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Alors que les traités modernes se multiplient, comment l’obligation de consultation devrait-elle tenir compte des droits issus de traités d’autres peuples autochtones?

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Bulletin Droit autochtone

Le 27 juillet 2020, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a publié sa décision dans le dossier Gamlaxyeltxw v. British Columbia (Minister of Forests, Lands & Natural Resource Operations), 2020 BCCA 215. Le tribunal a rejeté un appel intenté par les chefs héréditaires Gitanyow par suite de l’échec d’un contrôle judiciaire quant à la décision prise par le ministère en vertu du traité Nisga’a.

Cette affaire concernait le contrôle judiciaire de deux décisions du ministre des Forêts, des Terres et de l’Exploitation des ressources naturelles de la Colombie-Britannique datant de 2016. Les décisions en question portaient sur le plan de gestion de la faune dans la région faunique du Nass. La région faunique du Nass fait partie du territoire couvert par l’entente finale Nisga’a et empiète sur les revendications territoriales d’autres peuples autochtones, y compris les Gitanyow.

En octobre 2016, le ministre a approuvé des décisions concernant la récolte permise d’orignaux et le plan de gestion de la faune aux termes de l’entente finale Nisga’a. Le ministre avait consulté les Gitanyow au sujet de la récolte permise d’orignaux, mais avait omis de le faire quant au plan de gestion de la faune. Le plan de gestion de la faune découle du traité Nisga’a et porte sur les méthodes et les limites quant à la récolte par les Nisga’a de certaines espèces désignées. L’une d’entre elles est l’orignal; le plan de gestion précise, entre autres sujets, les critères d’âge et de sexe à respecter pour faire la récolte légale d’orignaux dans les limites générales permises.

Les chefs héréditaires Gitanyow affirmaient d’abord que la consultation au sujet de la récolte permise d’orignaux avait été inadéquate, puis que l’obligation de consultation n’avait pas été respectée quant au plan de gestion de la faune.

La Cour suprême de la Colombie-Britannique[1] a déterminé que le ministère avait adéquatement consulté les Gitanyow concernant la récolte permise. En outre, le tribunal a déterminé qu’aucune obligation de consultation n’était due aux Gitanyow concernant le plan de gestion de la faune.

Fait à noter, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a alors proposé de modifier les critères de l’arrêt Haïda, établis de longue date, pour prendre en compte les droits conférés par le traité Nisga’a. L’arrêt Haïda est l’arrêt de principe dans lequel la Cour suprême du Canada a établi les trois critères pour déterminer l’application et la portée de l’obligation de consultation. Dans le cas présent, le tribunal proposait d’ajouter un quatrième critère lorsque des droits conférés par un traité étaient en cause : « est-ce que la reconnaissance que la Couronne a une obligation de consultation… serait incompatible avec les devoirs et les responsabilités [de la Couronne] en vertu du traité… d’une façon qui pourrait avoir une incidence défavorable sur les droits de la nation [avec laquelle le traité a été conclu]? » [traduction][2] La Cour d’appel n’a pas suivi cette position et a plutôt confirmé que les critères de l’arrêt Haïda sont adéquats tels que formulés.

La Cour d’appel rejette la modification aux « critères de l’arrêt Haïda »

Bien qu’ en accord avec l’issue du jugement de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, la Cour d’appel a rejeté sa proposition de modifier les critères de l’arrêt Haïda. Le tribunal a statué que les trois critères étaient suffisamment flexibles pour évaluer l’obligation de consultation de la Couronne lorsque s’opposent des droits issus de traités et des droits ancestraux, cela ayant été démontré à de nombreuses reprises au cours des quinze années précédentes.

La Cour d’appel a maintenu qu’aucune obligation de consultation n’était requise envers les Gitanyow en ce qui a trait à l’approbation du plan de gestion de la faune étant donné que le plan concernait uniquement les citoyens Nisga’a et n’avait aucune incidence sur des personnes qui ne faisaient pas partie des Nisga’a. Par ailleurs, le tribunal a établi qu’il n’y avait aucun lien de causalité évident entre le plan de gestion de la faune et l’accès aux orignaux pour le peuple Gitanyow.

Le tribunal a ajouté que l’obligation de consulter le peuple Gitanyow avait été remplie par le ministre concernant la récolte permise d’orignaux. Le ministre était en relation avec les Gitanyow avant la publication de sa décision et, même s’il n’a pas acquiescé à leurs demandes, la consultation était suffisante. La Cour d’appel a conclu que les décisions du ministre étaient étroitement liées, puisque les doutes exprimés par les Gitanyow portaient sur la pérennité de la population d’orignaux et sur leur propre capacité à chasser l’orignal. Le tribunal a donc déterminé que ces doutes avaient été pris en compte par le ministre lors de sa prise de décision.

Répercussions : le risque de conflit avec d’autres droits conférés par des traités n’annule pas l’obligation de consulter d’autres peuples qui ont des droits revendiqués

Cette décision renforce l’importance et la souplesse des critères de l’arrêt Haïda et offre des lignes directrices précises quant à la voie à suivre lorsque des droits autochtones revendiqués et des droits issus de traités se chevauchent ou s’opposent. Le tribunal a noté qu’« il peut exister des circonstances lors desquelles l’accommodement d’un droit revendiqué ne peut pas être réalisé sans interférer avec un droit établi dans un traité » [traduction][3]. Toutefois, le risque de conflit ne signifie pas que la Couronne doit manquer à son obligation de consulter le groupe autochtone qui revendique ce droit. La consultation peut quand même être requise et le conflit avec le droit existant issu de traité sera géré selon ce que la Couronne peut offrir comme accommodement selon les circonstances. 


[1] Gamlaxyeltxw v. British Columbia (Minister of Forests, Lands & Natural Resource Operations), 2018 BCSC 440.

[2] Gamlaxyeltxw v. British Columbia (Minister of Forests, Lands & Natural Resource Operations), 2018 BCSC 440 at para. 224.

[3] Gamlaxyeltxw v. British Columbia (Minister of Forests, Lands & Natural Resource Operations), 2020 BCCA 215 at para. 67.

 

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Auteurs

  • Kevin O'Callaghan, Associé, Vancouver, BC, +1 604 631 4839, kocallaghan@fasken.com
  • Samuel Geisterfer, Avocat, Vancouver, BC, +1 604 631 3239, sgeisterfer@fasken.com

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