Le nouveau coronavirus, qui a causé l'infection connue sous le nom de la COVID-19, a pris l'ampleur d'une pandémie. Ses répercussions à l'échelle mondiale ont été catastrophiques, et les citoyens aînés et les personnes ayant des troubles médicaux sous-jacents ou souffrant de maladies respiratoires ou d'autres maladies concomitantes courent un plus grand risque de la contracter. La COVID-19 a entraîné un déploiement des pouvoirs en cas d'urgence de la part des gouvernements du monde entier qui n'avait jamais été vu en temps de paix et qui a servi à réorganiser les chaînes d'approvisionnement, à autoriser des dépenses et à fermer les entreprises et les lieux de travail « non essentiels »[1].
Il est souvent difficile de distinguer les symptômes de la COVID-19 de ceux d'autres infections respiratoires. Les symptômes associés à la COVID-19 comprennent notamment les suivants : fièvre, toux, mal de gorge, mal de tête, fatigue, myalgie, essoufflement et conjonctivite. Il est possible que des personnes infectées n'aient pas de la fièvre. Dans la semaine suivant l'apparition des symptômes, les personnes infectées pourraient contracter une pneumonie, présenter une insuffisance respiratoire ou mourir. Elles pourraient également présenter d'autres complications médicales, notamment des lésions pulmonaires aiguës, un état de choc et des lésions rénales aiguës[2]. Les patients atteints de la COVID-19 souffrent rarement de nausées, de vomissements et de diarrhée[3]. L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a identifié les symptômes additionnels suivants : douleurs, congestion nasale, perte du goût ou de l'odorat, éruption(s) cutanée(s) et changement de coloration des doigts et des orteils[4].
La pandémie a fait en sorte que les gouvernements du monde entier, dont les gouvernements fédéral et provinciaux canadiens, ont pris des mesures sans précédent en temps de paix visant à réduire la propagation de la COVID-19 pour protéger les citoyens canadiens, et visant la fermeture d'un grand nombre de sphères de l'activité socio-économique. Des écoles publiques aux cégeps et universités, l'enseignement s'est poursuivi en ligne ou a complètement cessé. Les déplacements effectués au pays et à l'étranger, plus particulièrement ceux par avion, ont été restreints pour ne compter que les déplacements essentiels.
Les provinces ont coordonné l'utilisation des mesures législatives régissant la gestion des situations urgentes à la grandeur du Canada, ont sollicité la collaboration du gouvernement fédéral, ont eu recours à la force de loi afin d'interdire aux entreprises d'ouvrir leurs portes, de poursuivre leurs activités et de vendre leurs biens ou services.
La pandémie de COVID-19 a coûté cher en vies humaines et a également porté un dur coup aux économies provinciales et nationale, ainsi qu'au produit intérieur brut. Il est clair maintenant que le Canada est entré, et demeurera longtemps encore, en récession économique. Trouver un bon équilibre entre la protection de la population contre la propagation de la COVID-19 et la protection des fondements socio-économiques d'une nation représente un défi de taille pour les gouvernements.
La bonne nouvelle est que les initiatives de santé publique, les ordonnances d'urgence et la coopération d'une population canadienne motivée ont permis de réduire la propagation de la COVID-19 et les taux d'infection à la COVID-19, tant ceux des cas confirmés que ceux des cas présumés.
Par conséquent, tous les niveaux de gouvernement du pays envisagent la « réouverture » de l'économie et s'organisent pour y parvenir et permettre aux entreprises et aux organisations de commencer graduellement à rouvrir les lieux de travail. Le vrai défi consistera à rouvrir les lieux de travail tout en veillant à la santé des travailleurs et des clients et tout en évitant d'exacerber la pandémie de COVID-19 au point de la faire resurgir ou de provoquer une seconde vague.
Le présent article ne constitue pas des conseils juridiques. Il donne plutôt des précisions sur trois aspects importants qui sont parfois négligés dans les discours sur la pandémie de COVID-19 : (1) les lois et la conformité en matière de SST, (2) les pratiques exemplaires en matière de SST, et (3) la défense juridique en matière de SST fondée sur la diligence raisonnable, tel qu'elle est définie par les tribunaux.
Vous y trouverez 12 étapes pour la réouverture des entreprises et le retour au travail après la pandémie de COVID-19.
1. Création d'un groupe de travail sur la planification liée à la COVID-19
Vous avez peut-être créé un groupe de travail sur la planification dans votre milieu de travail, mais la création d'un groupe de travail sur la planification liée à la COVID-19 est essentielle. Le nom que vous donnerez à ce groupe restreint, mais quand même important, de personnes qui formeront ce groupe de travail n'est pas pertinent. Plusieurs éléments clés doivent être pris en considération au moment de la création de votre groupe de travail.
Tout d'abord, il doit y avoir un mandat clair et ferme de la part du conseil d'administration ou du chef de la direction pour le compte de l'organisation. Le ton donné par la direction est indispensable pour le leadership pendant une crise, tandis que le leadership pendant la pandémie de COVID-19 est primordial. D'après l'expérience de l'auteur, certains leaders se montrent à la hauteur de la situation, d'autres sont incapables de composer avec l'adversité et d'autres encore se cachent jusqu'à ce qu'il soit prudent de se montrer le bout du nez. La pandémie de COVID-19 est un de ces moments où les leaders doivent diriger et également s'entourer de collègues talentueux avec lesquels ils gèreront le mandat qui leur aura été confié par le conseil d'administration. Les actionnaires et les parties intéressées dépendent de ce groupe de travail sur la planification.
Ensuite, le groupe de travail sur la planification doit être multidisciplinaire, polyvalent et multigénérationnel. Pour être en conformité avec les lois en matière de SST, les pratiques exemplaires et la diligence raisonnable, le groupe de travail doit faire preuve de diversité. Il devrait comprendre le chef de la direction; les membres de la haute direction responsables de l'exploitation et des installations; ceux qui sont responsables des ressources humaines et de la santé et de la sécurité au travail; ceux qui sont responsables des ventes, du marketing et des communications; ainsi que le chef des finances et les membres de la haute direction chargés de la gestion financière.
