Une nouvelle loi ontarienne, la Loi de 2019 sur les documents décisionnels des tribunaux (la « LDDT ») est entrée en vigueur le 30 juin 2019. Cette nouvelle loi permet aux membres du public, y compris aux médias, d’avoir accès à des documents déposés dans le cadre d’instances devant
certains tribunaux administratifs, notamment le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (le « TDPO »),la Commission des relations de travail de l’Ontario (la « CRTO ») et le Tribunal de l’équité salariale de l’Ontario. Auparavant, il fallait présenter une demande en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (la « LAIPVP »)
pour avoir accès à ces documents.
Contexte
La LDDT est la réponse du gouvernement de l’Ontario à une contestation réussie de la LAIPVP par le Toronto Star. Le Toronto Star avait soutenu que l’application de la LAIPVP aux documents déposés auprès de tribunaux administratifs violait les principes de la publicité des débats prévus par la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »).
Des journalistes du Toronto Star s’étaient vus refuser l’accès à des documents relatifs à des instances devant le TDPO et la CRTO qu’ils avaient demandés en vertu de la LAIPVP. En 2018, la Cour supérieure de l’Ontario a donné raison au Toronto Star et a reconnu que l’application de certaines dispositions de la LAIPVP à des documents de tribunaux contrevenait aux principes de la publicité des débats.
La LAIPVP inclue une forte présomption contre la divulgation de renseignements personnels et définit en des termes généraux les renseignements personnels. Par conséquent, il est difficile pour ceux qui en font la demande d’avoir accès à ce genre de documents en vertu de la LAIPVP ou, du moins, d’y avoir accès sans de longs délais. La Cour a déclaré que certaines dispositions de la LAIPVP violaient la Charte, mais a reporté
d’un an, soit jusqu’à la fin avril 2019, l’entrée en vigueur de cette déclaration.
Avec l’adoption de la LDDT, certains tribunaux administratifs mettent dorénavant à la disposition du public les documents décisionnels suivants concernant leurs instances :
Il est toutefois important de souligner que la LDDT ne s’applique qu’aux documents relatifs à des instances qui ont débuté après le 30 juin 2019.
La nouvelle loi dresse une liste des documents que les tribunaux administratifs ne sont pas tenus de mettre à la disposition du public. Ces documents comprennent : les notes personnelles et les projets de décisions rédigés par un membre du tribunal ou à son intention; les notes personnelles créées par une personne nommée par un tribunal ou à son intention pour faciliter le règlement d’une question au moyen
d’un mode de règlement extrajudiciaire des différends; les documents se rapportant à toute tentative de règlement au moyen d’un mode de règlement extrajudiciaire des différends.
La nouvelle loi prévoit également des ordonnances de confidentialité. Ces ordonnances peuvent être rendues si le tribunal détermine que des questions concernant la sécurité publique pourraient être révélées ou si le document contient des informations relatives à des questions financières ou personnelles d’ordre privé ou d’autres questions qui sont
tel que l’intérêt du public ou de la personne servi par la non-divulgation l’emporte sur l’importance d’adhérer au principe selon lequel le document doit être mis à la disposition du public. Il reste à voir comment ce critère sera appliqué par les tribunaux administratifs.
Le contexte national
Le principe de la publicité des débats n’est pas exclusif à l’Ontario. Il s’agit d’un élément important de l’ensemble du système judiciaire canadien. Pour cette raison, l’affaire du Toronto Star relatif à la LDDT aura vraisemblablement des répercussions sur l’ouverture des tribunaux administratifs à l’échelle nationale, même si d’autres facteurs pourraient s’appliquer
en Colombie-Britannique, en Alberta, au Québec et à l’échelon fédéral, c’est-à-dire lorsqu’une loi sur la protection des renseignements personnels s’applique aux relations d’emploi. L’affaire du Toronto Star a déjà été citée devant des tribunaux en Colombie-Britannique et en Nouvelle‑Écosse, ce qui confirme qu’elle n’est pas passée inaperçue.
En Ontario, il était auparavant beaucoup plus difficile pour des tiers d’avoir accès à des documents des tribunaux administratifs. Avec l’adoption de la LDDT, il faut s’attendre à ce que les demandes d’accès à des documents déposés à ces tribunaux deviennent plus fréquentes et que les documents et les observations déposés par des employeurs soient plus facilement divulgués.
Depuis que la nouvelle loi est entrée en vigueur, des demandes d’accès en vertu de la LDDT ont été présentées relativement à un certain nombre d’instances devant le TDPO et la CRTO. Il semble que la procédure suivie par le TDPO et la CRTO consiste à informer les parties de ces demandes d’accès et de leur fournir la possibilité de réagir et de présenter des demandes en vue de protéger la
confidentialité des documents visés. Ces procédures ne sont pas encore bien définies, mais il semble que les employeurs auront la possibilité de présenter des demandes d’ordonnances de confidentialité. Nous vous tiendrons au courant des faits nouveaux à cet égard.
Ailleurs au pays, ce n’est qu’une question de temps avant que des contestations comparables ne visent la législation sur la vie privée, et les politiques régissant les tribunaux administratifs dans d'autres provinces et territoires, ou avant que ces gouvernements adoptent de la législation comparable.