un marché déterminé.
Lorsque le commissaire estime que l’une des pratiques susmentionnées est susceptible d’avoir un effet important ou défavorable sur la concurrence dans un marché (selon la disposition en question), il peut demander au Tribunal de rendre une ordonnance de cessation de la pratique. Sous réserve de l’autorisation du Tribunal, des parties privées peuvent obtenir le droit de présenter des affaires au Tribunal en vertu des dispositions sur les pratiques restrictives du commerce.
Pratiques commerciales trompeuses
La Loi contient à la fois des dispositions criminelles et civiles (pouvant faire l’objet d’un examen) à l’égard d’une pléiade de pratiques commerciales trompeuses. Le fait de présenter des indications fausses ou trompeuses sur un point important dans le but de promouvoir la fourniture ou l’utilisation d’un produit, d’un service ou d’un intérêt commercial est à la fois une infraction criminelle et une pratique susceptible d’examen en vertu de la Loi. Le commissaire peut choisir la voie (criminelle ou civile) à suivre en ce qui concerne les présumées indications fausses ou trompeuses. Les dispositions particulières relatives aux indications publicitaires suppriment l’obligation pour le commissaire de prouver l’importance de l’indication lorsque l’indication en cause était contenue dans les renseignements sur l’expéditeur ou dans l’objet d’un message électronique. La Loi précise également certaines infractions criminelles et pratiques susceptibles d’examen relativement aux pratiques commerciales trompeuses. En voici quelques exemples :
Infractions criminelles
- Télémarketing trompeur : Il s’agit d’une infraction dans le cadre de laquelle la communication téléphonique interactive est utilisée pour transmettre des indications fausses ou trompeuses en vue de promouvoir la fourniture d’un produit ou un intérêt commercial.
- Double étiquetage : Le fait pour une entreprise d’indiquer deux prix sur un produit et de demander le prix le plus élevé constitue une infraction.
- Vente pyramidale : Le fait de participer à un système de commercialisation à paliers multiples présentant certaines caractéristiques constitue une infraction. De façon générale, un système de commercialisation à paliers multiples dans lequel les participants génèrent des bénéfices par le recrutement plutôt que par la fourniture de produits que les consommateurs sont prêts à acheter fait l’objet d’une interdiction criminelle.
- Indication de prix partiel : La Loi interdit d’offrir un produit ou un service à un prix inaccessible, parce que les consommateurs doivent également payer des frais supplémentaires non imposés par le gouvernement pour acheter le produit ou le service. (La Loi inclut des dispositions pénales et civiles sur l’indication de prix partiel.)
Pratiques susceptibles d’examen en matière civile
- Indications relatives au prix de vente habituel : La Loi interdit de donner ou de permettre que soient données au public, de quelque façon que ce soit, des indications fausses ou trompeuses sur un point important concernant le prix de vente habituel d’un produit. Le prix de vente habituel est établi selon l’un ou l’autre de deux critères, soit qu’une quantité importante du produit a été vendue à ce prix ou à un prix plus élevé pendant une période raisonnable (critère de quantité), soit que le produit a été offert de bonne foi à ce prix ou à un prix plus élevé pendant une période importante (critère de période).
- Indications de rendement : La Loi interdit de donner ou de permettre que soient données au public, de quelque façon que ce soit, des indications concernant le rendement, l’efficacité ou la durée de vie utile d’un produit, qui ne se fondent pas sur une épreuve suffisante et appropriée. La preuve que les indications se fondent sur une telle épreuve incombe à la personne qui donne les indications. L’épreuve doit avoir été effectuée avant que l’indication ne soit faite au public.
- Vente à prix d’appel : La Loi interdit la promotion d’un produit ou d’un service à prix d’occasion lorsque le produit n’est pas offert en quantités raisonnables eu égard à la nature du marché où la personne exploite son entreprise, à la nature et à la dimension de l’entreprise qu’elle exploite et à la nature de la publicité.
Les sanctions pour avoir recours à des pratiques commerciales trompeuses sont très variées et peuvent comprendre une peine d’emprisonnement, des amendes coûteuses, des sanctions administratives pécuniaires, des ordonnances d’interdiction, la diffusion d’un avis correctif et/ou la restitution, selon la conduite en cause et l’approche adoptée par le commissaire en matière d’application.
Actions civiles privées en dommages-intérêts
La Loi contient des dispositions qui établissent un droit privé d’action en dommages-intérêts à l’égard de comportements qui contreviennent aux dispositions criminelles de la Loi ou du non-respect d’ordonnances émises par le Tribunal ou un autre tribunal en vertu de la Loi. Veuillez noter que la Loi prévoit uniquement des dommages-intérêts simples, et non triplés. La Loi contient également une disposition relative au recouvrement des coûts associés à toute enquête ou poursuite civile.