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Libre-échange avec l’Europe : défis et occasions

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Bulletin Commerce international et droit douanier

Le président Obama a annoncé en février 2013 que les États‑Unis allaient entamer des négociations commerciales avec l'Union européenne (l'« UE ») cet été, ce qui met de la pression sur le Canada et l'UE pour qu'ils achèvent leurs négociations sur l'accord économique et commercial global (l'« AECG »). Il semblerait que les deux parties soient engagées dans des négociations actives. Les parties risquent de ne pas pouvoir éviter de faire des choix politiques difficiles si elles veulent venir à bout d'un accord d'une telle ampleur et complexité.

Le présent bulletin souligne cinq domaines visés par les négociations en cours qui ont de grandes incidences sur les entreprises canadiennes : les marchés publics, les services financiers, la protection des investisseurs, la propriété intellectuelle sur les produits pharmaceutiques et les règles d'origine. Nous traitons aussi des questions d'ordre stratégique.

A. Marchés publics

L'une des demandes critiques de l'UE est d'avoir accès aux marchés aux niveaux provincial et municipal et aux organismes du secteur MESSS (municipalités, établissements d'enseignement supérieur, écoles et hôpitaux). Il s'agissait de l'une des conditions pour que l'UE engage les négociations avec le Canada. Le Canada demande un accès réciproque aux entités et entreprises nationales et infranationales de l'UE auxquelles les entreprises canadiennes n'avaient pas accès auparavant.

Cette question fait partie des aspects des négociations qui sont les plus controversés sur le plan politique. L'ouverture des marchés publics sous-fédéraux canadiens pourrait amener une plus grande concurrence sur les marchés provinciaux et municipaux avec l'arrivée des nouveaux participants européens sur le marché canadien. Bien que cela ne fasse pas partie des négociations, l'ouverture des marchés publics provinciaux aux investissements européens pourrait forcer les provinces à libéraliser encore plus les marchés entre les provinces. De même, grâce à un meilleur accès aux marchés publics européens, de taille bien plus grande, l'AECG pourrait offrir aux entreprises canadiennes l'occasion de participer aux marchés publics de l'UE et de se lier plus efficacement aux chaînes d'approvisionnement mondiales établies par les multinationales de l'UE. Les entreprises canadiennes dotées d'expertise dans les principaux secteurs en croissance de l'UE, comme celui des technologies vertes, ont beaucoup à gagner d'un tel accès.

B. Services financiers

Les secteurs et marchés des services financiers au Canada et dans l'UE sont bien développés. Le secteur des services financiers canadien, y compris les compagnies d'assurance, pourrait profiter d'un accès aux 500 millions de clients de l'UE. Nous comprenons que le Canada cherche une « exception d'ordre prudentiel » de ses règles financières visant, par exemple, les exigences de fonds propres, la liquidité et la gestion des risques, ce qui exclurait ces règles des obligations commerciales présentes dans l'AECG. L'UE souhaite que ses institutions financières qui investissent au Canada puissent contester la réglementation financière canadienne directement par un processus de groupe spécial arbitral semblable au processus de règlement des différends opposant un investisseur et un État prévu actuellement dans l'ALENA. Le Canada aimerait limiter ces différends au processus de règlement de différends entre gouvernements, qui prévoit que seul un gouvernement peut entamer des procédures et que les entreprises ne peuvent pas le faire.

C. Protection des investisseurs

L'AECG contiendra des dispositions sur les exigences juridiques et réglementaires qui peuvent avoir une incidence sur les investisseurs canadiens et européens qui cherchent à investir dans l'autre marché ou qui l'ont déjà fait. Les négociateurs souhaitent en arriver à un équilibre afin de protéger les investisseurs et leurs investissements sans compromettre inutilement la capacité d'un gouvernement d'atteindre ses obligations de politique publique qui pourraient avoir une incidence défavorable sur les activités des investisseurs. Il semblerait que le Canada et l'UE tentent de se mettre d'accord sur des règles qui limitent l'obligation du gouvernement de verser une indemnité à un investisseur étranger pour des mesures réglementaires qui ont une grande incidence sur la poursuite de l'investissement. Ceci s'appelle l'« expropriation indirecte ». De plus, l'UE aimerait que ses investisseurs soient dispensés des dispositions de sélection de la Loi sur Investissement Canada.

