Le nouveau coronavirus qui cause la COVID-19 a ajouté une nouvelle couche de complexité dans la détermination et la prévention des risques en matière de corruption dans le cadre des opérations de fusions et acquisitions. Compte tenu des mesures rapidement imposées par les pays autour du monde en réponse à la COVID-19, comme la fermeture des frontières et des entreprises, les sociétés acquérantes et leurs investisseurs peuvent rencontrer des difficultés lors de la vérification diligente anticorruption. Cet article énumère certains obstacles à la vérification diligente anticorruption que la pandémie de la COVID-19 a engendrés et propose certaines solutions pratiques pour remédier à ces défis potentiellement considérables.
Aperçu des lois anticorruption au Canada
La violation de l’interdiction prévue à la LCAPE peut être un acte criminel passible d’une amende à la discrétion du tribunal et/ou un emprisonnement maximal de 14 ans. Les tribunaux imposent continuellement des amendes de plus en plus sévères quant aux violations de la LCAPE. Par exemple, récemment, une pénalité de 10,35 millions de dollars a été imposée à une société en vertu de la LCAPE.
La LCAPE s’applique aux actes commis à l’extérieur du Canada par des citoyens canadiens, des résidents permanents et des sociétés constituées au Canada. Cela signifie qu’une société mère au Canada qui acquiert une filiale étrangère peut être exposée à une responsabilité provenant non seulement des activités de la société cible, mais également quant aux actions des citoyens canadiens ou des résidents permanents qui travaillent dans la société.
Considérations en matière de vérification diligente anticorruption dans le cadre de la COVID-19
La conduite d’une vérification diligente approfondie d’une cible potentielle située dans un territoire étranger est, par conséquent, essentielle afin d’atténuer les risques de responsabilité en matière de pots-de-vin et de corruption. Toutefois, la propagation rapide à l’échelle planétaire du coronavirus causant la COVID-19 a créé plusieurs nouvelles difficultés lorsqu’il est question de mener une telle vérification diligente.
- Accès aux renseignements. Avoir accès à des ensembles de données complets est un défi en tout temps. Même une cible dans le cadre d’une acquisition amicale peut être réticente à partager des documents qui, pris dans leur ensemble, peuvent prouver une situation de pots-de-vin et de corruption. Lorsque les demandes pour obtenir ces renseignements sont effectuées par courriel au lieu d’être en personne, il peut être plus facile pour la cible de ne pas tout communiquer. Compte tenu de la COVID-19, les cibles qui veulent offrir l’accès à ces renseignements peuvent avoir de la difficulté à le faire ou accuser des retards importants dans la communication de cette documentation.
- Accès à la cible. Les réunions, les entrevues et l’examen des registres comptables en personne peuvent ne pas être possibles en raison des fermetures, des quarantaines et des isolements.
- Accès aux autorités. Les autorités peuvent travailler à distance ou accorder une priorité aux enjeux concernant la COVID-19. Par conséquent, les réponses des représentants du gouvernement peuvent être retardées ou ne jamais arriver tout simplement.
- Accès aux pays étrangers. Alors que les pays ferment leurs frontières, l’accès physique aux pays étrangers pourrait être de plus en plus ardu. Cette situation peut causer des difficultés dans l’évaluation des activités de la société et de la façon dont la cible applique ses politiques internes anticorruption. Après la clôture, certaines frictions importantes pourraient se produire lors de la mise en place de nouvelles politiques et programmes de formation en matière de lutte anticorruption.
- Risque accru d’activités de corruption et de pots-de-vin. La fermeture des frontières pourrait accroitre le risque de commerce illégal et de contrebande, et causer une détérioration générale de la discipline anticorruption des agents publics autant à la frontière qu’à l’intérieur d’un pays (par exemple, à l’égard de l’émission d’un permis). De plus, les délais des services gouvernementaux pourraient donner lieu à des paiements de facilitation interdits afin d’assurer un service rapide.
Quelques solutions pragmatiques
- Avoir davantage recours aux conférences vidéos. Même si elles n’équivalent pas aux réunions en personne, elles sont supérieures aux conversations téléphoniques ou par courriel puisqu’elles permettent des discussions face à face et la perception du langage corporel.
- Envisager des délais flexibles. Remettez en question le bien-fondé de certains délais en matière de vérification diligente et d’acquisition. Déterminez quels délais pourraient être repoussés afin de permettre la réalisation d’une vérification diligente suffisante.
- Déclarations et garanties. Lorsqu’une vérification diligente ne peut être terminée et qu’une date d’achèvement de cette dernière n’est pas possible, envisagez l’ajout de déclarations additionnelles à la convention d’achat. Même si elles ne peuvent servir à titre de défense contre une accusation, de telles dispositions pourraient constituer une base pour obtenir une indemnisation après la clôture.
- Envisager une structure d’acquisition flexible. Les fusions et les achats d’actions viennent avec le risque de responsabilité du successeur. L’achat d’actifs représentant moins que la totalité ou la quasi-totalité des actifs de la cible pourrait atténuer ce risque. Il pourrait être intéressant d’analyser la possibilité d’invoquer une option de retrait en cas de violation de la conformité des déclarations et garanties.
- Être proactif et suggérer à la cible de mettre des mesures proactives en place. Voici quelques exemples :
- Déterminer dès le début du processus de vérification diligente toute demande ou requête qui pourrait devoir être déposée aux bureaux gouvernementaux. Il est important de déposer les demandes le plus tôt possible afin de minimiser le risque de retarder l’opération en raison de l’attente de la réponse.
- Suggérer à la cible de numériser les renseignements dès maintenant. Il est possible que ces renseignements, qui semblent à première vue non pertinents, puissent le devenir plus tard lorsqu’ils ne seront plus accessibles en raison de fermetures ou d’autres mesures.
Observations finales : il faut faire preuve de proactivité et d’exhaustivité malgré l’incertitude
La conduite d’une vérification diligente anticorruption dans le cadre une opération de fusions et acquisitions à l’étranger est d’une grande importance. La mise en place de processus proactifs comme ceux indiqués ci-dessus peut atténuer les incidences des changements considérables appliqués dans le pays de la cible en réponse à la COVID-19, comme la fermeture des frontières. Le défaut d’examiner rigoureusement les livres, registres et politiques de la cible pourrait mener à une responsabilité et à une atteinte à la réputation potentielles d’importance. Il est donc essentiel de se résoudre à poursuivre les démarches malgré la pandémie de la COVID-19 et de mettre en place des solutions pratiques pour mener les vérifications diligentes. Les défis de la COVID-19 ne pourront être utilisés à titre de motif d’excuse admissible de la part de la société acquérante lors d’une violation des lois anticorruption.