Les membres du comité mixte de santé et de sécurité (le « CMSS »), représentant la direction et les travailleurs, n'ont pas à faire partie du groupe de travail sur la planification, mais nous recommandons à ce qu'ils soient des membres nommés d'office de ce groupe de travail. Les lois canadiennes en matière de SST prévoient que le CMSS ne joue qu'un rôle consultatif, mais elles lui attribuent un rôle de tout premier plan pour ce qui est de l'engagement du personnel, de la conformité en matière de SST, de la communication avec le personnel et de la diligence raisonnable.
Des conseillers externes ont également un rôle important à jouer auprès du groupe de travail sur la planification, soit lui fournir la meilleure information possible et lui offrir le plus haut niveau d'expertise, et ce, le plus rapidement possible. Nous recommandons fortement aux organisations d'établir des contacts avec des conseillers médicaux bien informés, des conseillers juridiques et d'autres professionnels travaillant dans un domaine connexe, notamment des hygiénistes industriels et/ou des professionnels en sécurité agréés du Canada (« CRSP »)[5].
Enfin, le groupe de travail sur la planification doit avoir un pouvoir décisionnel et un pouvoir financier de dépenser. Bien que ces pouvoirs ne puissent pas être délégués directement à un groupe de travail sur la planification, le président du groupe de travail devrait être en mesure de les exercer, car ils constituent un aspect essentiel du mandat de gouvernance et du succès du groupe de travail.
Par ailleurs, le groupe de travail sur la planification doit accepter le fait que, comme n'importe quel risque pour la santé et la sécurité au travail, la COVID-19 doit être gérée professionnellement, avec prudence et rigueur. Les risques professionnels ont depuis des décennies, même des siècles, été gérés pour protéger les travailleurs. Les lois en matière de SST exigent que les employeurs et les autres intervenants en milieu de travail prennent toutes les précautions raisonnables pour assurer la protection des travailleurs et des autres personnes concernées, comme les clients.
2. Élaboration d'objectifs précis et d'une méthodologie claire
La deuxième étape consiste à établir des objectifs mesurables. L'auteur est d'avis qu'il n'est nécessaire de fixer que deux objectifs, même si le groupe de travail sur la planification peut en identifier davantage.
Comme premier objectif, le groupe de travail peut optimiser la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et du public à toutes les étapes du processus de retour au travail après un arrêt des activités en raison de la COVID-19. Le second objectif est de réaliser une reprise maximale des activités de l'entreprise, sans pour autant compromettre le premier objectif.
En élaborant des objectifs clairs, concis et pertinents, le groupe de travail sur la planification aura plus de facilité à assurer le suivi et ne compromettra pas la sécurité des travailleurs ou du public, tout faisant avancer l'organisation vers un retour au travail ordonné, sécuritaire et en conformité avec les lois après un arrêt des activités en raison de la COVID-19.
La méthodologie que nous recommandons consiste à évaluer le risque d'une exposition potentielle au virus de la COVID-19 sur le lieu de travail. Il faut identifier, évaluer et éliminer ou réduire le risque. Le risque associé au virus doit être parfaitement compris, soit objectivement, médicalement et en lien avec le lieu de travail. L'évaluation en est une du risque professionnel et non une évaluation en termes de santé publique. Par conséquent, dans le cadre de la préparation de la réouverture du lieu de travail après un arrêt des activités en raison de la COVID-19, il faut réduire, plutôt qu'éliminer, le risque et le risque d'exposition pour la santé connexe.
3. Cadre juridique du retour au travail après un arrêt des activités en raison de la COVID-19
La pandémie de COVID-19 est à la fois une crise sanitaire et une crise en matière de santé et de sécurité au travail. Elle touche les travailleurs, les consommateurs, les clients et, plus particulièrement, les résidents des établissements de santé, des foyers de soins infirmiers et des résidences pour personnes âgées. La gravité du risque, le défi de la comorbidité et les conséquences fatales de ne pas prendre des mesures adéquates pour faire face au risque dans les milieux de travail que sont les foyers de soins infirmiers, les résidences pour personnes âgées et les unités pour les maladies chroniques dépassent le propos du présent article. Par ailleurs, le présent article décrit la réouverture d'une entreprise ou d'un lieu de travail dont les activités ont été interrompues soit sur une base volontaire, soit par l'application de la législation en matière de gestion des urgences, en raison d'un risque déraisonnable perçu ou réel associé avec la poursuite des activités.
De l'avis de l'auteur, il y a trois principaux aspects au cadre législatif et juridique du retour au travail après un arrêt des activités en raison de la COVID-19. Chacun de ces trois principaux cadres législatifs est examiné ci-dessous.
Le premier cadre législatif, soit la législation en matière de gestion des urgences, invoquée par les provinces, a utilisé les pouvoirs applicables en temps de guerre dans le cadre de la pandémie de COVID-19 afin de contrôler la réouverture. Par exemple, en Ontario, la Loi sur la protection civile et la gestion des situations d'urgence (la « LPCGSU »)[6] a émis, par voie de règlement et de décret, de nombreuses orientations juridiques rigoureuses. De même, quant à la « réouverture » de l'économie et à la préparation d'un retour au travail après l'arrêt des activités en raison de la COVID-19, les employeurs ont besoin de se faire confirmer qu'ils sont légalement autorisés à faire revenir leurs employés au travail.
Certaines entreprises se sont adaptées en changeant une partie ou la totalité de leurs activités, selon la liste des entreprises essentielles/lieux de travail essentiels. Par exemple, un fabricant canadien de manteaux d'hiver et de vêtements d'extérieur d'une marque connue a changé une partie de ses activités afin de fabriquer des fournitures médicales, notamment des blouses et des masques. En s'adaptant, l'entreprise a pu poursuivre une partie de ses activités, alors qu'elle aurait autrement été obligée par la loi de cesser toutes ses activités, par l'application de décrets émis en vertu de la LPCGSU. Nous recommandons que les entreprises obtiennent des conseils juridiques à l'égard de leur capacité à faire revenir leurs employés au travail et du calendrier qu'elles comptent respecter pour le retour au travail. De nombreuses associations patronales, industrielles et commerciales ont été utiles en fournissant des conseils à leurs membres concernant cette question.
