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Première décision du Conseil sur la notion d’« artiste » selon la Loi sur le statut de l’artiste

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Bulletin Travail, emploi et droits de la personne | L'Espace RH

Le 8 août dernier, le Conseil canadien des relations industrielles ( le « Conseil ») a rendu sa toute première décision dans laquelle il examine de quelle façon le concept d' « entrepreneur indépendant » doit s'appliquer dans le cadre de la détermination du statut d'« artiste » au sens de la Loi sur le statut de l'artiste[1]. Il s'agit de l'affaire Syndicat des employé(e)s de TVA, section locale 687, SCFP et Groupe TVA inc. et l'Union des artistes[2].

Dans cette décision, le Conseil examine également la portée intentionnelle d'une unité de négociation dite « universelle » et confirme que celle-ci demeure relative.

Les faits

Dans cette affaire, le Syndicat des employé(e)s de TVA, section locale 687 (SCFP) (le « Syndicat ») a déposé une demande en vertu de l'article 18 du Code canadien du travail ( le « Code ») afin que Denis Lévesque (« monsieur Lévesque ») soit déclaré être un employé visé par la portée intentionnelle de son unité de négociation qui vise « tous les employés » de Groupe TVA Inc. (« TVA ») travaillant à Montréal à l'exclusion de certains postes énumérés à l'Annexe A de l'ordonnance d'accréditation. En réponse à cette demande, TVA et l'Union des artistes (l'« UDA ») ont allégué que monsieur Lévesque était plutôt un artiste, et donc un entrepreneur indépendant, visé par la Loi sur le statut de l'artiste et par l'unité de négociation de l'UDA. Pour trancher le litige, le Conseil devait notamment examiner les deux (2) questions suivantes :

  1. Monsieur Lévesque est-il visé par l'unité de négociation dite de portée universelle du Syndicat?
  2. Monsieur Lévesque est-il un artiste, et donc un entrepreneur indépendant, au sens de la Loi sur le statut de l'artiste visé par l'unité de négociation de l'UDA?

La décision

En réponse à la première question, le Conseil a tout d'abord examiné les tâches effectuées par monsieur Lévesque et a conclu qu'il était un animateur et non un journaliste/lecteur de nouvelles. Le Conseil a ensuite examiné la portée intentionnelle de l'ordonnance d'accréditation détenue par le Syndicat afin de déterminer si celle-ci vise la fonction d'animateur.

Malgré que l'unité de négociation du Syndicat était qualifiée d' « universelle » en ce sens que toute nouvelle classification ou tout nouveau poste y était inclus à moins que les parties n'aient convenu de son exclusion, le Conseil a conclu que la fonction d'animateur n'en faisait pas partie même si celle-ci n'était pas expressément prévue à l'Annexe A de l'ordonnance d'accréditation.

En effet, le Conseil a constaté que la fonction d'animateur existait déjà au moment de l'émission de l'ordonnance d'accréditation et que même si cette fonction n'était pas exclue à l'Annexe A de l'ordonnance d'accréditation, cette fonction n'a jamais été revendiquée par le Syndicat, n'a jamais fait partie des conventions collectives signées entre les parties et ne figurait pas non plus parmi les descriptions de tâches. Ainsi, cette décision confirme que même en présence d'un libellé d'unité d'accréditation de portée générale, une fonction peut malgré tout être exclue de sa portée intentionnelle lorsqu'elle existait au moment de l'ordonnance d'accréditation et qu'elle n'a jamais été revendiquée par le syndicat, ni à ce moment ni par la suite.

En réponse à la deuxième question, le Conseil devait interpréter la notion d' « artiste » prévue à l'alinéa 6(2) b) de la Loi sur le statut de l'artiste qui prévoit qu'un « artiste » est un entrepreneur indépendant, soit un concept distinct de celui d'entrepreneur dépendant qui est inclus à la définition du terme « employé » prévu au Code. De plus, l'ordonnance d'accréditation de l'UDA prévoyait elle-même que sa portée était limitée aux artistes-interprètes qui sont des entrepreneurs indépendants.

Dans sa décision, le Conseil a retenu l'argument de TVA et de l'UDA, à l'effet que le concept d'entrepreneur indépendant doit être analysé de façon particulière lorsqu'il s'agit d'artistes puisqu'en raison de la nature même de cette profession, il va de soi que le producteur conserve un contrôle sur la prestation de l'artiste. En conséquence, les critères traditionnels pour déterminer si une personne est un entrepreneur dépendant ou indépendant, tels que le degré de contrôle et la dépendance économique, doivent être analysés contextuellement.

En effet, le Conseil a conclu qu'appliquer ces critères rigoureusement, sans tenir compte du contexte particulier du monde artistique, viderait de sens la Loi sur le statut de l'artiste. Ainsi, bien qu'un producteur puisse avoir un certain contrôle sur le travail effectué par un artiste, par exemple au niveau des horaires, du concept d'une émission ou de la programmation, ces éléments ne peuvent empêcher qu'un artiste soit un entrepreneur indépendant au sens de la loi.

Appliquant ces principes à la preuve qui lui a été soumise, le Conseil a conclu que monsieur Lévesque était un « artiste » au sens de la Loi sur le statut de l'artiste et qu'il exerçait des fonctions d'animateur qui relèvent de la portée de l'ordonnance d'accréditation de l'UDA. 

Conclusion

En concluant comme le suggérait Groupe TVA et l'UDA quant à l'interprétation de la notion d'entrepreneur indépendant, le Conseil a essentiellement suivi la voie tracée par les tribunaux en matière de fiscalité en adaptant les critères traditionnels de ce concept à la réalité des artistes. Ainsi, le Conseil ouvre la voie à une interprétation plus contextuelle de la notion d'entrepreneur indépendant dans certaines circonstances.

De plus, dans cette décision importante, le Conseil a également rappelé que la notion d'unité de négociation de portée « universelle » était relative et devait également être analysée en tenant compte du contexte particulier existant entre les parties.


 

[1] L.C. 1992, ch. 33

[2] 2018 CCRI 889

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Auteurs

  • Stéphane Fillion, Associé, Montréal, QC, +1 514 397 4309, sfillion@fasken.com
  • Emilie Paquin-Holmested, Associée | CO-CHEFFE, TRAVAIL, EMPLOI ET DROITS DE LA PERSONNE, Montréal, QC, +1 514 397 5111, epaquin@fasken.com

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