L'éclosion de la COVID-19 a évolué rapidement depuis la publication de notre premier bulletin sur le sujet, intitulé Le nouveau coronavirus : comment les employeurs peuvent s'y préparer, qui traite des questions juridiques auxquelles sont confrontés les employeurs.
En date du 2 mars 2020, 88 948 cas de la COVID-19 ont été confirmés dans le monde, dont plus de 3 000 décès[1]. Sur le total des cas confirmés, 80 174 ont été signalés en Chine. En dehors de la Chine, le plus grand nombre de cas confirmés ont été signalés en Corée du Sud, en Italie, en Iran et au Japon. L'Organisation mondiale de la Santé (l'« OMS ») évalue le risque de propagation mondiale comme étant « très élevé »[2]. À ce jour, 27 cas ont été confirmés au Canada[3].
Le gouvernement du Canada a mis à jour ses conseils de santé aux voyageurs qui recommandent d'éviter tous les voyages non essentiels en Chine, en Iran, dans le nord de l'Italie, ainsi que dans la ville de Daegu et le district de Cheongdo en Corée du Sud. Les conseils recommandent également de faire preuve d'une grande prudence en cas de voyage au Japon et dans le reste de la Corée du Sud[4]. Les employeurs devraient consulter régulièrement les conseils aux voyageurs publiés par le gouvernement afin de prendre connaissance des plus récentes mises à jour étant donné que la situation évolue constamment. Malgré ces conseils de santé aux voyageurs, l'Agence de la santé publique du Canada (l'« ASPC ») estime actuellement que le risque pour la santé publique lié au coronavirus est faible au Canada, et qu'il est également faible pour les voyageurs canadiens, selon les destinations[5].
Risque en milieux de travail au Canada
Comme pour la plupart des maladies courantes, la COVID-19 est susceptible de se propager en milieu de travail en raison de la proximité entre les travailleurs et de la fréquence avec laquelle ils sont en contact avec des surfaces et des objets qu'ils partagent. La COVID-19 semble se propager de la même manière que la grippe : des gouttelettes provenant d'une personne infectée peuvent être projetées sur des surfaces et des objets, et une autre personne peut toucher les surfaces et objets contaminés, puis se toucher la bouche, les yeux ou le nez. Une personne peut également être infectée par le virus si elle inhale des gouttelettes de fluide infecté provenant d'une personne qui se trouve à moins d'un mètre d'elle[6].
Il est important que les employeurs soient prêts à faire face aux enjeux liés à la COVID-19 en milieu de travail, car les autorités responsables de la santé mondiale s'accordent presque toutes pour affirmer que la maladie continuera à se propager. Le présent bulletin présente les aspects que les employeurs devraient être prêts à gérer dans le cadre d'un plan d'intervention relatif à une pandémie ou à une maladie transmissible. Ces recommandations générales s'appliquent à la plupart des milieux de travail. Les milieux de travail qui sont situés dans des établissements de soins de santé traitant des malades devront prendre des mesures plus adaptées en réponse aux enjeux, et ce, plus rapidement. Les employeurs dont le personnel est syndiqué devront également tenir compte des obligations précises qui sont prévues dans les conventions collectives, notamment l'obligation d'élaborer un plan d'intervention en consultation avec les représentants syndicaux.
Il est également important que les employeurs situent la COVID-19 dans son contexte et ne se laissent pas influencer par les reportages sensationnalistes qui ne contiennent pas de renseignements médicaux objectifs ou de renseignements de santé publique. La plupart des gens infectés par la COVID-19 présentent des symptômes légers, semblables à ceux de la grippe, puis se rétablissent. Le risque que la maladie soit grave est plus élevé chez les personnes vulnérables, comme les personnes âgées et celles dont le système immunitaire est affaibli.
Établissement d'une politique en matière de maladies transmissibles
Les employeurs devraient élaborer une politique écrite établissant des directives claires sur la manière dont ils traitent les maladies transmissibles comme la COVID-19. Une politique écrite communiquée au personnel et appliquée de manière uniforme légitimera les actions de l'employeur, orientera les employés et les gestionnaires, et assurera une certaine cohérence. Une telle politique peut contribuer à atténuer les risques juridiques et être prise en compte dans la présentation d'une défense en cas de contestation juridique.
Les employeurs dont le personnel est syndiqué devraient être conscients de leur obligation de consulter le syndicat conformément à ce que prévoit la convention collective (le cas échéant). Les employeurs de compétence fédérale devraient également tenir compte de leurs obligations légales de collaborer à l'élaboration de certaines initiatives en matière de santé et de sécurité avec les comités chargés de ces questions.