Le deuxième cadre législatif d'un plan de retour au travail doit comprendre un examen et une mise à jour des lignes directrices des autorités en matière de santé publique et, dans certains cas, des ordres juridiques. En Ontario, par exemple, la Loi sur la protection et la promotion de la santé (la « LPPS »)[7] confère au ministère de la Santé le pouvoir de gérer et de réglementer la santé publique et de communiquer ses préoccupations en matière de santé publique dans la province d'Ontario. Le rôle des autorités en matière de santé publique est essentiel pour ce qui est de fournir des avertissements, des conseils et de l'aide en matière de santé publique au public et à leurs ministères sur la façon de gérer la pandémie de la COVID-19. En vertu de la LPPS, le gouvernement a fait appel à son autorisation légale en vertu de la LPCGSU, afin de mettre en œuvre la suspension socio-économique des activités et des arrêts d'activités.
Pour le troisième cadre législatif, le groupe de travail sur la planification doit tenir compte de tous les aspects des lois en matière de SST en vigueur dans chaque territoire applicable où il y a une poursuite des activités des entreprises. En Ontario, par exemple, la Loi sur la santé et la sécurité au travail, L.R.O. 1990, chap. O.1, dans sa version modifiée (la « LSST »), est basée sur le système de responsabilité interne, avec des tâches, des droits et des responsabilités qui se chevauchent pour une variété d'intervenants en milieu de travail, et non pas juste les employeurs.
La conformité à la LSST dans tous les milieux de travail de l'Ontario est essentielle à la planification, à la préparation et à la participation au retour au travail pour tout lieu de travail. Ne pas comprendre et observer les dispositions détaillées de la LSST qui s'appliquent en vertu du système de responsabilité interne peut entraîner la mise en œuvre de mesures d'application par l'organisme de réglementation en SST. L'application de la LSST se fait par les pouvoirs législatifs des ordres des inspecteurs du ministère du Travail, de la Formation et du Développement des compétences qui exigent que le travail soit arrêté, que des changements soient apportés aux lieux de travail et que des actions en justice soient intentées contre les sociétés, les administrateurs et les dirigeants de l'organisme employeur.
Un autre aspect important des lois canadiennes en matière de SST auquel on ne porte pas attention est la façon dont ces lois s'appliquent aux propriétaires, aux locateurs, aux sociétés de gestion d'immeubles et aux locataires de ces immeubles dans lesquels on prépare les lieux de travail en vue d'un retour au travail. La pandémie de la COVID-19 a fait en sorte que ces fonctions d'intervenant pour toutes les parties qui sont propriétaires d'immeubles, qui les gèrent et qui les occupent sont plus importantes que jamais. Un retour au travail sécuritaire et bien géré après un arrêt des activités en raison de la COVID fera en sorte que les propriétaires, les locateurs et les sociétés de gestion d'immeubles s'engageront à respecter les lois et à adopter des pratiques exemplaires en matière de santé publique, établissant ainsi la diligence raisonnable, et à participer aux efforts allant dans ce sens.
4. Politique relative à la COVID-19 et programme de mise en œuvre
Les lois en matière de SST en vigueur au Canada exigent que les employeurs mettent en place une politique et un programme de mise en œuvre de la politique et de les revoir annuellement. Pendant la pandémie de COVID-19, les employeurs doivent, afin de s'assurer d'être en conformité avec les lois en matière de SST, élaborer une politique de préparation en cas de pandémie et un programme de mise en œuvre, ou étoffer leur politique et leur programme existants. Il ne s'agit pas de la même chose qu'un plan de continuité des activités, mais une telle politique et un tel programme peuvent faire partie de ce plan.
Les lois en matière de SST ne permettent pas à un employeur de simplement se fonder sur une politique générale en matière de SST et un programme connexe pour faire face au risque associé à la COVID-19. Bien que des associations de santé et sécurité aient fourni des documents d'orientation, ces derniers ne constituent pas des conseils juridiques ni ne peuvent être tout simplement adoptés par un employeur. Ils ne peuvent pas remplacer une politique et un programme propres à un milieu de travail visant à faire face au risque associé à la COVID-19 dans un milieu de travail donné.
Une politique relative à la COVID-19 devrait identifier les buts de la politique, les engagements que l'employeur prend envers les travailleurs et, de façon générale, qui doit assurer la mise en œuvre de la politique ou en être responsable.
Un programme de mise en œuvre de la politique relative à la COVID-19 est, quant à lui, plus détaillé et complexe que la politique. Le contenu du programme doit clairement mentionner qui est responsable de mettre en œuvre le programme et à qui reviennent les responsabilités et les rôles dans le cadre du programme. Il doit également prévoir les mesures liées à la santé et la sécurité au travail qui sont prises afin de protéger les travailleurs et les clients sur les lieux de travail et les lieux environnants.
L'efficacité d'un programme relatif à la COVID-19 peut se mesurer au degré avec lequel il parvient à répondre aux questions et aux préoccupations, et même à cerner les craintes, des travailleurs qui se voient demander de retourner au travail. L'auteur recommande d'inclure une section Foire aux questions (FAQ) dans leur programme, mis au point en collaboration avec le CMSS. Le présent article ne prétend pas traiter de chacun des éléments que doit inclure le programme relatif à la COVID-19. Toutefois, il est primordial qu'un employeur prépare un tel programme, propre aux lieux de travail qu'il vise, non seulement pour s'assurer qu'il respecte les lois, mais également pour être en mesure d'opposer un moyen de défense basé sur la diligence raisonnable devant les tribunaux, s'il est nécessaire d'en arriver là.
