C'est aujourd'hui que le cannabis récréatif devient légal au Canada. Pour ce faire, le Québec a adopté la Loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière (la «Loi ») laquelle fournie notamment quelques outils aux employeurs afin d'encadrer la consommation de cannabis dans le milieu de travail.
Par exemple, en plus de prévoir qu'il est interdit de fumer du cannabis dans un milieu de travail fermé, la Loi stipule qu' « En vertu de son droit de gérance, l'employeur peut encadrer, y compris interdire, toute forme d'usage du cannabis par les membres de son personnel sur les lieux de travail au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1 ci-après : la «LSST»), sauf si cette forme d'usage y est déjà interdite en vertu du présent chapitre ». Autrement dit, cette disposition permet aux employeurs de justifier la rédaction ou la mise à jour d'une politique sur le cannabis. Ce faisant, les employeurs ont le droit d'imposer des restrictions plus sévères relativement à la consommation de cannabis, qui peuvent éventuellement se traduire par une politique de tolérance zéro. L'employeur qui adopte de telles politiques peut imposer des sanctions administratives ou disciplinaires à un salarié qui y contrevient lesquelles pourraient entraîner la terminaison de son emploi.
De plus, saviez-vous que la loi modifie les obligations générales des employés et employeurs prévues respectivement aux articles 49 et 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail? En effet, la LSST prévoit dorénavant que :
49.1. Le travailleur ne doit pas exécuter son travail lorsque son état représente un risque pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, ou encore celle des autres personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité de ces lieux, notamment en raison de ses facultés affaiblies par l'alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire.
Sur un chantier de construction, l'état d'un travailleur dont les facultés sont affaiblies par l'alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire représente un risque aux fins du premier alinéa.
Du côté des obligations de l'employeur, la LSST ajoute ce qui suit :
51.2. L'employeur doit veiller à ce que le travailleur n'exécute pas son travail lorsque son état représente un risque pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, ou encore celle des autres personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité de ces lieux, notamment en raison de ses facultés affaiblies par l'alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire.
Sur un chantier de construction, l'état d'un travailleur dont les facultés sont affaiblies par l'alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire représente un risque aux fins du premier alinéa.
En conséquence, les employeurs qui contreviennent à leur obligation prévue à l'article 51.2 de la LSST s'exposent à une poursuite pénale. Considérant cette nouvelle obligation spécifique, nous recommandons à nos clients, particulièrement à ceux dont les salariés travaillent dans un milieu de travail à risques, de former leurs superviseurs et intervenants de première instance à reconnaître les signes objectifs tendant à démontrer que leurs travailleurs présentent des signes de facultés affaiblies. À noter que les autres formes de consommation du cannabis (huiles, cannabis comestible, dérivés, etc.) et leur réglementation en milieu de travail peuvent se révéler délicates. Les employeurs devront agir prudemment afin de ne pas contrevenir aux droits fondamentaux de leurs salariés lorsqu'ils évaluent si un salarié consomme – ou a consommé – un dérivé du cannabis.
Nous recommandons donc aux employeurs de former leurs gestionnaires et leur main-d'œuvre afin qu'ils puissent déceler les effets de la consommation de quelque forme de cannabis sur le comportement des salariés. Lorsqu'un employeur a des motifs raisonnables de croire qu'un salarié a les facultés affaiblies, il peut demander, par exemple, au salarié de subir un test de dépistage.
Qui plus est, les employeurs devront rester vigilants dans un contexte de dépendance à la substance ou lorsqu'elle est prescrite par un professionnel de la santé dans le cadre d'un traitement particulier. De fait, il se peut que des obligations supplémentaires doivent être remplies, y compris celle d'offrir des accommodements raisonnables conformément à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.
Finalement, plusieurs questions demeurent en suspens eu égard notamment à la fiabilité des tests de dépistage compte tenu des diverses méthodes de consommation. Tout comme ce fut le cas pour l'alcool il y a quelques décennies, les tribunaux auront manifestement à se prononcer pour clarifier certaines notions qui demeurent ambigües.
À la lumière de ce qui précède, nous sommes d'avis que les employeurs doivent adopter et mettre en application sans délai une politique sur le cannabis et ce, non seulement dans le but de rencontrer leurs obligations découlant de la CNESST et de rendre le milieu de travail sécuritaire mais également pour des raisons liées à leur réputation.
Pour plus de renseignements sur la légalisation du cannabis et son effet sur le milieu de travail, nous vous référons au guide « Comment s'adapter à la légalisation du cannabis dans les milieux de travail» de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés dont un membre de notre équipe, Me Charles Wagner, en est l'auteur principal.