Le ministre de l'Économie et de l'Innovation et ministre responsable de la région de Lanaudière M. Pierre Fitzgibbon a annoncé le 4 juin 2020 qu'il comptait apporter une aide particulière aux locataires commerciaux sous la forme d'une prohibition temporaire de la résiliation d'un bail commercial pour défaut de paiement de loyer du locataire. Le ministre Fitzgibbon a déclaré que « [l]a mesure que nous proposons aujourd'hui assurera une plus grande sécurité aux détaillants et leur permettra de se concentrer en priorité sur la reprise de leurs activités » et « [qu'il a] confiance que les locateurs et les locataires trouveront un terrain d'entente acceptable pour les deux parties, et ce, au bénéfice de la reprise de notre économie ».
Suivant cette annonce, des amendements au projet de loi n°61, Loi visant la relance de l'économie du Québec et l'atténuation des conséquences de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19 (le « PL 61 ») ont été déposés le 4 juin 2020 à l'Assemblée nationale. Il est à noter qu'en date du 12 juin 2020, les travaux de l'Assemblée nationale ont été ajournés au 15 septembre 2020 sans que les députés n'aient adopté le principe du PL 61. Ainsi, en date de la publication du présent bulletin, le PL 61 et l'amendement particulier proposé au PL 61 dont nous discutons ci-dessous ne sont donc pas en vigueur et pourraient être appelés à changer considérablement d'ici la sanction par le lieutenant-gouverneur du PL 61.
Empêchement temporaire de toute résiliation de bail commercial en raison de défaut de paiement
Un des amendements proposés au PL 61 aurait pour effet de prohiber toute résiliation d'un bail commercial pour la période commençant à la sanction du PL 61 et se terminant le 1er août 2020 ou à toute autre date déterminée par le gouvernement avant cette date (la « Période de validité prévue à l'Amendement ») causée par tout défaut de paiement du loyer prévu à un bail commercial devenu exigible après le 13 mars 2020[1] (l'« Amendement ajoutant l'article 35.1 au PL 61 »).
Durant la Période de validité prévue à l'Amendement, « une saisie des biens contenus sur les lieux loués ne peut être effectuée et un préavis d'exercice d'un droit hypothécaire portant sur ces biens ne peut être donné au locataire ni inscrit au registre des droits personnels et réels mobiliers […] ».
Il semble que le législateur souhaite donner une portée d'ordre public à l'Amendement ajoutant l'article 35.1 au PL 61, puisque celui-ci s'appliquerait « malgré toute disposition irréconciliable, y compris une disposition contenue dans le bail ». Un bailleur ne pourrait donc s'appuyer sur une clause de défaut de paiement de loyer permettant au bailleur de résilier le bail en cas de défaut de paiement du loyer, et ce, durant la Période de validité prévue à l'Amendement.
L'Amendement ajoutant l'article 35.1 au PL 61 stipule enfin qu'il n'a pas pour effet « d'empêcher les parties au bail de s'entendre pour y mettre fin ». Un bailleur et un locataire pourraient donc conclure une entente de gré à gré afin de résilier leur bail commercial.
Répercussions sur l'AUCLC
L'Amendement ajoutant l'article 35.1 au PL 61 pourrait être un incitatif pour les propriétaires à participer au programme d'Aide d'urgence du Canada pour le loyer commercial (l'« AUCLC »). Bien que l'adhésion au programme de l'AUCLC ne soit pas obligatoire, chaque partie dans un bail commercial a néanmoins une obligation légale de mitiger ses dommages.[2] Ainsi, face à une prohibition de résiliation de bail durant la Période de validité prévue à l'amendement, les propriétaires admissibles à l'AUCLC ayant un ou des locataires temporairement incapables d'acquitter le paiement de leur loyer pourraient donc appliquer au programme de l'AUCLC afin de mitiger leurs dommages en réduisant leurs pertes causées par le non-paiement du loyer par leur(s) locataire(s).
Personnes ressources
Les professionnels de Fasken sont à l'œuvre pour vous épauler tout au long de cette situation évolutive.
Nous vous invitons à communiquer avec notre équipe de droit immobilier commercial pour toute question en lien avec le présent bulletin et l'Amendement ajoutant l'article 35.1 au PL 61.
[1] Voir ci-dessous pour le texte intégral de l'Amendement ajoutant l'article 35.1 au PL 61. Ce texte est à jour en date du 11 juin 2020 :
« Article 35.1
Insérer, après l'article 35 du projet de loi, l'article suivant :
« 35.1. Un bail portant sur un bien immeuble, autre qu'un bail régi par les articles 1892 à 2000 du Code civil ou visé au troisième alinéa de l'article 1892 de ce code, ne peut être résilié, une saisie des biens contenus sur les lieux loués ne peut être effectuée et un préavis d'exercice d'un droit hypothécaire portant sur ces biens ne peut être donné au locataire ni inscrit au registre des droits personnels et réels mobiliers pendant la période débutant le (indiquer ici la date de la sanction de la présente loi) et se terminant le 1er août 2020 où à toute autre date déterminée par le gouvernement avant cette date, en raison du défaut de paiement du loyer prévu au bail devenu exigible après le 13 mars 2020.
Le présent article s'applique malgré toute disposition inconciliable, y compris une disposition contenue dans le bail. Il n'a toutefois pas pour effet d'empêcher les parties au bail de s'entendre pour y mettre fin. ». »
[2] Selon l'article 1479 du Code civil du Québec : « La personne qui est tenue de réparer un préjudice ne répond pas de l'aggravation de ce préjudice que la victime pouvait éviter. »