5. Préparation du lieu de travail
Les renseignements fournis par les épidémiologistes, les responsables de la santé publique, et les autres sources médicales confirment que le virus de la COVID-19 ne peut généralement pas survive à l'extérieur d'un hôte humain plus de 24 heures[8]. Par conséquent, si le lieu de travail a été fermé et qu'aucun travailleur n'y a mis les pieds pendant plus de 24 heures, il est peu probable qu'il y ait la présence du virus de la COVID-19 sur une quelconque surface du lieu de travail. Cela veut donc dire qu'un lieu de travail qui est rouvert après avoir été fermé pendant plus de 48 heures sera généralement exempt du virus de la COVID-19.
Toutefois, l'absence du virus ne signifie pas nécessairement que le lieu de travail est sain ou sécuritaire ou qu'il peut être rouvert. Par exemple, si des aliments ou des produits ont été laissés dans une épicerie ou un restaurant qui a été fermé, il pourrait y avoir accumulation de bactéries puis propagation du virus. Par conséquent, il est essentiel d'effectuer, en vue de la réouverture d'un lieu de travail et de la préparation d'un lieu de travail à cette fin, une évaluation détaillée de tous les risques professionnels, et non pas seulement le risque associé à la COVID-19.
L'évaluation traditionnelle des risques pour la santé et la sécurité au travail pourrait ne pas être suffisante pour la préparation d'un retour au travail après un arrêt des activités en raison de la COVID-19. Il est donc nécessaire que la méthodologie d'évaluation des risques utilisée par l'employeur soit détaillée, complète et probante. Elle doit permettre d'identifier, d'évaluer et d'éliminer ou de réduire le risque.
Un certain nombre de listes de vérification ont été élaborées pour aider les employeurs à préparer les lieux de travail en ayant recours à une évaluation des risques, et elles peuvent être obtenues auprès des associations en santé et sécurité au travail. Ces listes peuvent comprendre, sans s'y limiter, les points suivants :
- examiner les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation de l'immeuble et les risques qui y sont associés;
- envisager un nettoyage intensif et en profondeur de tout le lieu de travail, plus particulièrement les surfaces qui sont fréquemment touchées par les travailleurs et les visiteurs;
- identifier les points d'accès et de sortie, les endroits où il y a risque d'exposition et les contraintes spatiales afin de prévoir les mesures nécessaires pour respecter les règles d'éloignement physique;
- envisager de contrôler l'accès des travailleurs au lieu de travail en leur demandant de remplir un questionnaire à l'entrée;
- envisager des mesures pour la prise de température, notamment au moyen de lecteurs de température et de détecteurs, afin de vérifier s'il y a présence de fièvre, qui est l'un des principaux symptômes que peut présenter une personne infectée par le virus de la COVID-19;
- examiner l'aménagement et la conception du lieu de travail, les postes de travail et les déplacements effectués par les travailleurs dans le lieu de travail afin d'assurer une application maximale des règles d'éloignement physique;
- examiner les heures de travail et les horaires de travail, et envisager de réduire l'effectif sur place et d'augmenter l'éloignement physique dans le lieu de travail;
- prévoir et mettre en œuvre une hiérarchie des mesures à l'égard de la COVID-19 en tant que risque, afin de minimiser l'exposition à ce risque.
Une fois que tous ces points auront été couverts, l'essentiel sera en place pour la préparation d'un retour au travail rassurant et sécuritaire.
6. Préparation des travailleurs en vue d'un retour au travail
Le groupe de travail sur la planification doit communiquer avec les travailleurs afin de bien préparer leur retour au travail. La chose la plus importante que puisse faire l'employeur est de rassurer les travailleurs, avant leur retour, en les informant de toutes les mesures qu'il a prises pour préparer adéquatement la réouverture. Il est essentiel de communiquer de façon claire, concise et uniforme avec les travailleurs au fur et à mesure qu'évolue la préparation en vue de la réouverture. L'auteur recommande également que les deux objectifs qui ont été mentionnés à l'étape 2 ci-dessus soient réitérés par le groupe de travail sur la planification dans ses communications avec les travailleurs avant leur retour au travail.
Dans le cadre de ces communications, le groupe de travail sur la planification devrait mentionner qu'il a consulté le CMSS. Il devrait également mentionner les membres du CMSS qui ont participé au processus de planification.
Le groupe de travail sur la planification devrait également informer les travailleurs des changements apportés à l'aménagement du lieu de travail, des pratiques et des procédures adoptées en matière d'hygiène en milieu de travail, et des mesures relatives à l'accès au lieu de travail et à la sortie de celui-ci. Les détails concernant chaque lieu de travail précis doivent non seulement être présentés dans le programme relatif à la COVID-19, mais ils doivent également être communiqués aux travailleurs avant leur retour au travail. Nous recommandons une série de webinaires en ligne ou des réunions par vidéoconférence, qui serviront à informer les travailleurs du calendrier, des procédures et de la nouvelle apparence du lieu de travail bien avant sa réouverture. Nous recommandons au groupe de travail ou à l'employeur d'inviter les travailleurs à lui envoyer des questions, et de veiller à ce qu'un document FAQ soit créé puis amélioré et mis à jour au fur et à mesure que seront reçues les questions des travailleurs en vue du retour au travail.
Avant la date à laquelle les premiers travailleurs retourneront au travail, nous recommandons de transmettre aux travailleurs un questionnaire concernant la première journée de retour au travail et l'information sur les protocoles de contrôle. Il peut être très déconcertant pour un travailleur qui s'inquiète de sa santé et de sa sécurité en raison de la COVID-19 d'arriver au travail le premier jour et d'avoir la surprise de recevoir un questionnaire à remplir. D'autres incertitudes et questions juridiques concernant la protection de la vie privée pourraient être soulevées s'il y a une prise directe de la température ou l'utilisation d'une technologie permettant de détecter la température corporelle à distance aux points d'accès au lieu de travail.
