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Principes exclus du compromis historique : la responsabilité des administrateurs en vertu des régimes provinciaux d’indemnisation des accidentés du travail

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Bulletin Travail, emploi et droits de la personne | L'Espace RH

Au Canada, les travailleurs ont renoncé à leur droit de poursuivre en justice leur employeur ou des collègues en raison de blessures au travail et les employeurs ont convenu de financer un régime d’indemnisation des travailleurs sans égard à la responsabilité qui porte le nom de « compromis historique ». Toutefois, l’étendue, l’assurance et la protection de la responsabilité en vertu de ces régimes varient d’une province à l’autre et, dans certains cas, les administrateurs peuvent être tenus personnellement responsables des réclamations, fautes ou cotisations en vertu des régimes d’indemnisation des accidentés du travail et de santé et de sécurité au travail dans leur province. Récemment, la Cour d’appel de l’Alberta a conclu que les administrateurs dans cette province pouvaient, dans certaines circonstances, être tenus personnellement responsables de l’indemnisation des victimes d’un accident de travail.

La Workers’ Compensation Act de l’Alberta prévoit que les administrateurs ne sont pas considérés comme des travailleurs dans le cadre du régime législatif albertain, sauf lorsqu’ils présentent une demande d’assurance et que celle-ci est acceptée. Les administrateurs de l’Alberta qui ne sont pas assurés pourraient ne pas être protégés contre les poursuites judiciaires privées susceptibles d’être intentées par les victimes d’un accident du travail.

Dans Hall v Stewart, 2019 ABCA 98, l’administrateur d’une entreprise de construction a été poursuivi pour négligence lorsque des travailleurs ont été blessés par l’effondrement d’un escalier construit par sa société. L’entreprise était considérée comme un employeur aux yeux de la loi en matière d’indemnisation des accidentés du travail de l’Alberta, ce qui l’a protégée des réclamations. Par contre, l’administrateur n’était pas assuré et il n’a pas été protégé par le régime albertain.

Tout en reconnaissant que les administrateurs sont généralement à l’abri d’une telle responsabilité, le tribunal estime que, dans certaines situations, leur responsabilité personnelle peut être engagée sans égard aux concepts de société comme entité juridique distincte et à la limitation de responsabilité. Lorsque la société et l’administrateur ont une obligation de diligence et que la société ne peut faire l’objet de poursuites judiciaires, le tribunal conclut qu’en raison de la nature du préjudice (un préjudice personnel plutôt qu’une simple perte financière), l’administrateur ne peut échapper à sa responsabilité personnelle.

Le tribunal a ajouté que lorsque le régime législatif exige que les administrateurs détiennent une assurance des accidents du travail, ceux-ci doivent également souscrire une assurance afin de bénéficier de la limitation de responsabilité prévue dans le régime législatif de l’Alberta. Si l’administrateur ne souscrit pas une telle assurance, il ne peut se soustraire à cette responsabilité personnelle même si sa participation à la faute est attribuable aux activités commerciales de la société.

La possibilité d’intenter des poursuites en responsabilité pour un accident de travail est plus limitée dans la plupart des régimes législatifs des autres provinces. En effet, en Ontario, les administrateurs sont généralement protégés puisque les employeurs de l’annexe 1 de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (soit la majorité des employeurs de la province) et leurs administrateurs sont protégés contre les poursuites judiciaires intentées par des victimes d’accidents du travail. De la même manière, au Manitoba, aucune poursuite ne peut être intentée contre un employeur ou un administrateur d’une société pour toute blessure occasionnée sur le lieu de travail pris en charge par le régime du Manitoba.

En Colombie-Britannique, les administrateurs de sociétés qui participent activement aux activités de la société, si celle-ci n’est pas une société de services personnels, sont considérés comme des travailleurs et ils doivent être assurés. Cette assurance et la protection contre les poursuites judiciaires résultant d’un accident du travail exigent que la rémunération des administrateurs soit rapportée de la même manière que la paye du salarié. De la même façon, en Saskatchewan, la protection contre les réclamations s’étend aux administrateurs qui participent activement aux activités commerciales de la société.

Dans la majorité des territoires de compétence, même si les administrateurs qui prennent part aux activités commerciales d’une société sont protégés contre les poursuites judiciaires intentées par les victimes d’accidents du travail, ils peuvent tout de même être tenus responsables en cas de contravention aux règles de santé et de sécurité au travail ou de cotisations impayées en vertu des régimes provinciaux d’indemnisation des accidentés du travail.

En Colombie-Britannique, les biens personnels d’un administrateur peuvent être protégés par un privilège si ceux-ci sont utilisés dans le cadre des activités commerciales de la société, si des cotisations au régime d’indemnisation des accidentés du travail sont impayées. Des exigences semblables sont en vigueur en Alberta. En effet, un privilège associé à l’indemnisation des accidentés de travail peut être rattaché à un bien utilisé par un employeur dans le cadre des activités commerciales de son entreprise, entre autres les biens appartenant à un administrateur de la société.

De surcroît, dans plusieurs territoires de compétence, les administrateurs pourraient être tenus responsables de la violation des règles de santé et de sécurité en vertu du régime provincial de santé et de sécurité au travail ou en vertu du Code criminel. Par exemple, en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail de l’Ontario, une infraction spécifique peut entraîner une responsabilité, notamment une amende pouvant atteindre jusqu’à 100 000 $ et une suramende compensatoire de 25 %. Les poursuites individuelles en vertu de ce régime sont rares. Toutefois, en octobre 2019, un administrateur de société a plaidé coupable à une infraction ayant causé des blessures graves à un travailleur et a été tenu de payer une amende de 10 000 $ en plus d’une suramende compensatoire de 25 %.

Ce que les employeurs doivent retenir

La responsabilité des administrateurs en vertu des régimes législatifs provinciaux varie selon la province. Les administrateurs devraient revoir leur régime d’assurance en matière d’accidents du travail et se questionner quant à la responsabilité prise en charge par le régime législatif de leur province. 

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Auteur

  • Richard Savage, Avocat-conseil, Vancouver, BC, +1 604 631 3246, rsavage@fasken.com

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