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Mandats représentatifs

EXPROPRIATION - Ville de Lorraine c. 2646-8926 Québec inc. (Cour suprême du Canada)

Fasken
Temps de lecture 6 minutes
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Aperçu

Mandat

APCHQ

Les faits
Le 6 juillet 2018, la Cour suprême du Canada (la « CSC »), dans l’arrêt Lorraine (Ville) c. 2646-8926 Québec inc., 2018 CSC 35, a accueilli le pourvoi intenté par les appelantes Ville de Lorraine (la « Ville ») et la Municipalité régionale de comté de Thérèse-de-Blainville (la « MRC ») à l’égard de l’arrêt rendu par la Cour d’appel du Québec le 7 novembre 2016.

La Cour d’appel avait statué que les règlements de modification de zonage adoptés par la Ville ne pouvaient être annulés considérant le délai s’étant écoulé entre leur entrée en vigueur et l’action en justice, mais devaient être déclarés inopposables à l’égard de 2646-8926 Québec inc. (le « Propriétaire »), puisqu’ils constituaient une expropriation déguisée. La Cour d’appel avait ainsi accueilli l’appel du Propriétaire à l’égard du jugement de la Cour supérieure rendu le 7 juillet 2015 par l’honorable juge Benoît Emery.

Le pourvoi de la Ville soulevait la question suivante : est-ce qu’un règlement qu’une partie conteste en raison de son caractère abusif peut lui être déclaré inopposable si cette dernière n’a pas présenté sa demande dans un délai raisonnable?
 
L’arrêt de la Cour suprême
D’emblée, la CSC rappelle que « compte tenu de l’importance accordée à la propriété privée dans les démocraties libérales, l’exercice du pouvoir d’exproprier est strictement encadré afin de veiller à ce que les expropriations soient accomplies pour des fins publiques légitimes et moyennant une juste indemnité ». Au Québec, ce pouvoir est encadré par la Loi sur l’expropriation, RLRQ, c. E-24.

Ensuite, elle discute des deux recours disponibles à un propriétaire victime d’une expropriation déguisée, soit une demande en nullité ou inopposabilité du règlement et une demande pour le paiement d’une indemnité correspondant à la valeur du bien exproprié en vertu de l’article 952 du Code civil du Québec (« C.c.Q.»).
 
Considérant qu’une demande en nullité pour cause d’abus de pouvoir repose sur le pouvoir général de contrôle ou de surveillance de la Cour supérieure à l’égard des actes de l’administration, dont ceux des municipalités, une telle demande doit être instituée dans un délai raisonnable. En l’espèce, la CSC est d’avis que le juge Emery était justifié de rejeter la demande en nullité du Propriétaire pour cause de tardiveté en prenant compte la présomption de connaissance légale, soit à compter de la date d’adoption du Règlement le 23 juin 1991.
 
En conséquence, la demande en nullité du Propriétaire devait être rejetée, sans conséquence quant aux conclusions de l’action sur lesquelles le juge de première instance n’a pas encore statué. En effet, la CSC a réitéré que même si le demandeur ne satisfait plus aux conditions d’ouverture pour un pourvoi en contrôle judiciaire, « il n’est pas pour autant privé du droit de solliciter, dans les cas qui le permettent et si la preuve étaye sa demande, le paiement d’une indemnité pour cause d’expropriation déguisée. » (par. 46)
 
Enseignement de la Cour suprême
D’abord, la CSC propose une définition plus simple que ce qu’elle avait proposé en common law dans l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique c. Vancouver (Ville de), 2006 R.C.S. 227 selon lequel, pour constituer une expropriation déguisée, deux critères sont nécessaires, soit « (i) l’acquisition d’un intérêt bénéficiaire dans le bien fonds ou d’un droit découlant de ce bien, et (ii) la suppression de toutes les utilisations raisonnables du bien fonds. ». La CSC définit plus simplement l’expropriation déguisée en droit québécois comme étant le fait pour une administration municipale de restreindre la jouissance des attributs du droit de propriété sur un bien à un point tel que leur titulaire s’en trouve exproprié de facto (par. 27).

Ensuite, deux modes différents de réparation s’offrent au propriétaire lésé, en l’occurrence un recours pour annulation ou inopposabilité d’un règlement ou encore recours pour le paiement d’une indemnité fondé sur l’article 952 C.c.Q. Advenant même que le recours en annulation ou en inopposabilité ne soit plus ouvert, il est néanmoins loisible au propriétaire de « réclamer le paiement d’une indemnité correspondant à la valeur du bien dont il est spolié » (par. 2). Le recours visant le paiement d’une indemnité d’expropriation est donc un recours distinct qui demeure possible, même lorsque le recours en annulation ou en inopposabilité n’est plus ouvert pour une raison ou pour une autre.

 
L'équipe de Fasken, composée de Nikolas Blanchette, Martin Sheehan et de Nicolas-Karl Perrault, ​a représenté avec succès l'APCHQ comme intervenant devant la Cour suprême du Canada dans l'affaire Ville de Lorraine à la Municipalité régionale de comté de Thérèse-de-Blainville.

Équipe

  • Nicolas-Karl Perrault, Associé, Montréal, QC, +1 514 397 5256, nperrault@fasken.com