Il est donc essentiel que le groupe de travail sur la planification laisse savoir aux travailleurs, à l'avance et de façon répétée, à quoi ressemblera le lieu de travail et quelles seront les règles à suivre au moment du retour au travail. Tout ceci, grâce à un plan de communication bien exécuté, peut également servir de base aux communications de ventes et de marketing à l'intention des clients. Les clients qui savent qu'un employeur prend soin de ses travailleurs en leur offrant un lieu de travail sécuritaire et qu'il communique bien avec eux auront en quelque sorte l'assurance que le processus d'évaluation du risque a eu lieu, que le lieu de travail est sécuritaire et, du même coup, surtout dans le cas d'un point de vente au détail, que le lieu de travail est sécuritaire pour accueillir de nouveau les clients.
7. Préparation à la prestation de services aux clients sur le lieu de travail
Cette étape est complémentaire à l'étape précédente, bien qu'elle mette l'accent sur la santé et sécurité des clients. Cette section ne vise pas à s'appliquer aux établissements de santé, aux foyers de soins infirmiers ni aux résidences pour personnes âgées, car, bien entendu, ils n'ont pas été fermés pendant la pandémie de COVID-19 et n'auront donc pas à rouvrir. Toutefois, ils devront faire l'objet d'une attention accrue et considérable de la part des gouvernements et des organismes de réglementation, étant donné le nombre élevé de cas de contamination et de décès qui sont survenus pendant la pandémie de COVID-19 dans ces établissements.
Le groupe de travail sur la planification doit exiger une évaluation du risque que représente le lieu de travail pour la santé et la sécurité des clients. La même méthodologie et la même hiérarchie des mesures d'atténuation et des contrôles en matière de SST que celles qui sont utilisées par les professionnels de la SST sur une base régulière pourraient s'appliquer pour les clients.
Puisque la COVID-19 pourrait être rapportée dans le lieu de travail par des clients, il est nécessaire que des mesures de contrôle fassent partie de la méthodologie d'évaluation générale du risque servant à préparer la réouverture du lieu de travail. Les membres de la direction responsables des ventes et du marketing qui font partie du groupe de travail sur la planification joueront un rôle essentiel à cette étape de préparation. Un plan de ventes et de marketing peut tenir compte de la susceptibilité et de l'imprévisibilité des clients en prévoyant des mesures de réduction du risque dans le cadre d'interactions avec les clients.
Il est primordial de communiquer efficacement l'information sur les nouvelles mesures adoptées, les règles d'éloignement physique à respecter dans une aire commerciale, les questions posées par le personnel de sécurité ou des ventes à l'entrée des clients et les messages adéquats que l'entreprise doit afficher pour informer les clients de son engagement envers leur santé, leur sécurité et leur bien-être.
Les mesures de prudence habituelles en matière de santé publique visant les clients doivent également être prises en considération. Ces mesures comprennent notamment les suivantes :
- l'éloignement physique;
- les mesures de protection contre la transmission par contact physique et les barrières séparant les travailleurs et les clients, y compris, notamment, les barrières de Plexiglas, les masques et les visières auxquels a recours le personnel;
- le nettoyage intensif et fréquent des surfaces qui sont souvent touchées sur le lieu de travail;
- l'observation rigoureuse du lavage des mains et des pratiques d'hygiène personnelle par l'employeur et communiquée aux clients;
- la fermeture temporaire des installations sanitaires.
Prendre à cœur la santé et la sécurité des clients n'est pas seulement une bonne pratique commerciale, c'est aussi une exigence de la loi. Les lois en matière de SST exigent que tout lieu de travail accueillant des clients (ou des patients) rende compte de l'attention qui est portée à la santé et à la sécurité des clients, autant qu'à celles des travailleurs[9]. Les lieux de travail multiusages à aménagement complexe, comme les magasins de vente au détail, les établissements d'enseignement et les installations de conditionnement physique, sont régis par les lois en matière de SST, ainsi que par les lignes directrices en matière de santé publique. S'il y a un risque pour un client de contracter la COVID-19, il y a aussi un risque potentiel pour un travailleur. Les lois en matière de SST peuvent indirectement protéger les clients, de même que les travailleurs.
8. Premier jour de retour au travail
Le premier jour de retour au travail pour les travailleurs qui ont été renvoyés chez eux ou qui ont fait du télétravail peut être associé à des sentiments d'inquiétude, d'anxiété et même de peur. La meilleure façon pour un employeur de préparer ses travailleurs pour cette première journée consiste à planifier, à préparer et à mettre en œuvre en fonction des résultats de l'évaluation du risque associé à la COVID-19, comme il est mentionné à l'étape 2 ci-dessus. Un autre élément qui est essentiel est la communication avec les travailleurs bien avant leur retour au travail, qui comprend un message cohérent lorsque les travailleurs remettent les pieds dans le lieu de travail pour la première fois depuis l'arrêt des activités en raison de la COVID-19.
Parmi les mesures pratiques que chaque employeur doit prendre, en conformité avec la politique relative à la COVID-19 et le programme de mise en œuvre connexe de l'employeur, se trouvent notamment les mesures suivantes :
- les travailleurs doivent remplir un questionnaire de dépistage, et le remettre soit avant leur arrivée sur le lieu de travail, soit dès leur arrivée;
- le questionnaire remis aux travailleurs doit reprendre les questions obligatoires mises de l'avant par les autorités de la santé, afin de s'assurer qu'il y ait une documentation suffisante sur les communications et le respect des nouvelles politiques de dépistage par l'employeur;
- l'employeur doit décider s'il y aura ou non une prise directe de la température ou l'utilisation d'une technologie permettant de détecter la température corporelle à distance dans le cadre du contrôle d'accès au lieu de travail;
- les superviseurs devraient accueillir les travailleurs à leur arrivée sur le lieu de travail, s'entretenir avec eux et leur fournir des directives;
- les superviseurs devraient revoir la liste de vérification, les directives et les nouvelles règles relatives au retour au travail visant tous les travailleurs sur place et devraient documenter les directives données;
- un représentant du groupe de travail sur la planification devrait adresser, en personne, par téléphone ou par vidéoconférence, un message de bienvenue aux travailleurs et leur rappeler l'engagement de l'organisation envers la santé et la sécurité des travailleurs et des clients;
- les travailleurs doivent recevoir des renseignements sur la façon dont ils doivent faire part de leurs questions, leurs préoccupations et leurs craintes au sujet de leur santé et de leur sécurité, ainsi que celle des clients, dans le lieu de travail;
- si une ligne téléphonique confidentielle a été réservée aux lanceurs d'alerte, alors qu'il n'y en avait pas auparavant, les travailleurs doivent pouvoir y avoir facilement recours dès le premier jour de retour au travail;
- les superviseurs devraient garder le contact avec les travailleurs durant la première journée, la première semaine et la période de transition vers le travail pendant la pandémie de COVID-19;
- les superviseurs devraient être soutenus par leurs gestionnaires et le groupe de travail de la planification pour leur supervision de première ligne du programme relatif à la COVID-19, et également pour leur santé émotionnelle et mentale.