Une politique en matière de maladies transmissibles peut comprendre certains des éléments suivants :
- L'obligation pour les employés d'informer leur gestionnaire si eux-mêmes ou une personne avec qui ils résident prévoient se rendre ou se sont rendus récemment dans une région visée par des conseils de santé aux voyageurs publiés par le gouvernement du Canada recommandant d'éviter tout voyage non essentiel ou d'éviter tout voyage, ou si eux-mêmes ou une telle personne sont récemment revenus d'une telle région;
- L'obligation pour les employés qui ont ou pensent avoir une maladie transmissible de chercher à obtenir un traitement médical approprié et de suivre les recommandations de leur professionnel de la santé, notamment en ce qui concerne la nécessité de rester à domicile, l'auto-isolement, la mise en quarantaine ou d'autres mesures visant à prévenir la propagation de la maladie;
- L'obligation pour les employés de ne pas se présenter au travail pendant la période recommandée par les professionnels de la santé, et le droit connexe de l'employeur de faire respecter cette obligation par les employés malades et ceux qui ont été exposés à une maladie transmissible hautement contagieuse lorsque cette restriction est nécessaire pour protéger les autres employés;
- Une liste des congés payés et non payés auxquels ont droit les employés atteints d'une maladie transmissible;
- Une confirmation selon laquelle l'employeur peut restreindre les voyages d'affaires à destination des régions visées par des conseils de santé aux voyageurs publiés par le gouvernement du Canada recommandant d'éviter tout voyage non essentiel ou d'éviter tout voyage;
- Une confirmation de l'engagement de l'employeur à prendre des précautions raisonnables et d'autres mesures expressément prévues par la législation en matière de santé et de sécurité ou par d'autres législations pour protéger les employés; et
- Une confirmation selon laquelle la décision de l'employeur concernant les employés touchés par une maladie transmissible sera fondée sur les renseignements médicaux ou les renseignements de santé publique disponibles les plus récents, y compris les renseignements sur le risque de transmission et le pronostic de guérison, entre autres.
Le texte qui suit expose de façon détaillée certaines questions abordées dans une politique en matière de maladie transmissible.
Congé des employés
Les employeurs devraient se réserver le droit d'interdire aux employés de se présenter au travail afin d'éviter la propagation de maladies transmissibles. Il peut s'agir d'exiger que les employés malades ou ayant été exposés à certaines maladies très contagieuses restent à la maison. De telles décisions devraient reposer sur les renseignements de santé publique et les renseignements médicaux disponibles les plus récents et non sur des spéculations (même si elles sont bien intentionnées).
Les employés atteints d'une maladie transmissible et incapables de travailler devraient avoir accès aux prestations de congé de maladie qui sont généralement offertes aux autres employés. Si l'employeur ne prévoit pas de droit à un congé de maladie rémunéré, il peut ne pas payer les journées de maladie. Il convient de rappeler aux employés la possibilité d'obtenir des prestations de maladie de l'assurance-emploi ou d'autres prestations gouvernementales.
Les employés qui ont été exposés, mais qui ne sont pas malades, devraient être autorisés à travailler à distance lorsque cela est possible, en tenant compte de la nature de leurs fonctions et de l'infrastructure technologique disponible. Si le travail à distance n'est pas possible, les employeurs devraient obtenir des conseils précis sur la question de savoir si les congés doivent être payés ou non afin d'atténuer la responsabilité éventuelle.
Les employeurs devraient tenir compte des questions en matière de vie privée des employés lorsqu'ils communiquent des décisions relatives à un congé à d'autres employés du milieu de travail. Les renseignements devraient se limiter à confirmer l'absence d'un employé et la date prévue de son retour au travail. Aucun autre renseignement ne devrait être fourni sans le consentement exprès de l'employé. Dans certains cas, il peut être approprié d'obtenir un tel consentement de l'employé et de rédiger un message que celui-ci est à l'aise de transmettre à ses collègues. L'employeur devrait examiner minutieusement le message pour s'assurer du respect de ses obligations légales.
Questions relatives aux voyages
Les employeurs devraient recommander à leurs employés de ne pas voyager à titre personnel dans un pays ou une région faisant l'objet de conseils de santé aux voyageurs de niveau 3 ou 4 publiés par le gouvernement. Le niveau 3 avertit les Canadiens d'éviter les voyages non essentiels et le niveau 4 avertit les Canadiens d'éviter tous les voyages. Les employeurs devraient également envisager de suspendre les voyages d'affaires dans ces régions et de demander à leurs employés de se servir de la technologie afin de poursuivre leurs activités plutôt que de tenir des rencontres en personne. Conformément à de telles restrictions, on s'attend à ce que les employés signalent à l'avance leur intention de se rendre dans l'un des pays ou l'une des régions visés.
Les avertissements concernant les voyages personnels ou la suspension des voyages d'affaires devraient être fondés sur les renseignements de santé publique et sur les conseils de santé aux voyageurs publiés par le gouvernement et devraient être mis à jour au besoin. Dans des situations évoluant rapidement et de manière continue, comme l'éclosion de la COVID-19, il peut être nécessaire de surveiller et d'actualiser quotidiennement les données. Selon les renseignements de santé publique actuels concernant la COVID-19, les avertissements concernant les voyages personnels et la suspension des voyages d'affaires en Chine, en Iran, en Italie, ainsi que dans la ville de Daegu et dans le district de Cheongdo en Corée du Sud peuvent être pertinents. Les voyages au Japon et dans le reste de la Corée du Sud devraient être envisagés avec discernement, car la situation dans ces régions évolue rapidement.
