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Le contrat de courtage immobilier : simple permis de chasse?

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Bulletin Litiges et résolution de conflits

« tout comme à la chasse,
le courtier peut consacrer beaucoup
de temps et d'efforts sans toutefois
atteindre son objectif »

- L'hon. Gérard Vincent La Forest -

Le récent jugement Société en commandite Place Mullins c. Services immobiliers Diane Bisson inc., (2015 CSC 36) a été l'occasion pour le plus haut tribunal du pays de rappeler à quel point la rétribution du courtier immobilier est aléatoire. Au passage la Cour a énoncé divers enseignements relatifs aux contrats de courtage immobilier et aux promesses d'achat, lesquels sont susceptibles d'intéresser autant les courtiers que les promoteurs immobiliers.

Les faits

Au moyen du formulaire standard proposé par l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, un propriétaire confie à un courtier immobilier la vente de son immeuble.

Pendant la période visée par le contrat de courtage, une promesse d'achat intervient avec un promettant-acheteur. Cette promesse est assortie d'une faculté de dédit au bénéfice de ce dernier. Au cours de sa vérification diligente, le promettant-acheteur découvre que le sol de la propriété est contaminé et exige du promettant-vendeur qu'il procède, à ses frais, à la décontamination. Ce dernier refuse et, après maintes négociations, la vente échoue.

Devant cette situation, le courtier immobilier exige le paiement de sa rétribution en prétendant qu'une « entente visant à vendre l'IMMEUBLE », au sens du contrat de courtage, a été conclue. Subsidiairement, il prétend que le refus du promettant-vendeur de procéder à la décontamination constitue un acte volontaire de sa part empêchant la libre exécution du contrat.

Qu'est qu'une « entente visant à vendre l'IMMEUBLE »?

En vertu de la clause 6.1(3o) du contrat de courtage, le courtier a droit à la rétribution prévue dès la conclusion d'une « entente visant à vendre l'IMMEUBLE ». La Cour précise que le  libellé de cette disposition n'exige pas qu'un acte de vente notarié intervienne pour que la commission soit due au courtier. Une promesse d'achat dûment acceptée par le promettant-vendeur peut, en certaines circonstances, constituer une « entente visant à vendre l'IMMEUBLE ».

Toutefois, la Cour précise que tant qu'une promesse d'achat ne lie pas inconditionnellement les deux parties, et qu'il n'est pas encore possible à l'une d'entre elles d'exercer l'action en passation de titre, on ne peut prétendre qu'il existe une « entente visant à vendre l'IMMEUBLE » au sens de la clause 6.1(3o) du contrat de courtage.

Dans le cas sous étude, le promettant-acheteur s'est prévalu de la condition résolutoire stipulée en sa faveur dans la promesse d'achat. La demande écrite de décontamination du terrain transmise par le promettant-acheteur constituait une nouvelle offre au promettant-vendeur, laquelle n'a jamais été acceptée.

Le refus du promettant-vendeur de décontaminer l'immeuble

Le courtier prétend également que le promettant-vendeur ne peut refuser de décontaminer le terrain sans contrevenir, à la fois, à la clause 6.1(4o) du contrat de courtage et à l'article 1503 du Code civil du Québec (« C.c.Q. »). Ces deux dispositions visent la situation où le promettant-vendeur empêche volontairement la libre exécution du contrat de courtage et, par conséquent, la vente de l'immeuble. La Cour précise qu'afin d'invoquer ces dispositions, le courtier doit démontrer qu'une faute a été commise par le promettant-vendeur. Cette faute peut résulter d'un acte positif ou d'une omission d'accomplir une obligation prévue au contrat de courtage ou à la promesse d'achat.

Après avoir analysé le contenu obligationnel de la promesse d'achat et du contrat de courtage, la Cour conclut que l'ignorance par le promettant-vendeur de la contamination du terrain empêche de lui imputer une faute qui aurait causé l'échec de la vente.

Enfin, la Cour souligne que les garanties légales prévues aux articles 1723 et 1725 C.c.Q. demeurent inapplicables puisqu'aucune vente n'a été conclue entre les parties. Le courtier ne peut alors prétendre que le promettant-vendeur a contrevenu à de telles obligations en refusant de décontaminer le terrain.

Les déclarations du vendeur ne peuvent constituer des garanties

Puisque le contrat de courtage comporte, à sa partie 7, les « Déclarations du vendeur », la Cour a examiné si le refus de décontaminer le terrain contrevenait à de telles déclarations. La Cour précise que ces déclarations du promettant-vendeur ne peuvent être assimilées à des garanties ou à des obligations de sa part. Ainsi, une déclaration à l'effet que « l'IMMEUBLE est conforme aux lois et règlements relatifs à la protection de l'environnement », ne peut, en l'absence d'une connaissance de la contamination du terrain par le promettant-vendeur, constituer un engagement de sa part à décontaminer le terrain.

La décision de la Cour suprême est disponible en ligne.

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Auteurs

  • Mathieu Leblanc-Gagnon, Associé, Québec, QC, +1 418 640 2036, mleblancgagnon@fasken.com
  • Christian Trépanier, Associé, Québec, QC, +1 418 640 2011, ctrepanier@fasken.com

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