Bien que les mesures susmentionnées ne constituent pas la liste de vérification complète, il est indéniable que le premier jour de retour au travail représentera un défi pour de nombreux travailleurs, employeurs et lieux de travail. L'évaluation du risque associé à la COVID-19 pourrait rendre compte du fait qu'il n'existe aucune façon d'éviter complètement l'incidence du risque associé à la COVID-19 sur les travailleurs dans le lieu de travail. Toutefois, avec la mise en place de l'évaluation rigoureuse du risque décrite ci-dessus et la vigilance et le soutien continus des travailleurs, l'application relativement calme, organisée et systématique du programme relatif à la COVID-19 garantira aux travailleurs que la direction et le groupe de travail sur la planification ont fait leur devoir et ont atteint les deux objectifs indiqués à l'étape 2.
9. Surveillance et application du programme relatif à la COVID-19
Le succès de toute pratique exemplaire en matière de SST repose sur un modèle de système géré. Cela exige la mise en place de mesures de surveillance, de supervision et d'application soutenues dans le cadre du système. Par exemple, il ne sert à rien d'installer un panneau de limite de vitesse en bordure d'une route pour empêcher la course de rue s'il n'y a personne pour surveiller la circulation sur la route, pour s'assurer que la loi est respectée et pour appliquer la loi. De même, la politique et le programme relatifs à la COVID-19 de l'employeur doivent faire l'objet de mesures de surveillance et de supervision et prévoir un mécanisme d'application afin d'être un système géré.
La surveillance s'exerce par des observations, des communications et des échanges constants entre les superviseurs et les travailleurs qui relèvent d'eux. Il y aura un rôle de supervision accrue dans le cadre de la mise en œuvre du programme relatif à la COVID-19. Une certaine marge de manœuvre doit être accordée aux superviseurs afin qu'ils obtiennent le soutien dont ils ont besoin et qu'ils soient délestés de certaines autres responsabilités non essentielles.
Les travailleurs peuvent également contribuer aux efforts de surveillance, en ayant recours à une ligne téléphonique réservée aux lanceurs d'alerte, dans un objectif de transparence collective. Il est peut-être temps pour les organisations d'envisager sérieusement la mise sur pied d'une ligne téléphonique réservée aux lanceurs d'alerte, qui permettrait à des personnes de donner des informations anonymes sur des infractions réelles et importantes à la politique relative à la COVID-19. Le fait que l'employeur a supporté des coûts supplémentaires pour l'établissement d'un mécanisme de dénonciation pourrait contribuer à établir ou à renforcer la défense basée sur la diligence raisonnable en matière de SST.
La supervision doit elle aussi entraîner des mesures de mise en application. Les mesures de soutien et d'encadrement à l'intention des travailleurs doivent encore être la voie à privilégier par rapport aux mesures disciplinaires. Toutefois, étant donné les conséquences graves pouvant découler du risque, un programme relatif à la COVID-19 se doit de prévoir également un mécanisme de responsabilité.
La politique et le programme doivent prévoir des mesures disciplinaires pour les travailleurs, pouvant aller jusqu'au congédiement, en tout dernier recours. Il ne faut pas que la COVID-19 se propage jusqu'aux lieux de travail. La santé et la sécurité des travailleurs et des clients dépendent de cette capacité à empêcher la propagation. La volonté de faire preuve de responsabilité par l'entremise de mesures disciplinaires doit être intégrée dans le programme, et doit être suivie d'effet s'il y a des infractions graves et continuelles de violation.
10. Réponses aux préoccupations et aux plaintes relatives à la COVID-19
Il y a trois types de réponses pour lesquelles les employeurs devraient se préparer avant la réouverture et qui concernent leur politique et leur programme relatifs à la COVID-19. Dans le premier groupe, on retrouve les réponses qui sont données aux questions posées de bonne foi par les travailleurs et les clients. Dans le deuxième groupe, on retrouve les réponses qui sont fournies lorsque les travailleurs et les clients se plaignent au sujet de certains éléments du programme relatif à la COVID-19, et de certaines pratiques et procédures avec lesquels ils ne sont pas d'accord. Dans le troisième groupe, on retrouve les réponses qui sont données lorsque, par exemple, un travailleur refuse carrément de travailler en évoquant le droit légal d'un travailleur, dans chaque territoire du Canada, de refuser de travailler s'il juge que ce n'est pas sécuritaire pour lui.
Les questions de bonne foi concernant certains aspects ou éléments du programme relatif à la COVID-19, posées avant et après le retour au travail des travailleurs, sont inévitables et devraient être bien accueillies. Les préoccupations du genre « où dois-je me procurer mon EPI » ou « pourquoi prend-on ma température avant que je n'entre dans le lieu de travail » sont normales, et les employeurs devraient s'y en attendre. Les employeurs devraient préparer des réponses à ces questions et préparer leurs superviseurs à en faire autant. Il peut être utile de préparer une section FAQ au sujet du programme et de la mettre à jour au besoin. Les questions démontrant un certain niveau d'engagement de la part des travailleurs représentent généralement une autre occasion pour l'employeur de communiquer sa préoccupation de bonne foi envers la santé et la sécurité des travailleurs et des clients.
