Les employés dans les provinces de common law qui reçoivent une offre d'emploi dans le cadre de la vente d'une entreprise ne sont pas nécessairement tenus d'accepter cette offre, ni obligés d'accepter d'être assujettis à une période maximale de préavis prévue par la common law. Dans l'affaire Dussault v. Imperial Oil Limited, 2018 ONSC 1168, la Cour supérieure de l'Ontario s'est penchée sur les questions de savoir s'il existe une période maximale de préavis prévue par la common law et dans quel contexte un employé est tenu d'accepter une offre d'emploi de la part de l'acheteur pour satisfaire à son obligation de mitiger ses dommages. La Cour a conclu qu'il n'y avait pas de limite supérieure relativement aux périodes de préavis et qu'une période de plus de vingt-quatre 24 mois est adéquate dans des circonstances exceptionnelles (par exemple, lorsque un employé a cumulé plus de 24 années d'ancienneté, lorsqu'il a travaillé pour l'entreprise pour presque toute sa vie active en tant qu'adulte, lorsqu'il s'approche de l'âge de la retraite, lorsqu'il a joué un rôle important au sein de l'entreprise ou qu'il serait difficile pour cet employé de se trouver un emploi similaire). La Cour a également conclu que l'obligation de mitiger ses dommages ne signifie pas qu'un employé doit accepter un emploi auprès de l'acheteur si cette offre peut avoir des conséquences importantes pour l'employé dans le futur.
Contexte
M. Dussault, qui avait 63 ans lorsqu'il a perdu son emploi, a travaillé chez Impérial pendant plus de 39 ans. Mme Pugliese, qui avait 57 ans lorsqu'elle a perdu son emploi, a travaillé pendant 36 ans auprès de cette entreprise. Ces deux employés occupaient des postes de direction et avaient d'importantes responsabilités ainsi que de généreuses conditions salariales. Ni l'un ni l'autre n'avait travaillé ailleurs depuis la fin de leurs études collégiales ou universitaires.
En 2016, Impérial a vendu ses points de vente au détail situés en Ontario sous la marque Esso à Mac's Convenience Stores. À la suite de cette vente, les demandeurs ont reçu une offre d'emploi de Mac's. Les offres d'emploi étaient assorties des modalités suivantes :
- La continuation du même salaire de base que celui offert par Imperial pour une période de 18 mois, suivi d'un risque significatif de voir son salaire subséquent réduit de façon importante;
- Le paiement d'un montant forfaitaire représentant la différence entre le régime d'avantages sociaux offert par Mac's et celui d'Imperial pendant une période de 18 mois. Les demandeurs devaient également signer une quittance en faveur d'Impérial avant de recevoir ces sommes.
- Les années de service de ces employés chez Impérial ne seraient pas reconnues afin de déterminer la période de préavis raisonnable de cessation d'emploi ou de l'indemnité en tenant lieu.
Les deux demandeurs ont refusé l'offre de Mac's et ont intenté une poursuite pour congédiement injustifié contre Impérial, dans laquelle ils alléguaient avoir droit à 32 mois de préavis en vertu de la common law. En plus de contester les propos des demandeurs relativement au préavis, Impérial a fait valoir qu'aucune circonstance exceptionnelle ne justifiait une période de préavis de plus de 24 mois et que, en rejetant les offres d'emploi de Mac's, les demandeurs avaient manqué à leur obligation de mitiger leurs dommages.
Le juge Favreau a tranché en faveur des demandeurs relativement aux deux questions. Il a conclu que ces derniers avaient droit à 26 mois de préavis et qu'ils n'avaient pas agi de façon déraisonnable en refusant les offres d'emploi de Mac's.
Incidences pour les employeurs
Suivant cette décision, il est possible d'anticiper un nombre accru de décisions dans lesquelles un tribunal en viendrait à la conclusion qu'un employé a droit à un préavis de plus de 24 mois en cas de cessation d'emploi. Pour se protéger à cet égard, les employeurs dans les provinces de common law devraient se doter d'un contrat de travail écrit contenant une clause d'indemnité de départ qui limite la période de préavis de départ.
En outre, lorsqu'un acheteur présente une offre d'emploi aux employés du vendeur dans le cadre de la vente d'une entreprise, le vendeur devrait exiger que les modalités proposées soient essentiellement similaires à celles dont bénéficiaient les employés auparavant. Il est également conseillé d'éviter d'établir des conditions selon lesquelles l'employé doit faire des concessions.