Si un voyage d'affaires dans une région faisant l'objet de conseils de santé aux voyageurs est inévitable, les employés devraient être informés des risques potentiels et des pratiques exemplaires pour leur santé et leur sécurité pendant le voyage. Certains employés souhaiteront peut-être refuser les déplacements obligatoires en raison du risque apparent. Les employeurs devraient obtenir des conseils juridiques au sujet de tout refus de travailler ou s'ils envisagent de limiter les déplacements professionnels d'un employé en raison du fait que celui-ci peut être exposé à un risque accru de contracter une maladie.
En outre, les employeurs devraient tenir un registre des employés qui se rendent à l'étranger pour affaires et pourraient vouloir distribuer des questionnaires de dépistage de maladies aux employés qui reviennent de voyage. Si un employé revient d'un pays où le nombre de cas confirmés est élevé, mais qu'il ne présente pas lui-même de symptômes, l'employeur peut envisager de mettre en application sa politique afin de mettre l'employé en congé.
Autorisation médicale
Il est peu probable qu'il soit raisonnable d'exiger la confirmation que le test de dépistage de la COVID‑19 d'un employé soit négatif avant que celui-ci ne reprenne le travail à la suite d'une maladie, d'un congé ou d'un voyage. À l'heure actuelle, le test de dépistage de la COVID-19 est réservé aux cas répondant à certains critères. Il n'est pas accessible de manière générale aux médecins de famille ni aux employés souhaitant retourner au travail.
En général, il est conseillé de s'isoler pendant la période d'incubation de 14 jours, conformément aux recommandations de l'ASPC[7], après une exposition probable à la COVID-19. Si un employé ne présente pas de symptômes après 14 jours d'isolement, il peut être raisonnable, selon les circonstances, de lui permettre de retourner au travail sans certificat médical. Si un employé présente des symptômes, il devrait éviter de se présenter au travail pendant la période conseillée par son médecin traitant ou un autre professionnel de la santé.
Continuité des activités
Outre une politique en matière de maladies transmissibles, les employeurs devraient élaborer un plan et des procédures au cas où leur communauté serait gravement touchée par la COVID-19. Le plan devrait comprendre des mesures pour maintenir la conduite des affaires même si les employés ne peuvent pas se rendre au travail. Il s'agirait notamment de déterminer les principaux groupes d'employés et les personnes qui sont indispensables au bon fonctionnement de l'entreprise au quotidien. Les employeurs peuvent ensuite évaluer si certaines fonctions clés peuvent être prises en charge par des employés en poste dans un autre endroit ou par une équipe située dans une autre région.
Les entreprises devraient veiller à ce que les systèmes informatiques fonctionnent de manière à permettre le travail à distance sans interruption. Il pourrait être nécessaire de prévoir du personnel de soutien informatique supplémentaire pour aider les employés qui éprouvent des difficultés avec les systèmes d'accès à distance.
En établissant des plans d'urgence et en préparant le milieu de travail aux conséquences d'une éclosion, les employeurs peuvent à tout le moins atténuer les incidences d'un scénario défavorable.
Fasken continuera de suivre la situation et communiquera des mises à jour en temps utile. Si vous avez des questions au sujet des enjeux liés à la COVID-19 ayant une incidence sur votre milieu de travail ou si vous avez besoin d'aide pour vous préparer, n'hésitez pas à communiquer avec nous.
Nous tenons à remercier Jessica Nolan pour son aide dans la préparation de cet article.
[1] Organisation mondiale de la Santé. « Coronavirus disease 2019 (COVID-19) Situation Report - 42 » (en anglais seulement) (2 mars 2020), en ligne (PDF)
[2] Organisation mondiale de la Santé. « Coronavirus disease 2019 (COVID-19) Situation Report - 42 » (en anglais seulement) (2 mars 2020), en ligne (PDF)
[3] Agence de la santé publique du Canada. « Maladie à coronavirus (COVID-19) : Mise à jour sur l'éclosion » (2 mars 2020),
[4] Gouvernement du Canada. « Conseils aux voyageurs et avertissements » (2 mars 2020),
[5] Agence de la santé publique du Canada. « Maladie à coronavirus (COVID-19) : Mise à jour sur l'éclosion » (2 mars 2020),
[6] Organisation mondiale de la Santé. « Getting your workplace ready for COVID-19 » (en anglais seulement ) (27 février 2020), (PDF)
[7] Agence de la santé publique du Canada. « Maladie à coronavirus (COVID-19) : Foire aux questions » (29 février 2020), en ligne