D. Propriété intellectuelle sur les produits pharmaceutiques

Une autre question qui n'a pas été résolue est celle de l'harmonisation des droits de propriété intellectuelle européens et canadiens pour les producteurs innovateurs de produits pharmaceutiques. L'UE propose : (i) de donner aux entreprises innovatrices le même droit d'appel en cour qu'aux fabricants de produits génériques; (ii) de mettre en œuvre la restauration de la durée du brevet pour compenser le temps perdu pendant le processus d'approbation réglementaire du brevet (le Canada est le seul pays du G7 qui ne l'accorde pas); (iii) la prolongation de la protection des données (et de l'exclusivité du marché) de 8 à 10 ans, pour que cette durée corresponde à celle en vigueur en Europe. Le Canada n'a pas encore laissé savoir s'il acceptait ces propositions.

E. Règles d'origine

Bien que l'AECG soit un accord commercial de seconde génération se concentrant sur l'élimination des barrières non-tarifaires au commerce, les tarifs existants sur les biens demeurent un enjeu important.  Les parties ont convenu d'un régime exempt de taxes à l'importation dès la mise en œuvre de la plupart des tarifs des douanes (avec quelques exceptions notables, comme les produits assujettis au régime de la gestion de l'offre du Canada). Toutefois, l'accès réel au marché pourrait être refusé selon le modèle de règles d'origine adopté par les parties. Les « règles d'origine » déterminent la mesure dans laquelle les produits peuvent être fabriqués à l'extérieur de l'UE ou du Canada et être considérés « européens » ou « canadiens » pour profiter du régime d'admission en franchise. Certains secteurs, comme ceux de l'automobile, du textile et de l'habillement, sont constitués en fonction de l'Amérique du Nord. Si les règles d'origine ne reconnaissent pas cette réalité commerciale, il pourrait être difficile pour les biens canadiens d'être admissibles au traitement tarifaire préférentiel européen. Grâce à l'ALENA et à ses propres règles tarifaires de libre-échange, des règles d'origine favorables en vertu de l'AECG feraient en sorte qu'une société canadienne pourrait utiliser l'ALENA pour importer des matériaux des États‑Unis ou du Mexique afin de fabriquer un produit au Canada et ensuite appliquer les règles d'origine de l'AECG pour exporter le produit fini à l'UE en profitant du libre-échange.

Questions d'ordre stratégique

Même si les enjeux mentionnés précédemment exigeront sans doute des décisions politiques, probablement au plus haut niveau, pour conclure l'accord, les entreprises canadiennes ou européennes qui souhaitent profiter d'occasions dans l'autre marché aimeraient sans doute mieux comprendre les règles de l'AECG en cours de négociation et élaborer des stratégies pour accéder à ce marché. De même, il serait bon que les sociétés canadiennes et européennes qui exercent des activités dans des secteurs comptant de forts concurrents outre-mer se familiarisent avec les règles négociées afin de mieux comprendre l'incidence de l'AECG sur l'environnement concurrentiel du marché national et qu'elles évaluent des stratégies pour répondre à ces règles. La signature de l'AECG ne signale pas la fin du processus juridique. Les deux marchés doivent lui donner force de loi au cours d'un processus de « ratification ». En outre, il sera important pour les entreprises qui exercent des activités dans les deux marchés de s'informer de la façon dont les règles de l'AECG seront transposées dans la législation.



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  • Claudia Feldkamp, Avocate-conseil, Toronto, ON, +1 416 868 3435, cfeldkamp@fasken.com
  • Peter E. Kirby, Consultant, Montréal, QC, +1 514 397 4385, pkirby@fasken.com

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