La Loi canadienne sur l'accessibilité (la « Loi ») (PDF), présentée pour la première fois en juin de l'année dernière dans le cadre du projet de loi C-81, a reçu la sanction royale le 21 juin 2019 et est entrée en vigueur le 11 juillet 2019.
La Loi et les obligations qu'elle prévoit ont été brièvement présentées dans notre bulletin de janvier dernier. Dans le présent bulletin, nous fournirons des précisions sur les mécanismes d'application de la Loi, qui la distinguent des lois similaires adoptées par les gouvernements provinciaux, et sur les changements auxquels peuvent s'attendre les employeurs du secteur fédéral.
Objet et application
L'objectif de la Loi est de rendre le secteur fédéral exempt d'obstacles d'ici le 1er janvier 2040. Elle s'appliquera aux entités réglementées par le gouvernement fédéral, notamment les banques, les entreprises de télécommunication, les entreprises de transport et le gouvernement du Canada, mais elle ne s'appliquera pas à certaines entreprises du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut.
La Loi prévoit différentes normes pour :
- les entités réglementées qui exploitent une entreprise de radiodiffusion;
- les entités réglementées qui sont des entreprises canadiennes ou des fournisseurs de services de télécommunication;
- les entités réglementées dans le réseau des transports; et
- d'autres entités réglementées.
Chacun des secteurs d'activité fédéraux visés par la Loi sera assujetti à des obligations aux termes de la Loi et en vertu de la législation pertinente et propre au secteur d'activité en question. Par exemple, pour les entités qui exploitent une entreprise de radiodiffusion, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le « CRTC ») établira des règlements sur l'accessibilité en vertu de la Loi sur la radiodiffusion et le gouverneur en conseil établira un règlement d'application de la Loi. Les normes diffèrent pour chaque groupe d'entités réglementées, mais la Loi exige généralement que ces entités fassent ce qui suit :
- Préparer des plans sur l'accessibilité concernant les politiques, les programmes, les pratiques et les services de l'entité réglementée en ce qui a trait à la reconnaissance et à l'élimination d'obstacles, ainsi qu'à la prévention de nouveaux obstacles. Ces plans doivent être préparés en consultation avec des personnes handicapées et des représentants de l'entité réglementée.
- Établir un processus pour recevoir de la rétroaction sur la façon dont l'entité réglementée met en œuvre son plan sur l'accessibilité et les obstacles auxquels se sont heurtés ses employés et ses clients. L'entité réglementée doit publier une description de son processus de rétroaction.
- Publier des rapports d'étape sur la mise en œuvre du plan sur l'accessibilité. L'entité réglementée doit préparer le rapport d'étape en consultation avec des personnes handicapées et préciser dans le rapport la manière dont elle les a consultées. Ces rapports doivent aussi donner des précisions sur la rétroaction reçue et sur la mesure dans laquelle cette rétroaction a été prise en considération.
Nous prévoyons que des obligations supplémentaires seront précisées dans les règlements édictés sous le régime de la Loi. Ceux-ci seront élaborés en collaboration avec l'Organisation canadienne d'élaboration des normes d'accessibilité, organisme nouvellement créé dont certains administrateurs seront des personnes représentatives de la diversité des handicaps auxquels les Canadiens sont confrontés. Les nouvelles obligations prévues viseront les domaines suivants :
- l'emploi;
- l'environnement bâti;
- les technologies de l'information et des communications (p. ex. les sites Web);
- les communications (excluant la radiodiffusion et les technologies de l'information et des communications);
- l'acquisition de biens, de services et d'installations;
- la conception et la prestation de programmes et de services;
- le transport (les transporteurs aériens et ferroviaires, ainsi que les sociétés de transport par traversiers et par autocars qui exercent leurs activités au-delà des frontières provinciales ou internationales).
Le Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées (le « Règlement sur les transports ») a été édicté en vertu de la Loi le 25 juin 2019. Il entrera en vigueur le 25 juin 2020. Certaines des obligations prévues par le Règlement sur les transports entreront en vigueur les 25 juin 2021 et 2022. Il s'agit du seul règlement actuellement édicté en vertu de la Loi.
Le Règlement sur les transports établit des normes pour:
- communiquer avec des personnes handicapées;
- former le personnel qui interagit avec le public ou participe à la prise de décisions ou à l'élaboration de politiques ou de procédures liées aux règlements; et
- les exigences de service.
Le Règlement sur les transports énonce également de nombreuses exigences techniques concernant la manière dont certaines organisations (par exemple, les transporteurs aériens, les transporteurs ferroviaires, les transporteurs maritimes, les transporteurs par bus et les exploitants de terminaux) doivent se conformer au règlement.
En raison de la grande diversité des entités qui participeront à la création des règlements et à l'application de la Loi, cette dernière modifie également la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Loi sur les relations de travail au Parlement, la Loi sur la radiodiffusion, la Loi sur les télécommunications, la Loi sur les transports au Canada, la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, de même que plusieurs autres textes de loi. Les modifications incluent, entre autres, l'intégration de l'obligation de produire un rapport sur les progrès en matière d'accessibilité aux obligations existantes de communication d'informations qui sont prévues dans la législation actuelle, sans doute afin de simplifier le processus de communication.