L'employeur devrait également s'attendre à recevoir des plaintes dans le cadre du retour au travail après l'arrêt des activités en raison de la pandémie de COVID-19. Certains travailleurs formuleront des plaintes ou des objections au sujet des procédures courantes parce qu'ils ont pensé sérieusement à la question et sont d'avis que l'employeur ne traite pas adéquatement les éléments du programme relatif à la COVID-19 et certaines questions connexes. D'autres travailleurs pourraient comparer vos procédures en matière de retour au travail avec celles qui ont été adoptées par d'autres employeurs du même secteur et dont ils sont au courant, afin de déterminer si les choses se font différemment ou si elles sont mieux.
Les plaintes en elles-mêmes ne devraient pas être découragées. Toutefois, elles doivent être prises au sérieux et elles doivent faire l'objet d'un suivi et d'une enquête avant de recevoir une réponse. Les plaintes peuvent en effet être un signe important de l'insatisfaction des travailleurs à l'égard d'une partie ou de l'ensemble des aspects du programme relatif à la COVID-19. Les plaintes non résolues doivent être portées à l'attention du groupe de travail sur la planification et être traitées au niveau d'autorité le plus approprié.
Quant aux refus de travailler, l'auteur est d'avis qu'ils sont probablement inévitables. Dans le cadre de sa pratique du droit, il a eu à traiter diverses questions légales et situations de refus de travailler. Le point de départ pour l'examen de cette question est clairement le droit légal de chaque travailleur, en vertu des lois canadiennes en matière de la SST, de refuser d'effectuer un travail qui est non sécuritaire. Dans la plupart des territoires, le critère initial à atteindre pour avoir le droit de refuser de travailler est bas. Il s'agit d'avoir une impression subjective ou perçue que le travail n'est pas sécuritaire. Il n'est pas nécessaire d'avoir une preuve objective ou mesurable pour appuyer la position du travailleur, pour permettre au travailleur de refuser légitimement d'effectuer un travail qui n'est pas sécuritaire.
Dans son ouvrage intitulé Canadian Health & Safety Law[10], l'auteur a traité des différences législatives observées d'un territoire de compétence à un autre au Canada concernant le refus de travailler. Bien que la procédure varie un peu d'un territoire à l'autre, inutile de dire que le superviseur et l'employeur du travailleur ont l'obligation de prendre au sérieux tout refus de travailler d'un travailleur. Ce point est particulièrement important dans le contexte de la COVID-19.
Le processus du refus de travailler exige que l'employeur fasse une enquête et résolve la question à l'interne, selon le système de responsabilité interne. Les organismes de réglementation en SST du Canada ne comptent pas un nombre suffisant d'inspecteurs ou d'enquêteurs pour enquêter sur chaque refus de travailler qui survient dans chaque lieu de travail en raison de la pandémie de COVID-19.
Si la question ne peut être résolue à l'interne et que le travailleur continue à refuser d'effectuer un travail non sécuritaire, la loi exige que le travailleur ait un fondement objectif pour justifier son refus. En d'autres termes, si le superviseur et peut-être un expert technique ont examiné la préoccupation soulevée par le travailleur, en présence d'un travailleur qui est membre du CMSS, l'employeur a légitimement pris des mesures à l'égard de l'anxiété du travailleur par rapport à la COVID-19. Si la question n'est pas résolue à l'interne, elle sera résolue par un inspecteur en SST.
La décision se fonde habituellement sur l'évaluation de l'inspecteur en SST quant à savoir si l'objection du travailleur « mettrait vraisemblablement en danger le travailleur » ou non. L'inspecteur en SST n'a pas le droit d'ordonner au travailleur qui a refusé de travailler de retourner travailler. Toutefois, s'il n'y a aucun motif légitime de refuser de travailler, comme il en a été décidé par l'inspecteur en SST, le travailleur retournera vraisemblablement à son poste ou il fera l'objet d'une mesure disciplinaire prise par l'employeur.
Tous les types d'enquêtes susmentionnés : questions, plaintes et refus de travailler devraient être anticipés par le groupe de travail sur la planification. Le simple fait que l'un ou plusieurs de ces types d'enquêtes surviennent ne doit pas être perçu comme une indication que le programme relatif à la COVID-19 est inadéquat. Il se peut qu'il ne soit qu'une manifestation du niveau élevé d'anxiété, de préoccupation et de peur associé à la pandémie de COVID-19, que cette anxiété, préoccupation ou peur soit réelle ou imaginée.
11. Préparation, gestion et rapports en lien avec les préoccupations en matière de santé
La pandémie de COVID-19 a entraîné des centaines de milliers de cas d'infection, de cas de maladie et de décès à l'échelle mondiale. À l'ère numérique, la communication de cette information a atteint une vitesse étonnante. Tout ce tourbillon d'informations pourrait faire en sorte que les travailleurs se sentent quelque peu dépassés à la perspective de retourner au travail. Il serait important que le groupe de travail sur la planification, la haute direction ou les superviseurs qui interagissent avec les travailleurs ne perdent pas de vue ce détail.
Un des principaux enjeux auxquels doit se préparer le groupe de travail sur la planification est la possibilité qu'un travailleur obtienne un résultat positif au test de dépistage de la COVID-19. L'employeur doit donc prévoir, dans le cadre de son programme, un protocole de signalement.
Bien entendu, des accidents et des blessures en milieu de travail peuvent devoir être signalés aux autorités en SST, comme l'exigent les lois en matière de SST. Toute exposition pouvant entraîner une maladie grave ou à l'issue incertaine peut également faire l'objet de demandes d'indemnisation de la part d'un travailleur.
En plus des obligations de signalement prévues par la loi qui sont susmentionnées, il y a également l'obligation de signaler aux autorités locales de la santé de chaque province tous les cas présumés et confirmés d'infection par le virus de la COVID-19. Qui est responsable de ces signalements dans le lieu de travail?
L'autorité en santé publique pertinente peut changer d'un territoire à un autre au Canada. Pour savoir quelle information il doit inclure dans le document de son programme relatif à la COVID-19, l'employeur doit aller consulter le site Web de son autorité locale. Le programme relatif à la COVID-19 de l'employeur devrait fournir des renseignements simples, clairs et précis afin que la direction locale soit en mesure de gérer cette possibilité.
