Dans une brève décision plutôt surprenante, mais extrêmement significative et importante, la Cour d'appel de l'Ontario s'est penchée sur la validité d'une clause de cessation d'emploi divisée en deux parties dans un contrat de travail. La première partie portait sur la cessation d'emploi pour motif valable, tandis que la seconde avait pour objet la cessation d'emploi sans motif valable. Chaque partie faisait l'objet d'une clause distincte
dans le contrat. Le tribunal a statué que les deux parties devaient être lues comme un tout et que toutes les parties de la disposition relative à la cessation d'emploi, y compris la clause de cessation d'emploi sans motif valable, étaient nulles et non exécutoires étant donné que la clause de cessation d'emploi pour motif valable ne respectait pas la Loi de 2000 sur
les normes d'emploi (la « LNE »). En outre, la Cour a décidé que la clause de divisibilité du contrat ne pouvait pas avoir pour effet de séparer la partie non valide de la clause de cessation d'emploi – au contraire, il a statué que les deux parties de la clause de cessation d'emploi devaient être lues comme un tout et les clauses de divisibilité n'ont aucun effet sur les clauses d'un contact qui ont été rendues
nulles par la loi.
Il s'agit de l'affaire Waksdale c. Swegon North America Inc. (en anglais seulement).
Le demandeur était directeur des ventes pour une société qui produisait et distribuait des systèmes de ventilation et de climatisation intérieure à faible consommation d'énergie. Il a conclu un contrat de travail le 20 décembre 2017, a commencé à travailler le 8 janvier 2018 et a été congédié sans motif valable le 18 octobre 2018. Il a reçu deux semaines de salaire lorsque
son contrat de travail a pris fin, conformément aux termes de ce dernier. La société n'a pas allégué de motif pour son congédiement.
Le contrat de travail prévoyait deux clauses relatives à la cessation d'emploi. La première clause traitait de la cessation d'emploi pour motif valable. Il s'agissait d'une disposition longue et exhaustive qui énumérait neuf motifs de fin d'emploi, dont le neuvième, à savoir « toute question reconnue par les tribunaux pour justifier une cessation d'emploi pour motif valable ». Il est important de noter que la clause sur la cessation d'emploi
pour motif valable ne respectait pas la norme la plus élevée concernant le caractère délibéré de la cessation d'emploi pour motif valable prévue par la LNE.
La deuxième clause portait sur la cessation d'emploi sans motif valable et prévoyait notamment ce qui suit :
« Vous convenez qu'en cas de cessation d'emploi sans motif valable, vous recevrez un préavis d'une semaine ou une indemnité tenant lieu de préavis, en plus du préavis ou de l'indemnité minimale tenant lieu de préavis et de l'indemnité de cessation d'emploi prévue par la Loi de 2000 sur les normes d'emploi, dans sa version modifiée… »
À la suite de sa cessation d'emploi, le demandeur a intenté une poursuite pour congédiement injustifié. Il a fait valoir qu'il avait droit à six mois de salaire tenant lieu de préavis pour ses huit mois d'emploi.
Une requête en jugement sommaire a été déposée devant la Cour supérieure de justice de l'Ontario. Le demandeur demandait le paiement de six mois de salaire, tandis que le défendeur demandait le rejet de l'action.
Même si le demandeur n'a pas été congédié pour motif valable, il a fait valoir que la clause de cessation d'emploi pour motif valable enfreignait la LNE et était donc nulle et non exécutoire. Il a en outre fait valoir que la clause non valide rendait l'ensemble du contrat nul et non exécutoire ou, à tout le moins, qu'elle rendait les deux clauses de cessation d'emploi du contrat nulles et non exécutoires.
La société a reconnu que la clause de cessation d'emploi pour motif valable violait la LNE et était donc non exécutoire. Toutefois, elle a fait valoir que ce point n'était pas en cause dans cette affaire de congédiement injustifié, car le demandeur n'avait pas été congédié pour motif valable et la clause invalide ne concernait pas la clause de cessation d'emploi avec préavis.
Le juge de première instance a donné raison à la société et a rejeté l'action.
Le demandeur a fait appel de la décision du juge de première instance auprès de la Cour d'appel et dans une décision unanime rendue le 17 juin 2020, le banc de trois juges de la Cour d'appel a infirmé la décision. La Cour d'appel a statué que les dispositions relatives à la cessation d'emploi du contrat étaient nulles et non exécutoires et a renvoyé l'affaire au juge de première instance pour qu'il
détermine le montant des dommages-intérêts du demandeur, qui serait désormais déterminé conformément à la common law.
La Cour d'appel a déterminé que le juge de première instance avait commis une erreur dans son interprétation du contrat de travail. Elle a déclaré que les dispositions relatives à la cessation d'emploi figurant dans le contrat devaient être lues dans leur ensemble et non pas en fragment, sans tenir compte de leur effet combiné, ce que le juge de première instance avait fait à tort. L'approche analytique correcte,
a déclaré la Cour, « consiste à déterminer si les dispositions relatives à la cessation d'emploi dans un contrat de travail lu dans son ensemble violent la LNE ».
Le tribunal a poursuivi en déclarant qu'« il importe peu que les dispositions de cessation d'emploi se trouvent à un seul endroit dans le contrat, qu'elles soient séparées ou qu'elles soient liées d'une autre manière de par leurs termes ».
Enfin, la Cour d'appel a rejeté l'argument de la société selon lequel la clause de divisibilité du contrat devrait être appliquée pour annuler la disposition relative à la cessation d'emploi pour motif valable et préserver la disposition relative à la cessation d'emploi avec préavis. À cet égard, le tribunal a déclaré qu'« une clause de divisibilité ne peut avoir aucun effet
sur les clauses d'un contrat qui ont été rendues nulles par la loi... Ayant conclu que la disposition relative à la cessation d'emploi pour motif valable et la disposition relative à la cessation d'emploi avec préavis doivent être interprétées ensemble, la clause de divisibilité ne peut s'appliquer pour séparer la partie des dispositions de cessation d'emploi qui contrevient à la loi ».