Application de la Loi
Les pouvoirs d'application de la Loi, en particulier le mécanisme de traitement des plaintes individuelles et la procédure d'examen, la différencient de lois semblables sur l'accessibilité qui ont été édictées par plusieurs gouvernements provinciaux (notamment, la Loi de 2005 sur l'accessibilité pour les personnes handicapées de l'Ontario et la Loi sur l'accessibilité pour les Manitobains) :
- Inspections : Le commissaire à l'accessibilité (le « commissaire ») peut procéder à des inspections pour vérification du respect ou de prévention du non-respect de la Loi.
- Vérifications et ordonnances de conformité : Le commissaire peut examiner les registres des entités réglementées pour s'assurer qu'elles respectent la Loi et ses règlements. Il peut également donner des ordonnances de divulgation aux fins de vérification du respect ou de prévention du non-respect de la Loi. Le commissaire peut également ordonner de cesser une activité ou de reprendre l'exercice d'une activité afin de respecter la Loi et ses règlements.
- Avis comportant un avertissement ou une sanction : Le commissaire peut émettre un avis comportant un avertissement ou une sanction. Le montant maximal de la sanction est de 250 000 $, mais l'imposition d'une sanction aux termes de la Loi vise non pas à punir, mais à favoriser le respect de la Loi. Il est important de noter que si une entité reçoit un avis qui prévoit une sanction et que l'entité paie le montant de celle-ci, l'entité sera réputé avoir commis la violation. De plus, la défense de diligence raisonnable n'existe pas; une entité ne peut pas invoquer le fait qu'elle a pris les précautions raisonnables pour empêcher la violation ou qu'elle croyait raisonnablement et honnêtement à l'existence de faits qui, une fois avérés, l'exonéreraient. Nous nous attendons à ce que les règlements précisent les sanctions pécuniaires qui s'appliqueront à diverses violations de la Loi. Par exemple, le Règlement sur les transports prévoit des pénalités spécifiques pour la violation de différents articles du règlement, pouvant aller jusqu'à 5 000 $ pour les individus et 25 000 $ pour les entreprises.
- Accord de conformité : Dans le cas où un avis aurait été émis, une entité réglementée peut être autorisée à conclure un accord de conformité avec le commissaire pour demander la révision des faits reprochés ou du montant de la sanction.
- Mécanisme de traitement des plaintes individuelles : Une personne qui a subi des préjudices physiques ou psychologiques, des dommages matériels ou des pertes économiques par suite d'une contravention à la Loi peut déposer une plainte devant le commissaire[1], recevoir une indemnité et d'autres formes de réparation. Cela comprend le versement d'une indemnité pour des pertes déterminées (comme la perte de salaire), ainsi que des dommages-intérêts pour souffrances et douleurs d'un montant maximal de 20 000 $ pour chaque contravention. Ce maximum sera majoré chaque année en fonction de l'indice des prix à la consommation.
- Examen par le commissaire à l'accessibilité : Lorsqu'une plainte est déposée devant le commissaire à l'accessibilité, celui-ci a le pouvoir d'examiner la plainte de façon similaire à ce qui est actuellement prévu par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le commissaire peut aussi décider qu'une plainte est irrecevable, par exemple, si le plaignant devait épuiser d'abord les recours internes ou les procédures d'appel et de règlement des griefs qui lui sont normalement disponibles ou encore si la plainte est jugée frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi. Le commissaire peut également choisir de mettre fin à l'examen de la plainte s'il n'existe pas suffisamment d'éléments de preuve pour la poursuivre. Le commissaire doit signifier un avis écrit et motivé de la décision qui a été prise relativement à la plainte. Le plaignant ou l'entité réglementée a le droit d'interjeter appel auprès du Tribunal canadien des droits de la personne.
- Publication : Le commissaire peut publier des renseignements sur les entités qui contreviennent à la Loi, notamment le nom de l'entité, la nature de la violation et la sanction imposée.
La Loi vise à faire en sorte que le commissaire, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, l'Office des transports du Canada, la Commission canadienne des droits de la personne et la Commission des relations de travail et de l'emploi dans le secteur public fédéral travaillent de concert pour traiter les plaintes, les demandes et les griefs déposés en vertu de la Loi.
Prochaines étapes
La seule échéance actuellement précisée dans la Loi, outre que le délai fixé dans le Règlement sur les transports, est celle visant à faire du Canada un pays sans obstacle d'ici le 1er janvier 2040. La Loi prévoit que les délais accordés pour se conformer aux normes d'accessibilité (qui n'ont pas encore été établies) seront précisés dans les règlements à venir. Nous avons bon espoir que ces délais seront établis en fonction d'une mise en application progressive de la Loi, comme ce fut le cas pour les législations provinciales en matière d'accessibilité.
Nous vous informerons au fur et à mesure des développements concernant la Loi canadienne sur l'accessibilité et ses règlements à venir.
[1] Veuillez noter que, conformément aux paragraphes 94(2), 94(3) et 94(4) de la Loi, des exceptions s'appliquent pour certaines personnes visées par la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Plutôt que de déposer une plainte devant le commissaire, ces personnes peuvent présenter des plaintes en vertu des mécanismes de traitement des plaintes et de règlement des griefs qui sont prévus dans ces lois.