Enfin, les employeurs devraient élaborer un programme et une stratégie de communication pour informer leurs travailleurs lorsqu'il y a un cas présumé ou confirmé d'infection par le virus de la COVID-19. L'identité de la personne devrait rester confidentielle, dans la mesure du possible, mais les personnes qui travaillent dans la même aire de travail, sur le même étage ou au même emplacement de travail que la personne infectée devraient être avisées. Il s'agit d'une précaution raisonnable à prendre pour s'assurer que les personnes susceptibles d'avoir été exposées consultent un médecin, soient testées et, dans le cas d'un résultat positif, puissent s'isoler chez elles pendant 14 jours. Le groupe de travail sur la planification devrait faire appel à un médecin pour s'assurer que les lignes directrices médicales qui figurent dans le programme sont adéquates et sont conformes aux documents d'orientation des autorités en matière de santé publique.
12. Examen du système de gestion pour la politique et le programme relatifs à la COVID-19
Une caractéristique importante de tout système géré, qu'il s'agisse d'un système de gestion de la sécurité ISO 45001 ou d'un programme et d'une politique relatifs à la COVID-19 moins formels et rigoureux, est le principe « revoir, réviser et répéter ». Les étapes des trois « R » d'un système géré font en sorte que la planification et l'exécution résultent en une boucle de rétroaction permettant d'assurer la fiabilité, la précision et l'efficacité du système géré. Par ailleurs, lorsqu'il est nécessaire d'apporter des changements, des changements doivent être immédiatement apportés à la politique, au programme et aux communications aux travailleurs et à leurs superviseurs.
Il est inutile de dire que, dans les lois en matière de SST, la preuve nécessaire pour établir la défense basée sur la diligence raisonnable est la mise en vigueur par l'employeur de son programme relatif à la COVID-19.
La défense basée sur la diligence raisonnable ne nécessite pas l'application d'une norme de perfection, mais plutôt l'application d'une norme de raisonnabilité. En d'autres termes, il s'agit de vérifier si l'employeur a pris toutes les précautions raisonnables dans les circonstances en vue d'assurer la protection des travailleurs. Toutefois, un programme relatif à la COVID-19 est inadéquat s'il n'arrive pas à obtenir des renseignements sur son inefficacité, par des questions, des plaintes ou des refus de travailler, et s'il n'est pas possible de le modifier. Le risque potentiel que représente la COVID-19 demande nécessairement que les employeurs concentrent leurs efforts sur l'application rigoureuse du programme relatif à la COVID-19, seulement dans la mesure où il est établi et communiqué adéquatement et où il est bien connu des travailleurs. Par conséquent, pour être vraiment efficace, le programme doit vraiment devenir un système géré dynamique.
Tout ce qui précède doit sembler bien déconcertant pour les personnes qui ne sont pas des professionnels du domaine de la SST, mais c'est ce qui fait partie des spécialités des professionnels du domaine de la SST, y compris des personnes qui ont obtenu la certification CRSP. Comprendre que le risque que représente la COVID-19 est un risque professionnel et qu'il est possible de le gérer en ayant recours aux 12 étapes susmentionnées est un moyen efficace d'apaiser les préoccupations des gens, de réduire l'anxiété et de réduire les craintes. Une approche de système géré pour un risque professionnel tel que la COVID-19, comme pour tous les autres risques professionnels, permettra de réduire considérablement le risque de transmission, d'infection et d'effets indésirables sur la santé pour les travailleurs et les clients.
Conclusion
Comme recommandation finale, je me permets de vous rappeler l'importance des deux objectifs mentionnés à l'étape 2 aux fins de la préparation et de la mise en œuvre de la réouverture de vos lieux de travail. Objectif no 1 : optimiser la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et du public. Objectif no 2 : réaliser une reprise maximale des activités de l'entreprise, sans pour autant compromettre le premier objectif.
Cette ligne directrice sera fort utile pour le chef de la direction, le groupe de travail sur la planification et l'employeur lorsqu'ils seront évalués compte tenu des lois en matière de SST, de la conformité aux lois, des pratiques exemplaires et de l'établissement de la défense basée sur la diligence raisonnable.
[1] Les expressions « entreprise essentielle » et « lieu de travail essentiel » ont été utilisées afin de désigner les entreprises, les lieux de travail, les organisations et les activités qui n'ont pas été visés par un décret d'un gouvernement exigeant la cessation et l'arrêt des activités pendant la pandémie de COVID-19.
[2] Tanu Singhal, « A Review of Coronavirus Disease-2019 » (disponible en anglais seulement) (2020) 87:4 Indian J Pediatr 281,
[3] W Guan, et al., « Clinical Characteristics of Coronavirus Disease 2019 in China » (disponible en anglais seulement) (2020) 382:18 N Engl J Med 1708.
[4] Organisation mondiale de la Santé, « Questions fréquentes sur les nouveaux coronavirus » (2020)
[5] La certification CRSP® est un type de certification largement accepté par l'industrie et le gouvernement au Canada.
[6] Loi sur la protection civile et la gestion des situations d'urgence, L.R.O. 1990, chap. E.9
[7] Loi sur la protection et la promotion de la santé, L.R.O. 1990, chap. H.7
[8] « [Traduction] Ces données peuvent varier selon différentes conditions, comme le type de surface, la température ou l'humidité relative ambiante. Le virus peut être viable jusqu'à quatre heures sur une surface en cuivre, 24 heures sur du carton et deux-trois jours sur du plastique ou de l'acier inoxydable », van Doremalen N, Bushmaker T, Morris DH, et al., «Aerosol and Surface Stability of SARS-CoV-2 as Compared with SARS-CoV-1 ». The New England Journal of Medicine. (disponible en anglais seulement).
[9] Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, paragraphe 219(1)
[10] Canadian Health & Safety Law. Thomson Reuters, édition annuelle en feuilles mobiles (mise à jour), Norm Keith, B.A., J.D., LL.M., CRSP
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