Cette décision va avoir une incidence énorme sur la force exécutoire des contrats d'emploi. La plupart des contrats d'emploi prévoient des clauses relatives à la cessation d'emploi pour motif valable ainsi qu'à la cessation d'emploi avec préavis.
Par le passé, les affaires portant sur le caractère exécutoire ou non d'une disposition concernaient, dans leur la grande majorité, la disposition relative à la cessation d'emploi avec préavis. Si cette disposition était jugée contraire à la LNE, elle était alors nulle et non exécutoire et la norme de common law relative au « préavis raisonnable » devenait alors applicable.
Désormais, à la suite de la décision de la Cour d'appel, les clauses de cessation d'emploi pour motif valable vont être soigneusement examinées dans chaque cas. Selon la Cour d'appel, il s'agit de « déterminer si les dispositions relatives à la cessation d'emploi d'un contrat de travail lues dans leur ensemble contreviennent à la LNE ».
En Ontario, la question de savoir si une clause de cessation d'emploi pour motif valable enfreint la LNE est déterminée en examinant si la clause en question enfreint ce qui est prévu par le Règlement de l'Ontario 288/01. Ce règlement énonce les situations ou les circonstances dans lesquelles un employé peut être mis à pied
sans préavis.
La partie de ce règlement qui s'applique est celle de l'alinéa 2(1) 3 qui stipule qu'un préavis de licenciement n'est pas nécessaire dans le cas des « employés coupables d'un acte d'inconduite délibérée, d'indiscipline ou de négligence volontaire dans l'exercice de leurs fonctions qui n'est pas frivole et que l'employeur n'a pas toléré ».
Si une disposition d'un contrat de travail prévoit qu'un employé peut être licencié pour une raison particulière qui ne correspond pas exactement aux termes de l'alinéa 2(1) 3 du Règlement 288/01, cette disposition peut être considérée comme étant contraire à la LNE. Si tel était le cas, non seulement la disposition relative à la cessation d'emploi pour motif valable serait nulle et
non exécutoire, mais également la disposition relative à la cessation d'emploi avec préavis, à la suite de la décision rendue dans l'affaire Waksdale.
Prenons l'exemple suivant. L'un des motifs énumérés dans une disposition relative à la cessation d'emploi pour motif valable figurant dans un contrat de travail est le suivant : « Le défaut d'informer immédiatement la direction de la réception de cadeaux ou de faveurs d'une valeur supérieure à 100 dollars par an. » (Ce motif était énoncé dans le contrat de travail de Waksdale)
Si un employé reçoit un chèque-cadeau de 101,00 $ d'un client, mais omet de le signaler à la direction ou le signale en retard, cet employé serait, selon le libellé strict de la clause, en violation de la clause parce qu'il a omis de signaler le cadeau « immédiatement » et serait donc sujet à un licenciement pour motif valable sans préavis ni indemnité tenant lieu de préavis. Toutefois,
si cela se produisait en Ontario, l'employé ferait très probablement valoir que ses actions ne correspondent pas à un motif énoncé à l'alinéa 2(1) 3 du Règlement 288/01 soit parce que ces actions n'étaient pas délibérées (il peut avoir simplement oublié de faire le rapport), soit parce qu'elles étaient frivoles.
Si un tribunal acceptait l'argument de l'employé, alors la clause particulière en question dans la clause de cessation d'emploi pour motif valable violerait la LNE et l'effet concret de cette situation, à la suite de l'affaire Waksdale, serait que toutes les dispositions de cessation d'emploi dans le contrat de travail seraient illégales, y compris la clause de cessation d'emploi avec préavis.
Malheureusement, il semble que ce soit là un effet de la décision rendue dans l'affaire Waksdale.
Ce résultat ne semble pas tout à fait juste. Un employé et un employeur peuvent avoir négocié un contrat de travail qui prévoit des salaires et des avantages très généreux ainsi que d'autres avantages indirects pour l'employé, alors que la contrepartie était une durée de préavis plus généreuse que celle prévue par la LNE, mais pas aussi généreuse que ce qu'un employé
pourrait recevoir en vertu de la common law. Si les parties ajoutent à leur clause de cessation d'emploi pour motif valable une disposition qui enfreint la LNE, il ne semble pas juste que la période de préavis que les parties avaient négociée devienne nulle et qu'un employé puisse désormais prétendre à un préavis en vertu de la common law s'il est licencié pour des raisons autres qu'un motif valable alors qu'il a déjà
bénéficié des salaires, avantages et autres avantages très généreux que prévoyait le même contrat de travail.
Nous ne savons pas encore si la décision de la Cour d'appel va être portée en appel devant la Cour suprême du Canada et, dans l'affirmative, si celle-ci acceptera de l'entendre.
Entre-temps, les employeurs devraient examiner leurs contrats de travail pour voir s'il existe des problèmes potentiels d'exécution des dispositions relatives à la cessation d'emploi à la lumière de la décision rendue dans l'affaire Waksdale. Si vous avez le moindre doute, n'hésitez pas à nous demander conseil. S'il existe des problèmes relatifs à l'applicabilité, une analyse des risques devrait être effectuée
et l'une des options pour faire face à une situation de risque important serait de négocier un contrat révisé. Il convient toutefois de préciser que l'employeur devra peut-être accorder une contrepartie supplémentaire si un nouveau contrat doit être conclu.